🟥 [Extrait] Le Conseil d’Etat valide l’autorisation provisoire des néonicotinoïdes pour la culture des betteraves sucrières

Pour le Conseil d’Etat, l’arrêté qui a été déclaré conforme à la Constitution ne porte, par lui-même, aucune atteinte grave et manifestement illégale à la liberté du commerce et de l’industrie et au droit de propriété des éleveurs d’abeille. 

Le Conseil ajoute que ledit arrêté respecte le droit de l’Union européenne qui prévoit des dérogations temporaires lorsqu’il existe de graves risques pour l’agriculture en l’absence d’autre solution. Toujours selon le Conseil, une telle dérogation se justifie en raison du risque sérieux d’une nouvelle infestation massive par des pucerons porteurs des maladies de la betterave au printemps 2021. Sans qu’il existe d’autres moyens raisonnables pour maîtriser ce danger.


1. Les requêtes visées ci-dessus, qui sont présentées, pour la première, sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, pour la seconde, sur le fondement de l’article L. 521-1 du même code, tendent à la suspension de l’exécution du même arrêté de la ministre de la transition écologique et du ministre de l’agriculture et de l’alimentation en date du 5 février 2021 autorisant provisoirement l’emploi de semences de betteraves sucrières traitées avec des produits phytopharmaceutiques contenant les substances actives imidaclopride ou thiaméthoxame. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule ordonnance.

Sur le cadre juridique du litige :

2. Aux termes du II de l’article L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime :
« L’utilisation de produits phytopharmaceutiques contenant une ou des substances actives de la famille des néonicotinoïdes ou présentant des modes d’action identiques à ceux de ces substances, précisées par décret, et des semences traitées avec ces produits est interdite. / Jusqu’au 1er juillet 2023, des arrêtés conjoints des ministres chargés de l’agriculture et de l’environnement, pris après avis du conseil de surveillance mentionné au II bis, peuvent autoriser l’emploi de semences traitées avec des produits contenant les substances mentionnées au premier alinéa du présent II dont l’utilisation est interdite en application du droit de l’Union

européenne ou du présent code. Ces dérogations sont accordées dans les conditions prévues à l’article 53 du règlement (CE) n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et abrogeant les directives 79/117/ CEE et 91/414/ CEE du Conseil. / Dans des conditions définies par les arrêtés mentionnés au deuxième alinéa du présent II, le semis, la plantation et la replantation de végétaux attractifs d’insectes pollinisateurs sont temporairement interdits après l’emploi de semences traitées avec des produits contenant les substances mentionnées au premier alinéa du présent II. ». En vertu de l’article L. 253-8-3 du même code : « Les arrêtés mentionnés au deuxième alinéa du II de l’article L. 253-8 ne peuvent autoriser que l’emploi de semences de betteraves sucrières. » Aux termes du 1 de l’article 53 du règlement (CE) n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et abrogeant les directives 79/117/ CEE et 91/414/ CEE du Conseil : « Par dérogation à l’article 28 et dans des circonstances particulières, un État membre peut autoriser, pour une période n’excédant pas cent vingt jours, la mise sur le marché de produits phytopharmaceutiques en vue d’un usage limité et contrôlé, lorsqu’une telle mesure s’impose en raison d’un danger qui ne peut être maîtrisé par d’autres moyens raisonnables. / L’État membre concerné informe immédiatement les autres États membres et la Commission de la mesure adoptée, en fournissant des informations détaillées sur la situation et les dispositions prises pour assurer la sécurité des consommateurs ».

