Faits :
1. Selon l’arrĂŞt attaquĂ© (Bordeaux, 16 mai 2019), C… X… a Ă©tĂ© tuĂ© par arme blanche le 7 septembre 2014 et l’auteur des faits a Ă©tĂ© dĂ©clarĂ© coupable de meurtre par une cour d’assises.
2. Agissant en qualitĂ© de reprĂ©sentante lĂ©gale de sa fille mineure B…, nĂ©e le […] 2014, Mme A… X…, fille de C… X…, après avoir obtenu, par un arrĂŞt civil rendu par cette cour d’assises, une certaine somme Ă titre de dommages et intĂ©rĂŞts, a saisi une commission d’indemnisation des victimes d’infractions (CIVI) pour voir rĂ©parer le prĂ©judice moral subi par sa fille.
Moyen invoqué par le défendeur :
4. Le Fonds de garantie des victimes d’actes de terrorisme et d’autres infractions fait grief Ă l’arrĂŞt de dĂ©clarer Mme X…, es qualitĂ©s, recevable et fondĂ©e en sa demande alors :
« 1°/ qu’il n’existe pas de lien de causalitĂ© entre le dĂ©cès de la victime et le dommage moral invoquĂ© par sa petite fille nĂ©e après le dĂ©cès de son grand-père ; qu’en considĂ©rant, pour dĂ©clarer B… recevable et fondĂ©e en sa demande d’indemnisation d’un prĂ©judice moral, que le prĂ©judice tenant au fait que B… est dĂ©finitivement privĂ©e de la prĂ©sence de son grand-père et de la possibilitĂ© de le connaĂ®tre Ă©tait dĂ» au dĂ©cès de son aĂŻeul, lui-mĂŞme dĂ» Ă un fait volontaire prĂ©sentant le caractère matĂ©riel d’une infraction survenus après sa conception, mĂŞme si elle n’était pas nĂ©e, la cour d’appel a violĂ© les articles 1240 du code civil et 706-3 du code de procĂ©dure pĂ©nale ;
3°/ qu’en tout Ă©tat de cause si le fait de naĂ®tre et de vivre sans père ou sans mère, en raison de la disparition prĂ©maturĂ©e de l’un de ces derniers, peut constituer un prĂ©judice en raison du lien de filiation qui unit l’enfant conçu et Ă naĂ®tre Ă ses parents, la prĂ©judice Ă raison du dĂ©cès d’un autre membre de la famille ne peut ĂŞtre prĂ©sumĂ© ; qu’en considĂ©rant que le fait de ne connaĂ®tre l’un de ses aĂŻeuls « qu’au travers des souvenirs Ă©voquĂ©s par les autres membres de la famille » faisait « nĂ©cessairement » souffrir B… de l’absence de son grand-père, la cour d’appel, qui n’a pas caractĂ©risĂ© un prĂ©judice d’affection indemnisable, s’est dĂ©terminĂ©e par un motif inopĂ©rant, privant ainsi sa dĂ©cision de base lĂ©gale au regard de l’article 706-3 du code de procĂ©dure pĂ©nale, ensemble le principe de la rĂ©paration intĂ©grale sans perte ni profit, pour la victime. »
Principe appliqué :
5. L’enfant qui était conçu au moment du décès de la victime directe de faits présentant le caractère matériel d’une infraction peut demander réparation du préjudice que lui cause ce décès.
ApprĂ©ciation de la cour d’appel :
6. Ayant relevĂ© que B… Ă©tait dĂ©jĂ conçue au moment du dĂ©cès de son grand-père, c’est sans encourir les griefs du moyen que la cour d’appel a estimĂ© que B…, privĂ©e par un fait prĂ©sentant le caractère matĂ©riel d’une infraction de la prĂ©sence de son grand-père dont elle avait vocation Ă bĂ©nĂ©ficier, souffrait nĂ©cessairement de son absence dĂ©finitive, sans avoir Ă justifier qu’elle aurait entretenu des liens particuliers d’affection avec lui si elle l’avait connu, et a dĂ©clarĂ© la demande d’indemnisation de son prĂ©judice moral recevable.
Solution de la Cour de cassation [rejet du pourvoi] :
7. Le moyen n’est, dès lors, pas fondé.
Portée de la décision :
L’enfant qui était conçu au moment du décès de la victime directe de faits présentant le caractère matériel d’une infraction peut demander réparation du préjudice que lui cause ce décès.
C’est, dès lors, à bon droit qu’une cour d’appel estime qu’une enfant, déjà conçue au moment du décès de son grand-père, et privée, par un fait présentant le caractère matériel d’une infraction, de la présence de ce dernier, dont elle avait vocation à bénéficier, souffre nécessairement de son absence définitive, sans avoir à justifier qu’elle aurait entretenu des liens particuliers d’affection avec lui, si elle l’avait connu, et déclare la demande d’indemnisation de son préjudice moral recevable.