đŸŸ„ Le Conseil constitutionnel valide la loi portant sur la rĂ©forme de la retraite Ă  64ans

Source : Conseil Constitutionnel, 14 avril 2023, n°2023-849 DC

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI, dans les conditions prĂ©vues au deuxiĂšme alinĂ©a de l’article 61 de la Constitution, de la loi de financement rectificative de la sĂ©curitĂ© sociale pour 2023, sous le n° 2023-849 DC, le 21 mars 2023, par la PremiĂšre ministre.
Il a Ă©galement Ă©tĂ© saisi, le mĂȘme jour, par Mme Marine LE PEN, M. Franck ALLISIO, Mme BĂ©nĂ©dicte AUZANOT, MM. Philippe BALLARD, Christophe BARTHÈS, Romain BAUBRY, JosĂ© BEAURAIN, Christophe BENTZ, Pierrick BERTELOOT, Bruno BILDE, Emmanuel BLAIRY, FrĂ©dĂ©ric BOCCALETTI, Jorys BOVET, JĂ©rĂŽme BUISSON, FrĂ©dĂ©ric CABROLIER, Victor CATTEAU, SĂ©bastien CHENU, Roger CHUDEAU, Mmes Caroline COLOMBIER, Annick COUSIN, Nathalie DA CONCEICAO CARVALHO, MM. GrĂ©goire de FOURNAS, HervĂ© de LÉPINAU, Jocelyn DESSIGNY, Mmes Edwige DIAZ, Sandrine DOGOR-SUCH, M. Nicolas DRAGON, Mme Christine ENGRAND, MM. FrĂ©dĂ©ric FALCON, Thibaut FRANÇOIS, Thierry FRAPPÉ, Mme StĂ©phanie GALZY, MM. Frank GILETTI, Yoann GILLET, Christian GIRARD, JosĂ© GONZALEZ, Mmes Florence GOULET, GĂ©raldine GRANGIER, MM. Daniel GRENON, Michel GUINIOT, Jordan GUITTON, Mme Marine HAMELET, MM. Joris HÉBRARD, Laurent JACOBELLI, Alexis JOLLY, Mmes HĂ©lĂšne LAPORTE, Laure LAVALETTE, Julie LECHANTEUX, GisĂšle LELOUIS, Katiana LEVAVASSEUR, Christine LOIR, M. AurĂ©lien LOPEZ-LIGUORI, Mme Marie-France LORHO, MM. Philippe LOTTIAUX, Alexandre LOUBET, Matthieu MARCHIO, Mme MichĂšle MARTINEZ, M. Bryan MASSON, Mme Alexandra MASSON, MM. KĂ©vin MAUVIEUX, Nicolas MEIZONNET, Mmes JoĂ«lle MÉLIN, YaĂ«l MENACHE, MM. Thomas MÉNAGÉ, Pierre MEURIN, Mmes Mathilde PARIS, Caroline PARMENTIER, M. KĂ©vin PFEFFER, Mmes Lisette POLLET, AngĂ©lique RANC, M. Julien RANCOULE, Mmes Laurence ROBERT-DEHAULT, BĂ©atrice ROULLAUD, AnaĂŻs SABATINI, MM. Alexandre SABATOU, Emeric SALMON, Philippe SCHRECK, Emmanuel TACHÉ de la PAGERIE, Jean-Philippe TANGUY, MichaĂ«l TAVERNE, Lionel TIVOLI et Antoine VILLEDIEU, dĂ©putĂ©s.
Il a en outre Ă©tĂ© saisi, le 22 mars 2023, par Mmes Mathilde PANOT, NadĂšge ABOMANGOLI, MM. Laurent ALEXANDRE, Gabriel AMARD, Mmes SĂ©golĂšne AMIOT, Farida AMRANI, M. Rodrigo ARENAS, Mme ClĂ©mentine AUTAIN, MM. Ugo BERNALICIS, Christophe BEX, Carlos Martens BILONGO, Manuel BOMPARD, Idir BOUMERTIT, Louis BOYARD, Aymeric CARON, Sylvain CARRIÈRE, Florian CHAUCHE, Mme Sophia CHIKIROU, MM. Hadrien CLOUET, Éric COQUEREL, Alexis CORBIÈRE, Jean-François COULOMME, Mme Catherine COUTURIER, MM. Hendrik DAVI, SĂ©bastien DELOGU, Mmes Alma DUFOUR, Karen ERODI, Martine ETIENNE, M. Emmanuel FERNANDES, Mmes Sylvie FERRER, Caroline FIAT, M. Perceval GAILLARD, Mmes Raquel GARRIDO, ClĂ©mence GUETTÉ, M. David GUIRAUD, Mmes Mathilde HIGNET, Rachel KEKE, MM. Andy KERBRAT, Bastien LACHAUD, Maxime LAISNEY, Arnaud LE GALL, Antoine LÉAUMENT, Mmes Élise LEBOUCHER, Charlotte LEDUC, M. JĂ©rĂŽme LEGAVRE, Mmes Sarah LEGRAIN, Murielle LEPVRAUD, Pascale MARTIN, Élisa MARTIN, MM. William MARTINET, FrĂ©dĂ©ric MATHIEU, Damien MAUDET, Mmes Marianne MAXIMI, Manon MEUNIER, M. Jean-Philippe NILOR, Mmes DaniĂšle OBONO, Nathalie OZIOL, MM. François PIQUEMAL, Thomas PORTES, LoĂŻc PRUD’HOMME, Jean-Hugues RATENON, SĂ©bastien ROME, François RUFFIN, AurĂ©lien SAINTOUL, Michel SALA, Mmes Danielle SIMONNET, Ersilia SOUDAIS, Anne STAMBACH-TERRENOIR, AndrĂ©e TAURINYA, M. Matthias TAVEL, Mme AurĂ©lie TROUVÉ, MM. Paul VANNIER, LĂ©o WALTER, RenĂ© PILATO, Boris VALLAUD, JoĂ«l AVIRAGNET, Christian BAPTISTE, Mme Marie-NoĂ«lle BATTISTEL, MM. MickaĂ«l BOULOUX, Philippe BRUN, Elie CALIFER, Alain DAVID, Arthur DELAPORTE, StĂ©phane DELAUTRETTE, Inaki ECHANIZ, Olivier FAURE, Guillaume GAROT, JĂ©rĂŽme GUEDJ, Johnny HAJJAR, Mmes Chantal JOURDAN, Marietta KARAMANLI, Fatiha KELOUA HACHI, MM. GĂ©rard LESEUL, Philippe NAILLET, Bertrand PETIT, Mmes Anna PIC, Christine PIRÈS BEAUNE, M. Dominique POTIER, Mmes ValĂ©rie RABAULT, Claudia ROUAUX, Isabelle SANTIAGO, M. HervĂ© SAULIGNAC, Mmes MĂ©lanie THOMIN, CĂ©cile UNTERMAIER, MM. Roger VICOT, AndrĂ© CHASSAIGNE, Moetai BROTHERSON, Jean-Victor CASTOR, Steve CHAILLOUX, Mmes Émeline K BIDI, Karine LEBON, MM. Tematai LE GAYIC, FrĂ©dĂ©ric MAILLOT, Marcellin NADEAU, Davy RIMANE, Jiovanny WILLIAM, Mmes Cyrielle CHATELAIN, Christine ARRIGHI, Delphine BATHO, M. Julien BAYOU, Mme Lisa BELLUCO, M. Charles FOURNIER, Mme Marie-Charlotte GARIN, MM. JĂ©rĂ©mie IORDANOFF, Hubert JULIEN-LAFERRIÈRE, Mme Julie LAERNOES, M. Benjamin LUCAS, Mme Francesca PASQUINI, M. SĂ©bastien PEYTAVIE, Mme Marie POCHON, M. Jean-Claude RAUX, Mmes Sandra REGOL, Sandrine ROUSSEAU, Eva SAS, Sabrina SEBAIHI, M. AurĂ©lien TACHÉ, Mme Sophie TAILLÉ-POLIAN, MM. Nicolas THIERRY, Bertrand PANCHER, Charles de COURSON, Mme Estelle YOUSSOUFFA, MM. Olivier SERVA, StĂ©phane LENORMAND, Jean-FĂ©lix ACQUAVIVA, Paul-AndrĂ© COLOMBANI et Paul MOLAC, dĂ©putĂ©s.
Il a enfin Ă©tĂ© saisi, le 23 mars 2023, par M. Patrick KANNER, Mme Viviane ARTIGALAS, MM. David ASSOULINE, JoĂ«l BIGOT, Mmes Florence BLATRIX CONTAT, Nicole BONNEFOY, MM. Denis BOUAD, Hussein BOURGI, Mme Isabelle BRIQUET, M. RĂ©mi CARDON, Mme Marie-Arlette CARLOTTI, M. Yan CHANTREL, Mmes Catherine CONCONNE, HĂ©lĂšne CONWAY-MOURET, M. Thierry COZIC, Mme Marie-Pierre de la GONTRIE, MM. Gilbert-Luc DEVINAZ, JĂ©rĂŽme DURAIN, Vincent ÉBLÉ, Mme FrĂ©dĂ©rique ESPAGNAC, M. RĂ©mi FÉRAUD, Mme Corinne FÉRET, M. Jean-Luc FICHET, Mme Martine FILLEUL, M. HervĂ© GILLÉ, Mme Laurence HARRIBEY, MM. Jean-Michel HOULLEGATTE, Olivier JACQUIN, Mme Victoire JASMIN, MM. Éric JEANSANNETAS, Patrice JOLY, Bernard JOMIER, Mme GisĂšle JOURDA, MM. Éric KERROUCHE, Jean-Yves LECONTE, Mme Annie LE HOUEROU, M. Jean-Jacques LOZACH, Mme Monique LUBIN, MM. Victorin LUREL, Jacques-Bernard MAGNER, Didier MARIE, Serge MÉRILLOU, Mme Michelle MEUNIER, M. Jean-Jacques MICHAU, Mme Marie-Pierre MONIER, MM. Franck MONTAUGÉ, SĂ©bastien PLA, Mmes Émilienne POUMIROL, AngĂšle PRÉVILLE, MM. Claude RAYNAL, Christian REDON-SARRAZY, Mme Sylvie ROBERT, M. Gilbert ROGER, Mme Laurence ROSSIGNOL, MM. Lucien STANZIONE, Jean-Pierre SUEUR, Rachid TEMAL, Jean-Claude TISSOT, Jean-Marc TODESCHINI, MickaĂ«l VALLET, AndrĂ© VALLINI, Mme Sabine VAN HEGHE, M. Yannick VAUGRENARD, Mmes Éliane ASSASSI, Cathy APOURCEAU-POLY, MM. JĂ©rĂ©my BACCHI, Éric BOCQUET, Mmes CĂ©line BRULIN, Laurence COHEN, CĂ©cile CUKIERMAN, M. Fabien GAY, Mme Michelle GRÉAUME, MM. GĂ©rard LAHELLEC, Pierre LAURENT, Mme Marie-NoĂ«lle LIENEMANN, MM. Pierre OUZOULIAS, Pascal SAVOLDELLI, Mme Marie-Claude VARAILLAS, MM. Guillaume GONTARD, Guy BENARROCHE, Daniel BREUILLER, Ronan DANTEC, Thomas DOSSUS, Jacques FERNIQUE, JoĂ«l LABBÉ, Mme Monique de MARCO, M. Paul Toussaint PARIGI, Mme Raymonde PONCET MONGE, M. Daniel SALMON et Mme MĂ©lanie VOGEL, sĂ©nateurs.

