🟥 [Extrait] Le Conseil d’Etat ne suspend pas l’interdiction des rassemblements dans les lieux de culte durant le confinement

Le Conseil d’Etat a Ă©tĂ© saisi, dans le cadre d’un rĂ©fĂ©rĂ©, par des associations, fidèles et membres du clergĂ© catholiques. Ces derniers entendent suspendre les dispositions du dĂ©cret du 29 octobre 2020 visant Ă  interdire, durant le temps du confinement, les rassemblements dans les lieux de culte.


Raisonnement du Conseil d’Etat :

En premier lieu, il résulte de l’instruction que la circulation du virus sur le territoire métropolitain s’est fortement amplifiée au cours des dernières semaines malgré les mesures prises conduisant à une situation particulièrement dangereuse pour la santé de l’ensemble de la population française. Ainsi, au 1er novembre 2020, plus de 1.4000.000 cas ont été confirmés positifs à la covid-19, en augmentation de près de 50.000 dans les dernières vingt-quatre heures, le taux d’incidence national étant de 438 cas pour 100.000 habitants contre 246 au 20 octobre et 118 au 28 septembre, le taux de positivité des tests réalisés étant de 20,4 % au 1er novembre contre 13,2 % au 18 octobre et 9 % au 28 septembre, 38.289 décès de la covid-19 sont à déplorer au 3 novembre 2020, en hausse de 430 cas en vingt-quatre heures. Enfin, le taux d’occupation des lits en réanimation par des patients atteints de la covid-19 est passé de 43 % au 20 octobre à près de 70 % au 1er novembre, mettant en tension l’ensemble du système de santé.
Cette évolution particulièrement inquiétante de la propagation du virus sur l’ensemble du territoire national s’est encore accélérée au cours des dernières semaines et des derniers jours du mois d’octobre, malgré les mesures de police sanitaire graduées en fonction de la situation sanitaire de chaque territoire prises pour faire face au risque de reprise de l’épidémie.

En deuxième lieu, pour éviter les effets économiques et sociaux les plus néfastes qui avaient été constatés lors du premier confinement, le décret a autorisé, lors de celui qui a débuté le 29 octobre 2020, outre la réalisation des achats de première nécessité, le maintien de l’accueil des élèves dans leurs établissements scolaires, la poursuite aussi large que possible des activités professionnelles ne pouvant faire l’objet de télétravail, notamment en matière de services publics, et l’utilisation par les intéressés, en tant que de besoin, des moyens de transport.
En cette période d’augmentation très forte des risques liés à l’épidémie, il a, en revanche, limité les autres motifs permettant de sortir de son domicile ainsi que les rassemblements et réunions, en interdisant, notamment, ceux de plus de six personnes dans tous les lieux ouverts au public, à l’exception, ponctuelle et s’exerçant à l’extérieur, des manifestations sur la voie publique.

En troisième lieu, si le conseil scientifique covid-19 s’est référé, dans sa note d’alerte du 22 septembre 2020, à une étude américaine selon laquelle les églises n’ont pas été retrouvées parmi les lieux à risque d’infection, le même constat y était fait pour d’autre lieux comme les magasins et les transports en commun et il a précisé qu’en France, en dehors des clusters, dont il est constant qu’ils ne représentent qu’une partie marginale des lieux à risque d’infection, aucune des données disponibles ne permet d’identifier ces lieux. Par ailleurs, dans une annexe de sa note du 26 octobre 2020, le même conseil scientifique a rappelé que le risque de transmission du virus à l’occasion d’un rassemblement est d’autant plus élevé qu’il a lieu dans un espace clos, mal ventilé, avec une forte densité de participants, une absence de port de masque et un niveau élevé d’émission de gouttelettes lié notamment à la parole et au chant. Il a été précisé que le risque diminue en cas de protocole sanitaire strict et lorsque l’attitude des participants est prévisible. S’il a été indiqué à cet égard que « les lieux de culte pourraient rester ouverts », c’est uniquement « à condition qu’ils respectent les protocoles sanitaires stricts contractualisés ». Or, il résulte de l’instruction que si des protocoles sanitaires ont été élaborés, lors du déconfinement, pour les lieux de culte à l’initiative notamment, pour ce qui concerne l’Eglise catholique, des évêques, ils n’ont pas été actualisés depuis lors et ne sont pas toujours strictement appliqués, notamment depuis l’été, en ce qui concerne la distanciation entre les fidèles, y compris à l’entrée et à la sortie des lieux de culte, et le port du masque par les officiants, alors même qu’un public âgé et donc fragile, participe aux cérémonies religieuses.

En quatrième et dernier lieu, les restrictions apportées par les dispositions contestées à la liberté du culte, et plus particulièrement au droit de participer collectivement à des cérémonies dans les établissements précités, sont entrées en vigueur le 3 novembre 2020, en vertu de l’article 56 du décret litigieux, notamment pour tenir compte de la fête de la Toussaint et du jour consacré à la commémoration des fidèles défunts. Elles prendront fin, au plus tard, au terme de l’état d’urgence sanitaire qui est fixé, à ce jour, au 16 novembre 2020. Enfin, il a été indiqué à l’audience, dans la perspective de la prorogation de l’état d’urgence sanitaire qui est en cours de discussion au Parlement, que ces dispositions vont prochainement faire l’objet d’un réexamen de leur caractère adapté et proportionné, ce qui suppose l’engagement à bref délai d’une concertation avec l’ensemble des représentants des principaux cultes, destinée à préciser les conditions dans lesquelles ces restrictions pourraient évoluer.

Solution du Conseil d’Etat :

Il s’en déduit que les moyens tirés de ce que les restrictions litigieuses, qui sont motivées par des considérations exclusivement sanitaires, qui ne sont discriminatoires à l’égard d’aucun culte ou d’aucun rite et qui ne méconnaissent pas le principe de clarté et d’intelligibilité de la norme, ne seraient ni nécessaires ni proportionnées doivent, en l’état de l’instruction et à la date de la présente ordonnance, être écartés. Les requérants ne sont, dès lors, pas fondés à soutenir que l’atteinte que les dispositions contestées portent à la liberté de culte ainsi qu’au droit au respect de leur liberté personnelle, à la liberté d’aller et venir et à la liberté de réunion, serait manifestement illégale.

Il résulte de tout ce qui précède, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la condition relative à l’urgence, que les requêtes doivent être rejetées, y compris les conclusions aux fins d’injonction et d’astreintes dont certaines sont assorties et, dans chaque affaire, les conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.


Conseil d’Etat, ordonnance du 7 novembre 2020, association civitas et autres.