🟥 [Droit Routier] L’invalidation du permis de conduire français entraîne nécessairement l’interdiction de conduire sur le territoire français

Références

Publication : PUBLIÉ AU BULLETIN
Identifiant : ECLI:FR:CCASS:2022:CR00569
Décision : Rejet
Arrêt : Q 21-85.611 F- B
Mot clé : circulation routiere, permis de conduire, permis étranger
Texte appliqué : Articles 593 du code de procédure pénale, L. 223-5 du code de la route.
Source : Cour de cassation, chambre criminelle, 17 mai 2022, n°21-85.611

Faits et procédure

1. Il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. Le 21 février 2014, alors qu’il circulait à bord de son véhicule automobile, M. [P] [I] a fait l’objet d’un contrôle par les gendarmes auxquels il a présenté un permis de conduire obtenu au Liban.

3. Le 26 février suivant, le procureur de la République a fait citer M. [I] devant la juridiction correctionnelle, du chef susvisé.

4. Par jugement du 1er octobre 2014, le tribunal correctionnel a déclaré le prévenu coupable des faits reprochés et l’a condamné à six mois d’emprisonnement et à la confiscation du véhicule ayant servi à commettre l’infraction.

5. M. [I] a relevé appel de cette décision. Le ministère public a interjeté appel incident.

Premier moyen

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

6. Le moyen critique l’arrêt attaqué en ce qu’il a déclaré M. [I] coupable en récidive de conduite d’un véhicule à moteur malgré injonction de restituer le permis de conduire résultant du retrait de la totalité des points, alors « que selon l’article R. 222-3 du code de la route, tout permis de conduire national, en cours de validité, délivré par un Etat qui est ni membre de la Communauté européenne, ni partie à l’accord sur l’Espace économique européen, peut être reconnu en France jusqu’à l’expiration d’un délai d’un an après l’acquisition de la résidence normale de son titulaire ; qu’il en résulte que la reconnaissance en France d’un tel permis n’est pas subordonnée à ce que son titulaire ait eu sa résidence normale dans le pays où il a été délivré ; qu’en déclarant M. [I] coupable en récidive de conduite malgré invalidation de son permis de conduire, motif pris qu’il résultait de l’arrêté du 12 janvier 2012 fixant les conditions de reconnaissance et d’échange des permis de conduire délivrés par les Etats n’appartenant ni à l’Union européenne, ni à l’Espace économique européen, que la reconnaissance en France d’un permis de conduire étranger supposait que son titulaire l’ait obtenu tandis qu’il avait sa résidence normale dans ce pays et que M. [I] ne rapportait pas cette preuve, bien que cet arrêté ministériel n’ait pas pu ajouter une condition qui n’est pas requise pour la reconnaissance en France d’un permis de conduire étranger, la cour d’appel, qui s’est prononcée par un motif inopérant, a violé l’article R. 222-3 susvisé, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2017-1523 du 3 novembre 2017, ensemble l’article L. 223-5 du même code, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2019-950 du 11 septembre 2019. »

Réponse de la Cour de cassation

7. Dès lors que l’invalidation du permis de conduire français entraîne nécessairement l’interdiction du droit de conduire sur le territoire national français, quand bien même le prévenu serait titulaire d’un permis délivré par un autre Etat ou d’un permis international, le moyen soutenant que les permis de conduire libanais et international présentés par le prévenu auraient été obtenus régulièrement est inopérant.

Deuxième moyen

Sur le second moyen

8. Le moyen critique l’arrêt attaqué en ce qu’il a ordonné à l’encontre de M. [I], à titre de peine complémentaire, la confiscation du véhicule ayant servi à commettre l’infraction, soit le véhicule Porsche immatriculé [Immatriculation 1], alors :

« 1°/ que tout jugement ou arrêt doit être motivé, à peine de nullité ; que la contradiction entre les motifs et le dispositif de la décision équivaut à un défaut de motifs ; qu’en ordonnant, dans le dispositif de sa décision, à titre de peine complémentaire, la confiscation du véhicule appartenant à M. [I], tout en affirmant, dans les motifs de sa décision, que cette confiscation répondait à l’impératif d’intérêt général de la prévention des accidents de la route, et constituait la seule mesure de sûreté adaptée et efficace permettant d’atteindre cet objectif, la cour d’appel, qui a infligé à M. [I] une peine complémentaire, après avoir considéré dans les motifs de sa décision qu’il convenait de prendre une mesure de sûreté à son encontre, a violé l’article 593 du code de procédure pénale, ensemble l’article L. 223-5 du code de la route, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2019-950 du 11 septembre 2019 ;

2°/ qu’une peine, par sa finalité répressive et punitive, se distingue d’une mesure de sûreté, laquelle répond à un objectif de prévention des infractions ; qu’il en résulte que le juge ne peut prononcer une peine complémentaire de confiscation en considération de l’objectif préventif attaché à une mesure de sûreté ; qu’en ordonnant néanmoins, à titre de peine complémentaire, la confiscation du véhicule appartenant à M. [I], au motif inopérant que cette confiscation répondait à l’impératif d’intérêt général de la prévention des accidents de la route et constituait la seule mesure de sûreté adaptée et efficace permettant d’atteindre cet objectif, la cour d’appel a violé l’article L. 223-5 du code de la route, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2019-950 du 11 septembre 2019, ensemble l’article 593 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour de cassation

9. Pour prononcer la peine de confiscation, l’arrêt attaqué énonce que le véhicule saisi est l’instrument du délit commis, et sa confiscation permise par la loi.

10. Les juges ajoutent que c’est le choix du prévenu de posséder une voiture d’un grand prix, nécessairement proportionné à ses importants revenus, et de l’utiliser au quotidien, en commettant des infractions, et ce en dépit de l’avertissement reçu quelques semaines auparavant, alors qu’il ne démontre pas être actuellement titulaire d’un permis de conduire.

11. Ils retiennent que la confiscation de ce véhicule répond à l’impératif d’intérêt général de prévention des accidents de la route, et constitue la seule mesure de sûreté adaptée et efficace permettant d’atteindre cet objectif.

12. Ils soulignent que l’intéressé n’a excipé d’aucune circonstance exceptionnelle, tenant à son emploi ou à sa situation professionnelle, qui rendrait disproportionnée la confiscation de ce véhicule.

13. Ils concluent qu’au regard du temps écoulé, et afin de garantir l’exécution de cette peine, il y a lieu de procéder à son exécution provisoire en application de l’article 471, alinéa 4, du code de procédure pénale.

14. En prononçant ainsi, nonobstant des motifs erronés mais surabondants qualifiant la décision de confiscation du véhicule de mesure de sûreté, la cour d’appel, qui a pris en considération la personnalité et la situation personnelle du prévenu, ses ressources et ses charges, a analysé la mesure au regard de sa proportionnalité, et a ordonné son exécution provisoire en relevant expressément qu’il s’agit d’une peine, a justifié sa décision.

15. Le moyen doit être écarté.

16. Par ailleurs, l’arrêt est régulier en la forme.

Dispositif 

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le dix-sept mai deux mille vingt-deux.