đŸŸ„ [Extrait] DĂšs lors que l’indemnitĂ© d’assurance a Ă©tĂ© payĂ©, la cour d’appel doit vĂ©rifier si l’assureur n’a pas Ă©tĂ© subrogĂ©e par le maitre de l’ouvrage avant qu’elle ne statue

Faits : 

Selon l’arrĂȘt attaquĂ© (Douai, 25 avril 2019), la commune de Lille (la commune) a fait procĂ©der Ă  l’extension de l’hĂŽtel de ville et Ă  la construction de deux immeubles Ă  usage de bureaux.

Les travaux de gros oeuvre ont été confiés à la société Quillery, devenue Eiffage construction, qui a sous-traité le lot maçonnerie briques bùtiment U aile gauche à la société ECR et le lot maçonnerie briques bùtiments L et U façades avec aile droite à la société SRM.

Ces sous-traitants étaient assurés auprÚs de la SMABTP.

La commune a souscrit une assurance dommages-ouvrage auprÚs de la société UAP, devenue Axa France.

Les travaux ont été réceptionnés le 17 juin 1994.

Des dĂ©sordres Ă©tant apparus sur les façades de l’hĂŽtel de ville sous forme de dĂ©gradations du parement en briques, la commune a assignĂ©, le 4 aoĂ»t 2006, la sociĂ©tĂ© Axa France en indemnisation de ses prĂ©judices.

Par ordonnance du 20 juillet 2007, une expertise a été ordonnée.

Par acte du 11 septembre 2008, la société Axa France a assigné la SMABTP en expertise.

Par ordonnance du 9 décembre 2008, une expertise a été ordonnée.

Par acte du 15 janvier 2014, la société Axa France a appelé en garantie la SMABTP.

La commune et la société Axa France ont conclu une transaction le 2 avril 2015.-Examen du moyen

Moyen invoqué par le requérant :

La sociĂ©tĂ© Axa France fait grief Ă  l’arrĂȘt de dĂ©clarer irrecevable son action, alors « qu’est recevable l’action engagĂ©e par l’assureur avant l’expiration du dĂ©lai de forclusion dĂ©cennale, bien qu’il n’ait pas eu au moment de la dĂ©livrance de son assignation la qualitĂ© de subrogĂ© dans les droits de son assurĂ©, dĂšs lors qu’il a payĂ© l’indemnitĂ© due Ă  ce dernier avant que le juge du fond n’ait statuĂ© ; qu’en ne recherchant pas, ainsi qu’elle y Ă©tait invitĂ©e, si la sociĂ©tĂ© Axa France Iard, prise en sa qualitĂ© d’assureur dommages-ouvrage, n’avait pas Ă©tĂ© subrogĂ©e par le maĂźtre de l’ouvrage avant qu’elle ne statue, la cour d’appel a privĂ© sa dĂ©cision de base lĂ©gale au regard des articles L. 121-12 du code des assurances, ensemble les articles 2241 du code civil, 126, 334 et 336 du code de procĂ©dure civile. »

Textes appliqués :

Vu les articles L. 121-12 du code des assurances, 2241 et 2270-1, alors applicable, du code civil et l’article 126 du code de procĂ©dure civile :

Aux termes du premier de ces textes, l’assureur qui a payĂ© l’indemnitĂ© d’assurance est subrogĂ©, jusqu’à concurrence de cette indemnitĂ©, dans les droits et actions de l’assurĂ© contre les tiers qui, par leur fait, ont causĂ© le dommage ayant donnĂ© lieu Ă  la responsabilitĂ© de l’assureur.

Aux termes du deuxiĂšme, la demande en justice, mĂȘme en rĂ©fĂ©rĂ©, interrompt le dĂ©lai de prescription ainsi que le dĂ©lai de forclusion.

Aux termes du troisiÚme, les actions en responsabilité civile extracontractuelle se prescrivent par dix ans à compter de la manifestation du dommage ou de son aggravation.

Aux termes du quatriĂšme, dans le cas oĂč la situation donnant lieu Ă  fin de non-recevoir est susceptible d’ĂȘtre rĂ©gularisĂ©e, l’irrecevabilitĂ© sera Ă©cartĂ©e si sa cause a disparu au moment oĂč le juge statue.

Raisonnement de la cour d’appel :

Pour dĂ©clarer irrecevable l’action de la sociĂ©tĂ© Axa France, l’arrĂȘt retient que le maĂźtre de l’ouvrage n’avait formĂ© aucune action Ă  l’encontre des sous-traitants ou de la SMABTP et qu’à la date de la transaction, n’ayant plus d’action Ă  l’encontre de ceux-ci, il n’a pu transmettre aucune action Ă  l’encontre des sous-traitants et de leur assureur Ă  la sociĂ©tĂ© Axa France, que l’assignation que celle-ci a dĂ©livrĂ©e le 11 septembre 2008 Ă  la SMABTP, l’ordonnance du juge des rĂ©fĂ©rĂ©s du 9 dĂ©cembre 2008 et l’arrĂȘt du 24 novembre 2009 n’ont pas fait courir au profit du maĂźtre de l’ouvrage, duquel la sociĂ©tĂ© Axa France tient ses droits, de nouveaux dĂ©lais, l’assignation ayant Ă©tĂ© dĂ©livrĂ©e par la seule sociĂ©tĂ© Axa France, qui n’était alors pas subrogĂ©e dans les droits du maĂźtre de l’ouvrage, et que l’assignation du 15 janvier 2014 est intervenue plus de dix ans aprĂšs le 25 novembre 1999.

Solution de la Cour de cassation :

En se dĂ©terminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui Ă©tait demandĂ©, si la sociĂ©tĂ© Axa France n’avait pas Ă©tĂ© subrogĂ©e par le maĂźtre de l’ouvrage avant qu’elle ne statue, la cour d’appel n’a pas donnĂ© de base lĂ©gale Ă  sa dĂ©cision.


Cass., 3 civ., 5 novembre 2020, 19-18.284