🟦 Ordonnance du 6 avril 2022 renforçant l’autonomie des travailleurs indépendants des plateformes de mobilité, portant organisation du dialogue social de secteur et complétant les missions de l’Autorité des relations sociales des plateformes d’emploi

Références

NOR : MTRT2205449R
ELI : https://www.legifrance.gouv.fr/eli/ordonnance/2022/4/6/MTRT2205449R/jo/texte
Alias : https://www.legifrance.gouv.fr/eli/ordonnance/2022/4/6/2022-492/jo/texte
Source : JORF n°0082 du 7 avril 2022, texte n° 25
Rapport au Président de la République : JORF n°0082 du 7 avril 2022, texte n° 24

En-tête

Le Président de la République,
Sur le rapport du Premier ministre et de la ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion,
Vu la Constitution, notamment son article 38 ;
Vu le code civil, notamment l’article 2238 ;
Vu le code de commerce, notamment les articles L. 461-1 et L. 462-1 ;
Vu le code de justice administrative, notamment son article R. 123-20 ;
Vu le code de la sécurité sociale, notamment les articles L. 911-1 et L. 911-2 ;
Vu le code des transports, notamment les articles L. 1326-2 et L. 1326-4 ;
Vu le code du travail ;
Vu la loi du 1er juillet 1901 modifiée relative au contrat d’association ;
Vu la loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l’organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative, notamment son article 21-3 ;
Vu la loi n° 2022-139 du 7 février 2022 ratifiant l’ordonnance n° 2021-484 du 21 avril 2021 relative aux modalités de représentation des travailleurs indépendants recourant pour leur activité aux plateformes et aux conditions d’exercice de cette représentation et portant habilitation du Gouvernement à compléter par ordonnance les règles organisant le dialogue social avec les plateformes, notamment son article 2 ;
Le Conseil d’Etat (section sociale) entendu ;
Le conseil des ministres entendu,
Ordonne :

Article 1

Le chapitre VI du titre II du livre III de la première partie du code des transports est ainsi modifié :
1° A l’article L. 1326-2 :
a) Au premier alinéa :

– après les mots : « la distance couverte par cette prestation », sont insérés les mots : « , la destination » ;
– il est ajouté les mots : « Elles laissent aux travailleurs un délai raisonnable pour accepter ou refuser la prestation proposée. » ;

b) Au second alinéa, après les mots : « notamment pas », sont insérés les mots : « suspendre ou » ;
2° L’article L. 1326-4 est remplacé par les dispositions suivantes :

« Art. L. 1326-4. – Les plateformes mentionnées à l’article L. 1326-1 assurent aux travailleurs y ayant recours pour leur activité les droits suivants :
« 1° Les travailleurs choisissent leurs plages horaires d’activité et leurs périodes d’inactivité, et peuvent se déconnecter durant leurs plages horaires d’activité ;
« 2° Pour l’exécution de leurs prestations :
« a) Les travailleurs ne peuvent se voir imposer l’utilisation d’un matériel ou d’un équipement déterminé, sous réserve des obligations légales et réglementaires en matière notamment de santé, de sécurité et de préservation de l’environnement ;
« b) Les travailleurs peuvent recourir, simultanément, à plusieurs intermédiaires ou acteurs de mise en relation avec des clients en vue de la réalisation de ces prestations ou commercialiser, sans intermédiaire, les services de transport qu’ils exécutent ;
« c) Les travailleurs déterminent librement leur itinéraire au regard notamment des conditions de circulation, de l’itinéraire proposé par la plateforme et le cas échéant du choix du client.
« L’exercice des droits énumérés au présent article ne peut, sauf abus, engager la responsabilité contractuelle des travailleurs, constituer un motif de suspension ou de rupture de leurs relations avec les plateformes, ni justifier de mesures les pénalisant dans l’exercice de leur activité. Toute stipulation contraire est réputée non écrite.
« Ces dispositions ne font pas obstacle au recours à une application dédiée mise à disposition par la plateforme. »

 

Article 2

 

Le chapitre III du titre IV du livre III de la septième partie du code du travail est complété par les dispositions suivantes :

« Section 3
« Représentation des plateformes faisant appel à des travailleurs indépendants

« Sous-section 1
« Organisations professionnelles de plateformes

« Art. L. 7343-21. – Pour l’application du présent chapitre, sont considérées comme des organisations professionnelles représentant les plateformes mentionnées à l’article L. 7342-1 :
« 1° Les syndicats professionnels mentionnés à l’article L. 2131-1 et leurs unions mentionnées à l’article L. 2133-2 lorsque la défense des intérêts de ces plateformes dans leurs relations avec les travailleurs mentionnés à l’article L. 7341-1 entre dans leur objet social ;
« 2° Les associations constituées conformément aux dispositions de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association lorsque la représentation de ces plateformes et la négociation des conventions et accords qui leur sont applicables dans leurs relations avec les travailleurs mentionnés à l’article L. 7341-1 entre dans leur objet social.

