Au sommaire :
Références
Source : Décision CNIL du 26 novembre 2021, MED-2021-134
En-tĂȘte
La PrĂ©sidente de la Commission nationale de l’informatique et des libertĂ©s,
Vu le rÚglement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des données à caractÚre personnel et à la libre circulation de ces données ;
Vu la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 modifiĂ©e relative Ă lâinformatique, aux fichiers et aux libertĂ©s, notamment son article 20 ;
Vu le dĂ©cret n° 2019-536 du 29 mai 2019 pris pour lâapplication de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative Ă lâinformatique, aux fichiers et aux libertĂ©s ;
Vu la dĂ©libĂ©ration n° 2013-175 du 4 juillet 2013 portant adoption du rĂšglement intĂ©rieur de la Commission nationale de lâinformatique et des libertĂ©s ;
Vu la dĂ©cision n° 2020-116C du 26 aoĂ»t 2020 de la PrĂ©sidente de la Commission nationale de lâinformatique et des libertĂ©s de charger le SecrĂ©taire gĂ©nĂ©ral de procĂ©der ou de faire procĂ©der Ă une mission de vĂ©rification des traitements mis en Ćuvre par la sociĂ©tĂ© CLEARVIEW AI ;
Vu les saisines n° 20012263, n° 20008376, n° 20022230 et n° 21010202 ;
Vu le questionnaire de contrĂŽle sur piĂšces du 27 octobre 2020 ;
Vu les autres piĂšces du dossier ;
I.La procédure
La sociĂ©tĂ© CLEARVIEW AI (ci-aprĂšs  » la sociĂ©tĂ©  » ou  » Clearview « ), Ă©tablie aux Ătats-Unis, a Ă©tĂ© créée en 2017. Elle a dĂ©veloppĂ© un logiciel de reconnaissance faciale, dont la base de donnĂ©es repose sur lâaspiration de photographies publiquement accessibles sur Internet, qui permet dâidentifier une personne Ă partir dâune photographie la reprĂ©sentant.
La Commission nationale de lâinformatique et des libertĂ©s (ci-aprĂšs  » CNIL « ) a Ă©tĂ© saisie entre mai et dĂ©cembre 2020 de plusieurs rĂ©clamations relatives aux difficultĂ©s rencontrĂ©es par les plaignants pour exercer leurs droits dâaccĂšs et dâeffacement auprĂšs de la sociĂ©tĂ©.
En application de la dĂ©cision n° 2020-116C du 26 aoĂ»t 2020 de la PrĂ©sidente de la CNIL, une dĂ©lĂ©gation de la CNIL a procĂ©dĂ© Ă une mission de contrĂŽle sur piĂšces par lâenvoi dâun questionnaire le 27 octobre 2020, auquel la sociĂ©tĂ© a rĂ©pondu par un courrier du 27 novembre suivant. Ce questionnaire portait sur les diffĂ©rents traitements mis en Ćuvre par la sociĂ©tĂ©, les organismes utilisateurs des services de la sociĂ©tĂ© (actuels ou anciens) ayant leur principal Ă©tablissement en France ou au sein de lâUnion europĂ©enne ainsi que les rĂ©clamations n° 20008376 et n° 20012263.
Le 27 mai 2021, la CNIL a Ă©tĂ© saisie dâune plainte de lâorganisme Privacy International (saisine n° 21010202) portant sur le logiciel de reconnaissance faciale de la sociĂ©tĂ© et son utilisation par les forces de lâordre.
Dans le cadre de lâassistance mutuelle prĂ©vue Ă lâarticle 61 du rĂšglement (UE) 2016/679 du Parlement europĂ©en et du Conseil du 27 avril 2016 (ci-aprĂšs le  » RGPD  » ou le  » RĂšglement), la CNIL sâest vue communiquer des informations utiles par plusieurs de ses homologues europĂ©ens.
II.Le contexte
Il ressort des informations utiles, transmises dans le cadre de la coopĂ©ration entre autoritĂ©s de contrĂŽle, dâinformations publiquement accessibles ainsi que des rĂ©clamations reçues par la Commission que la sociĂ©tĂ© utilise une technologie propre pour indexer les pages web librement accessibles. Elle collecte toutes les images sur lesquelles apparaissent des visages, sur des millions de sites web. Des photographies sont ainsi extraites notamment de rĂ©seaux sociaux (par exemple, Twitter ou Facebook), de sites professionnels contenant des photographies de leurs salariĂ©s, de blogs et de tous sites sur lesquels des photographies de personnes sont publiquement accessibles. Des images sont Ă©galement extraites de vidĂ©os disponibles en ligne, par exemple sur le site www.youtube.com. Cette collecte concerne des images de personnes majeures comme mineures, aucun filtre nâĂ©tant appliquĂ© Ă cet Ă©gard. Seules des centaines dâURL, associĂ©es aux sites  » pour adultes  » ayant des audiences parmi les plus importantes, sont bloquĂ©es et exclues de la collecte.
La collecte de ces images sur des rĂ©seaux sociaux porte sur lâensemble des images accessibles au moment de la collecte Ă une personne non connectĂ©e au rĂ©seau en cause. En dehors des rĂ©seaux sociaux, la collecte concerne lâensemble des images accessibles au moment de la collecte Ă un moteur de recherche. La sociĂ©tĂ© a ainsi collectĂ© plus de dix milliards dâimages.
