đŸŸ„ Le Conseil constitutionnel rejette le RIP relatif Ă  la proposition de loi visant Ă  affirmer que l’ñge lĂ©gal de dĂ©part Ă  la retraite ne peut ĂȘtre fixĂ© au-delĂ  de 62 ans

Source : Conseil constitutionnel, 14 avril 2023, n° 2023-4 RIP
Commentaire : https://st2.static.conseil-constitutionnel.fr/sites/default/files/as/root/bank_mm/decisions/20234rip/20234rip_ccc.pdf

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI, le 20 mars 2023, par la prĂ©sidente de l’AssemblĂ©e nationale, sous le n° 2023-4 RIP, conformĂ©ment au quatriĂšme alinĂ©a de l’article 11 et au premier alinĂ©a de l’article 61 de la Constitution, de la proposition de loi visant Ă  affirmer que l’ñge lĂ©gal de dĂ©part Ă  la retraite ne peut ĂȘtre fixĂ© au-delĂ  de 62 ans.

Au vu des textes suivants :

  • la Constitution, notamment ses articles 11 et 40 ;
  • l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment son article 45-2 ;
  • la loi organique n° 2013-1114 du 6 dĂ©cembre 2013 portant application de l’article 11 de la Constitution, ensemble la dĂ©cision du Conseil constitutionnel n° 2013-681 DC du 5 dĂ©cembre 2013 ;
  • le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
  • le code rural et de la pĂȘche maritime ;
  • le code de la sĂ©curitĂ© sociale ;
  • la dĂ©cision du Conseil constitutionnel n° 2019-1 RIP du 9 mai 2019 ;
  • la dĂ©cision du Conseil constitutionnel n° 2022-3 RIP du 25 octobre 2022 ;

Au vu des piÚces suivantes :

  • les observations du Gouvernement, enregistrĂ©es le 24 mars 2023 ;
  • les observations de M. AndrĂ© Chassaigne et plusieurs autres dĂ©putĂ©s, enregistrĂ©es les 24 et 31 mars 2023 ;
  • les observations de M. Patrick Kanner, sĂ©nateur, enregistrĂ©es le 31 mars 2023 ;

Et aprÚs avoir entendu le rapporteur ;

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S’EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT :

1. La proposition de loi soumise Ă  l’examen du Conseil constitutionnel a Ă©tĂ© dĂ©posĂ©e sur le bureau de l’AssemblĂ©e nationale, en application du troisiĂšme alinĂ©a de l’article 11 de la Constitution.

2. Aux termes des premier, troisiĂšme, quatriĂšme et sixiĂšme alinĂ©as de l’article 11 de la Constitution :  « Le PrĂ©sident de la RĂ©publique, sur proposition du Gouvernement pendant la durĂ©e des sessions ou sur proposition conjointe des deux assemblĂ©es, publiĂ©es au Journal officiel, peut soumettre au rĂ©fĂ©rendum tout projet de loi portant sur l’organisation des pouvoirs publics, sur des rĂ©formes relatives Ă  la politique Ă©conomique, sociale ou environnementale de la nation et aux services publics qui y concourent, ou tendant Ă  autoriser la ratification d’un traitĂ© qui, sans ĂȘtre contraire Ă  la Constitution, aurait des incidences sur le fonctionnement des institutions. « Un rĂ©fĂ©rendum portant sur un objet mentionnĂ© au premier alinĂ©a peut ĂȘtre organisĂ© Ă  l’initiative d’un cinquiĂšme des membres du Parlement, soutenue par un dixiĂšme des Ă©lecteurs inscrits sur les listes Ă©lectorales. Cette initiative prend la forme d’une proposition de loi et ne peut avoir pour objet l’abrogation d’une disposition lĂ©gislative promulguĂ©e depuis moins d’un an.
« Les conditions de sa prĂ©sentation et celles dans lesquelles le Conseil constitutionnel contrĂŽle le respect des dispositions de l’alinĂ©a prĂ©cĂ©dent sont dĂ©terminĂ©es par une loi organique.
« Lorsque la proposition de loi n’est pas adoptĂ©e par le peuple français, aucune nouvelle proposition de rĂ©fĂ©rendum portant sur le mĂȘme sujet ne peut ĂȘtre prĂ©sentĂ©e avant l’expiration d’un dĂ©lai de deux ans suivant la date du scrutin ».

3. Aux termes de l’article 45-2 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 mentionnĂ©e ci-dessus :  « Le Conseil constitutionnel vĂ©rifie, dans le dĂ©lai d’un mois Ă  compter de la transmission de la proposition de loi : « 1 ° Que la proposition de loi est prĂ©sentĂ©e par au moins un cinquiĂšme des membres du Parlement, ce cinquiĂšme Ă©tant calculĂ© sur le nombre des siĂšges effectivement pourvus Ă  la date d’enregistrement de la saisine par le Conseil constitutionnel, arrondi au chiffre immĂ©diatement supĂ©rieur en cas de fraction ;
« 2 ° Que son objet respecte les conditions posĂ©es aux troisiĂšme et sixiĂšme alinĂ©as de l’article 11 de la Constitution, les dĂ©lais qui y sont mentionnĂ©s Ă©tant calculĂ©s Ă  la date d’enregistrement de la saisine par le Conseil constitutionnel ;
« 3 ° Et qu’aucune disposition de la proposition de loi n’est contraire Ă  la Constitution ».  