« Sous-section 2
« Représentativité des organisations professionnelles de plateformes

« Art. L. 7343-22. – La représentativité, au niveau du secteur considéré, des organisations professionnelles de plateformes est déterminée d’après les critères cumulatifs suivants :
« 1° Le respect des valeurs républicaines ;
« 2° L’indépendance ;
« 3° La transparence financière. Ce critère est satisfait, notamment, lorsque le syndicat ou l’association s’acquitte des obligations définies aux articles L. 2135-1 à L. 2135-6 ;
« 4° Une ancienneté minimale d’un an dans le champ professionnel des plateformes mentionnées au premier alinéa et au niveau national. Cette ancienneté s’apprécie à compter de la date de dépôt légal de statuts conférant à l’organisation candidate vocation à représenter les plateformes mentionnées au premier alinéa dans leurs relations avec les travailleurs définis à l’article L. 7341-1 ;
« 5° L’influence, qui s’apprécie au regard de l’activité et de l’expérience de l’organisation en matière de représentation des plateformes mentionnées au premier alinéa ;
« 6° L’audience, mesurée tous les quatre ans, qui s’apprécie en tenant compte :
« a) A hauteur de 30 %, du nombre de travailleurs des plateformes adhérentes à l’organisation candidate rapporté au nombre total de travailleurs de l’ensemble des plateformes adhérentes aux organisations candidates du secteur qui remplissent les conditions d’ancienneté et de nombre de prestations fixées à l’article L. 7343-7 ;
« b) A hauteur de 70 %, du montant des revenus d’activité mentionnés à l’article L. 1326-3 du code des transports générés par les plateformes adhérentes à l’organisation candidate, rapporté au montant total des revenus générés par les plateformes adhérentes à l’ensemble des organisations candidates au titre des activités accomplies par les travailleurs en lien avec les plateformes du secteur.
« Pour le calcul de l’audience, ne sont prises en compte que les entreprises à jour de leurs cotisations. L’audience résultant de ce calcul doit être au moins égale à 8 %.

« Art. L. 7343-23. – Pour l’établissement de leur représentativité en application de la présente section, les organisations mentionnées à l’article L. 7343-21 présentent leur candidature à l’Autorité des relations sociales des plateformes d’emploi mentionnée à l’article L. 7345-1. Le directeur général de l’Autorité des relations sociales des plateformes d’emploi procède aux vérifications nécessaires au contrôle des critères définis à l’article L. 7343-22 auprès des plateformes.
« Pour l’appréciation du respect du critère visé au 6° de l’article L. 7343-22, l’Autorité des relations sociales des plateformes d’emploi est rendue destinataire des données relatives au nombre total de travailleurs sous contrat avec les plateformes adhérant aux organisations candidates et remplissant les conditions d’électorat fixées à l’article L. 7343-7 ainsi que celles relatives au montant des revenus perçus par ces travailleurs au titre de leur activité en lien avec les plateformes précitées.
« Le directeur général de l’Autorité des relations sociales des plateformes d’emploi fixe les modalités d’organisation du recueil des informations permettant d’établir la représentativité des organisations.

« Art. L. 7343-24. – La liste des organisations mentionnées à l’article L. 7343-21 reconnues représentatives au niveau des secteurs mentionnés à l’article L. 7343-1 est arrêtée, au nom de l’Etat, par le directeur général de l’Autorité des relations sociales des plateformes d’emploi, après avis de son conseil d’administration.

« Art. L. 7343-25. – Un décret en Conseil d’Etat définit les modalités d’application de la présente sous-section, notamment en ce qui concerne l’exercice de ses attributions par le directeur général de l’Autorité des relations sociales des plateformes d’emploi.

« Sous-section 3
« Désignation des représentants

« Art. L. 7343-26. – Les organisations reconnues représentatives auprès des plateformes en application de l’article L. 7343-24 désignent un nombre de représentants déterminé par décret.

