đŸŸ„ [Droit des contrats] Le vendeur n’a pas failli Ă  son obligation de dĂ©livrance conforme lorsqu’un tribunal prononce avec effet rĂ©troactif la caducitĂ© d’un permis de construire postĂ©rieurement Ă  la vente

Références

Publication : PUBLIÉ AU BULLETIN
Identifiant : ECLI:FR:CCASS:2023:C300186
DĂ©cision : Rejet
ArrĂȘt : n° 186 FS-B
Mot clé : Vente

Source : Cour de cassation, 3e chambre civile, 16 mars 2023, n°21-19.460

Faits et procédure

2. Selon l’arrĂȘt attaquĂ© (Metz, 18 mars 2021), le 31 mars 2008, la sociĂ©tĂ© civile immobiliĂšre [Adresse 1] (la SCI) a vendu Ă  la sociĂ©tĂ© de droit luxembourgeois Kugel immobiliĂšre (la sociĂ©tĂ© Kugel immobiliĂšre) une grange Ă  dĂ©molir, l’acte de vente faisant Ă©tat d’un permis de construire deux immeubles sur le terrain, accordĂ© par arrĂȘtĂ© municipal du 29 septembre 2004.

3. Etait annexé à cet acte un certificat du 3 décembre 2007 délivré par le maire de la commune attestant de la non-caducité de ce permis de construire.

4. Par dĂ©cision du 29 mai 2012, le tribunal administratif de Strasbourg, sur requĂȘte d’un voisin, a annulĂ© la dĂ©cision du maire de la commune d’Uckange du 16 septembre 2008 ayant refusĂ© de constater la pĂ©remption de ce permis de construire.

5. Soutenant qu’elle avait Ă©tĂ© empĂȘchĂ©e de mener Ă  bien son projet du fait, notamment, d’un manquement du vendeur Ă  son obligation de dĂ©livrance conforme, la sociĂ©tĂ© Kugel immobiliĂšre a assignĂ© la SCI en paiement de diverses sommes en remboursement de frais et Ă  titre de dommages-intĂ©rĂȘts.

6. La SCI a appelĂ© en garantie son notaire, M. [L], intervenu Ă  l’acte de vente.

7. La société Kugel immobiliÚre ayant été déclarée en faillite, Mme [U] est intervenue à la procédure en qualité de curateur de la faillite.

Examen du moyen

8. La sociĂ©tĂ© Kugel immobiliĂšre et Mme [U], Ăšs qualitĂ©s, font grief Ă  l’arrĂȘt de rejeter leurs demandes, alors :

« 1°/ que le vendeur est tenu de dĂ©livrer la chose qu’il vend et il manque Ă  son obligation de dĂ©livrance dĂšs lors qu’il est constatĂ© que la chose qui a Ă©tĂ© livrĂ©e Ă  l’acquĂ©reur n’est pas conforme Ă  ce qui avait Ă©tĂ© convenu ; qu’en relevant, pour juger que la SCI [Adresse 1] n’avait pas manquĂ© Ă  son obligation de dĂ©livrance, que lors de la dĂ©livrance du terrain Ă  la sociĂ©tĂ© Kugel, le maire avait dĂ©livrĂ© une attestation de non-caducitĂ© du permis de construire et que le recours ayant eu pour effet de constater la caducitĂ© dudit permis n’avait Ă©tĂ© introduit que postĂ©rieurement Ă  la vente, cependant que ces motifs ne pouvaient exclure le manquement du vendeur Ă  son obligation de dĂ©livrance dĂšs lors qu’elle avait constatĂ© que la SCI [Adresse 1] s’Ă©tait expressĂ©ment engagĂ©e sur l’absence de caducitĂ© du permis de construire et que la caducitĂ© ultĂ©rieurement prononcĂ©e ayant un effet rĂ©troactif, la SCI [Adresse 1] n’avait pas mis la sociĂ©tĂ© Kugel en possession d’un permis de construire valable, comme elle s’y Ă©tait engagĂ©e, la cour d’appel a violĂ© les articles 1134, 1147, dans leur version antĂ©rieure Ă  l’entrĂ©e en vigueur de l’ordonnance du 10 fĂ©vrier 2016, 1603 et 1604 du code civil ;