Au vu des textes suivants :

  • la Constitution ;
  • l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
  • la loi organique n° 2009-403 du 15 avril 2009 relative Ă  l’application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution ;
  • le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
  • le code de la sĂ©curitĂ© sociale ;
  • le code du travail ;
  • la loi n° 2019-1446 du 24 dĂ©cembre 2019 de financement de la sĂ©curitĂ© sociale pour 2020 ;
  • le rĂšglement de l’AssemblĂ©e nationale ;
  • le rĂšglement du SĂ©nat ;
  • l’avis du Haut conseil des finances publiques n° 2023-1 du 18 janvier 2023 relatif au projet de loi de financement rectificative de la sĂ©curitĂ© sociale pour 2023 ;
  • le rĂšglement du 11 mars 2022 sur la procĂ©dure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les dĂ©clarations de conformitĂ© Ă  la Constitution ;

Au vu des piÚces suivantes :

  • les observations de la prĂ©sidente de la commission des affaires sociales du SĂ©nat, enregistrĂ©es le 29 mars 2023 ;
  • les observations prĂ©sentĂ©es Ă  la demande du Conseil constitutionnel par la prĂ©sidente de l’AssemblĂ©e nationale, enregistrĂ©es le 3 avril 2023 ;
  • les observations prĂ©sentĂ©es Ă  la demande du Conseil constitutionnel par le prĂ©sident du SĂ©nat, enregistrĂ©es le mĂȘme jour ;
  • les observations en rĂ©plique prĂ©sentĂ©es par les sĂ©nateurs requĂ©rants, enregistrĂ©es le 5 avril 2023 ;
  • les observations du Gouvernement, enregistrĂ©es le 6 avril 2023 ;

AprÚs avoir entendu :

  • les dĂ©putĂ©s reprĂ©sentant les auteurs de la troisiĂšme saisine ;
  • les sĂ©nateurs reprĂ©sentant les auteurs de la quatriĂšme saisine ;

Et aprÚs avoir entendu les rapporteurs ;

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S’EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT :

1. La PremiÚre ministre, les députés et les sénateurs requérants défÚrent au Conseil constitutionnel la loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023.

2. La PremiĂšre ministre n’invoque aucun grief particulier Ă  l’encontre de la loi dĂ©fĂ©rĂ©e. Les dĂ©putĂ©s et les sĂ©nateurs critiquent la procĂ©dure d’adoption de la loi. Les dĂ©putĂ©s auteurs de la deuxiĂšme saisine en contestent Ă©galement la sincĂ©ritĂ©. Les dĂ©putĂ©s et les sĂ©nateurs requĂ©rants contestent en outre la place des articles 2 et 10 dans la loi dĂ©fĂ©rĂ©e. Les dĂ©putĂ©s auteurs de la troisiĂšme saisine contestent la conformitĂ© Ă  la Constitution de certaines dispositions des articles 10 et 11 de la loi dĂ©fĂ©rĂ©e. Les dĂ©putĂ©s auteurs de la deuxiĂšme saisine et les sĂ©nateurs requĂ©rants contestent la place dans la loi dĂ©fĂ©rĂ©e de l’article 3. Les dĂ©putĂ©s auteurs de la troisiĂšme saisine et les sĂ©nateurs requĂ©rants contestent la place dans la loi dĂ©fĂ©rĂ©e de certaines dispositions de l’article 17. Les dĂ©putĂ©s auteurs de la deuxiĂšme saisine contestent la place dans la loi dĂ©fĂ©rĂ©e de l’article 35.

– Sur la procĂ©dure d’adoption de la loi :

. En ce qui concerne la mise en Ɠuvre de l’article 47-1 de la Constitution :

S’agissant du recours Ă  une loi de financement rectificative de la sĂ©curitĂ© sociale :

3. Les députés et sénateurs requérants critiquent le choix du Gouvernement de recourir à une loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour procéder à une réforme des retraites.

4. À cet Ă©gard, ils soutiennent qu’il ressortirait des travaux prĂ©paratoires de la rĂ©vision constitutionnelle de 1996 instituant les lois de financement de la sĂ©curitĂ© sociale, ainsi que des textes organiques pris pour son application, que le recours Ă  une loi de financement rectificative serait rĂ©servĂ© Ă  certaines situations d’urgence, Ă  des circonstances exceptionnelles ou Ă  la correction de dĂ©sĂ©quilibres financiers majeurs. Ils font valoir que ces conditions ne sont pas remplies en l’espĂšce et soulignent l’impact financier minime des mesures prĂ©vues par la loi dĂ©fĂ©rĂ©e sur les comptes de la sĂ©curitĂ© sociale au titre de l’annĂ©e 2023.

5. Ainsi, le recours Ă  un projet de loi de financement rectificative de la sĂ©curitĂ© sociale aurait constituĂ© selon eux un dĂ©tournement de procĂ©dure dans le seul but de permettre au Gouvernement de bĂ©nĂ©ficier des conditions d’examen accĂ©lĂ©rĂ© prĂ©vues Ă  l’article 47-1 de la Constitution, alors qu’une rĂ©forme de cette nature aurait dĂ» ĂȘtre examinĂ©e selon la procĂ©dure lĂ©gislative ordinaire.

6. Aux termes du dix-neuviĂšme alinĂ©a de l’article 34 de la Constitution : « Les lois de financement de la sĂ©curitĂ© sociale dĂ©terminent les conditions gĂ©nĂ©rales de son Ă©quilibre financier et, compte tenu de leurs prĂ©visions de recettes, fixent ses objectifs de dĂ©penses, dans les conditions et sous les rĂ©serves prĂ©vues par une loi organique ». Aux termes du premier alinĂ©a de son article 47-1 : « Le Parlement vote les projets de loi de financement de la sĂ©curitĂ© sociale dans les conditions prĂ©vues par une loi organique ».

7. L’article L.O. 111-3-9 du code de la sĂ©curitĂ© sociale prĂ©voit qu’une loi de financement rectificative a pour objet de modifier en cours d’annĂ©e les dispositions obligatoires de la loi de financement de l’annĂ©e. Les articles L.O. 111-3-10 et L.O. 111-3-11 du mĂȘme code dĂ©terminent les dispositions qu’une loi de financement rectificative de la sĂ©curitĂ© sociale doit obligatoirement comporter. L’article L.O. 111-3-12 fixe, quant Ă  lui, les catĂ©gories de dispositions facultatives relatives Ă  l’annĂ©e en cours qui peuvent figurer dans une telle loi. Ses deux premiers alinĂ©as prĂ©voient Ă  cet Ă©gard que peuvent notamment y figurer les dispositions relatives Ă  l’annĂ©e en cours ayant un effet sur les recettes des rĂ©gimes obligatoires de base ou des organismes concourant Ă  leur financement et celles relatives Ă  l’assiette, au taux et aux modalitĂ©s de recouvrement des cotisations et contributions affectĂ©es aux rĂ©gimes obligatoires de base ou aux organismes concourant Ă  leur financement.

8. Il ne ressort ni des termes des dispositions constitutionnelles et organiques prĂ©citĂ©es, ni au demeurant des travaux prĂ©paratoires des dispositions organiques en vigueur, que le recours Ă  un projet de loi de financement rectificative de la sĂ©curitĂ© sociale serait subordonnĂ© Ă  d’autres conditions que celles rĂ©sultant de ces dispositions, et notamment Ă  des conditions qui tiendraient Ă  l’urgence, Ă  des circonstances exceptionnelles ou Ă  un dĂ©sĂ©quilibre majeur des comptes sociaux.

9. Ainsi, lorsque le Conseil constitutionnel est saisi d’une loi de financement rectificative de la sĂ©curitĂ© sociale, il lui appartient seulement de s’assurer qu’elle comporte les dispositions relevant du domaine obligatoire et, pour celles de ses dispositions qui ne relĂšvent pas de ce domaine, de vĂ©rifier qu’elles se rattachent Ă  l’une des catĂ©gories mentionnĂ©es Ă  l’article L.O. 111-3-12 du code de la sĂ©curitĂ© sociale.

10. En l’espĂšce, d’une part, la loi dĂ©fĂ©rĂ©e comprend, au titre des dispositions relevant du domaine obligatoire, l’article liminaire ainsi que les deux parties mentionnĂ©s Ă  l’article L.O. 111-3-10 du code de la sĂ©curitĂ© sociale et procĂšde, en application de l’article L.O. 111-3-11 du mĂȘme code, aux rectifications nĂ©cessaires des prĂ©visions de recettes et des tableaux d’équilibre, des objectifs de dĂ©penses et de leurs sous-objectifs et des objectifs en matiĂšre d’amortissement de la dette.

11. D’autre part, si les dispositions relatives Ă  la rĂ©forme des retraites, qui ne relĂšvent pas de ce domaine obligatoire, auraient pu figurer dans une loi ordinaire, le choix qui a Ă©tĂ© fait Ă  l’origine par le Gouvernement de les faire figurer au sein d’une loi de financement rectificative ne mĂ©connaĂźt, en lui-mĂȘme, aucune exigence constitutionnelle. Il n’appartient pas au Conseil constitutionnel de substituer son apprĂ©ciation Ă  celle du lĂ©gislateur Ă  cet Ă©gard, mais uniquement de s’assurer que ces dispositions se rattachent Ă  l’une des catĂ©gories mentionnĂ©es Ă  l’article L.O. 111-3-12 du code de la sĂ©curitĂ© sociale.

12. DĂšs lors, le grief tirĂ© de ce que le lĂ©gislateur aurait irrĂ©guliĂšrement eu recours Ă  une loi de financement rectificative de la sĂ©curitĂ© sociale doit ĂȘtre Ă©cartĂ©.

S’agissant de la mise en Ɠuvre des rĂšgles et dĂ©lais d’examen prĂ©vus Ă  l’article 47-1 de la Constitution :

13. Les sĂ©nateurs requĂ©rants soutiennent que les dĂ©lais prĂ©vus Ă  l’article 47-1 de la Constitution pour l’examen des projets de loi de financement de la sĂ©curitĂ© sociale ne sont pas applicables Ă  la catĂ©gorie particuliĂšre des lois de financement rectificatives.