« Section 4
« Organisation du dialogue social et de la négociation de secteur

« Sous-section 1
« Champ d’application et objet des accords collectifs de secteur

« Art. L. 7343-27. – Les dispositions de la présente section sont applicables aux plateformes des secteurs d’activité mentionnés à l’article L. 7343-1, ci-après désignées « plateformes », et aux travailleurs indépendants recourant à ces plateformes tels que définis à l’article L. 7341-1, ci-après désignés « travailleurs ».

« Art. L. 7343-28. – Des accords, ci-après désignés « accords collectifs de secteur », peuvent être conclus au niveau des secteurs d’activité mentionnés à l’article L. 7343-1. Ils peuvent notamment porter sur l’ensemble des conditions de travail, de rémunération et d’exercice de l’activité professionnelle, sur la formation professionnelle et les garanties sociales des travailleurs, ainsi que sur l’établissement et la rupture des relations commerciales avec les plateformes.
« Ils peuvent comporter des stipulations plus favorables aux travailleurs que les dispositions légales en vigueur. Ils ne peuvent déroger aux dispositions qui revêtent un caractère d’ordre public.
« Ces accords déterminent, au sein de chacun des secteurs d’activité mentionnés à l’article L. 7343-1, leur champ d’application territorial et professionnel. Le champ d’application territorial peut être national, régional ou local. Le champ d’application professionnel est défini en termes d’activités économiques.

« Sous-section 2
« Conditions de négociation et de conclusion des accords collectifs de secteur

« Art. L. 7343-29. – I. – L’accord collectif de secteur est négocié et conclu par :

« – d’une part, une ou plusieurs organisations de travailleurs reconnues représentatives dans le secteur figurant sur la liste prévue à l’article L. 7343-4 ;
« – d’autre part, une ou plusieurs organisations professionnelles de plateformes reconnues représentatives dans le secteur figurant sur la liste prévue à l’article L. 7343-24.

« II. – Sa validité est subordonnée à sa signature par, d’une part, au moins une organisation professionnelle de plateformes reconnue représentative et, d’autre part, une ou plusieurs organisations de travailleurs reconnues représentatives ayant recueilli, lors de l’élection prévue aux articles L. 7343-5 à L. 7343-11, plus de 30 % des suffrages exprimés en faveur d’organisations de travailleurs reconnues représentatives, quel que soit le nombre de votants, et à l’absence d’opposition d’une ou plusieurs organisations de travailleurs reconnues représentatives ayant recueilli la majorité des suffrages exprimés en faveur des mêmes organisations à ces mêmes élections, quel que soit le nombre de votants.
« III. – Les représentants des organisations mentionnées au I sont habilités à contracter, au nom de l’organisation qu’ils représentent, dans les conditions prévues à l’article L. 2231-2.

« Art. L. 7343-30. – L’engagement sérieux et loyal des négociations implique que les organisations représentant les plateformes communiquent aux organisations représentant les travailleurs les informations nécessaires pour leur permettre de négocier en toute connaissance de cause et aient répondu de manière motivée à leurs éventuelles propositions.

« Art. L. 7343-31. – L’accord est conclu pour une durée déterminée ou indéterminée.
« A défaut de stipulation de l’accord sur sa durée, celle-ci est fixée à cinq ans.
« Lorsque l’accord arrive à expiration, il cesse de produire ses effets.

« Art. L. 7343-32. – L’accord est, à peine de nullité, un acte écrit.
« L’accord est rédigé en français.
« Toute clause rédigée en langue étrangère est inopposable au travailleur mentionné à l’article L. 7341-1 à qui elle ferait grief.

« Art. L. 7343-33. – La partie la plus diligente des organisations signataires d’un accord en notifie le texte à l’ensemble des organisations représentatives au niveau du secteur concerné.

« Art. L. 7343-34. – Les accords collectifs de secteur sont rendus publics et versés dans une base de données nationale, dont le contenu est publié en ligne dans un standard ouvert aisément réutilisable. Ils sont publiés dans une version ne comportant pas les noms et prénoms des négociateurs et des signataires.
« Après la conclusion de l’accord, les parties peuvent acter qu’une partie de la convention ou de l’accord ne doit pas faire l’objet de la publication prévue au premier alinéa. Cet acte, ainsi que la version intégrale de l’accord et la version de l’accord destinée à la publication, sont joints au dépôt prévu à l’article L. 7343-35.
« Les conditions d’application du présent article sont définies par décret en Conseil d’Etat.

« Art. L. 7343-35. – L’accord fait l’objet d’un dépôt auprès des services de l’Autorité des relations sociales des plateformes d’emploi dans des conditions déterminées par voie réglementaire.

