Au sommaire :
Références
JO L 98 du 25.3.2022, p. 72â75
ELI:Â http://data.europa.eu/eli/dec/2022/480/oj
En-tĂȘte
LE PARLEMENT EUROPĂEN,
â vu la demande prĂ©sentĂ©e par 290 dĂ©putĂ©s visant Ă la constitution dâune commission dâenquĂȘte chargĂ©e dâexaminer et dâenquĂȘter sur les allĂ©gations dâinfraction au droit de lâUnion ou de mauvaise administration dans lâapplication de celui-ci, en ce qui concerne lâutilisation de Pegasus et de logiciels espions de surveillance Ă©quivalents installĂ©s sur des appareils mobiles en exploitant les vulnĂ©rabilitĂ©s informatiques (ci-aprĂšs dĂ©nommĂ©s «logiciels espions de surveillance Ă©quivalents»),
â vu la proposition de la ConfĂ©rence des prĂ©sidents,
â vu lâarticle 226 du traitĂ© sur le fonctionnement de lâUnion europĂ©enne,
â vu la dĂ©cision 95/167/CE, Euratom, CECA du Parlement europĂ©en, du Conseil et de la Commission du 19 avril 1995 portant modalitĂ©s dâexercice du droit dâenquĂȘte du Parlement europĂ©en (1),
â vu lâattachement de lâUnion europĂ©enne aux valeurs et aux principes de la libertĂ©, de la dĂ©mocratie et du respect des droits de lâhomme et des libertĂ©s fondamentales, ainsi que de lâĂ©tat de droit, tels quâils sont Ă©noncĂ©s dans le prĂ©ambule du traitĂ© sur lâUnion europĂ©enne, et notamment aux articles 2, 6 et 21 dudit traitĂ©,
â vu lâarticle 4, paragraphe 2, du traitĂ© sur lâUnion europĂ©enne, qui rĂ©affirme la compĂ©tence exclusive des Ătats membres en matiĂšre de maintien de lâordre public et de sauvegarde de la sĂ©curitĂ© nationale,
â vu les articles 16 et 223 du traitĂ© sur le fonctionnement de lâUnion europĂ©enne,
â vu la Charte des droits fondamentaux de lâUnion europĂ©enne (ci-aprĂšs dĂ©nommĂ©e «Charte»), et notamment ses articles 7, 8, 11, 21 et 47, qui reconnaissent les droits, libertĂ©s et principes spĂ©cifiques qui y sont Ă©noncĂ©s, tels que le respect de la vie privĂ©e et familiale et la protection des donnĂ©es Ă caractĂšre personnel, la libertĂ© dâexpression et dâinformation, le droit Ă la non-discrimination, ainsi que le droit Ă un recours effectif et Ă accĂ©der Ă un tribunal impartial, et qui sâappliquent pleinement aux Ătats membres lorsquâils mettent en Ćuvre le droit de lâUnion, et son article 52, paragraphe 1, qui autorise une certaine limitation de lâexercice des libertĂ©s et droits fondamentaux,
â vu la directive 2002/58/CE du Parlement europĂ©en et du Conseil du 12 juillet 2002 concernant le traitement des donnĂ©es Ă caractĂšre personnel et la protection de la vie privĂ©e dans le secteur des communications Ă©lectroniques (directive «vie privĂ©e et communications Ă©lectroniques») (2),
â vu le rĂšglement (UE) 2016/679 du Parlement europĂ©en et du Conseil du 27 avril 2016 relatif Ă la protection des personnes physiques Ă lâĂ©gard du traitement des donnĂ©es Ă caractĂšre personnel et Ă la libre circulation de ces donnĂ©es, et abrogeant la directive 95/46/CE (rĂšglement gĂ©nĂ©ral sur la protection des donnĂ©es) (3),
â vu la directive (UE) 2016/680 du Parlement europĂ©en et du Conseil du 27 avril 2016 relative Ă la protection des personnes physiques Ă lâĂ©gard du traitement des donnĂ©es Ă caractĂšre personnel par les autoritĂ©s compĂ©tentes Ă des fins de prĂ©vention et de dĂ©tection des infractions pĂ©nales, dâenquĂȘtes et de poursuites en la matiĂšre ou dâexĂ©cution de sanctions pĂ©nales, et Ă la libre circulation de ces donnĂ©es, et abrogeant la dĂ©cision-cadre 2008/977/JAI du Conseil (4),