Ă partir de chaque photographie collectĂ©e, la sociĂ©tĂ© calcule un gabarit biomĂ©trique. Une empreinte numĂ©rique unique, propre au visage tel quâil apparaĂźt sur la photographie (basĂ©e sur les points du visage) est ainsi gĂ©nĂ©rĂ©e. Les milliards dâimages sont ensuite enregistrĂ©es dans une base de donnĂ©es sous une forme permettant de les rechercher (Ă lâaide de lâempreinte numĂ©rique).
La sociĂ©tĂ© commercialise lâaccĂšs Ă une plateforme en ligne sur laquelle se trouve un moteur de recherche. Cet outil fonctionne en y tĂ©lĂ©chargeant une photographie dâun visage. Ă partir de cette photographie, lâoutil calcule lâempreinte numĂ©rique correspondante Ă celle-ci et effectue, dans la base de donnĂ©es, une recherche des photographies auxquelles sont liĂ©es des empreintes similaires. Le logiciel produit un rĂ©sultat de recherche, composĂ© de photographies, auxquelles est associĂ© lâURL de la page web Ă partir de laquelle elles ont Ă©tĂ© extraites (rĂ©seau social, article de presse, blog âŠ). Ce rĂ©sultat de recherche compile ainsi lâensemble des images collectĂ©es par la sociĂ©tĂ© au sujet dâune personne ainsi que le contexte dans lequel ces images sont en ligne, tel que, par exemple, le compte de rĂ©seau social ou un article de presse.
La sociĂ©tĂ© dĂ©crit le service quâelle offre comme  » un outil de recherche utilisĂ© par les forces de lâordre ( » law inforcement « ) pour identifier des auteurs et des victimes dâinfractions  » Ă partir dâune photographie. Il est indiquĂ© sur son site web que cet outil permet par exemple Ă des  » analystes  » dâeffectuer une recherche en tĂ©lĂ©chargeant des images de scĂšnes de crime afin de les comparer Ă celles qui sont publiquement accessibles. Les forces de lâordre peuvent ainsi utiliser cet outil afin dâidentifier une personne dont elles disposent dâune image (par exemple, issue dâun enregistrement de vidĂ©osurveillance) mais ne connaissent pas lâidentitĂ©.
III.Sur lâapplicabilitĂ© du RGPD
En vertu de lâarticle 3, paragraphe 2 du RGPD :  » Le prĂ©sent rĂšglement sâapplique au traitement des donnĂ©es Ă caractĂšre personnel relatives Ă des personnes concernĂ©es qui se trouvent sur le territoire de lâUnion par un responsable du traitement ou un sous-traitant qui nâest pas Ă©tabli dans lâUnion, lorsque les activitĂ©s de traitement sont liĂ©es : [âŠ] b) au suivi du comportement de ces personnes, dans la mesure oĂč il sâagit dâun comportement qui a lieu au sein de l’Union.  » (soulignement ajoutĂ©).
Le considĂ©rant 24 du RGPD prĂ©cise Ă cet Ă©gard que  » Le traitement de donnĂ©es Ă caractĂšre personnel de personnes concernĂ©es qui se trouvent dans lâUnion par un responsable du traitement ou un sous-traitant qui n’est pas Ă©tabli dans lâUnion devrait Ă©galement ĂȘtre soumis au prĂ©sent rĂšglement lorsque ledit traitement est liĂ© au suivi du comportement de ces personnes dans la mesure oĂč il sâagit de leur comportement au sein de lâUnion. Afin de dĂ©terminer si une activitĂ© de traitement peut ĂȘtre considĂ©rĂ©e comme un suivi du comportement des personnes concernĂ©es, il y a lieu dâĂ©tablir si les personnes physiques sont suivies sur internet, ce qui comprend lâutilisation ultĂ©rieure Ă©ventuelle de techniques de traitement des donnĂ©es Ă caractĂšre personnel qui consistent en un profilage dâune personne physique, afin notamment de prendre des dĂ©cisions la concernant ou dâanalyser ou de prĂ©dire ses prĂ©fĂ©rences, ses comportements et ses dispositions dâesprit  » (soulignement ajoutĂ©).
Ă titre dâĂ©clairage, dans ses lignes directrices 3/2018 relatives au champ dâapplication territorial du RGPD dans leur version du 12 novembre 2019, le ComitĂ© europĂ©en de protection des donnĂ©es (ci-aprĂšs  » le CEPD « ) relĂšve que,  » contrairement Ă la disposition de lâarticle 3, paragraphe 2, point a), ni lâarticle 3, paragraphe 2, point b), ni le considĂ©rant 24 nâintroduisent expressĂ©ment un degrĂ© nĂ©cessaire dâ  » intention de cibler  » de la part du responsable du traitement ou du sous-traitant pour dĂ©terminer si lâactivitĂ© de surveillance dĂ©clencherait lâapplication du RGPD aux activitĂ©s de traitement. Toutefois, lâutilisation du mot  » suivi  » implique que le responsable du traitement poursuit un objectif spĂ©cifique en vue de la collecte et de la rĂ©utilisation ultĂ©rieure des donnĂ©es pertinentes relatives au comportement dâune personne au sein de lâUnion. Le comitĂ© nâestime pas que la collecte ou lâanalyse en ligne de donnĂ©es Ă caractĂšre personnel relatives Ă des personnes dans l’Union serait automatiquement considĂ©rĂ©e comme un  » suivi « . Il sera nĂ©cessaire de tenir compte de la finalitĂ© du traitement des donnĂ©es par le responsable du traitement et, en particulier, de toute analyse comportementale ou technique de profilage ultĂ©rieure impliquant ces donnĂ©es. Le comitĂ© tient compte du libellĂ© du considĂ©rant 24, qui indique que pour dĂ©terminer si le traitement implique le suivi du comportement d’une personne concernĂ©e, le suivi des personnes physiques sur lâinternet, y compris lâutilisation ultĂ©rieure potentielle de techniques de profilage, constitue un facteur important « .