« Sous-section 3
« Négociation obligatoire, négociation facultative, calendrier et méthode de négociation

« Art. L. 7343-36. – Une négociation est engagée au moins une fois par an au niveau du secteur, sur un ou plusieurs des thèmes suivants :
« 1° Les modalités de détermination des revenus des travailleurs, y compris le prix de leur prestation de service ;
« 2° Les conditions d’exercice de l’activité professionnelle des travailleurs, et notamment l’encadrement de leur temps d’activité ainsi que les effets des algorithmes et des changements les affectant sur les modalités d’accomplissement des prestations ;
« 3° La prévention des risques professionnels auxquels les travailleurs peuvent être exposés en raison de leur activité ainsi que les dommages causés à des tiers ;
« 4° Les modalités de développement des compétences professionnelles et de sécurisation des parcours professionnels.

« Art. L. 7343-37. – Une négociation peut également être engagée au niveau du secteur sur tout autre thème relatif aux conditions de travail et d’exercice de l’activité, notamment :
« 1° Les modalités d’échanges d’informations entre la plateforme et les travailleurs sur l’organisation de leurs relations commerciales ;
« 2° Les modalités de contrôle par la plateforme de l’activité du travailleur indépendant et de la réalisation de la prestation lui incombant, les circonstances pouvant conduire à une rupture des relations commerciales entre la plateforme et le travailleur indépendant ainsi que les garanties dont l’intéressé bénéficie dans ce cas au regard des dispositions de l’article L. 442-1 du code de commerce ;
« 3° Les prestations de protection sociale complémentaire entrant dans le champ des articles L. 911-1 et L. 911-2 du code de la sécurité sociale.

« Art. L. 7343-38. – Un accord peut définir la méthode permettant à la négociation de s’accomplir dans des conditions de loyauté et de confiance mutuelle entre les parties.
« Cet accord précise les thèmes, le calendrier des négociations et les modalités selon lesquelles sont suivis les engagements souscrits par les parties.
« Il peut également définir :
« 1° Les modalités de prise en compte des demandes relatives aux thèmes de négociation émanant d’une ou plusieurs organisations de travailleurs reconnues représentatives ;
« 2° Les informations que les membres du collège des organisations professionnelles de plateformes reconnues représentatives remettent aux négociateurs sur les thèmes prévus par la négociation et la date de cette remise.
« Sauf si l’accord en stipule autrement, la méconnaissance de ses stipulations n’est pas de nature à entraîner la nullité des accords conclus dès lors qu’est respecté le principe de loyauté entre les parties.
« Les organisations de travailleurs et les organisations professionnelles de plateformes habilitées à négocier cet accord peuvent recourir à l’Autorité des relations sociales des plateformes d’emploi pour les accompagner dans sa négociation.

« Sous-section 4
« Application, révision et dénonciation des accords collectifs de secteur

« Art. L. 7343-39. – Les accords collectifs de secteur sont applicables, sauf stipulations contraires, à partir du jour qui suit leur dépôt dans les conditions prévues à l’article L. 7343-35.

« Art. L. 7343-40. – I. – Sont habilitées à réviser un accord collectif de secteur :
« 1° Pendant un délai de deux ans à compter de la signature de l’accord, les organisations de travailleurs et les organisations professionnelles de plateformes signataires ;
« 2° A l’issue du délai prévu au 1°, les organisations de travailleurs reconnues représentatives et les organisations professionnelles de plateformes reconnues représentatives.
« II. – Les avenants de révision obéissent aux conditions de validité des accords prévues à l’article L. 7343-29.
« L’avenant portant révision de tout ou partie d’un accord se substitue de plein droit aux stipulations de l’accord qu’il modifie.
« Il est opposable, dans des conditions de dépôt prévues à l’article L. 7343-35, à l’ensemble des plateformes liées par l’accord et aux travailleurs mentionnés à l’article L. 7341-1 dont les prestations entrent dans son champ d’application.

