🟥 Revirement de jurisprudence : l’indemnisation du passager assuré victime d’un accident, même en cas de défaut de permis du conducteur

La Cour de cassation a récemment modifié sa position en matière d’exclusion de garantie dans les contrats d’assurance automobile. Désormais, un assuré passager victime d’un accident pourra bénéficier d’une indemnisation, même s’il a autorisé une personne non titulaire d’un permis de conduire à utiliser son véhicule. Ce revirement de jurisprudence s’inscrit dans une démarche d’alignement avec le droit européen.

Résumé des faits : un accident impliquant un conducteur sans permis

Dans cette affaire, un conducteur, sous l’influence de l’alcool et des stupéfiants, a perdu le contrôle d’un véhicule qu’il conduisait sans permis. Le passager du véhicule, également propriétaire et assuré de celui-ci, a été blessé lors de l’accident. L’assureur a invoqué une clause d’exclusion de garantie, considérant que le propriétaire avait sciemment confié le véhicule à une personne non titulaire du permis.

La jurisprudence antérieure de la Cour de cassation

Avant ce revirement, la jurisprudence de la Cour de cassation permettait aux assureurs d’opposer des clauses d’exclusion de garantie à un assuré victime lorsqu’il avait, en connaissance de cause, confié son véhicule à une personne sans permis (Crim., 8 novembre 1990 ; 2e Civ., 20 novembre 1996 ; 1re Civ., 6 juin 2001). Cette position considérait que l’assuré victime s’était volontairement placé dans une situation excluant le bénéfice de la garantie.

Le revirement de jurisprudence en faveur des passagers victimes

Dans sa décision, la Cour de cassation rejette cette position antérieure et opère un revirement clair :
Une clause d’exclusion de garantie ne peut plus priver un assuré victime (passager du véhicule) de sa qualité de tiers lésé, même s’il a laissé conduire son véhicule à une personne sans permis.

Le rôle du droit européen dans ce revirement

Ce revirement s’appuie sur des dispositions européennes :

  • L’article 13 de la directive 2009/103/CE, qui Ă©nonce qu’une clause contractuelle ou une disposition lĂ©gale excluant la garantie pour des raisons liĂ©es Ă  l’absence de permis ne peut ĂŞtre opposĂ©e Ă  un tiers lĂ©sĂ©.
  • Les arrĂŞts de la CJUE, notamment Candolin (C-537/03) et Churchill Insurance (C-442/10), qui considèrent que la qualitĂ© de tiers lĂ©sĂ© doit ĂŞtre reconnue au passager victime, mĂŞme s’il est assurĂ©.

En interprétant les articles R.211-10 et R.211-13 du code des assurances à la lumière de ces textes, la Cour de cassation aligne sa jurisprudence sur le droit européen.

Quelles conséquences pour les victimes d’accidents ?

Cette décision renforce les droits des victimes d’accidents de la circulation, en limitant les situations où une clause d’exclusion de garantie peut être opposée. Ce revirement garantit une meilleure protection des passagers victimes, qu’ils soient propriétaires du véhicule ou non.

Conclusion : un alignement sur les standards européens

Avec cette décision, la Cour de cassation harmonise la jurisprudence française avec les exigences du droit européen en matière d’assurance automobile. Ce revirement marque un pas important vers une protection renforcée des droits des victimes, tout en clarifiant le cadre juridique applicable aux clauses d’exclusion de garantie.

Source : Cass., crim., 18 novembre 2024, n°23-85.009