🟧 Avis HCFP du 31 octobre 2024 relatif au projet de loi de finances de fin de gestion pour l’année 2024

Références

NOR : HCFX2429510V
Source : JORF n°0264 du 7 novembre 2024, texte n° 86

Article

 

Synthèse
Le présent projet de loi de finances de fin de gestion (PLFG) pour 2024 repose sur le même scénario macroéconomique et affiche la même prévision de déficit public que le projet de loi de finances (PLF) pour 2025, sur lequel le Haut Conseil s’est prononcé le 8 octobre dernier.
Le Haut Conseil considère que la prévision de croissance du Gouvernement pour 2024 (+ 1,1 %) reste réaliste. Les comptes nationaux trimestriels publiés par l’INSEE après la saisine du Haut Conseil, qui conduisent à un acquis de croissance de 1,1 % à l’issue du troisième trimestre 2024, confortent ce diagnostic.
La prévision d’inflation (+ 2,1 %) est elle aussi réaliste, quoiqu’un peu élevée au vu des résultats provisoires de l’indice des prix à la consommation d’octobre publiés par l’INSEE eux aussi après la saisine du Haut Conseil et d’un niveau des prix du pétrole plus bas fin octobre que dans la prévision du Gouvernement.
La croissance prévue de la masse salariale des branches marchandes non agricoles (+ 2,9 %) est cohérente avec les dernières informations disponibles, notamment en provenance de l’URSSAF.
Le Haut Conseil estime que la prévision du Gouvernement d’un solde public pour 2024 de – 178,2 Md€, soit – 6,1 points de PIB, reste plausible. La prévision de recettes et de dépenses publiques est cohérente avec les informations parues depuis l’avis du Haut Conseil relatif au PLF 2025, et notamment la situation mensuelle budgétaire de l’Etat à fin septembre.
Cela correspond à une dégradation, d’une ampleur exceptionnelle hors période de crise, de 1,7 point de PIB (50 Md€) par rapport à la prévision de déficit public de 4,4 points de PIB (128 Md€) inscrite en PLF 2024 et jugée alors optimiste par le Haut Conseil.
Côté recettes, les prélèvements obligatoires sont désormais attendus à 1 250,7 Md€ en 2024 contre 1 292,2 Md€ dans le PLF, soit un écart de 41,5 Md€. Environ la moitié de cet écart (22,6 Md€) provient d’un point de départ bien plus dégradé que prévu du fait des résultats de 2023. La moins-value supplémentaire imputable à l’année 2024 atteint 18,9 Md€.
Côté dépenses, la prévision est revue en hausse dans le présent PLFG d’environ 15 Md€. Si l’Etat et les autres organismes d’administration centrale devraient voir leurs dépenses rester légèrement en deçà de la prévision du PLF, celles des administrations de sécurité sociale et plus encore des administrations locales seraient supérieures aux prévisions de l’automne 2023.
Le dérapage majeur des finances publiques en 2023 et 2024 montre la nécessité, pour présenter une trajectoire de finances publiques fiable, de retenir dans les textes financiers des hypothèses prudentes, notamment en matière de recettes ou de modération des dépenses des collectivités locales, lorsqu’il n’y a pas de dispositifs robustes prévus à cet effet.
L’estimation par le Gouvernement du solde structurel est elle aussi inchangée par rapport au PLF pour 2025, à – 5,7 points de PIB. L’écart entre cette prévision et l’objectif fixé en loi de programmation des finances publiques (LPFP) atteint ainsi 2 points de PIB. Il est largement supérieur à 0,5 point, ce qui laisse présager qu’il sera important au sens de la loi organique lors de l’examen par le Haut Conseil du projet de loi relatif aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’année 2024.
Toutefois, comme le Haut Conseil l’a souligné dans son avis sur le PLF 2025, la LPFP pour les années 2023 à 2027, promulguée il y a moins d’un an, constitue déjà une référence dépassée du fait de la forte dégradation des finances publiques en 2023, puis en 2024. La trajectoire du plan budgétaire et structurel à moyen terme communiqué à la Commission européenne constitue une référence plus pertinente, même si le HCFP a regretté, dans son avis relatif au PSMT publié le 9 octobre 2024, que les informations transmises dans ce cadre aient été insuffisantes pour en apprécier le réalisme.
Le Haut Conseil relève qu’en 2024, le creusement du déficit, conjugué au repli de l’inflation, se traduit par une remontée importante du ratio de dette publique, prévu à 112,8 points de PIB, soit + 2,9 points par rapport à 2023.
Le Haut Conseil rappelle que garantir la soutenabilité à moyen terme des finances publiques exige des efforts immédiats et soutenus dans la durée. A cet égard, il est indispensable que la France respecte la trajectoire du plan budgétaire et structurel à moyen terme pour garder le contrôle de ses finances publiques, maîtriser son endettement et ne pas voir sa position continuer de s’éroder au sein de la zone euro, tout en finançant les investissements prioritaires et en préservant son potentiel de croissance.