« Art. L. 7343-41. – I. – L’accord collectif de secteur à durée indéterminée peut être dénoncé par les parties signataires.
« En l’absence de stipulation expresse, la durée du préavis qui doit précéder la dénonciation est de trois mois.
« La dénonciation est notifiée par son auteur aux autres signataires de la convention ou de l’accord.
« Elle est déposée dans des conditions prévues par l’article L. 7343-35.
« II. – Lorsque la dénonciation émane de la totalité des signataires représentant les travailleurs ou des signataires représentant les plateformes, l’accord collectif de secteur continue de produire effet jusqu’à l’entrée en vigueur de l’accord qui lui est substitué ou, à défaut, pendant une durée d’un an à compter de l’expiration du délai de préavis, sauf clause prévoyant une durée déterminée supérieure.
« Une nouvelle négociation s’engage, à la demande d’une des parties intéressées, dans les trois mois qui suivent le début du préavis mentionné au I. Elle peut donner lieu à un accord, y compris avant l’expiration du délai de préavis.
« Lorsque l’une des organisations représentant les travailleurs ou l’une des organisations représentant les plateformes signataires de l’accord perd la qualité d’organisation représentative dans le champ d’application de cet accord, la dénonciation de ce texte n’emporte d’effets que si la ou les organisations dont elle émane ont la qualité :
« 1° Soit d’organisations de travailleurs reconnues représentatives ayant recueilli, lors de l’élection prévue aux articles L. 7343-5 à L. 7343-11, plus de 50 % des suffrages exprimés en faveur d’organisations de travailleurs reconnues représentatives dans le champ considéré, quel que soit le nombre de votants ;
« 2° Soit d’organisations professionnelles de plateformes reconnues représentatives dont le poids au sein du secteur considéré est supérieur à 50 %. Ce poids est calculé en tenant compte :
« a) A hauteur de 30 %, de l’audience de la ou des organisations ayant dénoncé l’accord, au regard du nombre total de travailleurs de l’ensemble des plateformes adhérentes à une organisation de plateforme représentative dans le secteur considéré qui remplissent les conditions d’ancienneté et de nombre de prestations fixées à l’article L. 7343-7 ;
« b) A hauteur de 70 %, de l’audience de la ou des organisations précitées au regard du montant total des revenus d’activité mentionnés à l’article L. 1326-3 du code des transports générés par les plateformes adhérentes à une organisation de plateforme représentative au titre des activités accomplies par les travailleurs en lien avec les plateformes du secteur.
« III. – Lorsque la dénonciation est le fait d’une partie seulement des signataires représentant les travailleurs ou des signataires représentant les plateformes, elle ne fait pas obstacle au maintien en vigueur de l’accord entre les autres parties signataires.
« Dans ce cas, les dispositions de l’accord continuent de produire effet à l’égard des auteurs de la dénonciation jusqu’à l’entrée en vigueur de l’accord qui lui est substitué ou, à défaut, pendant une durée d’un an à compter de l’expiration du délai de préavis, sauf clause prévoyant une durée déterminée supérieure.
« IV. – Les modalités d’application du présent article sont déterminées par décret en Conseil d’Etat.

« Sous-section 5
« Effets des accords collectifs de secteur

« Art. L. 7343-42. – I. – Sans préjudice des effets attachés à l’homologation, l’application des accords collectifs de secteur est obligatoire pour tous les signataires ou membres des organisations signataires.
« II. – La plateforme qui démissionne de l’organisation signataire postérieurement à la signature de l’accord de secteur demeure liée par ce dernier.
« III. – Les organisations représentant les travailleurs des plateformes et les organisations représentant les plateformes, ou les plateformes prises individuellement, liées par un accord, sont tenues de ne rien faire qui soit de nature à en compromettre l’exécution loyale. Elles ne sont garantes de cette exécution que dans la mesure déterminée par l’accord.

« Art. L. 7343-43. – Les stipulations de l’accord de secteur prévalent sur les chartes mentionnées à l’article L. 7342-9, ainsi que sur tout engagement unilatéral de la plateforme, notamment pris en application de dispositions légales, ayant le même objet que l’accord sauf si cette charte ou cet engagement comporte des stipulations plus favorables aux travailleurs.

« Art. L. 7343-44. – Lorsqu’une plateforme est liée par les clauses d’un accord de secteur, ces clauses s’appliquent aux contrats commerciaux conclus entre les plateformes et les travailleurs mentionnés à l’article L. 7341-1 dont les prestations entrent dans son champ d’application, sauf stipulations plus favorables figurant dans lesdits contrats.

« Art. L. 7343-45. – Les conditions d’information des travailleurs sur les règles qui leur sont applicables résultant d’accords négociés en application de la présente section sont définies par accord collectif de secteur. A défaut d’accord, ces modalités d’information sont définies par voie réglementaire.

« Art. L. 7343-46. – Lorsqu’elle démissionne d’une organisation signataire d’un accord, la plateforme en informe sans délai les travailleurs mentionnés à l’article L. 7341-1 régis par cet accord.

« Art. L. 7343-47. – Il peut être donné communication et délivré copie des accords collectifs de secteur déposés auprès de l’Autorité des relations sociales des plateformes d’emploi, dans des conditions prévues par décret.