Dans la mesure oĂč la sociĂ©tĂ© nâest pas Ă©tablie dans lâUnion europĂ©enne, il convient donc, pour que le RGPD soit applicable au traitement en cause, de dĂ©terminer si le traitement concerne des donnĂ©es Ă caractĂšre personnel relatives Ă des personnes concernĂ©es sur le territoire de lâUnion europĂ©enne et si le traitement est liĂ© au suivi du comportement de ces personnes.
En premier lieu, il ressort de la politique de confidentialité de la société jointe en annexe que la société collecte notamment :
des photographies publiquement accessibles sur Internet ;
les informations qui peuvent ĂȘtre extraites de ces photographies, telles que les mĂ©tadonnĂ©es de gĂ©olocalisation que la photographie peut contenir ;
les informations dĂ©rivĂ©es de lâapparence faciale des personnes figurant sur ces photographies.
Ces trois catĂ©gories de donnĂ©es constituent des donnĂ©es Ă caractĂšre personnel de la personne dont le visage apparaĂźt sur la photographie en cause. En effet, la notion de donnĂ©e Ă caractĂšre personnel est dĂ©finie dans le RGPD comme  » toute information se rapportant Ă une personne physique identifiĂ©e ou identifiable [âŠ] « , cette identification pouvant se rapporter notamment  » Ă un ou plusieurs Ă©lĂ©ments spĂ©cifiques propres Ă son identitĂ© physique « . Lâimage de la personne photographiĂ©e ou filmĂ©e constitue une donnĂ©e Ă caractĂšre personnel dĂšs que la personne est identifiable, c’est-Ă -dire quâelle peut ĂȘtre reconnue. En outre, cette image peut ĂȘtre comparĂ©e (par un procĂ©dĂ© automatisĂ© ou non) avec une image dĂ©tenue par ailleurs et rattachĂ©e Ă une personne identifiĂ©e et lâidentitĂ© de cette personne peut ĂȘtre dĂ©duite. La sociĂ©tĂ© traite Ă©galement des donnĂ©es biomĂ©triques associĂ©es Ă ces images.
Par ailleurs, les images collectĂ©es concernent des personnes situĂ©es dans lâUnion europĂ©enne. En effet, cette collecte nâest pas limitĂ©e gĂ©ographiquement au territoire amĂ©ricain sur lequel est Ă©tabli la sociĂ©tĂ©, puisque ces donnĂ©es sont collectĂ©es sur Internet, notamment Ă partir de rĂ©seaux sociaux mondiaux. La CNIL relĂšve que, dans le cadre de ses rĂ©ponses au questionnaire transmis par la dĂ©lĂ©gation de contrĂŽle, la sociĂ©tĂ© reconnaĂźt traiter des donnĂ©es Ă caractĂšre personnel de rĂ©sidents europĂ©ens, notamment en affirmant accĂ©der Ă lâensemble des demandes dâaccĂšs et dâopposition formulĂ©es par des rĂ©sidents de lâUnion europĂ©enne. En particulier, des personnes situĂ©es en France ont Ă©tĂ© concernĂ©es par le traitement en cause puisque la CNIL a Ă©tĂ© saisie de trois rĂ©clamations par des personnes rĂ©sidant en France portant sur les difficultĂ©s rencontrĂ©es dans lâexercice de leur droit dâaccĂšs et dâopposition auprĂšs de la sociĂ©tĂ©.
Par consĂ©quent, la sociĂ©tĂ© traite des donnĂ©es Ă caractĂšre personnel de personnes physiques situĂ©es dans lâUnion europĂ©enne et, en particulier, en France.
En second lieu, afin dâĂ©tablir si lâactivitĂ© de traitement en cause peut ĂȘtre considĂ©rĂ©e comme liĂ©e au suivi du comportement des personnes concernĂ©es au sens de lâarticle 3 du RGPD, il y a lieu de dĂ©terminer si les personnes physiques font lâobjet dâun suivi sur Internet.
ConformĂ©ment au considĂ©rant 24 du RGPD, la notion de suivi sur Internet comprend lâutilisation ultĂ©rieure Ă©ventuelle de techniques de traitement des donnĂ©es Ă caractĂšre personnel qui consistent en un profilage dâune personne physique. Le profilage est dĂ©fini Ă lâarticle 4 du RGPD comme  » toute forme de traitement automatisĂ© de donnĂ©es Ă caractĂšre personnel consistant Ă utiliser ces donnĂ©es Ă caractĂšre personnel pour Ă©valuer certains aspects personnels relatifs Ă une personne physique « . Il faut par ailleurs souligner que lâarticle 3 du RGPD nâexige pas que le traitement ait pour finalitĂ© un suivi du comportement des personnes mais y soit simplement  » liĂ© « .
