đŸŸ„ [Instrument de paiement] Le juge ne peut refuser la demande de remboursement formĂ©e par la victime d’un vol dans un distributeur automatique de billets (DAB) au motif que celle-ci a Ă©tĂ© victime d’un « vol d’espĂšces » et non d’un « retrait frauduleux »

Références

Publication : PUBLIÉ AU BULLETIN
Identifiant :ECLI:FR:CCASS:2022:CO00729
DĂ©cision : Cassation
ArrĂȘt : n° 729 F-B
Mot clé : Banque
Source : Cour de cassation, chambre commerciale, 30 novembre 2022, n°21-17.614

Faits et procédure

1. Selon le jugement attaquĂ© (tribunal judiciaire de Paris, 7 mai 2021), rendu en dernier ressort, M. [Z], faisant valoir qu’aprĂšs que lui-mĂȘme avait introduit sa carte bancaire dans un distributeur automatique de billets d’une agence de la sociĂ©tĂ© CrĂ©dit lyonnais (la banque) pour procĂ©der Ă  un retrait et composĂ© son code confidentiel, un tiers avait saisi un montant de retrait de 900 euros et s’Ă©tait emparĂ© des billets, a demandĂ© Ă  la banque le remboursement de cette somme.

Examen du moyen

2. M. [Z] fait grief au jugement de rejeter ses demandes, alors « qu’en cas d’opĂ©ration de paiement non autorisĂ©e, le prestataire de services de paiement du payeur rembourse au payeur le montant de l’opĂ©ration non autorisĂ©e immĂ©diatement aprĂšs avoir pris connaissance de l’opĂ©ration ou aprĂšs en avoir Ă©tĂ© informĂ©, et en tout Ă©tat de cause au plus tard Ă  la fin du premier jour ouvrable suivant, sauf s’il a de bonnes raisons de soupçonner une fraude de l’utilisateur du service de paiement et s’il communique ces raisons par Ă©crit Ă  la Banque de France ; qu’en considĂ©rant, pour Ă©carter l’application de ces rĂšgles, que M. [Z] n’avait pas Ă©tĂ© victime d’un retrait frauduleux, mais d’un vol d’espĂšces, aprĂšs avoir pourtant relevĂ© que le malfaiteur avait lui-mĂȘme composĂ© sur le clavier du distributeur Ă  billets le montant du retrait, ce dont il dĂ©coulait que l’opĂ©ration de retrait d’espĂšces Ă©tait en cours lorsque le malfaiteur en avait pris la direction, le tribunal judiciaire, qui n’a pas tirĂ© les consĂ©quences lĂ©gales de ses propres constatations, a violĂ© les articles L. 133-18 et L. 133-19 du code monĂ©taire et financier. »

RĂ©ponse de la Cour de cassation

Vu les articles L. 133-3, L. 133-6, L. 133-18 et L. 133-19 du code monétaire et financier :

3. Il rĂ©sulte des deux premiers de ces textes qu’une opĂ©ration de paiement initiĂ©e par le payeur, qui donne un ordre de paiement Ă  son prestataire de services de paiement, est rĂ©putĂ©e autorisĂ©e uniquement si le payeur a Ă©galement consenti au montant de l’opĂ©ration.

4. Il rĂ©sulte des deux derniers textes qu’en cas d’opĂ©ration de paiement non autorisĂ©e, rĂ©alisĂ©e au moyen d’un instrument de paiement dotĂ© de donnĂ©es de sĂ©curitĂ© personnalisĂ©es, et signalĂ©e par l’utilisateur dans les conditions prĂ©vues Ă  l’article L. 133-24 du code monĂ©taire et financier, le prestataire de services de paiement du payeur rembourse au payeur le montant de l’opĂ©ration non autorisĂ©e, sauf si la responsabilitĂ© du payeur est engagĂ©e en application de l’article L. 133-19.

5. Pour rejeter la demande de remboursement formĂ©e par M. [Z], le jugement Ă©nonce que le fait qu’aprĂšs que le titulaire d’une carte de paiement a introduit celle-ci dans un distributeur automatique de billets et a composĂ© son code secret, un tiers compose Ă  son insu le montant du retrait et s’empare des billets de banque, ne constitue pas un cas d’exemption de la responsabilitĂ© du payeur prĂ©vu par l’article L. 133-19 du code monĂ©taire et financier.

6. En se dĂ©terminant ainsi, sans rechercher, ainsi que cela lui Ă©tait demandĂ©, si l’opĂ©ration de paiement avait Ă©tĂ© autorisĂ©e par M. [Z], en particulier quant Ă  son montant, et, dans la nĂ©gative, sans constater que la responsabilitĂ© du payeur Ă©tait engagĂ©e en application du I ou du IV de l’article L. 133-19 du code monĂ©taire et financier, le tribunal a privĂ© sa dĂ©cision de base lĂ©gale.

Dispositif 

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 7 mai 2021, entre les parties, par le tribunal judiciaire de Paris ;

Remet l’affaire et les parties dans l’Ă©tat oĂč elles se trouvaient avant ce jugement et les renvoie devant le tribunal judiciaire de Paris autrement composĂ© ;

Condamne la société Crédit lyonnais aux dépens ;

En application de l’article 700 du code de procĂ©dure civile, rejette la demande formĂ©e par la sociĂ©tĂ© CrĂ©dit lyonnais et la condamne Ă  payer Ă  M. [Z] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur gĂ©nĂ©ral prĂšs la Cour de cassation, le prĂ©sent arrĂȘt sera transmis pour ĂȘtre transcrit en marge ou Ă  la suite du jugement cassĂ© ;

Ainsi fait et jugĂ© par la Cour de cassation, chambre commerciale, financiĂšre et Ă©conomique, prononcĂ© par le prĂ©sident en son audience publique du trente novembre deux mille vingt-deux et signĂ© par lui, M. Ponsot, conseiller, en remplacement du conseiller rapporteur empĂȘchĂ©, conformĂ©ment aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procĂ©dure civile, et Mme Fornarelli, greffier prĂ©sent lors du prononcĂ©.