Une affaire classique concernant la théorie du trouble anormal de voisinage (TAV).
Au sommaire :
Petit point de rappel préalable :
Câest par un arrĂȘt de la chambre civile du 27 novembre 1844 que la Cour de cassation consacre le principe suivant : « nul ne peut causer Ă autrui des troubles excĂ©dant les inconvĂ©nients normaux du voisinage ». Avant cela, les conflits de voisinage se rĂ©solvaient sous le fondement de lâabus du droit de propriĂ©tĂ© (Cass., ch. req., 3 aoĂ»t 1915, « ClĂ©ment-Bayard »).
Par la suite, la troisiĂšme chambre civile de la Cour de cassation du 4 fĂ©vrier 1971 Ă©nonce que la thĂ©orie Ă©chappe aux rĂšgles traditionnelles du droit de la responsabilitĂ© en ce quâelle ne suppose pas lâexistence dâune faute (Ă©galement : Cass., 3e civ., 30 juin 1998, n°96-13.039).
Lorsque la question sâest posĂ©e de savoir si cette thĂ©orie Ă©tait de nature Ă porter atteinte au droit de propriĂ©tĂ© dĂ©fini par lâarticle 544 du Code civil et protĂ©gĂ© par lâarticle 1er du Premier Protocole additionnel Ă la ConvEDH. La Cour de cassation a rĂ©pondu que le droit de propriĂ©tĂ© « est limitĂ© par le principe selon lequel nul ne doit causer Ă autrui aucun trouble anormal de voisinage ; que cette restriction ne constitue pas une atteinte disproportionnĂ©e au droit protĂ©gĂ© par la Convention prĂ©citĂ©e » (Cass. 2e civ., 23 octobre 2003, 02-16.303).
Les conditions permettant de retenir un TAV sont les suivantes :
- Un trouble anormal
ArrĂȘt de principe : « Si le voisin de celui qui a construit lĂ©gitimement sur son fonds est tenu de supporter les inconvĂ©nients normaux du voisinage, procĂ©dant de la construction nouvelle, il est en droit, en revanche, dâexiger une rĂ©paration, dĂšs lors que ces inconvĂ©nients excĂšdent cette limite » (Cass., 3e civ., 27 juin 1973, n° 72-12.844).
- Un rapport de voisinage.
Cette notion est entendue largement par la jurisprudence. Il nâest, dâailleurs, pas nĂ©cessaire quâun propriĂ©taire rĂ©side sur son fonds (Cass., 2e ch. Civ., 28 juin 1995, n° 93-12.681).
- Un préjudice
Ă titre dâillustration : Des nuisances sonores, olfactives ou encore un risque dĂ» Ă la chute de rochers et de pierres (cass. 2Ăšme civ. 25 mars 1991 n° 89-21.186).
- Un lien de causalité
Il est nĂ©cessaire de prouver que le prĂ©judice subit soit constitutif dâun trouble anormal liĂ© Ă un rapport de voisinage.
Dans cet arrĂȘt de la cour dâappel (1) :
Une friterie mobile est exploitĂ©e devant une habitation dont les occupants se plaignent de lâodeur de fritures. LâanormalitĂ© du trouble est caractĂ©risĂ©e dans la mesure oĂč les odeurs pĂ©nĂštrent rĂ©guliĂšrement les piĂšces de lâhabitation et imprĂšgnent les vĂȘtements des occupants.
Conséquences :
Les exploitants devront faire cesser le trouble sous peine de payer une astreinte définitive de 150 euros par jour pour une durée de six mois.
1 : Cour dâappel, Amiens, 1re ch. civ, 24 DĂ©cembre 2019, n° 18/02375