Il y a lieu de relever Ă titre liminaire que les opĂ©rations de traitements mises en Ćuvre par la sociĂ©tĂ© afin de collecter des donnĂ©es et de constituer une base de donnĂ©es, Ă laquelle un moteur de recherche accĂšde pour fournir un rĂ©sultat sont ici analysĂ©es globalement, au regard de leur finalitĂ© commune, qui est de commercialiser un moteur de recherche fondĂ© sur la reconnaissance faciale (ci-aprĂšs  » le traitement « ).
PremiĂšrement, le traitement en cause amĂšne Ă la crĂ©ation dâun profil comportemental de lâensemble des personnes dont les donnĂ©es sont collectĂ©es.
Il ressort des informations utiles, transmises dans le cadre de la coopĂ©ration entre autoritĂ©s de contrĂŽle, que lâoutil en cause permet de gĂ©nĂ©rer, Ă partir dâune photographie, un rĂ©sultat de recherche contenant lâensemble des photographies ayant un gabarit biomĂ©trique suffisamment proche de celle-ci. Ce rĂ©sultat de recherche comprend lâensemble des photographies sur lesquelles le visage dâune personne apparaĂźt et qui ont Ă©tĂ© collectĂ©es par la sociĂ©tĂ©, sous rĂ©serve dâune marge dâerreur technique.
Le profil ainsi créé, relatif Ă une personne, est composĂ© de photographies mais Ă©galement de lâadresse URL de lâensemble des pages web sur lesquelles se trouvent ces photographies. Or, la mise en relation des photographies et du contexte dans lequel elles sont prĂ©sentĂ©es sur un site web permet de recueillir de nombreuses informations sur une personne, ses habitudes ou ses prĂ©fĂ©rences. Sâagissant en particulier des rĂ©seaux sociaux, une photographie ainsi que lâURL dâorigine de cette photographie sont fortement susceptibles de permettre dâidentifier le compte de la personne concernĂ©e. Les photographies peuvent Ă©galement avoir Ă©tĂ© mises en ligne afin dâillustrer un article de presse ou de blog, qui est dĂšs lors susceptible de contenir des informations prĂ©cises relatives Ă la personne concernĂ©e et ainsi des Ă©lĂ©ments ayant trait Ă son comportement.
En outre, les images peuvent contenir des mĂ©tadonnĂ©es, telles que les mĂ©tadonnĂ©es de gĂ©olocalisation, qui sont Ă©galement comprises dans le rĂ©sultat dâune recherche et permettent de complĂ©ter le profil dâune personne.
Un tel rĂ©sultat de recherche permet Ă©galement dâidentifier le comportement dâune personne sur Internet, par lâanalyse des informations que cette personne a choisi de mettre en ligne ainsi que leur contexte. En effet, la mise en ligne de photographies constitue en soi un comportement de la personne concernĂ©e, en reflĂ©tant des choix sur le niveau dâexposition quâelle souhaite donner Ă des Ă©lĂ©ments de sa vie privĂ©e ou professionnelle.
Par consĂ©quent, il convient de considĂ©rer que le rĂ©sultat de recherche qui est associĂ© Ă une photographie doit ĂȘtre qualifiĂ©, au moins en partie, de profil comportemental de la personne concernĂ©e dans la mesure oĂč il contient de nombreuses informations relatives Ă cette personne et en particulier Ă son comportement. Ă supposer mĂȘme que la finalitĂ© elle-mĂȘme du traitement ne soit pas le suivi comportemental, les moyens mis en Ćuvre pour permettre le systĂšme dâidentification biomĂ©trique de la sociĂ©tĂ© Clearview implique la constitution dâun tel profil, et le traitement peut ĂȘtre regardĂ© comme  » liĂ© au suivi du comportement  » des personnes concernĂ©es.
DeuxiĂšmement, le traitement automatisĂ© de donnĂ©es permettant la crĂ©ation de ce profil comportemental et sa mise Ă disposition des personnes effectuant les requĂȘtes dans le moteur de recherche de la sociĂ©tĂ© doit ĂȘtre qualifiĂ© de suivi sur Internet.
En effet, la finalitĂ© mĂȘme de lâoutil commercialisĂ© par Clearview est de pouvoir identifier et recueillir certaines informations relatives Ă une personne. La mise en Ćuvre des diffĂ©rentes Ă©tapes des traitements dĂ©crits supra, et notamment de techniques biomĂ©triques permettant de singulariser un individu, amĂšnent Ă la crĂ©ation dâun profil comportemental. Or, ce profil est créé en rĂ©ponse Ă une recherche effectuĂ©e par une personne et relative Ă un individu figurant sur une photographie.
En outre, la recherche peut ĂȘtre renouvelĂ©e dans le temps, ce qui permet de constater une Ă©volution des informations relatives Ă une personne, notamment si les rĂ©sultats des recherches successives sont comparĂ©s. En effet, la base de donnĂ©es Ă©tant mise Ă jour rĂ©guliĂšrement, des recherches successives permettent de suivre lâĂ©volution dâun profil dans le temps.
Par consĂ©quent, le fait quâune recherche ponctuelle permette, Ă tout moment, lâaccĂšs au profil dâune personne tel que dĂ©crit prĂ©cĂ©demment doit ĂȘtre considĂ©rĂ© comme le suivi du comportement de personnes.