4. En premier lieu, conformĂ©ment au 1 ° de l’article 45-2 de l’ordonnance du 7 novembre 1958, la proposition de loi a Ă©tĂ© prĂ©sentĂ©e par au moins un cinquiĂšme des membres du Parlement Ă  la date d’enregistrement de la saisine du Conseil constitutionnel.

5. En second lieu, il rĂ©sulte du 2 ° du mĂȘme article 45-2 qu’il appartient au Conseil constitutionnel, ainsi qu’il l’a relevĂ© par sa dĂ©cision du 9 mai 2019 mentionnĂ©e ci-dessus, de vĂ©rifier que, Ă  la date d’enregistrement de la saisine, l’objet de la proposition de loi respecte les conditions posĂ©es aux troisiĂšme et sixiĂšme alinĂ©as de l’article 11 de la Constitution. Ainsi qu’il l’a jugĂ© tant par sa dĂ©cision du 9 mai 2019 que par sa dĂ©cision du 25 octobre 2022 mentionnĂ©e ci-dessus, il s’assure, en particulier, que la proposition porte sur l’organisation des pouvoirs publics, sur des rĂ©formes relatives Ă  la politique Ă©conomique, sociale ou environnementale de la nation et aux services publics qui y concourent, ou tend Ă  autoriser la ratification d’un traitĂ© qui aurait des incidences sur le fonctionnement des institutions.

6. En l’espĂšce, l’article unique de cette proposition de loi dispose que l’ñge d’ouverture du droit Ă  une pension de retraite mentionnĂ© au premier alinĂ©a de l’article L. 351-1 du code de la sĂ©curitĂ© sociale applicable aux assurĂ©s du rĂ©gime gĂ©nĂ©ral, Ă  l’article L. 732-18 du code rural et de la pĂȘche maritime applicable aux assurĂ©s du rĂ©gime des personnes non salariĂ©es des professions agricoles, ainsi qu’au 1 ° du paragraphe I de l’article L. 24 et au 1 ° de l’article L. 25 du code des pensions civiles et militaires de retraite applicables aux fonctionnaires civils, ne peut ĂȘtre fixĂ© au-delĂ  de soixante-deux ans.

7. Or, Ă  la date Ă  laquelle le Conseil constitutionnel a Ă©tĂ© saisi de cette proposition de loi, l’article L. 161-17-2 du code de la sĂ©curitĂ© sociale prĂ©voit que l’ñge d’ouverture du droit Ă  une pension de retraite mentionnĂ© Ă  ces mĂȘmes dispositions est fixĂ© Ă  soixante-deux ans.

8. Ainsi, Ă  la date d’enregistrement de la saisine, la proposition de loi visant Ă  affirmer que l’ñge lĂ©gal de dĂ©part Ă  la retraite ne peut ĂȘtre fixĂ© au-delĂ  de 62 ans n’emporte pas de changement de l’état du droit.

9. En outre, le lĂ©gislateur peut toujours modifier, complĂ©ter ou abroger des dispositions lĂ©gislatives antĂ©rieures, qu’elles rĂ©sultent d’une loi votĂ©e par le Parlement ou d’une loi adoptĂ©e par voie de rĂ©fĂ©rendum. Ainsi, ni la circonstance que ses dispositions seraient adoptĂ©es par voie de rĂ©fĂ©rendum ni le fait qu’elles fixeraient un plafond contraignant pour le lĂ©gislateur ne permettent davantage de considĂ©rer que cette proposition de loi apporte un changement de l’état du droit.

10. DĂšs lors, elle ne porte pas, au sens de l’article 11 de la Constitution, sur une « rĂ©forme » relative Ă  la politique sociale.

11. Par consĂ©quent, la proposition de loi, qui ne porte sur aucun des autres objets mentionnĂ©s au premier alinĂ©a de l’article 11 de la Constitution, ne satisfait pas aux conditions fixĂ©es par le troisiĂšme alinĂ©a de ce mĂȘme article et le 2 ° de l’article 45-2 de l’ordonnance du 7 novembre 1958.

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE :
 
Article 1er. –  La proposition de loi visant Ă  affirmer que l’ñge lĂ©gal de dĂ©part Ă  la retraite ne peut ĂȘtre fixĂ© au-delĂ  de 62 ans ne satisfait pas aux conditions fixĂ©es par l’article 11 de la Constitution et par l’article 45-2 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel.
 
Article 2. – Cette dĂ©cision sera publiĂ©e au Journal officiel de la RĂ©publique française.
 

JugĂ© par le Conseil constitutionnel dans sa sĂ©ance du 14 avril 2023, oĂč siĂ©geaient : M. Laurent FABIUS, PrĂ©sident, Mme Jacqueline GOURAULT, M. Alain JUPPÉ, Mmes Corinne LUQUIENS, VĂ©ronique MALBEC, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET, Michel PINAULT et François SÉNERS.
 
 
Rendu public le 14 avril 2023.