14. Rejoints par les dĂ©putĂ©s, ils considĂšrent que, en tout Ă©tat de cause, ces dĂ©lais resserrĂ©s ne pouvaient ĂȘtre appliquĂ©s pour l’examen du texte dĂ©fĂ©rĂ©, faute d’ĂȘtre justifiĂ©s en l’espĂšce par l’urgence de corriger un risque de dĂ©sĂ©quilibre des comptes de la sĂ©curitĂ© sociale. Les dĂ©putĂ©s auteurs de la troisiĂšme saisine et les sĂ©nateurs contestent en particulier la transmission, selon eux injustifiĂ©e, du projet de loi au SĂ©nat dĂšs l’expiration du dĂ©lai d’examen de vingt jours imparti Ă  l’AssemblĂ©e nationale par le deuxiĂšme alinĂ©a de l’article 47-1 de la Constitution.

15. Aux termes de l’article 47-1 de la Constitution : « Le Parlement vote les projets de loi de financement de la sĂ©curitĂ© sociale dans les conditions prĂ©vues par une loi organique. « Si l’AssemblĂ©e nationale ne s’est pas prononcĂ©e en premiĂšre lecture dans le dĂ©lai de vingt jours aprĂšs le dĂ©pĂŽt d’un projet, le Gouvernement saisit le SĂ©nat qui doit statuer dans un dĂ©lai de quinze jours. Il est ensuite procĂ©dĂ© dans les conditions prĂ©vues Ă  l’article 45.
« Si le Parlement ne s’est pas prononcĂ© dans un dĂ©lai de cinquante jours, les dispositions du projet peuvent ĂȘtre mises en Ɠuvre par ordonnance.
« Les dĂ©lais prĂ©vus au prĂ©sent article sont suspendus lorsque le Parlement n’est pas en session et, pour chaque assemblĂ©e, au cours des semaines oĂč elle a dĂ©cidĂ© de ne pas tenir sĂ©ance, conformĂ©ment au deuxiĂšme alinĂ©a de l’article 28 ». 

16. L’article L.O. 111-3 du code de la sĂ©curitĂ© sociale prĂ©voit :  « Ont le caractĂšre de loi de financement de la sĂ©curitĂ© sociale : 
 2 ° La loi de financement rectificative de la sĂ©curitĂ© sociale a le caractĂšre d’une loi ».

17. Il rĂ©sulte du texte mĂȘme de ces dispositions que les dĂ©lais d’examen ainsi prĂ©vus sont applicables Ă  la loi de financement de l’annĂ©e comme aux lois de financement rectificatives, qui modifient en cours d’annĂ©e les dispositions de cette derniĂšre, et que l’urgence ne constitue pas une condition de leur mise en Ɠuvre.

18. DĂšs lors, en saisissant le SĂ©nat du projet de loi de financement rectificative de la sĂ©curitĂ© sociale pour 2023 une fois Ă©coulĂ© le dĂ©lai de vingt jours imparti Ă  l’AssemblĂ©e nationale pour se prononcer en premiĂšre lecture, le Gouvernement s’est bornĂ© Ă  faire application des rĂšgles particuliĂšres d’examen dĂ©coulant de l’article 47-1 de la Constitution. Au demeurant, eu Ă©gard Ă  l’état d’avancement de l’examen du projet de loi par l’AssemblĂ©e nationale Ă  l’issue de ce dĂ©lai, la prolongation des dĂ©bats devant cette chambre n’aurait pas permis l’adoption de ce texte.

19. Il rĂ©sulte de tout ce qui prĂ©cĂšde qu’aucune exigence constitutionnelle n’a Ă©tĂ© mĂ©connue lors de la mise en Ɠuvre de la procĂ©dure prĂ©vue Ă  l’article 47-1 de la Constitution.

. En ce qui concerne l’engagement de la responsabilitĂ© du Gouvernement :

20. Les dĂ©putĂ©s auteurs de la deuxiĂšme saisine soutiennent que la PremiĂšre ministre ne pouvait, comme elle l’a fait, engager la responsabilitĂ© du Gouvernement devant l’AssemblĂ©e nationale sur le vote de l’ensemble du projet de loi lors de la lecture des conclusions de la commission mixte paritaire, alors que les dispositions de l’article L.O. 111-7-1 du code de la sĂ©curitĂ© sociale imposeraient, selon eux, un vote successif sur ses deux parties.

21. Selon le troisiĂšme alinĂ©a de l’article 49 de la Constitution : « Le Premier ministre peut, aprĂšs dĂ©libĂ©ration du Conseil des ministres, engager la responsabilitĂ© du Gouvernement devant l’AssemblĂ©e nationale sur le vote d’un projet de loi de finances ou de financement de la sĂ©curitĂ© sociale. Dans ce cas, ce projet est considĂ©rĂ© comme adoptĂ©, sauf si une motion de censure, dĂ©posĂ©e dans les vingt-quatre heures qui suivent, est votĂ©e dans les conditions prĂ©vues Ă  l’alinĂ©a prĂ©cĂ©dent. Le Premier ministre peut, en outre, recourir Ă  cette procĂ©dure pour un autre projet ou une proposition de loi par session ». L’exercice de la prĂ©rogative ainsi confĂ©rĂ©e au Premier ministre n’est soumis Ă  aucune autre condition que celles posĂ©es par ces dispositions. La rĂ©vision constitutionnelle du 23 juillet 2008 n’a pas modifiĂ© les conditions dans lesquelles la responsabilitĂ© du Gouvernement peut ĂȘtre engagĂ©e sur le vote d’une loi de finances ou d’une loi de financement de la sĂ©curitĂ© sociale.

22. S’il rĂ©sulte du paragraphe II de l’article L.O. 111-7-1 du code de la sĂ©curitĂ© sociale que la partie du projet de loi de financement rectificative relative aux dĂ©penses ne peut ĂȘtre mise en discussion avant l’adoption de la partie relative aux recettes et Ă  l’équilibre gĂ©nĂ©ral, le troisiĂšme alinĂ©a de l’article 45 de la Constitution prĂ©voit : « Le texte Ă©laborĂ© par la commission mixte peut ĂȘtre soumis par le Gouvernement pour approbation aux deux AssemblĂ©es. Aucun amendement n’est recevable sauf accord du Gouvernement ».

23. DĂšs lors, la PremiĂšre ministre pouvait, au stade de la lecture des conclusions de la commission mixte paritaire, engager la responsabilitĂ© du Gouvernement sur le vote de l’ensemble du projet de loi.

24. Il rĂ©sulte de ce qui prĂ©cĂšde qu’aucune exigence constitutionnelle n’a Ă©tĂ© mĂ©connue lors de la mise en Ɠuvre de la procĂ©dure prĂ©vue par le troisiĂšme alinĂ©a de l’article 49 de la Constitution.

. En ce qui concerne les griefs tirĂ©s de la mĂ©connaissance des exigences de clartĂ© et de sincĂ©ritĂ© du dĂ©bat parlementaire et du droit d’amendement :

25. Aux termes de l’article 6 de la DĂ©claration de 1789 : « La loi est l’expression de la volontĂ© gĂ©nĂ©rale ». Aux termes du premier alinĂ©a de l’article 3 de la Constitution : « La souverainetĂ© nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses reprĂ©sentants ». Ces dispositions imposent le respect des exigences de clartĂ© et de sincĂ©ritĂ© du dĂ©bat parlementaire.

26. Selon le premier alinĂ©a de l’article 44 de la Constitution : « Les membres du Parlement et le Gouvernement ont le droit d’amendement. Ce droit s’exerce en sĂ©ance ou en commission selon les conditions fixĂ©es par les rĂšglements des assemblĂ©es, dans le cadre dĂ©terminĂ© par une loi organique ».

27. Les rĂšglements des assemblĂ©es parlementaires n’ayant pas en eux-mĂȘmes valeur constitutionnelle, la seule mĂ©connaissance des dispositions rĂ©glementaires invoquĂ©es ne saurait avoir pour effet de rendre la procĂ©dure lĂ©gislative contraire Ă  la Constitution.

S’agissant de la procĂ©dure suivie par l’AssemblĂ©e nationale pour sĂ©lectionner la motion visant Ă  soumettre le projet de loi au rĂ©fĂ©rendum :

28. Les dĂ©putĂ©s auteurs de la troisiĂšme saisine critiquent la procĂ©dure retenue par la confĂ©rence des prĂ©sidents de l’AssemblĂ©e nationale pour sĂ©lectionner la motion visant Ă  soumettre le projet de loi de financement rectificative de la sĂ©curitĂ© sociale pour 2023 au rĂ©fĂ©rendum. Ils estiment en effet que, en l’absence de pondĂ©ration appliquĂ©e Ă  chaque motion au regard de son nombre de signataires, le recours Ă  un tirage au sort a entraĂźnĂ© une rupture d’égalitĂ© entre les membres du Parlement de nature Ă  porter atteinte Ă  la clartĂ© et Ă  la sincĂ©ritĂ© du dĂ©bat parlementaire et au libre exercice du mandat.

29.  En application du premier alinĂ©a de l’article 11 de la Constitution, certains projets de loi peuvent ĂȘtre soumis au rĂ©fĂ©rendum par le PrĂ©sident de la RĂ©publique sur proposition conjointe des deux assemblĂ©es. Selon le premier alinĂ©a de l’article 122 du rĂšglement de l’AssemblĂ©e nationale, « Lors de la discussion d’un projet de loi portant sur un objet mentionnĂ© Ă  l’article 11, alinĂ©a 1, de la Constitution, il ne peut ĂȘtre prĂ©sentĂ© qu’une seule motion tendant Ă  proposer de soumettre ce projet au rĂ©fĂ©rendum ».

30. En l’espĂšce, plusieurs motions ayant Ă©tĂ© dĂ©posĂ©es en vue de proposer au PrĂ©sident de la RĂ©publique de soumettre au rĂ©fĂ©rendum le projet de loi, la confĂ©rence des prĂ©sidents a arrĂȘtĂ©, en application du premier alinĂ©a de l’article 49 du rĂšglement de l’AssemblĂ©e nationale qui lui confie l’organisation de la discussion des textes, les modalitĂ©s de sĂ©lection de la motion devant ĂȘtre prĂ©sentĂ©e devant l’AssemblĂ©e nationale.

31. En prĂ©voyant, comme il lui Ă©tait loisible de le faire, de procĂ©der Ă  cette fin Ă  un tirage au sort sans prĂ©voir de pondĂ©ration en fonction du nombre de signataires de chacune des motions, la confĂ©rence des prĂ©sidents, qui a ainsi sĂ©lectionnĂ© l’une des motions dĂ©posĂ©es, n’a portĂ© atteinte ni Ă  la clartĂ© et Ă  la sincĂ©ritĂ© du dĂ©bat parlementaire ni au libre exercice du mandat.

S’agissant de l’opposition du Gouvernement à l’examen de certains sous-amendements non soumis à la commission saisie au fond :

32. Les sĂ©nateurs requĂ©rants reprochent au Gouvernement de s’ĂȘtre opposĂ© Ă  l’examen d’amendements qui n’avaient pas Ă©tĂ© prĂ©alablement soumis Ă  la commission saisie au fond, alors que cette circonstance aurait rĂ©sultĂ© du refus de la prĂ©sidente de cette commission de tenir une rĂ©union Ă  cette fin. Il en rĂ©sulterait, selon eux, une atteinte au droit d’amendement des parlementaires.