Le traitement ainsi mis en Ćuvre est donc liĂ© au suivi du comportement des personnes concernĂ©es au sens des dispositions de lâarticle 3.2.b) du RGPD et ressortit du champ dâapplication territorial du RGPD.
IV.Sur la compĂ©tence de la CNIL et lâabsence dâapplicabilitĂ© du mĂ©canisme de guichet unique
Lâarticle 55.1 du RGPD dispose que  » chaque autoritĂ© de contrĂŽle est compĂ©tente pour exercer les missions et les pouvoirs dont elle est investie conformĂ©ment au prĂ©sent rĂšglement sur le territoire de lâEtat membre dont elle relĂšve « .
Lâarticle 56.1 prĂ©voit :  » Sans prĂ©judice de l’article 55, l’autoritĂ© de contrĂŽle de l’Ă©tablissement principal ou de l’Ă©tablissement unique du responsable du traitement ou du sous-traitant est compĂ©tente pour agir en tant qu’autoritĂ© de contrĂŽle chef de file concernant le traitement transfrontalier effectuĂ© par ce responsable du traitement ou ce sous-traitant, conformĂ©ment Ă la procĂ©dure prĂ©vue Ă l’article 60. «Â
Le considĂ©rant 122 du RGPD prĂ©cise :  » Chaque autoritĂ© de contrĂŽle devrait ĂȘtre compĂ©tente sur le territoire de l’Ătat membre dont elle relĂšve pour exercer les missions et les pouvoirs dont elle est investie conformĂ©ment au prĂ©sent rĂšglement. Cela devrait couvrir, notamment, [âŠ] le traitement effectuĂ© par un responsable du traitement ou un sous-traitant qui n’est pas Ă©tabli dans l’Union lorsque ce traitement vise des personnes concernĂ©es rĂ©sidant sur le territoire de l’Ătat membre dont elle relĂšve. [âŠ] «Â
Il ressort dâune lecture combinĂ©e des articles 55 et 56 du RGPD que, dans lâhypothĂšse oĂč un responsable de traitement implantĂ© en dehors de lâUnion europĂ©enne met en Ćuvre un traitement transfrontalier soumis au RGPD mais quâil nây dispose ni dâadministration centrale, ni dâĂ©tablissement dotĂ© dâun pouvoir dĂ©cisionnel quant Ă ses finalitĂ©s et Ă ses moyens, le mĂ©canisme du guichet unique prĂ©vu Ă lâarticle 56 du RGPD nâa pas vocation Ă sâappliquer. Chaque autoritĂ© de contrĂŽle nationale est donc compĂ©tente pour contrĂŽler le respect du RGPD sur le territoire de lâEtat membre dont elle relĂšve.
En lâespĂšce, la sociĂ©tĂ© est Ă©tablie aux Ătats-Unis dâAmĂ©rique et ne dispose dâaucun Ă©tablissement sur le territoire dâun Ătat membre de lâUnion europĂ©enne.
Par consĂ©quent, le mĂ©canisme du guichet unique nâest pas applicable et la CNIL est compĂ©tente pour veiller, sur le territoire français, Ă ce que les traitements soient mis en Ćuvre conformĂ©ment aux dispositions du RGPD.
V.Sur les manquements au RGPD
1.Un manquement Ă lâobligation de disposer dâune base juridique pour les traitements mis en Ćuvre
Lâarticle 6 du RĂšglement gĂ©nĂ©ral sur la protection des donnĂ©es dispose que :  » Le traitement n’est licite que si, et dans la mesure oĂč, au moins une des conditions suivantes est remplie :
a) la personne concernée a consenti au traitement de ses données à caractÚre personnel pour une ou plusieurs finalités spécifiques ;
b) le traitement est nĂ©cessaire Ă l’exĂ©cution d’un contrat auquel la personne concernĂ©e est partie ou Ă l’exĂ©cution de mesures prĂ©contractuelles prises Ă la demande de celle-ci ;
c) le traitement est nĂ©cessaire au respect d’une obligation lĂ©gale Ă laquelle le responsable du traitement est soumis ;
d) le traitement est nĂ©cessaire Ă la sauvegarde des intĂ©rĂȘts vitaux de la personne concernĂ©e ou d’une autre personne physique ;
e) le traitement est nĂ©cessaire Ă l’exĂ©cution d’une mission d’intĂ©rĂȘt public ou relevant de l’exercice de l’autoritĂ© publique dont est investi le responsable du traitement ;
f) le traitement est nĂ©cessaire aux fins des intĂ©rĂȘts lĂ©gitimes poursuivis par le responsable du traitement ou par un tiers, Ă moins que ne prĂ©valent les intĂ©rĂȘts ou les libertĂ©s et droits fondamentaux de la personne concernĂ©e qui exigent une protection des donnĂ©es Ă caractĂšre personnel, notamment lorsque la personne concernĂ©e est un enfant. «Â
Pour ĂȘtre licite, un traitement de donnĂ©es Ă caractĂšre personnel doit donc reposer sur lâune des bases juridiques visĂ©es ci-dessus.
