Au sommaire :
Références
Publication : PUBLIÉ AU BULLETIN
Identifiant : ECLI:FR:CCASS:2023:CO00524
Décision : Rejet
Arrêt : Arrêt n° 524 F-B
Mot clé : Société
Source : Cass., com., 30 août 2023, n°22-12.084
Faits et procédure
1. Selon l’arrêt attaqué (Nancy, 3 janvier 2022) et les productions, le groupement forestier agricole du domaine de Neuvron (la société) a été constitué le 12 octobre 1979 pour une durée de quarante ans, expirant le 12 octobre 2019. Saisi sur requête par un associé sur le fondement de l’article 1844-6, alinéa 4, du code civil, le président d’un tribunal judiciaire a, par une ordonnance du 14 octobre 2020, constaté l’intention des associés de proroger la société et autorisé la consultation de ces derniers à titre de régularisation dans un délai de trois mois. Un associé, M. [B] [Y], a demandé la rétraction de cette décision.
Moyen
2. M. [B] [Y] fait grief à l’arrêt de rejeter sa demande de rétractation alors :
« 1°/ que le président du tribunal, statuant sur requête à la demande d’un associé dans l’année suivant la date d’expiration d’une société civile, ne peut constater l’intention des associés de proroger cette société et autoriser la consultation à titre de régularisation que lorsque les associés de celle-ci ont effectivement omis, de bonne foi, de la proroger avant l’arrivée du terme ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a relevé que le gérant de la société avait convoqué les associés par mail à une assemblée générale extraordinaire le 21 avril 2018, dont l’ordre du jour était notamment « l’examen de la situation de la société de son avenir, prorogation ou dénonciation », mais qu’aucune preuve de la tenue de cette assemblée générale n’était produite et que, par lettre recommandée avec accusé de réception du 1er octobre 2019, M. [B] [Y] avait informé les associés de son opposition à la prorogation de plein droit de la société jusqu’à la fin du bail en cours ; qu’il ressortait ainsi de ses propres constatations que les associés n’avaient pas oublié de bonne foi de proroger la société ; qu’en retenant, pour statuer comme elle l’a fait, que la condition tenant à une « omission de bonne foi » de proroger la société invoquée par M. [B] [Y] ajouterait au texte une condition non prévue, la cour d’appel a violé l’article 1844-6 du code civil ;
2°/ que, lorsque les associés d’une société civile ont omis de la proroger avant l’arrivée de son terme, le président du tribunal, statuant sur requête à la demande d’un associé dans l’année suivant la date d’expiration de la société, ne peut autoriser la consultation des associés à titre de régularisation que si tous les associés consentent à la prorogation ; qu’en retenant, pour statuer comme elle l’a fait, que l’article 1844-6 du code civil n’exigerait pas que « l’intention des associés » de proroger la société soit celle de tous les associés et tiendrait ainsi compte de la possibilité pour les statuts de prévoir une décision de prorogation à la majorité, ce qui était le cas en l’espèce, la cour d’appel a violé l’article 1844-6 du code civil. »
Réponse de la Cour de cassation
3. Aux termes de l’article 1844-7, 1°, du code civil, la société prend fin par l’expiration du temps pour lequel elle a été constituée, sauf prorogation effectuée conformément à l’article 1844-6.
4. L’article 1844-6 du même code dispose :
« La prorogation de la société est décidée à l’unanimité des associés, ou, si les statuts le prévoient, à la majorité prévue pour la modification de ceux-ci.
Un an au moins avant la date d’expiration de la société, les associés doivent être consultés à l’effet de décider si la société doit être prorogée.
A défaut, tout associé peut demander au président du tribunal, statuant sur requête, la désignation d’un mandataire de justice chargé de provoquer la consultation prévue au deuxième alinéa.
Lorsque la consultation n’a pas eu lieu, le président du tribunal, statuant sur requête à la demande de tout associé dans l’année suivant la date d’expiration de la société, peut constater l’intention des associés de proroger la société et autoriser la consultation à titre de régularisation dans un délai de trois mois, le cas échéant en désignant un mandataire de justice chargé de la provoquer. Si la société est prorogée, les actes conformes à la loi et aux statuts antérieurs à la prorogation sont réputés réguliers et avoir été accomplis par la société ainsi prorogée. »
5. Il résulte de ce texte que, quelle que soit la raison pour laquelle la consultation des associés à l’effet de décider si la société doit être prorogée n’a pas eu lieu, le président du tribunal, statuant sur requête à la demande de tout associé dans l’année suivant la date d’expiration de la société, peut constater l’intention des associés de proroger la société et autoriser la consultation à titre de régularisation dans un délai de trois mois. Lorsque les statuts de la société prévoient que la prorogation peut être décidée à la majorité qu’ils fixent, il suffit au président de constater que des associés représentant au moins cette majorité ont l’intention de proroger la société.
6. D’une part, l’arrêt constate que la société ayant été constituée pour une durée expirant le 12 octobre 2019, ses associés auraient dû être consultés avant le 12 octobre 2018 pour décider si elle devait être prorogée, ce qui n’a pas été fait. D’autre part, après avoir relevé que l’article 21 des statuts de la société prévoit qu’une décision de prorogation de la société doit être adoptée par la majorité en nombre des associés représentant au moins les trois quarts du capital social, il constate qu’un procès-verbal d’huissier de justice du 22 septembre 2020 mentionne que quatre associés sur cinq, représentant 273 parts sur 303, sont favorables à la prorogation et en déduit que la majorité requise est réunie.
7. Dès lors, la cour d’appel, qui a exactement énoncé que l’article 1844-6 n’impose pas de rechercher si les associés ont omis de bonne foi de proroger la société dont le terme est arrivée à échéance et n’exige pas l’intention unanime des associés, a confirmé à bon droit l’ordonnance du président du tribunal judiciaire ayant rejeté la demande de rétractation de l’ordonnance du 14 octobre 2020.
8. Le moyen n’est donc pas fondé.
Dispositif
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. [B] [Y] aux dépens ;
En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [B] [Y] et le condamne à payer à Mme [V] [Y], MM. [W], [H] et [E] [Y] ainsi qu’au groupement forestier agricole du domaine du Neuvron la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trente août deux mille vingt-trois.