33. Aux termes du deuxiĂšme alinĂ©a de l’article 44 de la Constitution : « AprĂšs l’ouverture du dĂ©bat, le Gouvernement peut s’opposer Ă  l’examen de tout amendement qui n’a pas Ă©tĂ© antĂ©rieurement soumis Ă  la commission ».

34. En application du deuxiĂšme alinĂ©a de l’article 44 de la Constitution, le Gouvernement s’est opposĂ©, aprĂšs l’ouverture des dĂ©bats, Ă  l’examen de certains sous-amendements qui n’avaient pas Ă©tĂ© prĂ©alablement soumis Ă  la commission saisie au fond. Ces sous-amendements avaient Ă©tĂ© dĂ©posĂ©s plusieurs jours aprĂšs le dĂ©pĂŽt des amendements sur lesquels ils portaient et peu de temps avant leur discussion, alors que la commission s’était rĂ©unie dans l’intervalle.

35. DĂšs lors, la circonstance que ces sous-amendements n’aient pas pu ĂȘtre dĂ©fendus par leurs auteurs est insusceptible d’avoir portĂ©, en l’espĂšce, une atteinte substantielle au droit d’amendement des parlementaires.

S’agissant du recours au vote bloqué :

36. Les sĂ©nateurs requĂ©rants reprochent au Gouvernement d’avoir fait application de la procĂ©dure du vote bloquĂ©. Il en rĂ©sulterait une atteinte aux exigences de clartĂ© et de sincĂ©ritĂ© du dĂ©bat parlementaire.

37. Aux termes du troisiĂšme alinĂ©a de l’article 44 de la Constitution : « Si le Gouvernement le demande, l’assemblĂ©e saisie se prononce par un seul vote sur tout ou partie du texte en discussion en ne retenant que les amendements proposĂ©s ou acceptĂ©s par le Gouvernement ».

38. En l’espĂšce, le recours par le Gouvernement Ă  la procĂ©dure du vote bloquĂ© n’a pas eu pour effet de faire obstacle Ă  la discussion de chacune des dispositions du texte sur lequel il Ă©tait demandĂ© au SĂ©nat de se prononcer par un seul vote.

39. DĂšs lors, le recours Ă  cette procĂ©dure n’a pas portĂ© atteinte aux exigences de clartĂ© et de sincĂ©ritĂ© du dĂ©bat parlementaire.

S’agissant de la procĂ©dure de clĂŽture des dĂ©bats :

40. Les sĂ©nateurs requĂ©rants font valoir que le recours rĂ©pĂ©tĂ© Ă  la procĂ©dure de clĂŽture des dĂ©bats prĂ©vue par l’article 38 du rĂšglement du SĂ©nat aurait portĂ© atteinte aux exigences de clartĂ© et de sincĂ©ritĂ© du dĂ©bat parlementaire.

41. Aux termes du premier alinĂ©a de l’article 38 du rĂšglement du SĂ©nat : « Lorsqu’au moins deux orateurs d’avis contraire sont intervenus dans la discussion gĂ©nĂ©rale d’un texte, sauf application de l’article 29 ter, sur l’ensemble d’un article ou dans les explications de vote portant sur un amendement, un article ou l’ensemble du texte en discussion, le prĂ©sident, un prĂ©sident de groupe ou le prĂ©sident de la commission saisie au fond peut proposer la clĂŽture de ladite discussion ».

42. En l’espĂšce, il a Ă©tĂ© fait droit Ă  six demandes de clĂŽture au cours de la sĂ©ance publique. Chacune de ces demandes a fait l’objet d’un dĂ©bat dans des conditions ne mĂ©connaissant pas les exigences de clartĂ© et de sincĂ©ritĂ© des dĂ©bats.

43. Ainsi, au demeurant, la premiĂšre de ces demandes, qui portait sur les explications de vote sur les amendements de suppression de l’article 7 du projet de loi, n’a Ă©tĂ© formulĂ©e qu’au sixiĂšme jour des dĂ©bats en sĂ©ance publique et faisait suite Ă  soixante-quatre prises de parole sur cet article, ainsi qu’à la dĂ©fense de cinquante-cinq amendements de suppression.

44. DĂšs lors, le grief tirĂ© de ce que les clĂŽtures des dĂ©bats auraient mĂ©connu les exigences de clartĂ© et de sincĂ©ritĂ© du dĂ©bat parlementaire doit ĂȘtre Ă©cartĂ©.

S’agissant de l’examen en prioritĂ© de certains amendements :

45. Les sĂ©nateurs requĂ©rants font valoir que les demandes de prioritĂ© qui ont Ă©tĂ© formulĂ©es au cours de l’examen en sĂ©ance publique du projet de loi avaient pour seul objet d’empĂȘcher l’examen de nombreux amendements, en mĂ©connaissance des exigences de clartĂ© et de sincĂ©ritĂ© du dĂ©bat parlementaire.

46. ConformĂ©ment au sixiĂšme alinĂ©a de l’article 44 du rĂšglement du SĂ©nat, les demandes de prioritĂ© ou de rĂ©serve ont pour effet, en cas d’adoption, de modifier l’ordre de discussion des articles d’un texte ou des amendements. Lorsqu’elle est demandĂ©e par la commission saisie au fond, la prioritĂ© ou la rĂ©serve est de droit, sauf opposition du Gouvernement.

47. Il ne peut ĂȘtre recouru Ă  la prioritĂ© de discussion si celle-ci prive d’effet les exigences de clartĂ© et de sincĂ©ritĂ© du dĂ©bat parlementaire.

48. Lors des dĂ©bats en sĂ©ance publique, il a Ă©tĂ© fait droit Ă  plusieurs demandes de la commission saisie au fond d’examen en prioritĂ© d’amendements modifiant notamment la rĂ©daction de l’article 7 du projet de loi.

49. En premier lieu, contrairement aux affirmations des sĂ©nateurs requĂ©rants, les dispositions de l’article 44 du rĂšglement du SĂ©nat permettent de dĂ©roger Ă  l’ordre d’examen des amendements prĂ©vu par l’article 46 bis du mĂȘme rĂšglement selon lequel sont d’abord mis aux voix les amendements de suppression puis les autres amendements en commençant par ceux qui s’écartent le plus du texte proposĂ©.

50. En second lieu, si l’application de ces dispositions a conduit Ă  ce que mille trois cents amendements n’aient pas pu ĂȘtre prĂ©sentĂ©s par leurs auteurs du fait de l’adoption des amendements appelĂ©s en prioritĂ© avec lesquels ils Ă©taient incompatibles ou qui les ont rendus sans objet, cette circonstance n’a pas eu pour effet de porter une atteinte substantielle aux exigences de clartĂ© et de sincĂ©ritĂ© du dĂ©bat parlementaire, eu Ă©gard au contenu des amendements, au stade de la procĂ©dure auquel la demande de prioritĂ© est intervenue et aux conditions gĂ©nĂ©rales du dĂ©bat marquĂ© par le dĂ©pĂŽt d’un nombre exceptionnellement Ă©levĂ© d’amendements.

51. DĂšs lors, le grief tirĂ© de ce que l’examen en prioritĂ© de certains amendements aurait mĂ©connu les exigences de clartĂ© et de sincĂ©ritĂ© du dĂ©bat parlementaire doit ĂȘtre Ă©cartĂ©.

S’agissant de l’examen de la recevabilitĂ© des amendements :

52. Les sĂ©nateurs requĂ©rants font valoir que plusieurs milliers de leurs sous-amendements dĂ©posĂ©s sur l’article 7 du projet de loi auraient Ă©tĂ© dĂ©clarĂ©s irrecevables Ă  tort ou sans examen approfondi par la commission saisie au fond, en mĂ©connaissance du droit d’amendement et des exigences de clartĂ© et de sincĂ©ritĂ© du dĂ©bat parlementaire.

53. Aux termes du quatriĂšme alinĂ©a de l’article 44 bis du rĂšglement du SĂ©nat : « Sauf dispositions spĂ©cifiques les concernant, les sous-amendements sont soumis aux mĂȘmes rĂšgles de recevabilitĂ© et de discussion que les amendements. En outre, ils ne sont recevables que s’ils n’ont pas pour effet de contredire le sens des amendements auxquels ils s’appliquent ». Aux termes du neuviĂšme alinĂ©a du mĂȘme article : « La commission saisie au fond, tout sĂ©nateur ou le Gouvernement peut soulever Ă  tout moment de la discussion en sĂ©ance publique, Ă  l’encontre d’un ou plusieurs amendements, une exception d’irrecevabilitĂ© fondĂ©e sur le prĂ©sent article. L’irrecevabilitĂ© est admise de droit et sans dĂ©bat lorsqu’elle est affirmĂ©e par la commission au fond ».

54. Il rĂ©sulte de l’instruction que les dĂ©cisions d’irrecevabilitĂ© opposĂ©es Ă  certains sous-amendements ont Ă©tĂ© prononcĂ©es soit parce qu’ils contredisaient l’amendement auquel ils se rapportaient ou qu’ils ne s’appliquaient pas au texte visĂ©, soit parce que leurs dispositions Ă©taient contraires au principe d’égalitĂ© devant la loi.

55. En tout Ă©tat de cause, les sĂ©nateurs requĂ©rants ne prĂ©cisent ni le nombre ni l’objet des sous-amendements qui auraient Ă©tĂ© dĂ©clarĂ©s irrecevables Ă  tort dans des conditions susceptibles de porter une atteinte substantielle Ă  la clartĂ© et Ă  la sincĂ©ritĂ© du dĂ©bat parlementaire, eu Ă©gard au contenu de ces amendements, au stade de la procĂ©dure auquel leur a Ă©tĂ© opposĂ©e l’irrecevabilitĂ© et aux conditions gĂ©nĂ©rales du dĂ©bat.

56. Par consĂ©quent, les griefs tirĂ©s de ce que l’examen de la recevabilitĂ© des amendements aurait mĂ©connu le droit d’amendement et les exigences de clartĂ© et de sincĂ©ritĂ© du dĂ©bat parlementaire doivent ĂȘtre Ă©cartĂ©s.

57. Il rĂ©sulte de tout ce qui prĂ©cĂšde que les griefs tirĂ©s de la mĂ©connaissance du droit d’amendement et des exigences de clartĂ© et de sincĂ©ritĂ© du dĂ©bat parlementaire doivent ĂȘtre Ă©cartĂ©s.

. En ce qui concerne les documents joints au projet de loi :

58. Les dĂ©putĂ©s auteurs des deuxiĂšme et troisiĂšme saisines soutiennent que des Ă©lĂ©ments incomplets leur auraient Ă©tĂ© prĂ©sentĂ©s sur les consĂ©quences de la rĂ©forme et, en particulier, que certains ministres auraient dĂ©livrĂ©, lors de leurs interventions Ă  l’AssemblĂ©e nationale et dans les mĂ©dias, des informations erronĂ©es sur les montants de pension de retraite qui seront versĂ©s Ă  certaines catĂ©gories d’assurĂ©s.