â vu la dĂ©cision (PESC) 2019/797 du Conseil du 17 mai 2019 concernant des mesures restrictives contre les cyberattaques qui menacent lâUnion ou ses Ătats membres (5), telle que modifiĂ©e par la dĂ©cision (PESC) 2021/796 du Conseil du 17 mai 2021 (6),
â vu le rĂšglement (UE) 2021/821 du Parlement europĂ©en et du Conseil du 20 mai 2021 instituant un rĂ©gime de lâUnion de contrĂŽle des exportations, du courtage, de lâassistance technique, du transit et des transferts en ce qui concerne les biens Ă double usage (7),
â vu lâacte portant Ă©lection des membres du Parlement europĂ©en au suffrage universel direct (8),
â vu la convention europĂ©enne de sauvegarde des droits de lâhomme et des libertĂ©s fondamentales, et notamment ses articles 8, 9, 13 et 17, ainsi que ses protocoles,
â vu les principes directeurs des Nations unies relatifs aux entreprises et aux droits de lâhomme (9),
â vu sa rĂ©solution du 12 mars 2014 sur le programme de surveillance de la NSA, les organismes de surveillance dans divers Ătats membres et les incidences sur les droits fondamentaux des citoyens europĂ©ens et sur la coopĂ©ration transatlantique en matiĂšre de justice et dâaffaires intĂ©rieures (10), ainsi que ses recommandations concernant le renforcement de la sĂ©curitĂ© informatique au sein des institutions, organes et agences de lâUnion,
â vu lâarticle 208 de son rĂšglement intĂ©rieur,
Considérants
A. considĂ©rant quâil a rĂ©cemment Ă©tĂ© rĂ©vĂ©lĂ© que plusieurs pays, y compris des Ătats membres, ont utilisĂ© le logiciel espion de surveillance Pegasus Ă lâencontre de journalistes, de responsables politiques, dâagents des services rĂ©pressifs, de diplomates, dâavocats, dâhommes et femmes dâaffaires, dâacteurs de la sociĂ©tĂ© civile et dâautres acteurs, et que ces pratiques sont extrĂȘmement alarmantes et semblent confirmer les dangers de lâusage abusif des technologies de surveillance au dĂ©triment des droits de lâhomme et de la dĂ©mocratie;
1. dĂ©cide de constituer une commission dâenquĂȘte pour examiner les allĂ©gations dâinfraction au droit de lâUnion ou de mauvaise administration dans lâapplication de celui-ci, en ce qui concerne lâutilisation de Pegasus et de logiciels espions de surveillance Ă©quivalents, sans prĂ©judice des compĂ©tences des juridictions nationales ou de lâUnion;
2. dĂ©cide que la commission dâenquĂȘte sera chargĂ©e:
â dâenquĂȘter sur la portĂ©e des allĂ©gations dâinfraction au droit de lâUnion ou de mauvaise administration dans lâapplication de celui-ci dĂ©coulant de lâutilisation de Pegasus et de logiciels espions de surveillance Ă©quivalents, de recueillir des informations sur la mesure dans laquelle les Ătats membres, notamment la Hongrie et la Pologne, ou des pays tiers, recourent Ă une surveillance intrusive au point de violer les droits et libertĂ©s consacrĂ©s par la Charte, et dâĂ©valuer le niveau de risque que cela reprĂ©sente pour les valeurs consacrĂ©es Ă lâarticle 2 du traitĂ© sur lâUnion europĂ©enne, telles que la dĂ©mocratie, lâĂ©tat de droit et le respect des droits de lâhomme;
â en vue de lâaccomplissement de son mandat, de recueillir et dâanalyser les informations permettant de dĂ©terminer:
â lâutilisation et le fonctionnement de Pegasus et de logiciels espions de surveillance Ă©quivalents et leur incidence nĂ©gative prĂ©sumĂ©e sur les droits fondamentaux garantis par la Charte, lors de la mise en Ćuvre du droit de lâUnion par les Ătats membres,