2°/ que le vendeur est tenu de dĂ©livrer la chose qu’il vend et il manque Ă  son obligation de dĂ©livrance dĂšs lors qu’il est constatĂ© que la chose qui a Ă©tĂ© livrĂ©e Ă  l’acquĂ©reur n’est pas conforme Ă  ce qui avait Ă©tĂ© convenu ; qu’en relevant, pour juger que la SCI [Adresse 1] n’avait pas manquĂ© Ă  son obligation de dĂ©livrance, que la caducitĂ© du permis de construire, rĂ©vĂ©lĂ©e postĂ©rieurement Ă  la vente, devait s’analyser comme un vice cachĂ© entachant la constructibilitĂ© du terrain, cependant qu’elle avait constatĂ© que la SCI [Adresse 1] s’Ă©tait expressĂ©ment engagĂ©e sur l’absence de caducitĂ© de permis de construire, la cour d’appel n’a pas tirĂ© les consĂ©quences lĂ©gales de ses propres constatations et a violĂ© les articles les articles 1134, 1147, dans leur version antĂ©rieure Ă  l’entrĂ©e en vigueur de l’ordonnance du 10 fĂ©vrier 2016, 1603, 1604 et 1641 du code civil ;

3°/ que le vice cachĂ© est un vice inhĂ©rent Ă  la chose vendue ; qu’en relevant, pour juger que la SCI [Adresse 1] n’avait pas manquĂ© Ă  son obligation de dĂ©livrance, que la caducitĂ© du permis de construire, rĂ©vĂ©lĂ©e postĂ©rieurement Ă  la vente, devait s’analyser comme un vice cachĂ© entachant la constructibilitĂ© du terrain, cependant que la caducitĂ© du permis de construire, alors qu’il n’Ă©tait pas contestĂ© que le terrain Ă©tait constructible, n’Ă©tait pas un vice inhĂ©rent au terrain vendu par la SCI [Adresse 1], la cour d’appel a violĂ© l’article 1641 du code civil ;

4°/ que le vendeur est tenu de dĂ©livrer la chose qu’il vend et il manque Ă  son obligation de dĂ©livrance dĂšs lors qu’il est constatĂ© que la chose qui a Ă©tĂ© livrĂ©e Ă  l’acquĂ©reur n’est pas conforme Ă  ce qui avait Ă©tĂ© convenu, peu important que le dĂ©faut de conformitĂ© n’en affecte par l’usage ; qu’en relevant par motif prĂ©sumĂ© adoptĂ© du jugement, pour juger que la SCI [Adresse 1] n’avait pas manquĂ© Ă  son obligation de dĂ©livrance, qu’un permis de construire de rĂ©gularisation avait Ă©tĂ© dĂ©livrĂ© le 31 octobre 2012, cependant que cette circonstance Ă©tait impropre Ă  exclure la responsabilitĂ© du vendeur dĂšs lors qu’elle avait constatĂ© que la SCI [Adresse 1] s’Ă©tait expressĂ©ment engagĂ©e sur l’absence de caducitĂ© de permis de construire et que la caducitĂ© ultĂ©rieurement prononcĂ©e ayant un effet rĂ©troactif, la SCI [Adresse 1] n’avait pas mis la sociĂ©tĂ© Kugel ImmobiliĂšre en possession d’un permis de construire valable, comme elle s’y Ă©tait engagĂ©e, la cour d’appel a violĂ© les articles 1134, 1147, dans leur version antĂ©rieure Ă  l’entrĂ©e en vigueur de l’ordonnance du 10 fĂ©vrier 2016, 1603 et 1604 du code civil. »

RĂ©ponse de la Cour de cassation

9. La cour d’appel a Ă©noncĂ©, Ă  bon droit, que la conformitĂ© du bien vendu et livrĂ© aux spĂ©cifications contractuelles s’apprĂ©cie au moment de la dĂ©livrance du bien, soit pour un terrain, lors de la remise des titres de propriĂ©tĂ©.

10. Elle a relevĂ© qu’il rĂ©sultait des termes de l’acte de vente et des documents annexĂ©s l’absence de recours contre le permis de construire et ses transferts successifs, ainsi que son absence de caducitĂ© au jour de la signature de l’acte authentique de vente, Ă©tablie par un certificat du maire du 3 dĂ©cembre 2007.

11. Elle en a dĂ©duit Ă  bon droit, abstraction faite de motifs surabondants relatifs au vice cachĂ© et Ă  la dĂ©livrance d’un permis de rĂ©gularisation, que peu importait l’effet rĂ©troactif de la caducitĂ©, dĂšs lors que celle-ci rĂ©sultait d’un jugement rendu sur une demande postĂ©rieure Ă  la vente.

12. Le moyen n’est donc pas fondĂ©.

Dispositif 

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur le pourvoi incident qui n’est qu’Ă©ventuel, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Kugel immobiliÚre et Mme [U], en sa qualité de curateur de la faillite de la société Kugel immobiliÚre, aux dépens ;

En application de l’article 700 du code de procĂ©dure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisiÚme chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize mars deux mille vingt-trois.