« Art. L. 7343-48. – Les actions en justice exercées par une organisation représentant les travailleurs ou par une organisation représentant les plateformes sont soumises aux conditions prévues par les articles L. 2262-9 à L. 2262-13.
« Toute action en nullité de tout ou partie d’un accord de secteur doit, à peine d’irrecevabilité, être engagée dans un délai de deux mois à compter :
« 1° De la notification de l’accord de secteur prévue à l’article L. 7343-33 pour les organisations mentionnées à cet article ;
« 2° De la publication de l’accord prévue à l’article L. 7343-34 dans tous les autres cas.
« Lorsque le juge est saisi d’une action en nullité, il rend sa décision dans un délai de six mois. Les dispositions de l’article L. 2262-15 sont applicables.

« Sous-section 6
« Homologation des accords collectifs de secteur

« Art. L. 7343-49. – Les stipulations d’un accord collectif de secteur, ainsi que de ses avenants ou de ses annexes peuvent être rendues obligatoires pour toutes les plateformes et leurs travailleurs compris dans son champ d’application, par décision d’homologation prise par l’Autorité des relations sociales des plateformes d’emploi.
« Pour pouvoir être homologués, l’accord, ses avenants ou annexes ne doivent pas avoir fait l’objet dans un délai d’un mois à compter de la publication par l’autorité administrative d’un avis d’homologation au Journal officiel de la République française de l’opposition écrite et motivée d’une ou de plusieurs organisations professionnelles de plateformes reconnues représentatives dont le poids au niveau du secteur est de plus de 50 %. Ce poids est calculé selon les modalités définies au 2° du II de l’article L. 7343-41.
« Cette opposition est notifiée et déposée dans les conditions prévues aux articles L. 7343-33 et L. 7343-35.
« L’homologation des effets et des sanctions de l’accord se fait pour la durée et aux conditions prévues par l’accord concerné.

« Art. L. 7343-50. – La procédure d’homologation d’un accord de secteur est engagée par l’Autorité des relations sociales des plateformes d’emploi, à la demande d’une des organisations mentionnées aux articles L. 7343-4 et L. 7343-24.
« Saisi de cette demande, l’Autorité des relations sociales des plateformes d’emploi engage sans délai la procédure d’homologation.
« L’Autorité de la concurrence mentionnée à l’article L. 461-1 du code de commerce peut être consultée dans les conditions prévues par l’article L. 462-1 dudit code.

« Art. L. 7343-51. – L’Autorité des relations sociales des plateformes d’emploi exclut de l’homologation les clauses qui apparaissent en contradiction avec des dispositions légales.
« Elle peut également refuser, pour des motifs d’intérêt général, notamment pour atteinte excessive à la libre concurrence, l’homologation d’un accord.
« Elle peut également exclure les clauses pouvant être distraites de l’accord sans en modifier l’économie, mais ne répondant pas à la situation du secteur considéré.
« Elle peut, dans les mêmes conditions, homologuer, sous réserve de l’application des dispositions légales, les clauses incomplètes au regard de ces dispositions.

« Art. L. 7343-52. – La décision d’homologation est rendue publique selon des modalités fixées par décret.

« Art. L. 7343-53. – La décision d’homologation d’un accord de secteur devient caduque à compter du jour ou l’accord en cause cesse de produire effet.

« Section 5
« Commission de négociation

« Art. L. 7343-54. – Dans chacun des secteurs mentionnés à l’article L. 7343-1, une commission de négociation composée des représentants des organisations reconnues représentatives, désignés dans les conditions prévues aux articles L. 7343-12 et L. 7343-26, est mise en place par accord de secteur, aux fins de négocier des accords, dialoguer sur les conditions de travail des travailleurs recourant aux plateformes et échanger des informations.
« En l’absence d’accord de secteur homologué, le nombre et la composition des collèges de la commission de négociation, le nombre de sièges et leur répartition au sein de chacun des collèges sont définis par décret.

« Art. L. 7343-55. – A la demande d’au moins une organisation de travailleurs reconnue représentative figurant sur la liste prévue à l’article L. 7343-4 et une organisation professionnelle de plateformes reconnue représentative figurant sur la liste prévue à L. 7343-24, ou de sa propre initiative, l’Autorité des relations sociales des plateformes d’emploi peut provoquer la réunion d’une commission mixte de négociation.
« Le directeur général de l’Autorité des relations sociales des plateformes d’emploi ou son représentant préside la commission mixte de négociation et facilite le déroulement des négociations.