3. Par l’arrêté du 5 février 2021, la ministre de la transition écologique et le ministre de l’agriculture et de l’alimentation ont fixé, en application des dispositions du II de l’article L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime précité, issu de la loi du 14 décembre 2020 relative aux conditions de mise sur le marché de certains produits phytopharmaceutiques en cas de danger sanitaire pour les betteraves sucrières, les modalités relatives à l’autorisation provisoire de l’emploi de semences de betteraves sucrières traitées avec des produits phytopharmaceutiques contenant les substances actives imidaclopride ou thiamethoxame. D’une part, par son article 1er, il autorise la mise sur le marché et l’utilisation de semences de betteraves sucrières traitées avec des produits phytopharmaceutiques contenant les substances actives imidaclopride ou thiamethoxame pour une durée de cent-vingt jours à compter de son entrée en vigueur dans les conditions fixées par son annexe 1, qui rappelle les conditions de mise sur le marché et d’utilisation des semences de betteraves sucrières traitées avec ces produits. D’autre part, par son article 2 et par l’annexe 2 à laquelle cet article renvoie, il précise les cultures qui pourront être semées, plantées ou replantées au titre des campagnes 2022, 2023 ou 2024 sur les terres qui auront fait l’objet, lors de la campagne 2021, d’une mise en culture de betteraves sucrières dont les semences ont été traitées avec les produits en cause. Son article 3 et l’annexe 2 bis à laquelle cet article renvoie, précise les mesures dites d’atténuation et de compensation dont la mise en œuvre sera susceptible de permettre d’anticiper le semis, la plantation ou la replantation des cultures visées à l’annexe 2, sous réserve d’assurer un niveau équivalent de protection des pollinisateurs et de la biodiversité et renvoie, pour la définition des modalités opérationnelles sur ce point, à un arrêté des ministres chargés de l’environnement et de l’agriculture, après avis de l’Anses confirmant le niveau de protection, qui n’a pas encore été pris à ce jour.

Sur le référé liberté présenté par l’association « Terre d’abeille », le Syndicat national d’apiculture et l’association Criigen sous le n° 450194 :

4. Aux termes de l’article L. 521-2 du code de justice administrative : « Saisi d’une demande en ce sens justifiée par l’urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public aurait porté, dans l’exercice d’un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. (…) ».

5. Les requérants soutiennent que l’arrêté en cause, eu égard notamment aux incidences létales de l’utilisation de produits néonicotinoïdes sur les insectes pollinisateurs et en particulier sur les abeilles porte une atteinte grave et manifestement illégale au droit à la protection de l’environnement ainsi qu’à à la liberté du commerce et de l’industrie et au droit de propriété des apiculteurs. Ils soulignent que, si l’utilisation de ces produits n’est autorisée que pour les semences de betteraves sucrières, qui ne sont certes pas des plantes mellifères, les conséquences de leur utilisation se feront sentir pendant plusieurs années, d’une part, en raison des risques de dispersion dans les terres voisines sous l’effet du vent et de la pluie notamment mais surtout dans la mesure où leur présence dans la terre et dans les eaux subsiste longtemps après et est susceptible de se retrouver dans les cultures suivantes qui seront pratiquées sur les terres dans lesquels auront été semées, en 2021, ces semences traitées.

6. Toutefois, l’arrêté en cause a été pris en application des dispositions, citées au point 2, du II de l’article L. 253-8 et L. 253-8-3 du code rural et de la pêche maritime, dans leur rédaction issue de la loi du 14 décembre 2020 relative aux conditions de mise sur le marché de certains produits phytopharmaceutiques en cas de danger sanitaire pour les betteraves sucrières, qui prévoient que, jusqu’au 1er juillet 2023 et par dérogation au principe d’interdiction posé par le premier alinéa de ce paragraphe, l’usage de produits phytopharmaceutiques contenant des substances actives de la famille des néonicotinoïdes ou présentant des modes d’action identiques à ceux de ces substances peut être autorisé pour les seules semences de betteraves sucrières par arrêté conjoint des ministres chargés de l’agriculture et de l’environnement, pris après avis du conseil de surveillance. Il résulte des travaux préparatoires de la loi, que la possibilité d’utiliser des semences traitées avec ses substances par dérogation à l’interdiction de principe dont elles font l’objet, en dépit des risques qu’elles présentent sur la biodiversité, en particulier pour les insectes pollinisateurs tels que les abeilles, ainsi que sur la qualité de l’eau et des sols et pour la santé humaine elle-même, a été prévue par législateur lui-même, dans le but de permettre aux producteurs de betteraves sucrières de faire face aux dangers qui menacent la culture de ces plantes en raison d’infestations massives de pucerons vecteurs de maladies virales, notamment la jaunisse de la betterave, ainsi que cela fut le cas lors de la campagne 2020, pour une durée limitée destinée à assurer la mise au point, d’ici à 2023 au plus tard, de solutions alternatives satisfaisantes. Ces dispositions ont été jugées conformes à la Constitution, notamment à la Charte de l’environnement et au droit de propriété des apiculteurs, par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2020-809 DC du 10 décembre 2020.

