Au sommaire :
Références
NOR : TREL2315292D
ELI : https://www.legifrance.gouv.fr/eli/decret/2023/11/27/TREL2315292D/jo/texte
Alias : https://www.legifrance.gouv.fr/eli/decret/2023/11/27/2023-1097/jo/texte
Source : JORF n°0275 du 28 novembre 2023, texte n° 18
Informations
Publics concernés : Etat, collectivités territoriales et leurs groupements, leurs établissements publics.
Objet : mise en œuvre de la territorialisation des objectifs de gestion économe de l’espace et de lutte contre l’artificialisation des sols dans les documents de planification et d’urbanisme.
Entrée en vigueur : le texte entre en vigueur le lendemain de sa publication.
Notice : la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets a fixé l’objectif d’atteindre le « zéro artificialisation nette des sols » en 2050, avec un objectif intermédiaire de réduction de moitié de la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers dans les dix prochaines années. Cette trajectoire progressive est à décliner territorialement dans les documents de planification et d’urbanisme.
Pour la première tranche de dix années, le rythme de l’artificialisation des sols consiste à suivre la consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers (ENAF). Les schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (SRADDET) doivent par ailleurs décliner leurs objectifs au niveau infrarégional (article L. 4251-1 du code général des collectivités territoriales). Pour la première tranche, ils sont déterminés afin de ne pas dépasser la moitié de la consommation de ces espaces par rapport à celle observée lors des dix années précédant la promulgation de la loi.
Le décret n° 2022-762 du 29 avril 2022 publié le 29 avril 2022 a précisé des modalités d’application pour l’intégration et la déclinaison des objectifs de gestion économe de l’espace et de lutte contre l’artificialisation des sols. Il a notamment détaillé les critères de territorialisation de la trajectoire et organisé la faculté de pouvoir mutualiser au niveau régional la consommation d’espaces ou l’artificialisation résultant de projets dits d’envergure nationale ou régionale.
Le présent projet ajuste et complète ces modalités pour mieux assurer la territorialisation des objectifs de sobriété foncière et l’équilibre entre le niveau d’intervention de la région d’une part, et du bloc communal via les documents d’urbanisme d’autre part. Il tient compte des évolutions apportées par la loi n° 2023-630 du 20 juillet 2023 visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs de lutte contre l’artificialisation des sols et à renforcer l’accompagnement des élus locaux.
En ce sens, dans le rapport d’objectifs du SRADDET, les critères à considérer sont renforcés en faisant, à l’instar de la loi, mention explicitement à la prise en compte des efforts passés, et en indiquant qu’il convient de tenir compte de certaines spécificités locales telles que les enjeux de communes littorales ou de montagne et plus particulièrement de ceux relevant des risques naturels prévisibles ou du recul du trait de côte.
Par ailleurs, pour adopter une approche plus proportionnée et qualitative du rôle de la région vis-à-vis des documents infrarégionaux, le décret ne prévoit plus la fixation obligatoire d’une cible chiffrée d’artificialisation à l’échelle infrarégionale dans les règles générales du SRADDET. Cela reste une faculté de la région dès lors que les compétences des échelons infrarégionaux ne sont pas méconnues et ce notamment de par leur association dans le cadre de la procédure d’évolution du schéma. Plus généralement, toute règle prise pour contribuer à l’atteinte des objectifs dans ce domaine pourra toujours être déclinée entre les différentes parties du territoire régional identifiées par la région le cas échéant en tenant compte nécessairement des périmètres d’un ou de plusieurs schémas de cohérence territoriale (SCoT) existants, afin de ne pas méconnaître les compétences des échelons infrarégionaux.
La déclinaison territoriale doit permettre de garantir la surface minimale de consommation d’espaces naturels, agricoles ou forestiers, tant au niveau du SRADDET que du SCoT (nouvel article R. 141-7-1 du code de l’urbanisme). Elle doit également permettre de soutenir la capacité pour les territoires littoraux exposés au recul du trait de côte de mener des projets de recomposition spatiale en tenant compte des relocalisations rendues nécessaires par son évolution.
Le décret adapte la faculté de mutualisation de la consommation ou de l’artificialisation emportée par certains projets d’envergure régional, qui feront l’objet d’une liste dans le fascicule des règles du schéma, dans le cadre d’une part réservée au niveau régional à ces projets. Cette liste sera au moins transmise pour avis aux établissements publics de SCoT, aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) compétents et aux communes ainsi qu’aux départements concernés par ces projets.
Au vu des objectifs généraux à atteindre dans le cadre de l’action des collectivités publiques en matière d’urbanisme, il convient de veiller plus particulièrement à l’équilibre entre la lutte contre l’artificialisation des sols et la préservation des espaces dédiés aux activités agricoles. Ainsi, compte tenu des enjeux portés à l’échelle de la région en matière d’agriculture durable et des structures agricoles, le projet de décret ajoute un critère de territorialisation pour le maintien et le développement des activités dans ce domaine.
