🟧 Décision ARCOM du 26 juillet 2023 mettant en demeure la société C8

Références

NOR : RCAC2321220S
Source : JORF n°0172 du 27 juillet 2023, texte n° 120

En-tête

L’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique,
Vu la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 modifiée relative à la liberté de communication, notamment ses articles 1er, 3-1, 28, et 42 ;
Vu la décision n° 2003-309 du 10 juin 2003 modifiée et prorogée autorisant la société Bolloré Media, devenue Direct 8 puis C8, à utiliser une ressource radioélectrique pour l’exploitation d’un service de télévision à caractère national diffusé en clair par voie hertzienne terrestre en mode numérique dénommé C8 et la décision n° 2019-214 du 29 mai 2019 portant reconduction de cette autorisation ;
Vu la convention conclue entre le Conseil supérieur de l’audiovisuel et la société C8, le 29 mai 2019, concernant le service de télévision C8, notamment ses articles 2-2-1, 2-3-8 et 4-2-1 ;
Vu la délibération n° 2018-11 du 18 avril 2018 du Conseil supérieur de l’audiovisuel relative à l’honnêteté et à l’indépendance de l’information et des programmes qui y concourent, notamment son article 1er ;
Vu les éléments de visionnage de l’émission « Touche pas à mon poste » diffusée le 9 mars 2023 sur le service de télévision C8 ;

Considérants

Considérant ce qui suit :

Sur le cadre juridique :

1. En premier lieu, en vertu des dispositions de l’article 42 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 et des stipulations de l’article 4-2-1 de la convention du 29 mai 2019, l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique peut mettre en demeure la société C8 de respecter les obligations qui lui sont imposées.

2. En deuxième lieu, aux termes de l’article 2-3-8 de la convention du 29 mai 2019, « l’éditeur respecte la délibération du Conseil supérieur de l’audiovisuel relative à l’honnêteté et à l’indépendance de l’information et des programmes qui y concourent. ». Cette délibération a été prise sur le fondement du troisième alinéa de l’article 3-1 de la loi du 30 septembre 1986 qui dispose que « l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique garantit l’honnêteté, l’indépendance et le pluralisme de l’information et des programmes qui y concourent, sous réserve de l’article 1er de [cette] loi » affirmant le principe de la liberté de la communication au public par voie électronique.

3. En troisième lieu, l’article 1er de la délibération du 18 avril 2018 dispose que l’éditeur « doit assurer l’honnêteté de l’information et des programmes qui y concourent. / […] / Il fait preuve de rigueur dans la présentation et le traitement de l’information. »

4. En dernier lieu, l’article 2-2-1 de la convention du 29 mai 2019 prévoit que « l’éditeur est responsable du contenu des émissions qu’il diffuse. Il conserve en toutes circonstances la maîtrise de son antenne. »

Sur l’émission « Touche pas à mon poste » du 9 mars 2023 :

En ce qui concerne l’obligation d’honnêteté et de rigueur dans la présentation et le traitement de l’information :

5. Il ressort du compte-rendu de visionnage de l’émission « Touche pas à mon poste », diffusée sur C8 le 9 mars 2023 et en lien avec l’affaire dans laquelle est impliqué Pierre Palmade, qu’une partie de ce programme était consacrée à la consommation de drogue dans les milieux politiques et artistiques. Lors de cette séquence, un invité a évoqué la consommation par certaines personnalités « d’adrénochrome », une substance obtenue par oxydation d’adrénaline et présentée à l’antenne comme étant issue de sang d’enfants kidnappés et sacrifiés.

6. Les propos allégués selon lesquels il serait fait usage dans certains milieux d’une telle substance comme psychotrope et qu’elle serait obtenue grâce à un trafic d’enfants torturés relèvent d’une thèse complotiste et ne sont en aucun cas établis.

7. Dès lors, l’éditeur n’a pas fait preuve d’honnêteté et de rigueur dans la présentation et le traitement de l’information. Il a ainsi méconnu les stipulations précitées de l’article 2-3-8 de sa convention et les dispositions précitées de l’article 1er de la délibération du 18 avril 2018, auxquelles il renvoie.

En ce qui concerne l’obligation de maîtrise de l’antenne :

8. Il ressort du compte-rendu de visionnage de cette émission que les déclarations de l’invité n’ont pas été fermement et immédiatement contredites, alors pourtant qu’elles étaient prévisibles au regard des propos publics de l’intéressé. De même, le visionnage de l’émission fait apparaître une certaine complaisance à l’égard de l’invité, relancé régulièrement et encouragé à développer certains de ses propos, l’animateur allant jusqu’à crédibiliser une partie de ces derniers, notamment les plus graves, déclarant au sujet de « l’adrénochrome » : « Il y a énormément de gens sur les réseaux qui disent que Gérard soulève un truc, qui est, qui est, qui est réel. […] Il y a des gens qui disent que ça existe. », « C’est une pratique, apparemment ça existe et ça il a raison de le dire, parce que ça, ça c’est très grave aussi, ce qu’il dit Gérard, et c’est important qu’il le dise. ». Enfin, la circonstance qu’à plusieurs reprises l’animateur ait indiqué que les propos de l’invité n’engageaient que lui n’est pas de nature à atténuer la responsabilité de l’éditeur.

9. Une telle situation est constitutive d’un défaut de maîtrise de son antenne par l’éditeur caractérisant ainsi un manquement aux stipulations précitées de l’article 2-2-1 de sa convention.

10. Il résulte de ce qui précède qu’il y a lieu de mettre en demeure la société C8 de se conformer, à l’avenir, d’une part, aux stipulations précitées de l’article 2-3-8 de la convention du 29 mai 2019 ainsi qu’aux dispositions précitées de l’article 1er de la délibération n° 2018-11 du 18 avril 2018 du Conseil supérieur de l’audiovisuel relative à l’honnêteté et à l’indépendance de l’information et des programmes qui y concourent et, d’autre part, aux stipulations précitées de l’article 2-2-1 de la convention du 29 mai 2019.

Après en avoir délibéré,

Décide :

Article 1

La société C8 est mise en demeure de se conformer à l’avenir, en ce qui concerne le service de télévision « C8 », d’une part, aux stipulations précitées de l’article 2-3-8 de la convention du 29 mai 2019 ainsi qu’aux dispositions précitées de l’article 1er de la délibération n° 2018-11 du 18 avril 2018 du Conseil supérieur de l’audiovisuel relative à l’honnêteté et à l’indépendance de l’information et des programmes qui y concourent et, d’autre part, aux stipulations précitées de l’article 2-2-1 de la convention du 29 mai 2019.

Article 2

La présente décision sera notifiée à la société C8 et publiée au Journal officiel de la République française.

Date et signature(s)

Fait à Paris, le 26 juillet 2023.

Pour l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique :
Le président,
R.-O. Maistre