Il ressort des informations utiles transmises dans le cadre de la coopĂ©ration entre autoritĂ©s de contrĂŽle que le logiciel de reconnaissance faciale mis en Ćuvre par la sociĂ©tĂ© repose sur la collecte systĂ©matique et gĂ©nĂ©ralisĂ©e, Ă partir de millions de sites web Ă travers le monde, dâimages contenant des visages, Ă lâaide dâune technologie exclusive pour indexer les pages web librement accessibles.
La sociĂ©tĂ© procĂšde ensuite Ă un traitement des donnĂ©es collectĂ©es afin de constituer une base de donnĂ©es et de permettre la recherche des photographies dans cette base Ă partir dâune autre image.
Ce traitement est réalisé par la société à des fins exclusivement commerciales.
Dans le cadre des investigations menĂ©es par la CNIL, la sociĂ©tĂ© a Ă©tĂ© interrogĂ©e sur le fondement juridique de ce traitement, au sens de lâarticle 6 du RGPD. La sociĂ©tĂ© nâa apportĂ© aucune rĂ©ponse sur ce point. La politique de confidentialitĂ© de la sociĂ©tĂ©, prĂ©cĂ©demment Ă©voquĂ©e, nâĂ©voque pas davantage le fondement juridique dudit traitement.
Il peut ĂȘtre relevĂ© dâemblĂ©e que la sociĂ©tĂ© nâa pas recueilli le consentement des personnes concernĂ©es au traitement de leurs donnĂ©es Ă caractĂšre personnel.
En outre, compte tenu de la nature des traitements en cause, les fondements juridiques prĂ©vus par les dispositions de lâarticle 6.1 sous b), c), d) et e), du RGPD et liĂ©s Ă lâexĂ©cution dâun contrat, au respect dâune obligation lĂ©gale, Ă la sauvegarde des intĂ©rĂȘts vitaux de la personne concernĂ©e ou dâune autre personne physique et Ă lâexĂ©cution dâune mission dâintĂ©rĂȘt public ne trouvent pas Ă sâappliquer en lâespĂšce.
En ce qui concerne le fondement juridique liĂ© aux intĂ©rĂȘts lĂ©gitimes poursuivis par le responsable de traitement, prĂ©vu par lâarticle 6. 1. f) du RĂšglement, il y a lieu de rappeler Ă titre liminaire que le caractĂšre  » publiquement accessible  » dâune donnĂ©e nâinflue pas sur la qualification de donnĂ©e Ă caractĂšre personnel et quâil nâexiste aucune autorisation gĂ©nĂ©rale permettant de rĂ©utiliser et de traiter de nouveau des donnĂ©es Ă caractĂšre personnel publiquement disponibles, en particulier Ă lâinsu des personnes concernĂ©es.
Ă titre illustratif, le groupe de travail de lâarticle 29 (dit  » G29  » devenu le ComitĂ© europĂ©en de la protection des donnĂ©es (CEPD)), dans son Avis 06/2014 sur la notion dâintĂ©rĂȘt lĂ©gitime poursuivi par le responsable du traitement des donnĂ©es au sens de lâarticle 7 de la directive 95/46/CE, a notĂ© Ă cet Ă©gard que  » les donnĂ©es Ă caractĂšre personnel, mĂȘme si elles ont Ă©tĂ© rendues publiques, restent considĂ©rĂ©es comme des donnĂ©es Ă caractĂšre personnel  » et que  » leur traitement continue donc Ă requĂ©rir des garanties appropriĂ©es « . Tout en reconnaissant le fait que les donnĂ©es Ă caractĂšre personnel soient accessibles au public peut ĂȘtre un facteur pertinent pour conclure Ă lâexistence dâintĂ©rĂȘts lĂ©gitimes, le CEPD a ensuite averti que ce ne serait le cas que  » si leur publication sâaccompagnait dâune attente raisonnable dâutilisation ultĂ©rieure des donnĂ©es Ă certaines fins par exemple, pour des travaux de recherche ou dans un souci de transparence et de responsabilitĂ©. «Â
En outre, pour que le responsable de traitement puisse se prĂ©valoir de cette base juridique, le traitement doit ĂȘtre nĂ©cessaire aux fins des intĂ©rĂȘts lĂ©gitimes quâil poursuit, Ă moins que ne prĂ©valent les intĂ©rĂȘts ou les libertĂ©s et droits fondamentaux des personnes concernĂ©es.
En lâespĂšce, mĂȘme si lâintĂ©rĂȘt de la sociĂ©tĂ© Ă©tait fondĂ© sur lâintĂ©rĂȘt Ă©conomique quâelle tire de lâexploitation de la base de donnĂ©es en cause, cet intĂ©rĂȘt devrait toutefois ĂȘtre mis en balance avec les intĂ©rĂȘts ou les libertĂ©s et droits fondamentaux des personnes concernĂ©es, compte tenu des attentes raisonnables des personnes fondĂ©es sur leur relation avec le responsable du traitement, conformĂ©ment Ă lâarticle 6.1.f) du RGPD, lu Ă la lumiĂšre du considĂ©rant 47 et de lâavis du CEPD sur la notion dâintĂ©rĂȘt lĂ©gitime prĂ©citĂ©.