59. Les dĂ©putĂ©s auteurs de la troisiĂšme saisine font par ailleurs valoir que le projet de loi n’aurait pas Ă©tĂ© accompagnĂ© de tous les documents exigĂ©s par l’article L.O. 111-4-3 du code de la sĂ©curitĂ© sociale. Ils soutiennent Ă©galement que l’évaluation prĂ©alable des articles du projet de loi n’aurait comportĂ© aucune information relative aux Ă©conomies par dĂ©cile de revenus et par genre permises par le report de l’ñge de dĂ©part Ă  la retraite ni d’évaluation de l’incidence de ce report sur les dĂ©penses sociales, sur le solde des administrations publiques, sur le chĂŽmage et sur l’attractivitĂ© de certaines professions. Ils allĂšguent en outre que le « rapport sur les objectifs et les effets du projet de rĂ©forme des retraites » aurait comportĂ© des erreurs sur les effets Ă©conomiques attendus de cette mĂȘme rĂ©forme.

60. En premier lieu, l’article L.O. 111-4-2 du code de la sĂ©curitĂ© sociale prĂ©voit :  « Le projet de loi de financement rectificative est accompagnĂ© d’un rapport dĂ©crivant, pour les quatre annĂ©es Ă  venir, les prĂ©visions de recettes et les objectifs de dĂ©penses des rĂ©gimes obligatoires de base, par branche, les prĂ©visions de recettes et de dĂ©penses des organismes concourant au financement de ces rĂ©gimes ainsi que l’objectif national de dĂ©penses d’assurance maladie ».

61. L’article L.O. 111-4-3 du mĂȘme code prĂ©voit :  « Sont jointes au projet de loi de financement rectificative des annexes : « 1 ° PrĂ©sentant des Ă©lĂ©ments d’information relatifs Ă  l’équilibre des finances sociales, notamment :
« a) En dĂ©taillant, par catĂ©gorie et par branche, la liste et l’évaluation des recettes, des dĂ©penses et du solde de l’ensemble des rĂ©gimes obligatoires de base ainsi que de chaque organisme concourant au financement de ces rĂ©gimes, Ă  l’amortissement de leur dette ou Ă  la mise en rĂ©serve de recettes Ă  leur profit ;
« b) En justifiant les besoins de trésorerie des régimes et organismes habilités par le projet de loi de financement rectificative à recourir à des ressources non permanentes ;
« c) En dĂ©taillant l’effet des mesures du projet de loi de financement rectificative ainsi que des mesures rĂ©glementaires ou conventionnelles prises en compte par ce projet sur les comptes des rĂ©gimes obligatoires de base ainsi que sur l’objectif national de dĂ©penses d’assurance maladie, au titre de l’annĂ©e en cours et, le cas Ă©chĂ©ant, des annĂ©es ultĂ©rieures ;
« 2 ° PrĂ©cisant, si le projet de loi de financement rectificative prĂ©voit une modification de l’objectif national de dĂ©penses d’assurance maladie, le pĂ©rimĂštre de l’objectif national de dĂ©penses d’assurance maladie et sa composition en sous-objectifs 
 ;
« 3 ° Comportant, pour les dispositions relevant de l’article LO 111-3-12, les documents mentionnĂ©s aux dix derniers alinĂ©as de l’article 8 de la loi organique n° 2009-403 du 15 avril 2009 relative Ă  l’application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution ». 

62. D’une part, le projet de loi dont est issue la loi dĂ©fĂ©rĂ©e Ă©tait accompagnĂ© de l’ensemble des documents exigĂ©s par les articles L.O. 111-4-2 et L.O. 111-4-3 du code de la sĂ©curitĂ© sociale. Il Ă©tait ainsi accompagnĂ©, en annexe, d’un rapport dĂ©crivant, pour les quatre annĂ©es Ă  venir, les prĂ©visions de recettes et les objectifs de dĂ©penses des rĂ©gimes obligatoires de base, par branche, les prĂ©visions de recettes et de dĂ©penses des organismes concourant au financement de ces rĂ©gimes ainsi que des annexes exigĂ©es par les 1 ° et 3 ° de l’article L.O. 111-4-3. Par ailleurs, en l’absence de modification de l’objectif national de dĂ©penses d’assurance maladie, le projet de loi n’avait pas Ă  ĂȘtre accompagnĂ© de l’annexe exigĂ©e au 2 ° de l’article L.O. 111-4-3.

63. D’autre part, l’annexe exigĂ©e par le 3 ° de l’article L.O. 111-4-3 traitait de l’ensemble des questions Ă©numĂ©rĂ©es aux dix derniers alinĂ©as de l’article 8 de la loi organique du 15 avril 2009 mentionnĂ©e ci-dessus.

64. En deuxiĂšme lieu, il ne rĂ©sulte pas de l’instruction que le « rapport sur les objectifs et les effets du projet de rĂ©forme des retraites » que le Gouvernement a choisi de joindre au projet de loi dont est issue la loi dĂ©fĂ©rĂ©e aurait comportĂ© des erreurs sur les effets Ă©conomiques attendus de cette mĂȘme rĂ©forme de nature Ă  affecter la clartĂ© et la sincĂ©ritĂ© des dĂ©bats.

65. En dernier lieu, la circonstance que certains ministres auraient dĂ©livrĂ©, lors de leurs interventions Ă  l’AssemblĂ©e nationale et dans les mĂ©dias, des estimations initialement erronĂ©es sur le montant des pensions de retraite qui seront versĂ©es Ă  certaines catĂ©gories d’assurĂ©s, est sans incidence sur la procĂ©dure d’adoption de la loi dĂ©fĂ©rĂ©e dĂšs lors que ces estimations ont pu ĂȘtre dĂ©battues.

. En ce qui concerne l’application cumulative de plusieurs procĂ©dures prĂ©vues par la Constitution et les rĂšglements des assemblĂ©es :

66. Les dĂ©putĂ©s auteurs de la deuxiĂšme saisine soutiennent que la mise en Ɠuvre cumulative des dispositions de l’article 47-1 et du troisiĂšme alinĂ©a de l’article 49 de la Constitution aurait constituĂ© une entrave au bon dĂ©roulement du dĂ©bat dĂ©mocratique, et ce d’autant plus que les dĂ©lais prĂ©vus Ă  l’article 47-1 auraient incitĂ© certains dĂ©putĂ©s Ă  dĂ©poser un grand nombre d’amendements pour faire obstruction Ă  la poursuite des dĂ©bats et ainsi empĂȘcher l’AssemblĂ©e nationale de se prononcer sur l’ensemble des dispositions du projet de loi.

67. Les dĂ©putĂ©s auteurs de la troisiĂšme saisine, rejoints par les sĂ©nateurs requĂ©rants, font valoir que, si l’utilisation de chacune des procĂ©dures mises en Ɠuvre en l’espĂšce afin d’accĂ©lĂ©rer l’adoption de la loi dĂ©fĂ©rĂ©e pourrait ĂȘtre regardĂ©e comme conforme Ă  la Constitution, leur usage cumulatif aurait eu pour effet de faire obstacle Ă  ce que le droit d’amendement des parlementaires puisse s’exercer pleinement, en mĂ©connaissance des exigences de clartĂ© et de sincĂ©ritĂ© du dĂ©bat parlementaire.

68. D’une part, il rĂ©sulte des termes mĂȘmes de la premiĂšre phrase du troisiĂšme alinĂ©a de l’article 49 de la Constitution que le constituant a entendu permettre au Premier ministre d’engager la responsabilitĂ© du Gouvernement devant l’AssemblĂ©e nationale sur le vote d’un projet de loi de financement de la sĂ©curitĂ© sociale examinĂ© dans les conditions prĂ©vues par son article 47-1. Il n’a, en outre, pas limitĂ© l’usage de cette facultĂ© Ă  un seul projet de loi de financement par session, comme il l’a fait pour d’autres projets ou propositions de loi.

69. D’autre part, la circonstance que plusieurs procĂ©dures prĂ©vues par la Constitution et par les rĂšglements des assemblĂ©es aient Ă©tĂ© utilisĂ©es cumulativement pour accĂ©lĂ©rer l’examen de la loi dĂ©fĂ©rĂ©e, n’est pas Ă  elle seule de nature Ă  rendre inconstitutionnel l’ensemble de la procĂ©dure lĂ©gislative ayant conduit Ă  l’adoption de cette loi.

70. En l’espĂšce, si l’utilisation combinĂ©e des procĂ©dures mises en Ɠuvre a revĂȘtu un caractĂšre inhabituel, en rĂ©ponse aux conditions des dĂ©bats, elle n’a pas eu pour effet de rendre la procĂ©dure lĂ©gislative contraire Ă  la Constitution. Par consĂ©quent, la loi dĂ©fĂ©rĂ©e a Ă©tĂ© adoptĂ©e selon une procĂ©dure conforme Ă  la Constitution.

– Sur la sincĂ©ritĂ© de la loi de financement rectificative de la sĂ©curitĂ© sociale :

71. Les dĂ©putĂ©s auteurs de la deuxiĂšme saisine soutiennent que la loi dĂ©fĂ©rĂ©e mĂ©connaĂźtrait le principe de sincĂ©ritĂ© et le dix-neuviĂšme alinĂ©a de l’article 34 de la Constitution. Au soutien de ces griefs, ils font valoir que l’avis rendu par le Haut conseil des finances publiques rĂ©vĂšlerait l’intention du Gouvernement de fausser les grandes lignes de l’équilibre de la sĂ©curitĂ© sociale et que le projet de loi n’aurait comportĂ© aucune Ă©valuation des consĂ©quences du report de l’ñge de dĂ©part Ă  la retraite Ă  « moyen terme ».

72. Aux termes de l’article L.O. 111-3-10 du code de la sĂ©curitĂ© sociale, la loi de financement rectificative de la sĂ©curitĂ© sociale « comprend deux parties :   
 Une premiĂšre partie correspondant Ă  la partie de la loi de financement de l’annĂ©e comprenant les dispositions relatives aux recettes et Ă  l’équilibre gĂ©nĂ©ral 
 Une seconde partie correspondant Ă  la partie de la loi de financement de l’annĂ©e comprenant les dispositions relatives aux dĂ©penses ». En vertu de la premiĂšre phrase du 2 ° de l’article L.O. 111-3-4 la loi de financement de la sĂ©curitĂ© sociale de l’annĂ©e dĂ©termine, pour l’annĂ©e en cours, « de maniĂšre sincĂšre, les conditions gĂ©nĂ©rales de l’équilibre financier de la sĂ©curitĂ© sociale compte tenu notamment des conditions Ă©conomiques gĂ©nĂ©rales et de leur Ă©volution prĂ©visible ». Il en rĂ©sulte que la sincĂ©ritĂ© de la loi de financement rectificative de la sĂ©curitĂ© sociale se caractĂ©rise par l’absence d’intention de fausser les grandes lignes de l’équilibre qu’elle dĂ©termine pour l’annĂ©e en cours.