« Section 6
« Expertise

« Art. L. 7343-56. – Lors de la négociation d’un accord de secteur, une ou plusieurs organisations de travailleurs reconnues représentatives ou une ou plusieurs organisations professionnelles de plateformes reconnues représentatives peuvent demander à l’Autorité des relations sociales des plateformes d’emploi l’autorisation de recourir à une expertise portant sur les éléments nécessaires à la négociation, relevant de questions d’ordre économique, financier, social, environnemental ou technologique.
« La demande est accompagnée d’un cahier des charges établi par l’organisation demandant l’autorisation ainsi que d’une évaluation par l’expert pressenti du coût prévisionnel, de l’étendue et de la durée de la mission.

« Art. L. 7343-57. – L’Autorité des relations sociales des plateformes d’emploi apprécie l’utilité de l’expertise sollicitée notamment au regard de l’objet de la négociation et de la complexité du sujet traité.
« La décision autorisant le recours à l’expertise emporte prise en charge de son financement par l’Autorité des relations sociales des plateformes d’emploi

« Art. L. 7343-58. – La ou les organisations professionnelles de plateformes concernées, si elles ne sont pas à l’origine de la demande d’expertise, fournissent à l’expert les informations nécessaires à la réalisation de sa mission.
« Le secret des affaires n’est, dans cette mesure, pas opposable à l’expert.
« Les conclusions de l’expert sont portées à la connaissance de l’ensemble des organisations représentatives du secteur et de l’Autorité des relations sociales des plateformes d’emploi dans le respect du secret des affaires.

« Art. L. 7343-59. – Un décret en Conseil d’Etat détermine notamment les conditions dans lesquelles le directeur général de l’Autorité des relations sociales des plateformes d’emploi statue sur la demande d’autorisation d’expertise, assure le suivi du déroulement de la mission et procède à la rétribution de l’expert. »

 

Article 3

 

L’article L. 7345-1 du code du travail est ainsi modifié :
1° Au 1°, après les mots : « à l’article L. 7343-4 », sont insérés les mots : « et à l’article L. 7343-24 » et après les mots : « à l’article L. 7343-5 », sont insérés les mots : « et la mesure d’audience mentionnée au 6° de l’article L. 7343-22 » ;
2° Au 3°, après les mots : « les accompagner dans », sont insérés les mots : « la mise en œuvre des règles de négociation de secteur ainsi que dans » ;
3° Il est complété par les dispositions suivantes :
« 6° De connaître des demandes d’homologation des accords de secteur ;
« 7° De proposer une médiation en cas de différend opposant un ou plusieurs travailleurs indépendants aux plateformes, dans les conditions fixées à l’article L. 7345-7 ;
« 8° De statuer sur les demandes d’expertise, dans les conditions fixées à la section 6 du chapitre IV du présent titre ;
« 9° D’observer les pratiques des plateformes relatives aux conditions d’exercice de l’activité professionnelle des travailleurs, notamment en matière d’usage des algorithmes, des outils numériques et des données personnelles des travailleurs, de conduire des enquêtes ou études et d’émettre des avis et préconisations sur ces sujets. »

 

Article 4

 

Après la section 2 du chapitre V du titre IV du livre III de la septième partie du code du travail, est insérée une section 3 ainsi rédigée :

« Section 3
« Médiation

« Art. L. 7345-7. – Au titre de sa fonction de médiation mentionnée au 7° de l’article L. 7345-1, l’Autorité des relations sociales des plateformes d’emploi est chargée de proposer aux plateformes mentionnées à l’article L. 7343-1 et aux travailleurs indépendants y recourant pour leur activité, en cas de différend relatif à la mise en œuvre d’un accord collectif de secteur, un processus structuré leur permettant de parvenir à un accord. Elle peut, dans ce cadre, recommander des solutions aux parties à la médiation.
« L’Autorité des relations sociales des plateformes d’emploi est saisie gratuitement par une plateforme ou par un représentant désigné en application de l’article L. 7343-12.
« Lorsqu’elle formule une recommandation, celle-ci est prise dans un délai raisonnable et motivée.

« Art. L. 7345-8. – L’Autorité des relations sociales des plateformes d’emploi ne peut connaître au titre de ses fonctions de médiation :
« 1° Des différends survenant entre une plateforme et les consommateurs au sujet des prestations qu’elle fournit par l’intermédiaire des travailleurs mentionnés à l’article L. 7341-1 ;
« 2° Des différends survenant entre les consommateurs et les travailleurs mentionnés à l’article L. 7341-1 ;
« 3° Des procédures juridictionnelles introduites par une plateforme ou un travailleur mentionné à l’article L. 7341-1 contre un consommateur ;
« 4° Des tentatives de conciliation ou de médiation ordonnées par une juridiction.