En lâespĂšce, le traitement prĂ©sente une intrusivitĂ© particuliĂšrement forte : il recueille sur une personne donnĂ©e un grand nombre de donnĂ©es photographiques, auxquelles sont associĂ©es dâautres donnĂ©es Ă caractĂšre personnel susceptibles de rĂ©vĂ©ler divers aspects de la vie privĂ©e. Ă partir de ces donnĂ©es, est constituĂ© un gabarit biomĂ©trique, câest-Ă -dire une donnĂ©e biomĂ©trique permettant, si elle est fiable, dâidentifier la personne de façon unique Ă partir dâune photographie de la personne : la dĂ©tention dâune telle donnĂ©e par un tiers constitue une atteinte forte Ă la vie privĂ©e. Enfin, il convient de relever que ce traitement concerne un nombre extrĂȘmement Ă©levĂ© de personnes.
Par ailleurs, il convient notamment de dĂ©terminer si les personnes concernĂ©es pouvaient raisonnablement sâattendre, au moment et dans le cadre de la collecte des donnĂ©es Ă caractĂšre personnel, Ă ce que celles-ci fassent lâobjet dâun tel traitement par la sociĂ©tĂ© Clearview. Ă cet Ă©gard, il nâexiste aucune relation entre la sociĂ©tĂ© et les personnes concernĂ©es. Si elles peuvent raisonnablement sâattendre Ă ce que des tiers accĂšdent ponctuellement aux photographies en cause, le caractĂšre publiquement accessible de celles-ci ne suffit pas pour considĂ©rer que les personnes concernĂ©es puissent raisonnablement sâattendre Ă ce que leurs images alimentent un logiciel de reconnaissance faciale. Enfin, le logiciel exploitĂ© par la sociĂ©tĂ© nâest pas public et la grande majoritĂ© des personnes concernĂ©es ignorent son existence.
Il doit donc ĂȘtre considĂ©rĂ© que les personnes qui ont publiĂ© des photographies les reprĂ©sentant sur des sites web, ou consenti Ă cette publication auprĂšs dâun autre responsable de traitement, ne sâattendent pas Ă ce que celles-ci soient rĂ©utilisĂ©es pour les finalitĂ©s poursuivies par la sociĂ©tĂ©, câest-Ă -dire la crĂ©ation dâun logiciel de reconnaissance faciale (qui associe lâimage dâune personne Ă un profil contenant lâensemble des photographies sur lesquelles elle figure, les informations que ces photographies contiennent ainsi que les sites web sur lesquels elles se trouvent) et la commercialisation de ce logiciel Ă des forces de lâordre.
DĂšs lors, au regard de lâensemble de ces Ă©lĂ©ments, lâatteinte portĂ©e Ă la vie privĂ©e des personnes apparaĂźt disproportionnĂ©e au regard des intĂ©rĂȘts du responsable de traitement, notamment ses intĂ©rĂȘts commerciaux et pĂ©cuniaires, et le fondement juridique de lâintĂ©rĂȘt lĂ©gitime de la sociĂ©tĂ© ne peut donc ĂȘtre retenu.
Par consĂ©quent, la sociĂ©tĂ© ne dispose dâaucune base juridique pour le traitement en cause, en mĂ©connaissance de lâarticle 6 du RĂšglement.
2.Un manquement Ă lâobligation de respecter le droit dâaccĂšs
Lâarticle 15 du RGPD dispose que  » la personne concernĂ©e a le droit d’obtenir du responsable du traitement la confirmation que des donnĂ©es Ă caractĂšre personnel la concernant sont ou ne sont pas traitĂ©es et, lorsqu’elles le sont, l’accĂšs auxdites donnĂ©es Ă caractĂšre personnel « . Cet article prĂ©voit Ă©galement les diffĂ©rentes catĂ©gories dâinformations que le responsable de traitement doit fournir Ă la personne concernĂ©e en cas de demande dâaccĂšs.
Lâarticle 12 prĂ©cise que :  » le responsable du traitement facilite l’exercice des droits confĂ©rĂ©s Ă la personne concernĂ©e au titre des articles 15 Ă 22 «Â
En lâespĂšce, il ressort de la saisine n° 20012263 que la plaignante a demandĂ© Ă la sociĂ©tĂ© lâaccĂšs aux donnĂ©es la concernant et Ă lâensemble des informations relatives Ă ces donnĂ©es au sens de lâarticle 15.1, par voie Ă©lectronique.
En effet, la plaignante a mandatĂ© un tiers afin dâeffectuer sa demande dâaccĂšs auprĂšs de la sociĂ©tĂ©. Clearview en a accusĂ© rĂ©ception tout en invitant la plaignante Ă utiliser une plateforme en ligne pour exercer sa demande. Plus de deux mois aprĂšs la demande initiale et Ă lâissue de trois autres courriers Ă©lectroniques adressĂ©s par le tiers mandatĂ©, la sociĂ©tĂ© a exigĂ© la transmission dâune photographie et dâune piĂšce dâidentitĂ© de la plaignante et a de nouveau invitĂ© la plaignante Ă utiliser une plateforme en ligne pour exercer sa demande. Quatre mois aprĂšs la demande initiale, aprĂšs de nouveaux Ă©changes relatifs Ă la transmission dâune piĂšce dâidentitĂ© et en lâabsence de rĂ©ponse satisfaisante, le tiers mandatĂ© a adressĂ© un courrier de mise en demeure Ă la sociĂ©tĂ©.