73. En premier lieu, dans son avis rendu le 18 janvier 2023 mentionnĂ© ci-dessus sur le projet de loi dont est issue la loi dĂ©fĂ©rĂ©e, le Haut conseil des finances publiques a considĂ©rĂ© que la prĂ©vision de croissance de 1 % retenue par le projet de loi ne pouvait ĂȘtre exclue. Par ailleurs, s’il a estimĂ© que la prĂ©vision d’inflation de 4,1 % Ă©tait « un peu basse », il a au demeurant soulignĂ© que l’évolution des prix en 2023 « reste incertaine ». Enfin, si l’hypothĂšse d’une progression de la masse salariale lui est apparue « également faible », il a en tout Ă©tat de cause soulignĂ© qu’en la matiĂšre, « les incertitudes demeurent fortes ». Ainsi, il ne ressort pas de l’avis du Haut conseil des finances publiques que les hypothĂšses Ă©conomiques pour l’annĂ©e 2023 sur lesquelles est fondĂ©e la loi dĂ©fĂ©rĂ©e Ă©taient entachĂ©es d’une intention de fausser les grandes lignes de son Ă©quilibre.

74. En second lieu, ainsi qu’il a Ă©tĂ© dit au paragraphe 62, le projet de loi Ă©tait accompagnĂ© de l’ensemble des documents exigĂ©s par les articles L.O. 111-4-2 et L.O. 111-4-3 du code de la sĂ©curitĂ© sociale et en particulier d’un rapport annexĂ© dĂ©crivant, pour les quatre annĂ©es Ă  venir, les prĂ©visions de recettes et les objectifs de dĂ©penses du rĂ©gime par branche des rĂ©gimes obligatoires de base, les prĂ©visions de recettes et de dĂ©penses des organismes concourant au financement de ces rĂ©gimes. Il ne saurait par ailleurs ĂȘtre dĂ©duit une intention de fausser les grandes lignes de l’équilibre financier de la sĂ©curitĂ© sociale de l’absence de production par le Gouvernement d’un document, non exigĂ© par les dispositions organiques prĂ©citĂ©es, relatif aux effets Ă  « moyen terme » de la rĂ©forme.

75. DĂšs lors, le grief tirĂ© du dĂ©faut de sincĂ©ritĂ© de la loi dĂ©fĂ©rĂ©e doit ĂȘtre Ă©cartĂ©.

– Sur la place dans la loi dĂ©fĂ©rĂ©e de l’article 2 :

76. L’article 2 de la loi dĂ©fĂ©rĂ©e vise Ă  instituer, dans les entreprises d’au moins trois cents salariĂ©s, la publication d’indicateurs relatifs Ă  l’emploi des « seniors ».

77. Les dĂ©putĂ©s auteurs des deuxiĂšme et troisiĂšme saisines et les sĂ©nateurs requĂ©rants estiment que ces dispositions n’ont pas leur place dans une loi de financement rectificative de la sĂ©curitĂ© sociale.

78. Le premier alinĂ©a de l’article 47-1 de la Constitution dispose : « Le Parlement vote les projets de loi de financement de la sĂ©curitĂ© sociale dans les conditions prĂ©vues par une loi organique ». Les articles L.O. 111-3-9 Ă  L.O. 111-3-12 du code de la sĂ©curitĂ© sociale dĂ©terminent le contenu de la loi de financement rectificative de la sĂ©curitĂ© sociale.

79. L’article 2 se borne Ă  prĂ©voir, d’une part, que l’employeur poursuit un objectif d’amĂ©lioration de l’embauche et du maintien en activitĂ© des seniors et, d’autre part, que, dans les entreprises d’au moins trois cents salariĂ©s, l’employeur publie chaque annĂ©e des indicateurs relatifs Ă  l’emploi des seniors, selon des conditions prĂ©vues par dĂ©cret, sous peine de se voir appliquer une pĂ©nalitĂ© prononcĂ©e dans des conditions prĂ©vues par dĂ©cret en Conseil d’État. Il prĂ©cise Ă©galement les conditions dans lesquelles des nĂ©gociations portant sur les mesures d’amĂ©lioration de l’emploi des seniors doivent ĂȘtre engagĂ©es par l’employeur lorsqu’il constate une dĂ©gradation de ces indicateurs. Ces dispositions entrent en vigueur le 1er juillet 2024. Par dĂ©rogation, elles s’appliquent Ă  compter du 1er novembre 2023 aux entreprises d’au moins mille salariĂ©s.

80. Ces dispositions n’ont, en 2023, pas d’effet ou un effet trop indirect sur les recettes des rĂ©gimes obligatoires de base ou des organismes concourant Ă  leur financement. Elles ne relĂšvent pas non plus des autres catĂ©gories mentionnĂ©es Ă  l’article L.O. 111-3-12 du code de la sĂ©curitĂ© sociale. DĂšs lors, elles ne trouvent pas leur place dans une loi de financement rectificative de la sĂ©curitĂ© sociale. Elles sont donc contraires Ă  la Constitution.

– Sur la place dans la loi dĂ©fĂ©rĂ©e de l’article 3 :

81. L’article 3 crĂ©e, Ă  titre expĂ©rimental, un contrat de fin de carriĂšre pour le recrutement des demandeurs d’emploi de longue durĂ©e ĂągĂ©s d’au moins soixante ans.

82. Les dĂ©putĂ©s auteurs de la deuxiĂšme saisine et les sĂ©nateurs requĂ©rants estiment que ces dispositions n’ont pas leur place dans une loi de financement rectificative de la sĂ©curitĂ© sociale.

83. L’article 3 se borne Ă  prĂ©voir, d’une part, la possibilitĂ© pour les organisations d’employeurs et de salariĂ©s reprĂ©sentatives au niveau national et interprofessionnel d’engager une nĂ©gociation en vue de dĂ©finir des mesures visant Ă  favoriser l’emploi des seniors demandeurs d’emploi de longue durĂ©e et, d’autre part, en l’absence d’accord national interprofessionnel conclu avant le 31 aoĂ»t 2023, l’application Ă  compter du 1er septembre 2023 d’un nouveau type de contrat de travail dont le domaine et les modalitĂ©s devront ĂȘtre dĂ©finis par une convention de branche ou un accord de branche Ă©tendu.

84. Ces dispositions n’ont, en 2023, pas d’effet ou un effet trop indirect sur les recettes des rĂ©gimes obligatoires de base ou des organismes concourant Ă  leur financement. Elles ne relĂšvent pas non plus des autres catĂ©gories mentionnĂ©es Ă  l’article L.O. 111-3-12 du code de la sĂ©curitĂ© sociale. DĂšs lors, elles ne trouvent pas leur place dans une loi de financement rectificative de la sĂ©curitĂ© sociale. Elles sont donc contraires Ă  la Constitution.

– Sur la place dans la loi dĂ©fĂ©rĂ©e de l’article 10 et certaines de ses dispositions :

85. L’article 10 est relatif notamment au report de l’ñge lĂ©gal de dĂ©part Ă  la retraite et Ă  l’accĂ©lĂ©ration du calendrier de relĂšvement de la durĂ©e d’assurance requise pour l’obtention du taux plein. Il prĂ©voit par ailleurs les conditions d’ouverture du droit au dĂ©part anticipĂ© pour certains fonctionnaires.

86. Les dĂ©putĂ©s auteurs de la deuxiĂšme saisine soutiennent que cet article aurait un effet trĂšs limitĂ© sur les recettes et les dĂ©penses des rĂ©gimes obligatoires de base en 2023 et qu’il n’aurait donc pas sa place dans une loi de financement rectificative de la sĂ©curitĂ© sociale. Les sĂ©nateurs requĂ©rants contestent quant Ă  eux la place dans une telle loi des dispositions des c, d et e du 3 ° de son paragraphe I, qui seraient insĂ©parables du reste de l’article 10. Ces mĂȘmes sĂ©nateurs, rejoints par les dĂ©putĂ©s auteurs de la troisiĂšme saisine, contestent Ă©galement la place des dispositions du 6 ° du paragraphe III de l’article 10 qui, selon eux, seraient insĂ©parables des autres dispositions de la loi.

87. Les dĂ©putĂ©s auteurs de la troisiĂšme saisine font par ailleurs valoir que, en reportant Ă  soixante-quatre ans l’ñge lĂ©gal de dĂ©part Ă  la retraite et en accĂ©lĂ©rant le calendrier de relĂšvement de la durĂ©e de cotisation, les dispositions de l’article 10 compromettraient la politique de solidaritĂ© nationale en faveur des travailleurs retraitĂ©s et la sĂ©curitĂ© matĂ©rielle des vieux travailleurs, en mĂ©connaissance du onziĂšme alinĂ©a du PrĂ©ambule de la Constitution de 1946. Selon eux, ces dispositions auraient en outre pour consĂ©quence d’annuler les effets compensatoires des mesures destinĂ©es Ă  corriger les inĂ©galitĂ©s entre les hommes et les femmes et seraient ainsi contraires au troisiĂšme alinĂ©a du mĂȘme prĂ©ambule. Enfin, ils soutiennent que le report de l’ñge lĂ©gal de dĂ©part Ă  la retraite aurait pour effet d’accroĂźtre la prĂ©valence des situations de chĂŽmage et l’allongement des pĂ©riodes de prĂ©caritĂ© des seniors, en mĂ©connaissance de l’article 1er de la Constitution.

. En ce qui concerne la place de l’article 10 dans la loi de financement rectificative de la sĂ©curitĂ© sociale :

88. Les dispositions du 6 ° du paragraphe III de l’article 10, qui insĂšrent au sein du code des pensions civiles et militaires de retraite un article L. 24 bis prĂ©voyant que les services accomplis par un fonctionnaire dans un emploi classĂ© en catĂ©gorie active ou super-active pendant les dix annĂ©es prĂ©cĂ©dant sa titularisation sont comptabilisĂ©s comme des services actifs ou super-actifs pour l’acquisition du droit au dĂ©part anticipĂ©, ne sont applicables qu’aux services accomplis en qualitĂ© d’agents contractuels Ă  compter de la publication de la loi dĂ©fĂ©rĂ©e. DĂšs lors, ces dispositions n’ont pas d’effet sur les recettes ou les dĂ©penses de l’annĂ©e des rĂ©gimes obligatoires de base ou des organismes concourant Ă  leur financement. Elles ne relĂšvent pas non plus des autres catĂ©gories mentionnĂ©es Ă  l’article L.O. 111-3-12 du code de la sĂ©curitĂ© sociale. Par suite, ces dispositions, ainsi que, par voie de consĂ©quence, celles du paragraphe XXVIII du mĂȘme article 10, ne trouvent pas leur place dans une loi de financement rectificative de la sĂ©curitĂ© sociale. Elles sont donc contraires Ă  la Constitution. Ces dispositions sont sĂ©parables du reste de l’article 10 et des autres dispositions de la loi.