« Art. L. 7345-9. – Un différend ne peut être soumis à l’Autorité des relations sociales des plateformes d’emploi lorsque :
« 1° Le représentant mentionné à l’article L. 7343-7 ou la plateforme ne justifie de l’existence d’une tentative préalable de résolution du litige directement auprès de la partie adverse par une réclamation écrite ou selon les modalités prévues le cas échéant dans le contrat ;
« 2° La demande est manifestement infondée ou abusive ;
« 3° Le différend a été précédemment examiné ou est en cours d’examen dans le cadre d’une autre médiation ou par un tribunal ;
« 4° Le différend n’entre pas dans le champ de compétence de l’Autorité des relations sociales des plateformes d’emploi ;
« 5° Le représentant mentionné à l’article L. 7343-7 ou la plateforme a introduit sa demande dans un délai supérieur à un an à compter de la réclamation écrite auprès de la partie adverse mentionnée au 1°.
« Le représentant mentionné à l’article L. 7343-7 ou la plateforme est informé par l’Autorité des relations sociales des plateformes d’emploi dans un délai de trois semaines à compter de la réception de son dossier du rejet de sa demande de médiation.

« Art. L. 7345-10. – La médiation des différends mentionnés à l’article L. 7345-7 est soumise à l’obligation de confidentialité prévue par l’article 21-3 de la loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l’organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative.

« Art. L. 7345-11. – La saisine de l’Autorité des relations sociales des plateformes d’emploi aux fins de médiation suspend la prescription de l’action civile et pénale à compter du jour de sa saisine. En application de l’article 2238 du code civil, celle-ci court à nouveau pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois lorsque le médiateur déclare la médiation terminée.

« Art. L. 7345-12. – Un décret en Conseil d’Etat définit les modalités d’application de la présente section, notamment en ce qui concerne la saisine de l’Autorité des relations sociales des plateformes d’emploi et l’intervention du représentant mentionné à l’article L. 7343-7. »

 

Article 5

 

I. – A. – Le directeur général de l’Autorité des relations sociales des plateformes d’emploi mentionnée à l’article L. 7345-1 du code du travail arrête la liste des organisations reconnues représentatives mentionnée à l’article L. 7343-24 du même code :
1° Au titre de la première mesure de l’audience, avant le 31 octobre 2022 ;
2° Au titre de la deuxième mesure de l’audience, avant le 31 octobre 2024, par dérogation au 6° de l’article L. 7343-22 de ce code.
B. – Par dérogation à l’article L. 7343-22 du code du travail, la représentativité des organisations professionnelles représentant les plateformes définies à l’article L. 7342-1 du même code est appréciée dans les conditions suivantes :
1° Au titre de la première mesure de l’audience :
a) L’ancienneté minimale mentionnée au 4° de l’article L. 7343-22 n’est pas un critère de représentativité applicable ;
b) La transparence financière mentionnée au 3° du même article est présumée pour les organisations dont la création est postérieure au 31 décembre 2021 ;
2° Au titre des deux premières mesures de l’audience, l’influence mentionnée au 5° de l’article L. 7343-22 s’apprécie exclusivement au regard de l’activité des organisations concernées.
II. – Par dérogation aux dispositions des 1° et 2° de l’article L. 7343-36 du code du travail, une négociation est engagée, au niveau de chaque secteur mentionné à l’article L. 7343-1 du même code, dans les deux ans suivant la publication du dernier arrêté édicté en application des articles L. 7343-3 et L. 7343-22 de ce code au titre de la première mesure de l’audience, sur :
1° Les modalités de détermination des revenus des travailleurs, y compris le prix de leur prestation de service ;
2° Les conditions d’exercice de l’activité professionnelle des travailleurs, et notamment l’encadrement de leur temps d’activité ainsi que les effets des algorithmes et des changements les affectant sur les modalités d’accomplissement des prestations.

 

Article 6

Le Premier ministre, la ministre de la transition écologique, le ministre de l’économie, des finances et de la relance et la ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion sont responsables, chacun en ce qui le concerne, de l’application de la présente ordonnance, qui sera publiée au Journal officiel de la République française.

Date et signature(s)

Fait le 6 avril 2022.

Emmanuel Macron
Par le Président de la République :

Le Premier ministre,
Jean Castex

La ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion,
Elisabeth Borne

La ministre de la transition écologique,
Barbara Pompili

Le ministre de l’économie, des finances et de la relance,
Bruno Le Maire