â le cadre juridique existant dans lequel les Ătats membres ont acquis et utilisĂ© Pegasus et des logiciels espions de surveillance Ă©quivalents,
â si les autoritĂ©s des Ătats membres ont utilisĂ© Pegasus et des logiciels espions de surveillance Ă©quivalents Ă des fins politiques, Ă©conomiques ou Ă dâautres fins injustifiĂ©es pour espionner des journalistes, des responsables politiques, des agents des services rĂ©pressifs, des diplomates, des avocats, des hommes et femmes dâaffaires, des acteurs de la sociĂ©tĂ© civile ou dâautres acteurs, en violation du droit de lâUnion et des valeurs consacrĂ©es Ă lâarticle 2 du traitĂ© sur lâUnion europĂ©enne ou des droits consacrĂ©s par la Charte,
â si lâutilisation, en violation du droit de lâUnion, de Pegasus et de logiciels espions de surveillance Ă©quivalents a eu une incidence nĂ©gative sur les processus dĂ©mocratiques dans les Ătats membres en ce qui concerne les Ă©lections aux niveaux local, national et europĂ©en,
â les allĂ©gations dâinfraction Ă la directive 2002/58/CE ou de mauvaise administration par les Ătats membres, dĂ©coulant de lâutilisation de Pegasus et de logiciels espions de surveillance Ă©quivalents, en particulier en ce qui concerne le principe de confidentialitĂ© des communications et lâinterdiction dâĂ©couter, dâintercepter, de stocker les communications et les donnĂ©es relatives au trafic y affĂ©rentes de personnes, ou de les soumettre Ă tout autre moyen dâinterception ou de surveillance,
â si lâutilisation de Pegasus et de logiciels espions de surveillance Ă©quivalents par les Ătats membres a constituĂ©, entraĂźnĂ© ou rĂ©vĂ©lĂ© des violations de la directive (UE) 2016/680 et du rĂšglement (UE) 2016/679,
â si la Commission disposait de preuves de lâutilisation de Pegasus et de logiciels espions de surveillance Ă©quivalents Ă lâencontre de personnes,
â si les Ătats membres ont donnĂ© des garanties institutionnelles et juridiques suffisantes pour Ă©viter lâutilisation illĂ©gale de logiciels espions et si les personnes qui soupçonnent que leurs droits ont Ă©tĂ© violĂ©s par lâutilisation de logiciels espions ont accĂšs Ă un recours effectif,
â la prĂ©tendue absence dâaction des Ătats membres en ce qui concerne la participation dâentitĂ©s dans lâUnion au dĂ©veloppement, Ă la diffusion ou au financement de Pegasus et de logiciels espions de surveillance Ă©quivalents, y compris la chaĂźne dâapprovisionnement sur le plan des technologies et de leur exploitation, dans la mesure oĂč cela enfreint le droit de lâUnion, y compris le rĂšglement (UE) 2021/821, et notamment lorsque des logiciels de surveillance commercialisĂ©s Ă certaines fins (par exemple, la lutte contre le terrorisme) sont utilisĂ©s dans un autre contexte,
â le rĂŽle du gouvernement dâIsraĂ«l et dâautres pays tiers dans la fourniture aux Ătats membres de Pegasus et de logiciels espions de surveillance Ă©quivalents,
â si lâutilisation de Pegasus ou de logiciels espions de surveillance Ă©quivalents par les autoritĂ©s des Ătats membres a entraĂźnĂ© le transfert de donnĂ©es Ă caractĂšre personnel vers des pays tiers, en particulier, mais pas uniquement, vers le groupe NSO, ainsi que les gouvernements de pays tiers,