89. Le 3 ° du paragraphe I de cet article, qui est applicable aux pensions prenant effet Ă  compter du 1er septembre 2023, est relatif au relĂšvement de la durĂ©e d’assurance nĂ©cessaire pour bĂ©nĂ©ficier d’une retraite Ă  taux plein pour les personnes nĂ©es Ă  compter de 1961. Bien que les c, d et e de ce 3 °, qui portent sur la durĂ©e d’assurance applicable aux personnes nĂ©es en 1963, 1964 et 1965, n’aient pas d’impact au titre de l’annĂ©e 2023, ils sont insĂ©parables du a et b du mĂȘme 3 °, qui ont, eux, un tel impact. Les autres dispositions de l’article 10 sont Ă©galement applicables aux pensions prenant effet Ă  compter du 1er septembre 2023, Ă  l’exception des dispositions de ses paragraphes VIII, X, XIV et XV, qui entrent en vigueur deux mois aprĂšs la promulgation de la loi dĂ©fĂ©rĂ©e, et des dispositions de ses paragraphes VII et IX, applicables dĂšs son entrĂ©e en vigueur. Elles ont donc une incidence sur les recettes et les dĂ©penses de l’annĂ©e en cours des rĂ©gimes obligatoires de base. DĂšs lors, l’ensemble de ces dispositions trouvent leur place dans une loi de financement rectificative de la sĂ©curitĂ© sociale. Elles ont donc Ă©tĂ© adoptĂ©es selon une procĂ©dure conforme Ă  la Constitution.

. En ce qui concerne certaines dispositions de l’article 10 :

90. En premier lieu, aux termes du onziĂšme alinĂ©a du PrĂ©ambule de la Constitution de 1946, la Nation « garantit Ă  tous, notamment Ă  l’enfant, Ă  la mĂšre et aux vieux travailleurs, la protection de la santĂ©, la sĂ©curitĂ© matĂ©rielle, le repos et les loisirs. Tout ĂȘtre humain qui, en raison de son Ăąge, de son Ă©tat physique ou mental, de la situation Ă©conomique, se trouve dans l’incapacitĂ© de travailler a le droit d’obtenir de la collectivitĂ© des moyens convenables d’existence ».

91. L’exigence constitutionnelle rĂ©sultant des dispositions prĂ©citĂ©es implique la mise en Ɠuvre d’une politique de solidaritĂ© nationale en faveur des travailleurs retraitĂ©s. Il est cependant possible au lĂ©gislateur, pour satisfaire Ă  cette exigence, de choisir les modalitĂ©s concrĂštes qui lui paraissent appropriĂ©es. En particulier, il peut Ă  tout moment, statuant dans le domaine qui lui est rĂ©servĂ© par l’article 34 de la Constitution, modifier des textes antĂ©rieurs ou abroger ceux-ci en leur substituant, le cas Ă©chĂ©ant, d’autres dispositions. Il peut Ă©galement adopter, pour la rĂ©alisation ou la conciliation d’objectifs de nature constitutionnelle, des modalitĂ©s nouvelles dont il lui appartient d’apprĂ©cier l’opportunitĂ©. Cependant, l’exercice de ce pouvoir ne saurait aboutir Ă  priver de garanties lĂ©gales des exigences de caractĂšre constitutionnel.

92. Les dispositions contestĂ©es de l’article 10 modifient les premier et deuxiĂšme alinĂ©as de l’article L. 161-17-2 du code de la sĂ©curitĂ© sociale et les 2 ° Ă  6 ° de l’article L. 161-17-3 du mĂȘme code afin de prĂ©voir le report de l’ñge lĂ©gal de dĂ©part Ă  la retraite de soixante-deux Ă  soixante-quatre ans ainsi que l’accĂ©lĂ©ration du calendrier de relĂšvement de la durĂ©e d’assurance requise pour l’obtention d’une retraite Ă  taux plein.

93. En adoptant ces dispositions, le lĂ©gislateur a entendu assurer l’équilibre financier du systĂšme de retraite par rĂ©partition et, ainsi, en garantir la pĂ©rennitĂ©. Il a notamment tenu compte de l’allongement de l’espĂ©rance de vie. Au nombre des mesures qu’il a prises figurent le report Ă  soixante-quatre ans de l’ñge lĂ©gal de dĂ©part Ă  la retraite tant pour les salariĂ©s du secteur privĂ© que pour les agents du secteur public ainsi que l’accĂ©lĂ©ration du calendrier de relĂšvement de la durĂ©e d’assurance requise pour bĂ©nĂ©ficier d’une pension Ă  taux plein. Le lĂ©gislateur a par ailleurs maintenu ou Ă©tendu des possibilitĂ©s de retraite anticipĂ©e au bĂ©nĂ©fice des personnes ayant eu des carriĂšres longues, de celles ayant un taux d’incapacitĂ© de travail fixĂ© par voie rĂ©glementaire ou encore des travailleurs handicapĂ©s. Il a en outre maintenu l’ñge d’annulation de la dĂ©cote Ă  soixante-sept ans pour les salariĂ©s du secteur privĂ© et instituĂ© un Ăąge d’annulation de la dĂ©cote dans la fonction publique. Ce faisant, il a pris des mesures qui ne sont pas inappropriĂ©es au regard de l’objectif qu’il s’est fixĂ© et n’a pas privĂ© de garanties lĂ©gales les exigences constitutionnelles prĂ©citĂ©es.

94. Il rĂ©sulte de ce qui prĂ©cĂšde que le grief tirĂ© de la mĂ©connaissance des exigences du onziĂšme alinĂ©a du PrĂ©ambule de la Constitution de 1946 doit ĂȘtre Ă©cartĂ©.

95. En second lieu, les dispositions contestĂ©es de l’article 10 n’ont en elles-mĂȘmes ni pour objet ni pour effet de supprimer le bĂ©nĂ©fice de la majoration de la durĂ©e d’assurance de quatre trimestres attribuĂ©e aux femmes assurĂ©es sociales au titre de l’incidence sur leur vie professionnelle de la maternitĂ©, prĂ©vue Ă  l’article L. 351-4 du code de la sĂ©curitĂ© sociale.

96. Le grief tirĂ© de la mĂ©connaissance du troisiĂšme alinĂ©a du PrĂ©ambule de la Constitution de 1946 ne peut donc qu’ĂȘtre Ă©cartĂ©.

97. Par consĂ©quent, les mots « soixante-quatre » et l’annĂ©e « 1968 » figurant au premier alinĂ©a de l’article L. 161-17-2 du code de la sĂ©curitĂ© sociale et l’annĂ©e « 1968 », la date « 1er septembre 1961 » et les mots « 1967, de maniĂšre croissante, Ă  raison de trois mois par gĂ©nĂ©ration » figurant au deuxiĂšme alinĂ©a du mĂȘme article et la date « 31 aoĂ»t 1961 » figurant au 2 ° de l’article L. 161-17-3 du mĂȘme code, la date « 1er septembre 1961 » et l’annĂ©e « 1962 » figurant au 3 ° du mĂȘme article, les mots « en 1963 » figurant Ă  son 4 °, les mots « en 1964 » figurant Ă  son 5 ° et l’annĂ©e « 1965 » figurant Ă  son 6 °, qui ne mĂ©connaissent ni les exigences de l’article 1er de la Constitution ni aucune autre exigence constitutionnelle, ne sont pas contraires Ă  la Constitution.

– Sur certaines dispositions de l’article 11 :

98. L’article 11 modifie notamment l’article L. 351-1-1 du code de la sĂ©curitĂ© sociale relatif Ă  la dĂ©termination de l’ñge anticipĂ© auquel certains assurĂ©s qui ont commencĂ© Ă  travailler Ă  un jeune Ăąge ont droit Ă  la liquidation d’une pension de retraite.

99. Les dĂ©putĂ©s auteurs de la troisiĂšme saisine font valoir que certains assurĂ©s ayant commencĂ© Ă  travailler Ă  un jeune Ăąge pourraient remplir la condition de durĂ©e de cotisation pour obtenir une pension de retraite Ă  « taux plein » avant d’avoir atteint l’ñge anticipĂ© auquel ils ont droit Ă  la liquidation de leur pension de retraite. Ils devraient alors continuer Ă  cotiser jusqu’à ce qu’ils atteignent cet Ăąge anticipĂ© et cotiseraient ainsi plus longtemps que les autres assurĂ©s. Il en rĂ©sulterait une mĂ©connaissance du principe d’égalitĂ©.

100. Selon l’article 6 de la DĂ©claration de 1789, la loi « doit ĂȘtre la mĂȘme pour tous, soit qu’elle protĂšge, soit qu’elle punisse ». Le principe d’égalitĂ© ne s’oppose ni Ă  ce que le lĂ©gislateur rĂšgle de façon diffĂ©rente des situations diffĂ©rentes, ni Ă  ce qu’il dĂ©roge Ă  l’égalitĂ© pour des raisons d’intĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral, pourvu que, dans l’un et l’autre cas, la diffĂ©rence de traitement qui en rĂ©sulte soit en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit.

101. L’article L. 351-1 du code de la sĂ©curitĂ© sociale prĂ©voit que l’assurance vieillesse garantit une pension de retraite Ă  l’assurĂ© qui en demande la liquidation Ă  partir de l’ñge mentionnĂ© Ă  l’article L. 161-17-2.  Il prĂ©voit Ă©galement qu’une durĂ©e totale d’assurance est exigĂ©e pour obtenir une pension Ă  taux plein. L’article L. 351-1-1 du mĂȘme code prĂ©voit que l’ñge de dĂ©part Ă  la retraite est abaissĂ© pour les assurĂ©s qui ont commencĂ© leur activitĂ© avant un certain Ăąge.

102. Les dispositions contestĂ©es de l’article 11 modifient l’article L. 351-1-1 du code de la sĂ©curitĂ© sociale. Elles prĂ©voient que l’ñge de dĂ©part Ă  la retraite est abaissĂ© pour les assurĂ©s qui ont commencĂ© leur activitĂ© avant l’« un des quatre Ăąges, dont le plus Ă©levĂ© ne peut excĂ©der vingt et un ans », qui seront dĂ©terminĂ©s par dĂ©cret. Elles prĂ©voient Ă©galement que la condition tenant Ă  la durĂ©e totale d’assurance pour bĂ©nĂ©ficier du dispositif « ne peut ĂȘtre supĂ©rieure Ă  la durĂ©e d’assurance » mentionnĂ©e au deuxiĂšme alinĂ©a de l’article L. 351-1, laquelle est fixĂ©e Ă  172 trimestres pour les assurĂ©s nĂ©s Ă  partir du 1er janvier 1965 et Ă  171 trimestres et moins pour les assurĂ©s nĂ©s avant cette date par l’article L. 161-17-3 du code de la sĂ©curitĂ© sociale, dans sa rĂ©daction rĂ©sultant de l’article 10 de la loi dĂ©fĂ©rĂ©e.

103. En premier lieu, les dispositions contestĂ©es abaissent l’ñge de dĂ©part Ă  la retraite des personnes qui ont commencĂ© Ă  travailler avant vingt et un ans et prĂ©voient que leur durĂ©e d’assurance pour obtenir une pension de retraite Ă  taux plein ne peut ĂȘtre fixĂ©e Ă  une durĂ©e supĂ©rieure Ă  celle applicable aux autres assurĂ©s. Elles n’ont ainsi ni pour objet ni pour effet d’allonger la durĂ©e d’assurance des personnes qui ont commencĂ© Ă  travailler avant vingt et un ans au-delĂ  de la durĂ©e totale d’assurance exigĂ©e des autres assurĂ©s.