Il prévoit aussi la possibilité de mettre en place une part réservée de l’artificialisation des sols pour des projets à venir de création ou d’extension de constructions ou d’installations nécessaires aux exploitations agricoles et ce notamment pour contribuer aux objectifs et orientations prévus dans les schémas directeurs régionaux des exploitations agricoles mentionnés à l’article L. 312-1 du code rural et de la pêche maritime. Chaque région pourra ainsi opter via son document de planification pour réserver par avance une enveloppe destinée à de tels projets et qui sera donc mobilisée en tant que de besoin pour la période qu’elle couvre. Ce mécanisme permet de mieux prendre en compte cet enjeu après 2031. Pour la première tranche de dix ans (2021-2031), les constructions ou installations à destination d’exploitation agricole qui sont réalisées dans les espaces agricoles ou naturels n’emportent généralement pas de création ou d’extension d’espaces urbanisés et donc de consommation de ces espaces.
Le décret rappelle également qu’une autorisation d’urbanisme conforme aux prescriptions d’un document d’urbanisme en vigueur et ayant fixé des objectifs chiffrés de lutte contre l’artificialisation des sols en application du IV de l’article 194 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets ne peut être refusée au motif qu’elle serait de nature à compromettre le respect de ces objectifs. La traduction de ces objectifs dans les documents d’urbanisme et plus particulièrement via leurs prescriptions, qui sont opposables aux projets, doit permettre de les atteindre. Le décret illustre plus spécifiquement ce point pour les autorisations d’urbanisme des projets de constructions ou installations liées aux exploitations agricoles, qui contribuent à préserver les espaces affectés à ces activités.
Enfin, il précise que les mesures mises en place pour les SRADDET sont également mobilisables en tant que de besoin pour la fixation et le suivi des objectifs dans le schéma directeur de la région Ile-de-France (SDRIF), les schémas d’aménagement régional (SAR) et le plan d’aménagement et de développement durable de la Corse (PADDUC).
Références : le décret peut être consulté sur le site Légifrance (https://www.legifrance.gouv.fr).
En-tête
La Première ministre,
Sur le rapport du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires,
Vu le code de l’environnement, notamment ses articles L. 321-15 et L. 561-1 ;
Vu le code général des collectivités territoriales, notamment ses articles L. 4251-1, L. 4424-9, L. 4433-7, R. 4251-3 et R. 4251-8-1 ;
Vu le code rural et de la pêche maritime, notamment son article L. 312-1 ;
Vu le code de l’urbanisme, notamment ses articles L. 101-2, L. 101-2-1, L. 121-1, L. 121-22-2, L. 123-1 et L. 141-8 ;
Vu la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne, notamment son article 3 ;
Vu la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, notamment ses articles 191 et 194 ;
Vu l’avis du Conseil national d’évaluation des normes en date du 27 juillet 2023 ;
Vu l’avis du conseil régional de La Réunion en date du 11 août 2023 ;
Vu l’avis du conseil régional de Guadeloupe en date du 24 août 2023 ;
Vu l’avis de l’assemblée de Martinique en date du 28 septembre 2023 ;
Vu la saisine de l’assemblée de Guyane en date du 28 juillet 2023 ;
Vu la saisine du conseil départemental de Guadeloupe en date du 28 juillet 2023 ;
Vu la saisine du conseil départemental de La Réunion en date du 28 juillet 2023 ;
Vu la saisine du conseil départemental de Mayotte en date du 28 juillet 2023 ;
Vu les observations formulées lors des consultations du public réalisées du 13 juin au 4 juillet 2023 et du 25 juillet au 15 août 2023, en application de l’article L. 123-19-1 du code de l’environnement ;
Le Conseil d’Etat (section des travaux publics) entendu,
Décrète :
Article 1
Le chapitre Ier du titre V du livre II du code général des collectivités territoriales (partie réglementaire) est ainsi modifié :
I. – L’article R. 4251-3 est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, après les mots : « en considérant », sont insérés les mots : « les efforts de réduction déjà réalisés, évalués compte tenu du nombre d’emplois et de ménages accueillis par hectare consommé ou artificialisé, ainsi que : » ;
2° Le 3° est remplacé par les dispositions suivantes :
« 3° L’équilibre du territoire, en tenant compte des pôles urbains, du maillage des infrastructures et des enjeux de revitalisation et de désenclavement des territoires, notamment des communes rurales, ainsi que des particularités géographiques locales pour les communes littorales, au sens du chapitre Ier du titre II du livre Ier du code de l’urbanisme, et les zones de montagne définies à l’article 3 de la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne ; »
3° Après le 4°, sont ajoutés un 5° et un 6° ainsi rédigés :
« 5° L’adaptation des territoires exposés à des risques naturels mentionnés à l’article L. 561-1 du code de l’environnement ou, le cas échéant, la recomposition des communes exposées au recul du trait de côte et figurant sur la liste mentionnée à l’article L. 321-15 du même code ;
« 6° Les enjeux de maintien et de développement des activités agricoles, notamment de création ou d’adaptation d’exploitations. »
II. – L’article R. 4251-8-1 est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est ainsi modifié :
a) La première phrase est ainsi rédigée :
« I. – En matière de gestion économe de l’espace et de lutte contre l’artificialisation des sols, des règles différenciées peuvent être définies afin d’assurer la déclinaison des objectifs entre les différentes parties du territoire en tenant compte des périmètres des schémas de cohérence territoriale. » ;
b) La seconde phrase est supprimée ;
2° Après le premier alinéa, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« Cette déclinaison territoriale tient compte de la surface minimale de consommation communale d’espaces naturels, agricoles ou forestiers prévue au premier alinéa du 3° bis du III de l’article 194 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.
