đŸŸ„ Promesse unilatĂ©rale de vente : quand la Cour de cassation impose la rĂ©troactivitĂ© de sa jurisprudence

La rĂ©forme de 2016 du droit des obligations a redĂ©fini les rĂšgles applicables aux promesses unilatĂ©rales de vente, en introduisant l’exĂ©cution forcĂ©e comme sanction possible de la rĂ©tractation du promettant. Si cette Ă©volution clarifiait le rĂ©gime applicable, elle a cependant suscitĂ© des interrogations sur son application dans le temps. Avec son arrĂȘt du 21 novembre 2024, la Cour de cassation dĂ©passe ces interrogations : elle impose une rĂ©troactivitĂ© Ă  sa jurisprudence.

Contexte juridique

La promesse unilatĂ©rale de vente, dĂ©finie par l’article 1124 du Code civil, est « le contrat par lequel une partie, le promettant, accorde Ă  l’autre, le bĂ©nĂ©ficiaire, le droit d’opter pour la conclusion d’un contrat dont les Ă©lĂ©ments essentiels sont dĂ©terminĂ©s, et pour la formation duquel ne manque que le consentement du bĂ©nĂ©ficiaire.« 

Avant la rĂ©forme du droit des obligations de 2016, la jurisprudence adoptait une position stricte : en cas de rĂ©tractation du promettant avant la levĂ©e d’option, seule une indemnisation par dommages et intĂ©rĂȘts Ă©tait envisageable, excluant toute exĂ©cution forcĂ©e.

La rĂ©forme du droit des obligations est venu rompre avec cette jurisprudence en prĂ©cisant, dĂ©sormais, dans le deuxiĂšme aliĂ©na de l’article 1124 du Code civil que « la rĂ©vocation de la promesse pendant le temps laissĂ© au bĂ©nĂ©ficiaire pour opter n’empĂȘche pas la formation du contrat promis.« 

Cette modification a instauré une dualité dans les sanctions en fonction de la date de la promesse :

  • Promesses conclues avant le 1er octobre 2016 : seules des dommages et intĂ©rĂȘts pouvaient ĂȘtre demandĂ©s en cas de rĂ©vocation.
  • Promesses conclues aprĂšs cette date : le bĂ©nĂ©ficiaire pouvait obtenir l’exĂ©cution forcĂ©e.

Uniformisation par la Cour de cassation

Face Ă  cette dualitĂ©, la Cour de cassation a pris le parti d’uniformiser l’application de la loi dans le temps. Dans un arrĂȘt du 23 juin 2021 (Cass. 3e civ., n°20-17.554), elle a jugĂ© que le bĂ©nĂ©ficiaire pouvait demander l’exĂ©cution forcĂ©e, y compris pour des promesses conclues avant la rĂ©forme de 2016.

L’arrĂȘt du 21 novembre 2024 : une censure pour s’ĂȘtre conformĂ©e Ă  l’Ă©tat de la jurisprudence

Dans cette affaire, une promesse unilatĂ©rale de vente avait Ă©tĂ© conclue par acte authentique en 1971, avec une durĂ©e initiale tacitement prolongĂ©e. En 2011, le promettant avait dĂ©clarĂ© la promesse caduque, mais en 2016, les bĂ©nĂ©ficiaires avaient levĂ© l’option d’achat.

La cour d’appel d’Aix-en-Provence, par un arrĂȘt du 5 janvier 2021, avait jugĂ© conformĂ©ment Ă  la jurisprudence en vigueur Ă  cette date. Elle avait considĂ©rĂ© que la rĂ©vocation de la promesse par le promettant ne pouvait donner lieu qu’à des dommages et intĂ©rĂȘts, et non Ă  une exĂ©cution forcĂ©e.

Cependant, quelques mois plus tard, en juin 2021, la Cour de cassation a changĂ© sa position en dĂ©cidant d’étendre l’exĂ©cution forcĂ©e aux promesses conclues avant la rĂ©forme. Dans son arrĂȘt du 21 novembre 2024, elle a censurĂ© la dĂ©cision de la cour d’appel, estimant que cette derniĂšre avait violĂ© les textes en « se conformant Ă  l’Ă©tat de la jurisprudence Ă  la date de son arrĂȘt ».

Avec cet arrĂȘt, la Cour de cassation met un point final au dĂ©bat sur l’application des promesses unilatĂ©rales de vente. Non seulement elle uniformise l’application de la rĂ©forme de 2016 dans le temps, mais elle impose Ă©galement une rĂ©troactivitĂ© de sa jurisprudence.

Pour ĂȘtre complet

L’arrĂȘt aborde Ă©galement une autre question soulevĂ©e par le bĂ©nĂ©ficiaire : Ă  quelle date doit-on apprĂ©cier la viletĂ© du prix dans une promesse unilatĂ©rale de vente ?

Selon les bĂ©nĂ©ficiaires, cette apprĂ©ciation devait se faire Ă  la date de la levĂ©e d’option, tandis que la cour d’appel avait retenu la date de la promesse. La Cour de cassation confirme l’apprĂ©ciation de la cour d’appel : la promesse unilatĂ©rale de vente Ă©tant un avant-contrat contenant dĂ©jĂ  les Ă©lĂ©ments essentiels du contrat dĂ©finitif, la viletĂ© du prix doit ĂȘtre Ă©valuĂ©e Ă  la date de sa conclusion, et non ultĂ©rieurement.


Source : Cass., 3e civ., 21 novembre 2024, n°21-12.661