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Références
Publication : PUBLIÉ AU BULLETIN
Identifiant : ECLI:FR:CCASS:2023:C300092
Décision : Rejet
Arrêt : n°92 FS-B
Mot clé : Bail commercial
Source : Cour de cassation, 3e chambre civile, 25 janvier 2023, n°22-10.648
Faits et procédure
1. Selon l’arrêt attaqué (Paris, 16 décembre 2021), rendu en référé, le 22 décembre 2017, la société civile immobilière Togar (la SCI) a donné en location à la société Boggi France (la locataire) des locaux à usage commercial.
2. Le 8 mars 2018, la société Intesa Sanpaolo (la banque) a consenti au bénéfice de la SCI une garantie à première demande pour un certain montant.
3. La locataire, invoquant la fermeture de son commerce du fait des restrictions sanitaires décidées par les pouvoirs publics pour lutter contre l’épidémie de covid-19, ayant cessé de verser les loyers, la SCI a, le 7 avril 2021, demandé à la banque de lui régler le montant de la garantie.
4. Le 19 avril 2021, la locataire, se prévalant des mesures de protection prévues à l’article 14 de la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 autorisant la prorogation de l’état d’urgence sanitaire et portant diverses mesures de gestion de la crise sanitaire, a assigné la SCI et la banque afin qu’il soit interdit à cette dernière de procéder au paiement de la somme garantie.
Examen du moyen
(…)
6. La SCI fait grief à l’arrêt d’interdire à la banque de régler la somme appelée en exécution de la garantie à première demande et de dire qu’elle ne devrait pas la régler avant l’expiration d’un délai de deux mois suivant le jour où la mesure de police administrative prévue à l’article 14 de la loi du 14 novembre 2020 aurait pris fin, alors « que le juge des référés ne peut faire défense au garant de payer que s’il relève le caractère manifestement abusif ou frauduleux de l’appel de la garantie à première demande ; que le bénéficiaire d’une garantie à première demande ne commet ni faute ni abus en appelant le garant à première demande en raison du non-paiement de loyers, fussent-ils partiellement des loyers exigibles après l’entrée en vigueur de l’article 14 de la loi du 14 novembre 2020 ; qu’en énonçant, pour retenir que la mise en oeuvre de la garantie à première demande était constitutive d’un trouble manifestement illicite, que l’appel de la garantie constitue un abus manifeste, l’article 14 de la loi du 14 novembre 2020 interdisant la mise en oeuvre des sûretés personnelles, la cour d’appel a violé l’article 14 de la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020, les articles 2321 et 1104 du code civil, ensemble l’article 835 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour de cassation
7. L’article 14 de la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 interdit, du 17 octobre 2020 jusqu’à l’expiration d’un délai de deux mois à compter de la date à laquelle l’activité du locataire, éligible à ce dispositif, cesse d’être affectée par une mesure de police administrative, la mise en oeuvre de toutes sûretés réelles et personnelles garantissant le paiement des loyers ou charges locatives afférents aux locaux professionnels ou commerciaux.
8. Ayant exactement relevé, par motifs propres et adoptés, que la garantie à première demande constituait une sûreté personnelle régie par l’article 2321 du code civil, la cour d’appel a pu en déduire que sa mise en oeuvre, en violation des dispositions de l’article 14 de la loi précitée, constituait un trouble manifestement illicite et a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision.
Dispositif
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société civile immobilière Togar aux dépens ;
En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par société civile immobilière Togar et la condamne à payer les sommes de 3 000 euros à la société Boggi France et de 2 000 euros à la société Intesa Sanpaolo ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq janvier deux mille vingt-trois.