🟦 Décret du 23 novembre 2022 portant dissolution de l’association « Le Bloc Lorrain »

Références

NOR : IOMD2233101D
ELI : https://www.legifrance.gouv.fr/eli/decret/2022/11/23/IOMD2233101D/jo/texte
Source : JORF n°0272 du 24 novembre 2022, texte n° 16

En-tête

Le Président de la République,
Sur le rapport de la Première ministre et du ministre de l’intérieur et des outre-mer,
Vu la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, notamment ses articles 10 et 11 ;
Vu le code des relations entre le public et l’administration, notamment ses articles L. 121-1 et L. 121-2 ;
Vu le code de la sécurité intérieure, notamment le 1° de l’article L. 212-1 et l’article L. 212-1-1 ;
Vu les statuts de l’association « Le Bloc Lorrain » déclarée le 16 mars 2021 à la préfecture de Meurthe-et-Moselle ;
Vu le courrier du 21 octobre 2022, notifié par voie administrative le 24 octobre 2022, par lequel A, président de l’association « Le Bloc Lorrain » a été, d’une part, informé de l’intention du Gouvernement de procéder à la dissolution de cette association et, d’autre part, invité à présenter ses observations dans un délai de dix jours à compter de cette notification ;
Vu le courriel en date du 4 novembre 2022 par lequel l’association « Le Bloc Lorrain » a fait valoir ses observations écrites par l’intermédiaire de son président ;

Considérants

Considérant qu’aux termes de l’article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure : « Sont dissous, par décret en conseil des ministres, toutes les associations ou groupements de fait : 1° Qui provoquent (…) à des agissements violents à l’encontre des personnes ou des biens […] » ; qu’en application de l’article L. 212-1-1 du même code : « Pour l’application de l’article L. 212-1, sont imputables à une association ou à un groupement de fait les agissements mentionnés au même article L. 212-1 commis par un ou plusieurs de leurs membres agissant en cette qualité ou directement liés aux activités de l’association ou du groupement, dès lors que leurs dirigeants, bien qu’informés de ces agissements, se sont abstenus de prendre les mesures nécessaires pour les faire cesser, compte tenu des moyens dont ils disposaient » ;

Considérant que l’association Le Bloc Lorrain, déclarée le 16 mars 2021 à la préfecture de Meurthe-et-Moselle avec pour président A, et dont l’objet officiel « de réaliser des maraudes, des actions écologiques de type ramassage de déchets, replantations, etc. ; De créer des événements de type culturel, manifestations, spectacles, concerts, etc. ; La vente de produits pour financer ces différentes actions comme des autocollants, tee-shirts et autres produits revendicatifs », incite en réalité à la haine et à la violence ;

Considérant en premier lieu que Le Bloc Lorrain, sous couvert de défendre un discours idéologique refusant toute forme d’autorité, légitime le recours à la violence dans les manifestations revendicatives en le présentant comme unique voie du militantisme ; qu’à cette fin, il valorise les débordements et les destructions matérielles comme les violences urbaines commises lors de manifestations de toute nature, à travers de nombreuses publications sur les réseaux sociaux ; que d’autre part, il multiplie sur les réseaux sociaux les appels explicites aux actions violentes, visant à « détruire le capitalisme » […] « sans la moindre interrogation et de toutes les façons possibles. Provoquons l’effondrement de cette civilisation » ; qu’en janvier 2022, une publication de l’association portant sur une manifestation à Bruxelles appelant à « crever le capitalisme » (ses symboles) est accompagnée de photos montrant des casseurs attaquant le siège d’une institution européenne ou des véhicules détruits lors d’une manifestation pour laquelle Le Bloc Lorrain a revendiqué sa participation ; que le 21 avril 2022, il a publié un article qui, sous couvert de dénoncer le résultat du premier tour de l’élection présidentielle, appelait sans détour à la commission d’actes violents : « Alors dimanche dès 20 h 01, le temps ne sera plus à la torpeur. L’époque sera aux loups. Retrouvons-nous en meute. Soyons primitifs. Sauvage et insurrectionnaire » ; que ce message était accompagné d’une vidéo mettant en scène des émeutes ainsi que l’action de casseurs lors de manifestations parisiennes, détruisant mobilier urbain, magasins, agences, véhicules ou encore commettant des violences en réunion sur les forces de l’ordre ; qu’entre décembre 2021 et avril 2022, de nombreuses publications ont constitué un appel aux émeutes, à la destruction de biens matériels ou encore à des insultes à l’encontre des forces de l’ordre ; que par ailleurs, à l’occasion de son premier anniversaire, en février 2022, le Bloc Lorrain a publié un message accompagné d’une vidéo sur sa page Facebook revendiquant explicitement le recours à la violence en ces termes « faut reconnaître malheureusement que la violence peut être nécessaire » ; que ce montage vidéo, qui reprend les images de plusieurs manifestations auxquelles ont participé des membres du Bloc Lorrain, montre clairement la violence dont fait preuve l’association et qu’elle promeut ;