La sociĂ©tĂ© a communiquĂ© une rĂ©ponse Ă la demande dâaccĂšs qui, tout dâabord, est partielle. En effet, celle-ci ne contient que le rĂ©sultat de la recherche dans lâoutil commercialisĂ© par la sociĂ©tĂ©, câest-Ă -dire les images et les informations qui leur sont associĂ©s. Font ainsi dĂ©faut lâensemble des informations prĂ©vues Ă lâarticle 15.1 du RGPD, la sociĂ©tĂ© sâĂ©tant contentĂ©e de fournir un lien vers sa politique de confidentialitĂ©.
Ensuite, en nâacceptant de rĂ©pondre Ă la demande dâaccĂšs de la plaignante quâĂ lâissue de sept courriers et plus de quatre mois aprĂšs sa demande initiale et en exigeant une copie de sa piĂšce dâidentitĂ© alors que la plaignante avait dĂ©jĂ fourni des informations permettant de lâidentifier ainsi quâune photographie la reprĂ©sentant, Clearview nâa pas facilitĂ© lâexercice des droits de la plaignante.
Enfin, il ressort de la politique de confidentialitĂ© de la sociĂ©tĂ© que celle-ci limite lâexercice du droit dâaccĂšs aux donnĂ©es collectĂ©es les douze mois prĂ©cĂ©dant la demande et restreint lâexercice de ce droit Ă deux fois par an. Or, la politique de confidentialitĂ© de la sociĂ©tĂ© ne prĂ©cise pas la durĂ©e de conservation des donnĂ©es et il ne ressort pas des Ă©lĂ©ments du dossier que la conservation des donnĂ©es en cause serait limitĂ©e Ă douze mois.
Il ressort de ces Ă©lĂ©ments que la sociĂ©tĂ© ne rĂ©pond pas de maniĂšre effective aux demandes dâaccĂšs qui lui sont adressĂ©es en vertu de lâarticle 15 du RGPD et ne facilite pas lâexercice du droit dâaccĂšs des personnes concernĂ©es.
Ces faits constituent un manquement aux articles 12 et 15 du RĂšglement.
3.Un manquement Ă lâobligation de respecter le droit dâeffacement
Lâarticle 17 du RGPD prĂ©voit :  » La personne concernĂ©e a le droit d’obtenir du responsable du traitement l’effacement, dans les meilleurs dĂ©lais, de donnĂ©es Ă caractĂšre personnel la concernant et le responsable du traitement a l’obligation d’effacer ces donnĂ©es Ă caractĂšre personnel dans les meilleurs dĂ©lais, lorsque l’un des motifs suivants s’applique : [âŠ] les donnĂ©es Ă caractĂšre personnel ont fait l’objet d’un traitement illicite « .
Il ressort de la saisine n° 20012263 que la plaignante nâa reçu aucune rĂ©ponse de la sociĂ©tĂ© concernant lâeffacement de ses donnĂ©es quâelle avait requis de la sociĂ©tĂ©.
Or, dĂšs lors que la Commission considĂšre que le traitement mis en Ćuvre ne peut reposer sur aucune base lĂ©gale valide au regard de la rĂ©glementation europĂ©enne, lâeffacement Ă©tait de droit.
Ce fait constitue un manquement Ă lâarticle 17 du RĂšglement.
Dispositif
En consĂ©quence, la sociĂ©tĂ© Clearview AI, sise 214 W 29TH ST Ă NEW YORK CITY (10001 â Ătats-Unis dâAmĂ©rique), est mise en demeure sous un dĂ©lai de deux (2) mois Ă compter de la notification de la prĂ©sente dĂ©cision et sous rĂ©serve des mesures quâelle aurait dĂ©jĂ pu adopter, de :
– ne pas procĂ©der sans base lĂ©gale Ă la collecte et au traitement de donnĂ©es Ă caractĂšre personnel relatives Ă des personnes concernĂ©es qui se trouvent sur le territoire français dans le cadre du fonctionnement du logiciel de reconnaissance faciale quâelle commercialise, et en particulier, supprimer lâensemble des donnĂ©es Ă caractĂšre personnel de ces personnes (aprĂšs avoir rĂ©pondu aux demandes dâaccĂšs dĂ©jĂ formulĂ©es le cas Ă©chĂ©ant) ;
– faciliter lâexercice des droits des personnes concernĂ©es et en particulier, rĂ©pondre de maniĂšre effective Ă la demande dâaccĂšs formulĂ©e par la plaignante en cause ;
– faire droit Ă la demande dâeffacement formulĂ©e par la plaignante en cause ;
– justifier auprĂšs de la CNIL que lâensemble des demandes prĂ©citĂ©es a bien Ă©tĂ© respectĂ©, et ce dans le dĂ©lai imparti.
Ă lâissue de ce dĂ©lai, si la sociĂ©tĂ© Clearview AI sâest conformĂ©e Ă la prĂ©sente mise en demeure, il sera considĂ©rĂ© que la prĂ©sente procĂ©dure est close et un courrier lui sera adressĂ© en ce sens.
Ă lâinverse, si la sociĂ©tĂ© Clearview AI ne sâest pas conformĂ©e Ă la prĂ©sente mise en demeure, il est rappelĂ© quâun rapporteur peut ĂȘtre dĂ©signĂ© pour requĂ©rir que la formation restreinte prononce lâune des sanctions prĂ©vues par lâarticle 20 de la loi du 6 janvier 1978 modifiĂ©e.
Signature
La Présidente
Marie-Laure DENIS