â si lâutilisation de Pegasus ou de logiciels espions de surveillance Ă©quivalents, impliquant directement ou indirectement des entitĂ©s liĂ©es Ă lâUnion, a contribuĂ© Ă lâespionnage illĂ©gal de journalistes, de responsables politiques, dâagents des services rĂ©pressifs, de diplomates, dâavocats, dâhommes et femmes dâaffaires, dâacteurs de la sociĂ©tĂ© civile ou dâautres acteurs dans des pays tiers, et si cela a donnĂ© lieu Ă des violations des droits de lâhomme ou Ă dâautres atteintes aux droits de lâhomme qui suscitent de graves prĂ©occupations en ce qui concerne les objectifs de la politique Ă©trangĂšre et de sĂ©curitĂ© commune de lâUnion, et si cette utilisation Ă©tait contraire aux valeurs consacrĂ©es par lâarticle 21 du traitĂ© sur lâUnion europĂ©enne et par la Charte, Ă©galement compte dĂ»ment tenu des principes directeurs des Nations unies relatifs aux entreprises et aux droits de lâhomme et dâautres droits consacrĂ©s par le droit international relatif aux droits de lâhomme,
â sâil existait des motifs suffisants pour que le Conseil adopte des mesures restrictives ou des sanctions dans le cadre de la politique Ă©trangĂšre et de sĂ©curitĂ© commune de lâUnion Ă lâencontre dâun ou de plusieurs pays tiers lorsquâune dĂ©cision, adoptĂ©e conformĂ©ment au titre V, chapitre 2, du traitĂ© sur lâUnion europĂ©enne, prĂ©voyait lâinterruption ou la rĂ©duction des relations Ă©conomiques ou financiĂšres, conformĂ©ment Ă lâarticle 215, paragraphe 1, du traitĂ© sur le fonctionnement de lâUnion europĂ©enne,
â si lâutilisation de Pegasus ou de logiciels espions de surveillance Ă©quivalents par des pays tiers a eu une incidence sur les droits fondamentaux garantis par le droit de lâUnion et sâil existait des motifs suffisants pour que le Conseil réévalue des accords de coopĂ©ration internationale relevant de lâespace de libertĂ©, de sĂ©curitĂ© et de justice conclus avec des pays tiers en vertu de lâarticle 218 du traitĂ© sur le fonctionnement de lâUnion europĂ©enne;
â de formuler toutes les recommandations quâelle jugera nĂ©cessaires en la matiĂšre;
â de formuler des recommandations pour protĂ©ger les institutions de lâUnion, ses membres et son personnel contre ce type de logiciels espions de surveillance;
3. dĂ©cide que la commission dâenquĂȘte dĂ©posera son rapport final dans un dĂ©lai de 12 mois Ă compter de lâadoption de la prĂ©sente dĂ©cision;
4. dĂ©cide quâil appartiendra Ă la commission dâenquĂȘte de tenir compte, dans ses travaux, de toute Ă©volution pertinente entrant dans le champ de son mandat pendant la durĂ©e de celui-ci;
5. souligne quâafin dâassurer une bonne coopĂ©ration et un bon flux dâinformations entre la commission dâenquĂȘte et les commissions permanentes et sous-commissions concernĂ©es, le prĂ©sident et le rapporteur de la commission dâenquĂȘte pourraient ĂȘtre associĂ©s aux dĂ©bats pertinents des commissions permanentes et sous-commissions, et inversement, en particulier pour les auditions de la commission dâenquĂȘte;
6. dĂ©cide que toute recommandation formulĂ©e par la commission dâenquĂȘte sera transmise aux commissions permanentes et sous-commissions concernĂ©es dans leurs domaines de compĂ©tence respectifs, tels que dĂ©finis Ă lâannexe VI du rĂšglement intĂ©rieur;
7. dĂ©cide que la commission dâenquĂȘte comptera 38 membres;
8. charge sa prĂ©sidente dâassurer la publication de la prĂ©sente dĂ©cision au Journal officiel de lâUnion europĂ©enne.
Notes bas de page
(1)  JO L 113 du 19.5.1995, p. 1.
(2)  JO L 201 du 31.7.2002, p. 37.
(3)  JO L 119 du 4.5.2016, p. 1.
(4)  JO L 119 du 4.5.2016, p. 89.
(5)  JO L 129 I du 17.5.2019, p. 13.
(6)  JO L 174 I du 18.5.2021, p. 1.
(7)  JO L 206 du 11.6.2021, p. 1.
(8)  JO L 278 du 8.10.1976, p. 5.
(9)Â Â https://www.ohchr.org/Documents/Publications/GuidingPrinciplesBusinessHR_FR.pdf