Considérant en deuxième lieu, que sous couvert d’organiser sa défense face à ce qu’il présente comme des « attaques intempestives de la police ou des gendarmes », Le Bloc Lorrain, développe en réalité une véritable stratégie visant à « professionnaliser » ses membres et soutiens en vue d’affrontements avec les forces de l’ordre, érigées comme cibles prioritaire de ses actions ; qu’à ce titre, l’association a adopté les codes des blacks blocs et a élaboré, pour parfaire la formation de ses membres, un vademecum présentant une série de comportements réflexes allant de la tenue adéquate pour se dissimuler le visage lors de la commission de violences ou de dégradations, aux objets à détenir et aux noms des avocats à contacter en cas d’interpellation ; que ce guide démontre le caractère prémédité et organisé des actions violentes de l’association et caractérise une provocation à des agissements violents ; que dans le même esprit, l’association va jusqu’à proposer des formations à destination de ses membres afin qu’ils soient mieux préparés à en découdre avec les forces de l’ordre ; que notamment, en septembre 2021, l’association a proposé l’organisation de « stages » à destination des militants les plus motivés pour les « préparer » à l’opposition avec les forces de l’ordre lors des manifestations ; que l’étude des photos captées lors de ces stages révèle que les stagiaires sont essentiellement préparés à un rôle offensif, à se constituer en bloc ou encore à se mesurer aux forces de l’ordre lors de ces entraînements ;

Considérant en troisième lieu que ces actions violentes sont par ailleurs doublées d’une campagne de dénigrement destinée à attiser la haine à l’encontre des forces de l’ordre ; qu’ainsi, entre décembre 2021 et avril 2022, l’association a publié plusieurs messages d’insultes ou accusateurs à l’endroit de la police présentée comme ayant commis les « pires abominations », laissant apparaître l’inscription « ACAB » (All cops are Bastards) ou encore reflétant son état d’esprit et témoignant de sa haine : « on vise le poing levé en l’air, un pacte de révolte… bien que l’on est en guerre. Les condés enferment, les condés enterrent ouais, il faudrait que l’on se taisent et acceptent l’enfer non […] y’a que la rue contre l’Etat qui tienne » ; qu’enfin l’association distribue, par l’intermédiaire de son site internet, des produits reprenant le terme « ACAB » ;

Considérant en quatrième lieu que ces appels et provocations répétés à des agissements violents ont été suivis d’effet puisque dès le mois de mai 2021, soit deux mois après la création de l’association, des membres du Bloc Lorrain ont fait l’objet d’interpellations et de condamnations pour des faits de destruction de biens publics par incendie ou des faits de participation à un groupement formé en vue de la préparation de violences contre les personnes ou dégradation de biens commises en marge des manifestations initiées par l’association ou auxquelles celle-ci a participé ; qu’ainsi, plusieurs de ses membres ont été condamnés à des peines allant de 3 à 10 mois d’emprisonnement ; qu’en outre, son président a lui-même été condamné ou mis en cause pour des faits d’injure publique envers un fonctionnaire commis le 19 septembre 2021 ou d’outrage à personne dépositaire de l’autorité publique et outrage à fonctionnaire commis les 30 et 31 octobre 2021 ;