104. En second lieu, si certains assurĂ©s bĂ©nĂ©ficiant de l’abaissement minimal de l’ñge de leur dĂ©part Ă  la retraite, qui n’ont pas encore atteint cet Ăąge minimal, pourraient ĂȘtre conduits Ă  continuer Ă  cotiser au-delĂ  de la durĂ©e d’assurance requise pour obtenir une pension Ă  taux plein, cette circonstance, qui rĂ©sulte de situations et de carriĂšres individuelles, ne mĂ©connaĂźt pas le principe d’égalitĂ©, au regard de l’objet d’un systĂšme de retraite par rĂ©partition qui implique de fixer un Ăąge minimal de dĂ©part Ă  la retraite.

105. DĂšs lors, le grief tirĂ© de la mĂ©connaissance du principe d’égalitĂ© devant la loi doit ĂȘtre Ă©cartĂ©.

106. Par consĂ©quent, les mots « un des quatre Ăąges, dont le plus Ă©levĂ© ne peut excĂ©der vingt et un ans » et les mots « qui ne peut ĂȘtre supĂ©rieure Ă  la durĂ©e d’assurance mentionnĂ©e au deuxiĂšme alinĂ©a du mĂȘme article L. 351-1 » figurant Ă  la premiĂšre phrase de l’article L. 351-1-1 du code de la sĂ©curitĂ© sociale, qui ne mĂ©connaissent aucune autre exigence constitutionnelle, sont conformes Ă  la Constitution.

– Sur la place dans la loi dĂ©fĂ©rĂ©e de certaines dispositions de l’article 17 :

107. L’article 17 est relatif Ă  la prĂ©vention et Ă  la rĂ©paration de l’usure professionnelle.

108. Les dĂ©putĂ©s auteurs de la troisiĂšme saisine soutiennent que les dispositions du 1 ° du paragraphe I de l’article 17 et celles de son paragraphe VI n’auraient pas leur place dans une loi de financement rectificative de la sĂ©curitĂ© sociale. Ces mĂȘmes dĂ©putĂ©s, rejoints par les sĂ©nateurs requĂ©rants, contestent en outre la place des dispositions du 7 ° du A du paragraphe III de cet article dans une telle loi.

109. Le 1 ° du paragraphe I de l’article 17 insĂšre au sein du code de la sĂ©curitĂ© sociale un article L. 221-1-5 prĂ©voyant la crĂ©ation d’un fonds d’investissement dans la prĂ©vention de l’usure professionnelle placĂ© auprĂšs de la commission des accidents du travail et des maladies professionnelles de la Caisse nationale de l’assurance maladie. Le paragraphe VI de cet article institue un fonds pour la prĂ©vention de l’usure professionnelle dans les Ă©tablissements publics de santĂ©, les centres d’accueil et de soins hospitaliers et les Ă©tablissements sociaux et mĂ©dico-sociaux publics.

110. Ces dispositions, qui entrent en vigueur dĂšs 2023, prĂ©voient que ces fonds sont alimentĂ©s chaque annĂ©e par une dotation des rĂ©gimes obligatoires de base d’assurance maladie, ont une incidence sur les dĂ©penses de l’annĂ©e en cours de ces rĂ©gimes. Elles trouvent donc leur place dans une loi de financement rectificative de la sĂ©curitĂ© sociale et ont Ă©tĂ© adoptĂ©es selon une procĂ©dure conforme Ă  la Constitution.

111. Le 7 ° du A du paragraphe III de l’article 17 insĂšre au sein du code du travail un article L. 4624-2-1-1 permettant aux salariĂ©s exerçant ou ayant exercĂ© des mĂ©tiers ou des activitĂ©s particuliĂšrement exposĂ©s Ă  certains facteurs de risques professionnels de bĂ©nĂ©ficier d’un suivi individuel spĂ©cifique, comprenant, entre le soixantiĂšme et le soixante et uniĂšme anniversaires, une visite mĂ©dicale au cours de laquelle, si son Ă©tat de santĂ© le justifie, le salariĂ© est informĂ© de la possibilitĂ© d’ĂȘtre reconnu inapte au travail.

112. Ces dispositions n’ont pas d’effet ou un effet trop indirect sur les dĂ©penses des rĂ©gimes obligatoires de base ou des organismes concourant Ă  leur financement. Elles ne relĂšvent pas non plus des autres catĂ©gories mentionnĂ©es Ă  l’article L.O. 111-3-12 du code de la sĂ©curitĂ© sociale. DĂšs lors, elles ne trouvent pas leur place dans une loi de financement rectificative de la sĂ©curitĂ© sociale. Elles sont donc contraires Ă  la Constitution.

– Sur la place dans la loi dĂ©fĂ©rĂ©e de l’article 35 :

113. L’article 35 fixe les prĂ©visions des charges des organismes concourant au financement des rĂ©gimes obligatoires de sĂ©curitĂ© sociale pour l’annĂ©e 2023. À ce titre, il fixe Ă  19,3 milliards d’euros les prĂ©visions de charges du Fonds de solidaritĂ© vieillesse.

114. Les dĂ©putĂ©s auteurs de la deuxiĂšme saisine soutiennent que ces dispositions n’auraient pas leur place dans une loi de financement rectificative de la sĂ©curitĂ© sociale.

115. Aux termes de l’article L.O. 111-3-5 du code de la sĂ©curitĂ© sociale : « Dans sa partie comprenant les dispositions relatives aux dĂ©penses pour l’annĂ©e Ă  venir, la loi de financement de l’annĂ©e : 1 ° Fixe les charges prĂ©visionnelles des organismes concourant au financement des rĂ©gimes obligatoires de base ». Selon l’article L.O. 111-3-10 du mĂȘme code : « la loi de financement rectificative comprend deux parties : 
 2 ° Une seconde partie correspondant Ă  la partie de la loi de financement de l’annĂ©e comprenant les dispositions relatives aux dĂ©penses ». Il en rĂ©sulte que les dispositions de l’article 35 trouvent leur place dans une loi de financement rectificative de la sĂ©curitĂ© sociale.

– Sur la place d’autres dispositions dans la loi dĂ©fĂ©rĂ©e :

116. Il appartient au Conseil constitutionnel de déclarer contraires à la Constitution les dispositions adoptées en méconnaissance de la rÚgle de procédure prévue aux articles L.O. 111-3-9 à L.O. 111-3-12 du code de la sécurité sociale qui déterminent le contenu de la loi de financement rectificative de la sécurité sociale. Dans ce cas, le Conseil constitutionnel ne préjuge pas de la conformité du contenu de ces dispositions aux autres exigences constitutionnelles.

117. L’article 6 apporte diverses modifications Ă  l’organisation du recouvrement des cotisations sociales, dont l’objet est de tirer les consĂ©quences de l’abrogation de dispositions issues de l’article 18 de la loi du 24 dĂ©cembre 2019 mentionnĂ©e ci-dessus, dont l’entrĂ©e en vigueur devait intervenir le 1er janvier 2024.

118. L’article 27 instaure un dispositif d’information Ă  destination des assurĂ©s sur le systĂšme de retraite par rĂ©partition.

119. Ces dispositions n’ont pas d’effet ou ont un effet trop indirect sur les dĂ©penses des rĂ©gimes obligatoires de base ou des organismes concourant Ă  leur financement. Elles ne relĂšvent pas non plus des autres catĂ©gories mentionnĂ©es Ă  l’article L.O. 111-3-12 du code de la sĂ©curitĂ© sociale. DĂšs lors, elles ne trouvent pas leur place dans une loi de financement rectificative de la sĂ©curitĂ© sociale. Sans que le Conseil constitutionnel ne prĂ©juge de la conformitĂ© du contenu de ces dispositions aux autres exigences constitutionnelles, il y a lieu de constater que, adoptĂ©es selon une procĂ©dure contraire Ă  la Constitution, elles lui sont donc contraires.

– Sur les autres dispositions :

120. Le Conseil constitutionnel n’a soulevĂ© d’office aucune autre question de conformitĂ© Ă  la Constitution et ne s’est donc pas prononcĂ© sur la constitutionnalitĂ© des autres dispositions que celles examinĂ©es dans la prĂ©sente dĂ©cision.

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE :
 
Article 1er. – Sont contraires Ă  la Constitution les dispositions suivantes de la loi de financement rectificative de la sĂ©curitĂ© sociale pour 2023 :

  • l’article 2 ;
  • l’article 3 ;
  • l’article 6 ;
  • le 6 ° du paragraphe III et le paragraphe XXVIII de l’article 10 ;
  • le 7 ° du A du paragraphe III de l’article 17 ;
  • l’article 27.
     
    Article 2. – Sont conformes Ă  la Constitution les dispositions suivantes :
  • les mots « soixante-quatre » et l’annĂ©e « 1968 » figurant au premier alinĂ©a de l’article L. 161-17-2 du code de la sĂ©curitĂ© sociale et l’annĂ©e « 1968 », la date « 1er septembre 1961 » et les mots « 1967, de maniĂšre croissante, Ă  raison de trois mois par gĂ©nĂ©ration » figurant au deuxiĂšme alinĂ©a du mĂȘme article, dans sa rĂ©daction rĂ©sultant de l’article 10 de la loi de financement rectificative de la sĂ©curitĂ© sociale pour 2023 ;
  • la date « 31 aoĂ»t 1961 » figurant au 2 ° de l’article L. 161-17-3 du mĂȘme code, la date « 1er septembre 1961 » et l’annĂ©e « 1962 » figurant au 3 ° du mĂȘme article, les mots « en 1963 » figurant Ă  son 4 °, les mots « en 1964 » figurant Ă  son 5 ° et l’annĂ©e « 1965 » figurant Ă  son 6 °, dans sa rĂ©daction rĂ©sultant l’article 10 de la loi dĂ©fĂ©rĂ©e ;
  • les mots « un des quatre Ăąges, dont le plus Ă©levĂ© ne peut excĂ©der vingt et un ans » et les mots « qui ne peut ĂȘtre supĂ©rieure Ă  la durĂ©e d’assurance mentionnĂ©e au deuxiĂšme alinĂ©a du mĂȘme article L. 351-1 » figurant Ă  la premiĂšre phrase de l’article L. 351-1-1 du code de la sĂ©curitĂ© sociale, dans sa rĂ©daction rĂ©sultant de l’article 11 de la mĂȘme loi.
     
    Article 3. – Cette dĂ©cision sera publiĂ©e au Journal officiel de la RĂ©publique française.
     

JugĂ© par le Conseil constitutionnel dans sa sĂ©ance du 14 avril 2023, oĂč siĂ©geaient : M. Laurent FABIUS, PrĂ©sident, Mme Jacqueline GOURAULT, M. Alain JUPPÉ, Mmes Corinne LUQUIENS, VĂ©ronique MALBEC, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET, Michel PINAULT et François SÉNERS.
 
Rendu public le 14 avril 2023.