đŸŸ„ [Extrait : Cour de cassation] Gestation pour autrui, le juge doit vĂ©rifier la conformitĂ© de l’acte avec la loi Ă©trangĂšre avant de statuer sur une adoption plĂ©niĂšre

Faits : 

Selon l’arrĂȘt attaquĂ© (Paris, 26 fĂ©vrier 2019), l’enfant B… Y… est nĂ© le […] Ă  Villahermosa (Etat de Tabasco, Mexique) de M. Y…. Celui-ci, nĂ© le […] Ă  Tarbes, de nationalitĂ© française, a eu recours Ă  une convention de gestation pour autrui au Mexique. La transcription de l’acte de naissance Ă©tabli Ă  l’étranger ne mentionne que le nom du pĂšre.

Par requĂȘte du 11 juillet 2016, M. X…, nĂ© le […] Ă  Guayaquil (Equateur), de nationalitĂ© française, Ă©poux de M. Y…, a formĂ© une demande d’adoption plĂ©niĂšre de l’enfant de son conjoint. M. Y… a consenti Ă  cette adoption le 4 mai 2016.

Textes appliqués :

Vu les articles 16-7, 353, alinéa 1er, 345-1, 1°, et 47 du code civil :

Aux termes du premier de ces textes, toute convention portant sur la procrĂ©ation ou la gestation pour le compte d’autrui est nulle, l’article 16-9 du mĂȘme code prĂ©cisant que cette disposition est d’ordre public.

Selon le deuxiĂšme, l’adoption est prononcĂ©e Ă  la requĂȘte de l’adoptant par le tribunal judiciaire qui vĂ©rifie si les conditions de la loi sont remplies et si l’adoption est conforme Ă  l’intĂ©rĂȘt de l’enfant.

Aux termes du troisiĂšme, l’adoption plĂ©niĂšre de l’enfant du conjoint est permise lorsque l’enfant n’a de filiation lĂ©galement Ă©tablie qu’à l’égard de ce conjoint.

Aux termes du quatriĂšme, tout acte de l’état civil des Français et des Ă©trangers fait en pays Ă©tranger et rĂ©digĂ© dans les formes usitĂ©es dans ce pays fait foi, sauf si d’autres actes ou piĂšces dĂ©tenus, des donnĂ©es extĂ©rieures ou des Ă©lĂ©ments tirĂ©s de l’acte lui-mĂȘme Ă©tablissent, le cas Ă©chĂ©ant aprĂšs toutes vĂ©rifications utiles, que cet acte est irrĂ©gulier, falsifiĂ© ou que les faits qui y sont dĂ©clarĂ©s ne correspondent pas Ă  la rĂ©alitĂ©.

Il rĂ©sulte de ces textes que le droit français n’interdit pas le prononcĂ© de l’adoption, par l’époux du pĂšre, de l’enfant nĂ© Ă  l’étranger de cette procrĂ©ation lorsque le droit Ă©tranger autorise la convention de gestation pour autrui et que l’acte de naissance de l’enfant, qui ne fait mention que d’un parent, a Ă©tĂ© dressĂ© conformĂ©ment Ă  la lĂ©gislation Ă©trangĂšre, en l’absence de tout Ă©lĂ©ment de fraude.

Raisonnement de la cour d’appel :

Pour rejeter la demande d’adoption plĂ©niĂšre, l’arrĂȘt retient que rien ne permet d’apprĂ©hender les modalitĂ©s selon lesquelles la femme ayant accouchĂ© de B… aurait renoncĂ© de maniĂšre dĂ©finitive Ă  l’établissement de la filiation maternelle et qu’il en est de mĂȘme du consentement de cette femme Ă  l’adoption de l’enfant, par le mari du pĂšre. Il estime que, dans ces conditions, il ne peut ĂȘtre conclu que l’adoption sollicitĂ©e, exclusivement en la forme plĂ©niĂšre et avec les effets dĂ©finitifs qui s’attachent Ă  cette derniĂšre, soit conforme Ă  l’intĂ©rĂȘt de l’enfant, qui ne peut s’apprĂ©cier qu’au vu d’élĂ©ments biographiques suffisants.

Solution de la Cour de cassation :

En se dĂ©terminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui Ă©tait demandĂ©, si les documents produits, et notamment l’autorisation donnĂ©e le 10 dĂ©cembre 2015, par la direction gĂ©nĂ©rale du registre civil, Ă  l’officier de l’état civil de la commune de Centro (Etat de Tabasco) afin qu’il Ă©tablisse l’acte de naissance de l’enfant, ne dĂ©montraient pas que cet acte de naissance, comportant le seul nom du pĂšre, Ă©tait conforme Ă  la loi de l’Etat de Tabasco, de sorte qu’en l’absence de lien de filiation Ă©tabli avec la femme ayant donnĂ© naissance Ă  l’enfant, l’adoption plĂ©niĂšre Ă©tait juridiquement possible, la cour d’appel a privĂ© sa dĂ©cision de base lĂ©gale au regard des textes susvisĂ©s.


Cass., 1 civ., 4 novembre 2020, n°19-15.739