Considérant enfin que loin de désavouer les propos et actions de ses militants ou soutiens, l’association n’a de cesse de publier des messages encourageant, revendiquant et légitimant ces agissements violents ou apportant son soutien à des personnes interpellées pour violences ; que, parmi de nombreux exemples, tel fut le cas en novembre 2021 à l’occasion d’une publication de soutien à un militant interpelé à Troyes, le représentant vêtu comme un black bloc avec la légende suivante : « Nous lui apportons tout notre soutien ! La roue va tourner et ils le payeront ! » ; de la même manière en janvier 2022, le Bloc lorrain a publié un post dans lequel il se réjouit qu’un des policiers ait été blessé et déclare qu’ils prendront « la foudre » à la suite de l’usage des gaz lacrymogènes ; de même, dans les suites de la manifestation organisée le 5 février 2022, à Metz à l’occasion de son premier anniversaire, l’association a publié des photos montrant notamment un membre de l’association avec un hygiaphone flanqué d’un autocollant ACAB et du mobilier urbain en flammes, sans nullement condamner ces exactions ; qu’enfin, à l’issue de la « Marche pour la liberté la démocratie et les droits de l’homme » à Bruxelles en janvier 2022, au cours de laquelle des dégradations ont été commises et l’un des membres du Bloc Lorrain vu en train de s’emparer d’une planche en bois avant de la jeter en direction des forces de l’ordre sans que son action n’ait été condamnée par l’association, le Bloc Lorrain a publié sur son compte officiel le message suivant : « […] Des casseurs étaient positionnés entre canons à eau et des barbelés pour protéger le Conseil de l’Europe. Le Conseil de l’Europe protégé par la milice capitale, le Siège du Service européen pour l’action extérieure et la politique de sécurité à été attaque et pris durant quelques minutes. Un symbole on ne peut plus fort ! L’Europe impérialiste de la finance on en veut plus, qu’elle crève ! », publication accompagnée de deux photos, l’une montrant un véhicule de police détruit et présentant un tag « ACAB » sur son pare-chocs et l’autre des casseurs attaquant le siège de l’organisation européenne ; que ces soutiens et légitimations sont d’autant plus suivis d’effets que l’association utilise largement les réseaux sociaux et Le Média Jaune de Lorraine qui disposent de plusieurs milliers d’abonnés ;

Considérant que l’ensemble de ces agissements, particulièrement nombreux, doivent être imputés à l’association « le Bloc Lorrain », y compris lorsqu’ils ont été commis par ses membres, dès lors qu’elle ne les a pas condamnés et permettent de regarder cette association comme provoquant à des manifestations armées ou à des agissements violents à l’encontre des personnes ou des biens […] au sens du 1° de l’article L. 212-1 précité ;

Considérant que par suite, il y a lieu de prononcer la dissolution de l’association Le Bloc Lorrain sur le fondement du 1° de l’article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure ;
Le conseil des ministres entendu,
Décrète :

Article 1

L’association « Le Bloc Lorrain » est dissoute.

Article 2

La Première ministre et le ministre de l’intérieur et des outre-mer sont responsables, chacun en ce qui le concerne, de l’application du présent décret, qui sera publié au Journal officiel de la République française.

Date et signature(s)

Fait le 23 novembre 2022.

Emmanuel Macron
Par le Président de la République :

La Première ministre,
Élisabeth Borne

Le ministre de l’intérieur et des outre-mer,
Gérald Darmanin