« Lorsque la région comporte des territoires littoraux, cette déclinaison territoriale doit permettre de favoriser les projets de recomposition spatiale des communes exposées au recul du trait de côte et figurant sur la liste mentionnée à l’article L. 321-15 du code de l’environnement, pour réaliser les relocalisations nécessaires de constructions, d’ouvrages ou d’installations menacés par l’évolution du trait de côte. Elle tient compte des caractéristiques géographiques locales, notamment environnementales et paysagères, et doit être proportionnée à la surface des terrains qui sont situés dans les espaces urbanisés des zones délimitées en application du 1° de l’article L. 121-22-2 du code de l’urbanisme et qui ont vocation à être renaturés pendant la tranche de dix ans en cours. » ;
3° Le deuxième alinéa est ainsi modifié :
a) Au début de la première phrase est ajoutée la mention : « II. – » ;
b) Le mot : « comporter » est remplacé par les mots : « réserver une part de consommation d’espaces ou d’artificialisation des sols pour » ;
c) Les mots : « d’intérêt général majeur » et « nationale ou » sont supprimés ;
4° Après le deuxième alinéa, sont insérés sept alinéas ainsi rédigés :
« Une part d’artificialisation des sols peut également être réservée au niveau régional pour une liste de projets de construction ou d’extension de constructions ou installations nécessaires aux exploitations agricoles permettant de contribuer aux objectifs et orientations prévus dans le schéma directeur régional des exploitations agricoles mentionné à l’article L. 312-1 du code rural et de la pêche maritime.
« Les listes établies en application du présent II, ainsi que leurs évolutions successives, sont transmises pour avis sur les projets qui se situent en tout ou partie sur le territoire de leur collectivité ou de leur établissement public, aux :
« a) Présidents des établissements publics mentionnés à l’article L. 143-16 du code de l’urbanisme ;
« b) Présidents des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre compétents en matière de plan local d’urbanisme mentionnés au premier alinéa de l’article L. 153-8 du code de l’urbanisme ;
« c) Maires ;
« d) Présidents de conseil départemental.
« L’avis est réputé favorable s’il n’a pas été rendu dans un délai d’un mois. » ;
5° Au début du troisième alinéa, est ajoutée la mention : « III. – ».
Article 2
Après l’article R. 141-6 du code de l’urbanisme, il est inséré un article R. 141-6-1 ainsi rédigé :
« Art. R. 141-6-1. – Lorsque les objectifs de réduction de l’artificialisation des sols sont déclinés par secteur géographique sur le fondement de l’article L. 141-8, il est tenu compte de la surface minimale de consommation communale d’espaces naturels, agricoles ou forestiers prévue au premier alinéa du 3° bis du III de l’article 194 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.
« Il est également tenu compte des spécificités propres aux communes littorales, au sens de l’article L. 121-1, et aux zones de montagne définies à l’article 3 de la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne. »
Article 3
Une autorisation d’urbanisme conforme aux prescriptions d’un document d’urbanisme en vigueur et ayant fixé des objectifs chiffrés de lutte contre l’artificialisation des sols en application du IV de l’article 194 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets ne peut être refusée au motif qu’elle serait de nature à compromettre le respect de ces objectifs. En particulier, afin de préserver les espaces affectés aux activités agricoles, une autorisation d’urbanisme relative à une construction ou installation nécessaire à une exploitation agricole ne saurait être refusée au seul motif que sa délivrance serait de nature à compromettre de tels objectifs.
Article 4
Les articles R. 4251-3 et R. 4251-8-1 du code général des collectivités territoriales relatifs à la déclinaison territoriale des objectifs de gestion économe de l’espace et de lutte contre l’artificialisation des sols peuvent être appliqués au plan d’aménagement et de développement durable de la Corse prévu à l’article L. 4424-9 du même code, aux schémas d’aménagement régionaux prévus à l’article L. 4433-7 du même code, ainsi qu’au schéma directeur de la région Ile-de-France prévu à l’article L. 123-1 du code de l’urbanisme, en fonction des caractéristiques spécifiques à ces documents et, notamment, en tenant compte des enjeux propres à ces territoires.
Article 5
Le ministre de l’intérieur et des outre-mer, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et le ministre délégué auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargé des outre-mer, sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l’exécution du présent décret, qui sera publié au Journal officiel de la République française.
Date et signature(s)
Fait le 27 novembre 2023.
Élisabeth Borne
Par la Première ministre :
Le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires,
Christophe Béchu
Le ministre de l’intérieur et des outre-mer,
Gérald Darmanin
Le ministre délégué auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargé des outre-mer,
Philippe Vigier