đŸŸ„ [Extrait] Bail dĂ©rogatoire, une limite de 3ans Ă  compter du premier bail

Faits :

le 1er juin 2013, la sociĂ©tĂ© de La CadĂšne a consenti Ă  M. X…, qui occupait dĂ©jĂ  les lieux et qui avait renoncĂ© Ă  se prĂ©valoir du droit au statut des baux commerciaux lui Ă©tant acquis Ă  l’expiration du prĂ©cĂ©dent bail dĂ©rogatoire, un bail pour une durĂ©e de vingt-quatre mois. Le 1er juin 2015, les parties ont conclu un nouveau bail dĂ©rogatoire courant jusqu’au 31 mai 2016.

Le 31 mars 2016, la sociĂ©tĂ© de La CadĂšne a informĂ© M. X… de sa volontĂ© de ne pas consentir un nouveau bail.

M. X… ayant revendiquĂ© le droit au statut des baux commerciaux, la sociĂ©tĂ© de La CadĂšne l’a assignĂ© en expulsion.

Moyen invoqué par le requérant :

M. X… fait grief Ă  l’arrĂȘt de le dĂ©clarer sans droit ni titre depuis le 1er juin 2016, alors « que le preneur acquiert son droit Ă  la propriĂ©tĂ© commerciale Ă  l’issue du bail dĂ©rogatoire, lorsqu’il justifie d’une entrĂ©e dans les lieux depuis au moins trois ans en application de l’article L. 145-5 du code de commerce en sa rĂ©daction issue de la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 ; que, pour dire que M. X… n’avait pas acquis la propriĂ©tĂ© commerciale, la cour d’appel a retenu que les parties avaient conclu un bail dĂ©rogatoire le 1er juin 2013, d’une durĂ©e de 24 mois, puis un nouveau bail dĂ©rogatoire le 1er juin 2015, d’une durĂ©e de 12 mois, ce dont elle a dĂ©duit que la durĂ©e globale des baux successifs n’excĂ©dait pas la durĂ©e maximale de trois ans ; qu’en statuant ainsi, quand elle constatait que M. X… justifiait d’une entrĂ©e dans les lieux antĂ©rieure au 1er juin 2013, ce dont il rĂ©sultait que le preneur avait acquis la propriĂ©tĂ© commerciale Ă  la date du 1er juin 2016 et qu’il n’était pas, en consĂ©quence, occupant sans droit, ni titre, Ă  cette date, la cour d’appel a violĂ© l’article susvisĂ©. »

Textes appliqués : 

Vu l’article L. 145-5 du code de commerce, dans sa rĂ©daction issue de la loi du 18 juin 2014 :

La loi du 18 juin 2014 a ajoutĂ© Ă  l’article L. 145-5 du code de commerce une disposition selon laquelle les parties ne peuvent plus conclure un nouveau bail dĂ©rogatoire pour exploiter le mĂȘme fonds dans les mĂȘmes locaux Ă  l’expiration d’une durĂ©e de trois ans que ne peuvent excĂ©der les baux dĂ©rogatoires successifs.

Selon ce texte, les parties ne peuvent pas conclure un nouveau bail dĂ©rogatoire pour exploiter le mĂȘme fonds dans les mĂȘmes locaux Ă  l’expiration d’une durĂ©e totale de trois ans que ne peuvent excĂ©der les baux dĂ©rogatoires successifs et qui court dĂšs la prise d’effet du premier bail dĂ©rogatoire, mĂȘme si le preneur a renoncĂ©, Ă  l’issue de chaque bail dĂ©rogatoire, Ă  l’application du statut des baux commerciaux.

En application de l’article 21 II de la loi du 18 juin 2014, les baux dĂ©rogatoires conclus Ă  compter du 1er septembre 2014 sont soumis au nouvel article L. 145-5 du code de commerce.

Raisonnement de la cour d’appel :

Pour dĂ©clarer M. X… occupant sans droit ni titre, aprĂšs avoir constatĂ© que, le 1er juin 2013, les parties avaient conclu un nouveau bail dĂ©rogatoire stipulant que M. X…, qui Ă©tait dans les lieux en exĂ©cution d’un prĂ©cĂ©dent bail dĂ©rogatoire, renonçait expressĂ©ment Ă  se prĂ©valoir du statut des baux commerciaux et que la rĂ©gularitĂ© de cet acte n’était pas contestĂ©e, l’arrĂȘt retient qu’à cette date, les parties pouvaient conclure un bail dĂ©rogatoire de deux ans sans que l’antĂ©rioritĂ© du bail prĂ©cĂ©dent n’ait Ă  ĂȘtre prise en compte, que la loi du 18 juin 2014, n’ayant pas d’effet rĂ©troactif, n’a pas remis en cause la situation antĂ©rieure de sorte que ne pouvait ĂȘtre prise en compte l’occupation rĂ©elle des lieux avant le 1er juin 2013 et le bail conclu le 1er juin 2015, d’une durĂ©e d’un an, avait pour effet de porter la durĂ©e cumulĂ©e des baux pouvant ĂȘtre retenue Ă  trente-six mois, soit la durĂ©e maximale dĂ©sormais autorisĂ©e.

Solution de la Cour de cassation :

En statuant ainsi, alors que, pour pouvoir dĂ©roger aux dispositions du statut des baux commerciaux, le bail conclu le 1er juin 2015, postĂ©rieurement Ă  l’entrĂ©e en vigueur du nouvel article L. 145-5 du code de commerce issu de la loi du 18 juin 2014, devait rĂ©pondre aux exigences de ce texte et, par suite, ne pas avoir une durĂ©e cumulĂ©e avec celle des baux dĂ©rogatoires conclus prĂ©cĂ©demment pour exploiter le mĂȘme fonds dans les mĂȘmes locaux de plus de trois ans courant Ă  compter de la date d’effet du premier bail dĂ©rogatoire, la cour d’appel a violĂ© le texte susvisĂ©.


Cass., 3e civ., 22 octobre 2020, n°19-20.443