7. Ainsi, l’arrêté en cause, qui se borne à mettre en œuvre, pour la seule campagne 2021 et pour la période maximale de 120 jours prévue par l’article 53 du règlement (CE) n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 auquel renvoie expressément la loi, l’autorisation dont le principe a été posé par le législateur lui-même, en précisant les conditions d’emploi des semences ainsi traitées et les limitations qui s’appliqueront à l’usage de ces terres pour les campagnes 2022 à 2024 afin de limiter les risques résultant des cultures suivantes, ne porte, par lui-même, aucune atteinte grave et manifestement illégale à la liberté du commerce et de l’industrie et au droit de propriété des éleveurs d’abeille. Eu égard aux précisions qu’il contient, notamment quant aux conditions d’usage des semences traitées et à la limitation des cultures suivantes pour les campagnes 2022, 2023 et 2024, il n’apparaît pas non plus qu’il porte, en tout état de cause, une atteinte grave et manifestement illégale au droit à la protection de l’environnement.

Sur le référé suspension présenté par l’association Agir pour l’environnement, la Confédération paysanne, la fédération Nature et progrès sous le n° 450199 :

8. Aux termes de l’article L. 521-1 du code de justice administrative : « Quand une décision administrative, même de rejet, fait l’objet d’une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d’une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l’exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l’urgence le justifie et qu’il est fait état d’un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ».

En ce qui concerne les moyens tirés de la méconnaissance du droit de l’Union :

9. D’une part, en premier lieu, les requérants soutiennent que l’arrêté contesté méconnaîtrait les dispositions du règlement (CE) n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques dans la mesure où elles ne permettraient pas d’autoriser un produit phytopharmaceutique comprenant une substance active n’ayant pas été approuvée par la Commission européenne. Toutefois, aux termes, d’une part, du 1. de l’article 28 de ce règlement : « Un produit phytopharmaceutique ne peut être mis sur le marché ou utilisé que s’il a été autorisé dans l’État membre concerné conformément au présent règlement. » et, d’autre part, du 1. de l’article 53 du même règlement : « Par dérogation à l’article 28 et dans des circonstances particulières, un État membre peut autoriser, pour une période n’excédant pas cent vingt jours, la mise sur le marché de produits phytopharmaceutiques en vue d’un usage limité et contrôlé, lorsqu’une telle mesure s’impose en raison d’un danger qui ne peut être maîtrisé par d’autres moyens raisonnables. / L’État membre concerné informe immédiatement les autres États membres et la Commission de la mesure adoptée, en fournissant des informations détaillées sur la situation et les dispositions prises pour assurer la sécurité des consommateurs. » Par un arrêt du 17 mai 2018 (T-429/13 et T. 451/13), le tribunal de l’Union européenne a jugé que « en vertu de l’article 53, paragraphe 1, du règlement no 1107/2009, les États membres peuvent autoriser, pour une période n’excédant pas 120 jours, des produits phytopharmaceutiques contenant des substances actives, y compris pour des utilisations qui ne sont pas approuvées au niveau de l’Union, lorsqu’il n’existe pas de solution de remplacement. (…) cette disposition permet aux États membres d’éviter de graves conséquences pour l’agriculture et vise des situations où il n’existe pas d’autre solution pour lutter contre un ravageur déterminé et plusieurs États membres ont fait usage de cette faculté ». Il résulte en outre de l’instruction que l’utilisation des produits visés par le présent arrêté a été autorisée par d’autres Etats membres de l’Union, à plusieurs reprises, sur le fondement de ces dispositions. Par suite, le moyen tiré de ce que les produits en cause auraient été autorisés en méconnaissance du règlement (CE) n° 1107/2009 n’apparaît pas, en l’état de l’instruction, de nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité de l’arrêté contesté.

10. En deuxième lieu, les requérants soutiennent que l’arrêté contesté ne répond pas aux exigences résultant de l’article 53 du règlement (UE) n° 1107/2009 dès lors que cet arrêté ne répond pas à une situation d’urgence, puisqu’il n’est fait état d’aucune
« circonstances particulières » justifiant la dérogation contestée, les risques de maladies de la betterave imputables aux pucerons n’étant ni nouveaux ni particulièrement forts en 2021 eu égard aux périodes de gel connues au cours des mois de janvier et février de cette année et à leurs conséquences probables sur la population de pucerons ; que l’arrêté ne met pas en place un « usage limité et contrôlé », puisqu’il ne fixe aucune limite spatiale et ne prévoit aucun contrôle spécifique ; qu’il n’est pas démontré que la dérogation s’impose « en raison d’un danger qui ne peut être maîtrisé par d’autres moyens raisonnables », faute d’étude sur les alternatives à l’autorisation de l’utilisation de produits contenant des néonicotinoïdes, alors même que de telles alternatives existeraient, ainsi que cela ressortirait d’un rapport de l’Anses de 2018, laquelle devrait rendre prochainement un nouvel avis sur la question.

11. Il résulte toutefois de l’instruction que la betterave sucrière a fait l’objet, lors de la campagne 2020, du fait de l’infestation des cultures par des pucerons vecteurs de la jaunisse de la betterave et faute qu’aient pu être utilisés des produits contenant des néonicotinoïdes en raison de l’interdiction qui résultait de l’article L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime dans sa version alors en vigueur, d’importantes pertes de production ce qui a conduit le législateur, ainsi que cela est rappelé au point 6 de la présente décision, à revenir sur l’interdiction d’usage de ces produits, pour la betterave sucrière et pour une période limitée, en prévoyant la délivrance de dérogations dans les conditions fixées par l’article 53 du règlement (UE) n° 1107/2009. S’agissant de la dérogation accordée par l’arrêté contesté pour la campagne 2021, il résulte de l’instruction, notamment des échanges lors de l’audience publique, que si des périodes de gel prolongé ont eu lieu au début de l’année 2021, le risque d’une nouvelle infestation massive par des pucerons porteurs des maladies de la betterave au printemps 2021 demeure sérieux, les pertes importantes de production subies pour ce motif en 2020 témoignant de ce qu’il n’existe pas d’autres moyens raisonnables pour maîtriser ce danger pour la production agricole concernée, tout au moins pour la campagne 2021. En outre, si l’arrêté ne comporte pas de limitation géographique, il résulte de son objet même, conformément à l’article L. 253-8-3 du code rural et de la pêche maritime, qu’il ne peut concerner que les zones dans lesquelles sont cultivées la betterave sucrière, lesquelles ne représentent que 1,5 % de la surface agricole utile française et sont concentrées en pratique dans les Hauts-de-France, en Ile-de-France et dans le Grand-Est. Par ailleurs, ainsi que l’administration l’a expressément confirmé lors de l’audience publique, non seulement l’usage des semences autorisés par l’arrêté attaqué, limité à 120 jours pour la campagne 2021 et pour les seules betteraves sucrières, ne peut être réalisé que conformément aux prescriptions rappelées par l’annexe 1 de l’arrêté, mais il est également soumis au respect des prescriptions générales encadrant l’utilisation de produits phytopharmaceutiques, notamment en ce qui concerne le respect des distances par rapport à des zones d’habitation ou à des cours d’eau. Enfin, l’administration fait valoir qu’elle a adressé aux préfets et publié au bulletin officiel du ministère de l’agriculture et de l’alimentation en date du 11 mars 2021, une instruction aux services établissant un programme national de contrôle de l’usage des intrants dans le domaine végétal pour 2021 dont l’annexe II comporte des modalités spécifiques au contrôle de l’utilisation des betteraves sucrières traitées avec les substances autorisées par les produits visés par l’arrêté contesté et qu’une réunion du conseil de surveillance prévu au II bis de l’article L. 253-8 est déjà fixée au 25 mai prochain pour assurer le suivi de la mise en œuvre de l’arrêté. Par suite, et eu égard au fait que l’arrêté attaqué, pris le 5 février 2021, quelques semaines seulement après la publication de loi du 14 décembre 2020 ayant autorisé l’usage des produits en cause ce qui rendait difficile notamment de procéder à une analyse plus fine du champ géographique concerné par l’arrêté, le moyen tiré de ce que les conditions posées par l’article 53 du règlement (UE) n° 1107/2009 ne sont pas respectées n’est pas, en l’état de l’instruction, propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de l’arrêté contesté.

12. En troisième lieu, si les requérants soutiennent que l’arrêté n’a pas été notifié à la Commission et aux autres Etats membres en méconnaissance de l’article 53 du règlement (UE) n° 1107/2009 ainsi que de l’article 7 de la directive (UE) n° 2015/1535 du Parlement européen et du Conseil du 9 septembre 2015 prévoyant une procédure d’information dans le domaine des réglementations techniques et des règles relatives aux services de la société de l’information, il résulte en tout état de cause de l’instruction que l’arrêté contesté a fait l’objet d’une notification à la Commission européenne. Par suite, le moyen tiré du défaut de notification à la Commission européenne n’est pas de nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité de l’arrêté contesté.

13. D’autre part, si les requérants soutiennent que l’arrêté attaqué est contraire aux objectifs de la directive 2009/128/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 instaurant un cadre d’action communautaire pour parvenir à une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable, il résulte de ce qui a été dit plus haut que cet arrêté relève du régime spécifique établi par le règlement (UE) n° 1107/2009. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance de l’objectif de la directive 2009/128/CE tendant au développement des méthodes ou techniques de substitution à l’utilisation des produits phytopharmaceutiques et du plan national « Ecophyto II+ » pris pour son application, ne sont pas, en l’état de l’instruction, de nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité de l’arrêté contesté.

En ce qui concerne les autres moyens :

14. Les moyens tirés de la méconnaissance du principe de précaution, qui vise en réalité la loi elle-même, du principe de non-régression de la protection de l’environnement, qui n’est pas opérant contre l’arrêté qui se borne à mettre en œuvre la dérogation instituée par la loi elle-même, de la motivation de l’arrêté, qui présente un caractère règlementaire, de l’irrégularité de l’avis du conseil de surveillance, de l’avis demandé à l’Anses et de la procédure de consultation du public, ne sont pas, en l’état de l’instruction, de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de l’arrêté attaqué.

15. Si les requérants contestent l’article 3 de l’arrêté et l’annexe 2 bis à laquelle il renvoie, il résulte des termes même de cet article que les mesures d’atténuation et de compensation possibles en cause ne pourront permettre aux agriculteurs qui les auront mises en œuvre lors de la campagne 2021 de bénéficier de conditions moins restrictives pour les cultures suivantes pour les campagnes 2022, 2023 et 2024 que sous réserve que ces mesures assurent un niveau équivalent de protection des pollinisateurs et de la biodiversité, ce qui devra être constaté par un arrêté des ministres chargés de l’environnement et de l’agriculture pris après un avis de l’Anses confirmant que le niveau de protection est assuré, arrêté qui n’a pas encore été pris. Ce n’est que lorsque cet arrêté aura été pris que les mesures d’atténuation et de compensation en cause pourront, dans la mesure et suivant les conditions et limites qu’il fixera, donner droit à des anticipations sur les cultures suivantes. Par suite, les moyens visant ces dispositions ne sont pas de nature, en l’état de l’instruction, de créer un doute sérieux quant à leur légalité.

16. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la condition d’urgence, que la requête présentée par l’association Agir pour l’environnement et autres sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative ainsi que la requête présentée par l’association « Terre d’abeille » et autres sur le fondement de l’article
L. 521-2 du code de justice administrative doivent être rejetées.


Communiqué (décision jointe : Conseil d’Etat, ordonnance du 15 mars 2021, n°450194, 450199)