 

Observations liminaires

1. En application de l’article 61-V de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances modifiée, le Haut Conseil a été saisi par le Gouvernement le 25 octobre 2024 pour rendre un avis sur les prévisions macroéconomiques associées au projet de loi de finances de fin de gestion (PLFG) pour 2024, sur le réalisme des prévisions de recettes et de dépenses et sur la cohérence de ce projet de loi avec la trajectoire pluriannuelle de solde structurel.
2. Afin d’apprécier le réalisme des prévisions macroéconomiques associées au projet de loi et celui des prévisions de finances publiques, le Haut Conseil s’est fondé sur les dernières statistiques disponibles et sur les informations communiquées par le Gouvernement, dans sa saisine et dans les réponses aux questionnaires.
3. Le Haut Conseil a procédé, comme le permet l’article 61-IX de la loi organique relative aux lois de finances, à l’audition des représentants des administrations compétentes (direction générale du Trésor et direction du budget) à la suite de la saisine.
4. Le Haut Conseil s’est également appuyé sur les travaux de l’INSEE, de la Banque de France, de Rexecode et de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), de la Commission européenne, de l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) et du Fonds monétaire international (FMI).

1. Les prévisions macroéconomiques pour 2024
1. Le scénario du Gouvernement

5. Selon la saisine du Gouvernement, « Le scénario macroéconomique sous-jacent au PLFG 2024 n’est pas modifié par rapport à celui sous-jacent au projet de loi de finances pour 2025. Les informations nouvelles depuis la finalisation du projet de loi de finances pour 2025 sont cohérentes avec le scénario macroéconomique pour 2024 retenu pour le projet de loi de finances. […] Compte tenu d’un acquis au 2e trimestre s’établissant à + 0,9 %, le profil de croissance attendu est cohérent avec une progression du PIB de 1,1 % sur l’ensemble de 2024, un chiffre partagé par l’ensemble des prévisions récentes. »
6. « L’inflation reste également prévue à + 2,1 % en moyenne annuelle 2024. La baisse sensible de l’inflation observée en septembre doit être mise en perspective au regard du risque d’une hausse des prix du pétrole compte tenu d’une aggravation des tensions géopolitiques au Proche et au Moyen Orient, et du possible impact sur les prix des services de la hausse du SMIC au 1er novembre. »
7. « Enfin, la prévision de masse salariale (+ 2,9 % sur le champ BMNA) est cohérente avec les données disponibles, en particulier les chiffres mensuels de l’URSSAF à fin août. »

2. Appréciation du Haut Conseil

8. Pour 2024, le Gouvernement prévoit une croissance du PIB en volume de 1,1 %, inférieure à la prévision inscrite en projet de loi de finances (PLF) pour 2024 (+ 1,4 %). La composition attendue de la croissance a par ailleurs nettement évolué.

Graphique 1. – Croissance du PIB
Vous pouvez consulter l’image dans le fac-similé du JO
nº 0264 du 07/11/2024, texte nº 86

Sources : PLF pour 2024 et PLFG pour 2024.

 

Article

 

9. Cette prévision (+ 1,1%) est identique à celle inscrite dans le PLF pour 2025, qui a été jugée réaliste par le Haut Conseil des finances publiques dans son avis relatif aux projets de lois de finances et de financement de la sécurité sociale pour l’année 2025 en date du 8 octobre dernier.

Tableau 1. – Prévisions de croissance du PIB pour 2024 en %

 

Date de publication 2024
Gouvernement 25 octobre 1,1
FMI 22 octobre 1,1
OFCE 16 octobre 1,1
INSEE 10 octobre 1,1
Consensus Forecasts 7 octobre 1,1
Rexecode 7 octobre 1,1
OCDE 25 septembre 1,1
Banque de France 17 septembre 1,1
Commission européenne 30 avril 0,7

 

Sources : projet de loi de fin de gestion pour 2024, perspectives de l’économie mondiale du FMI d’octobre 2024, prévision de l’OFCE de l’automne 2024, note de conjoncture de l’INSEE d’octobre 2024, Consensus Forecasts d’octobre 2024, Rexecode, perspectives économiques de l’OCDE de septembre 2024, projections macroéconomiques de la Banque de France de septembre 2024, perspectives économiques de la Commission européenne du printemps 2024.

 

Article

 

10. Les informations conjoncturelles publiées depuis confortent ce diagnostic. L’INSEE, dans sa publication du 30 octobre, postérieure à la saisine du Haut Conseil, estime la progression du PIB à 0,4 % au 3e trimestre, dont 0,2 point dû à l’impact temporaire des jeux Olympiques et Paralympiques de Paris (JOP), une fois pris en compte les effets d’éviction dans les services récréatifs et l’hôtellerie-restauration.
11. L’acquis de croissance au 3e trimestre atteint ainsi 1,1 %. Sous réserve des révisions ultérieures par l’INSEE de ses estimations de la croissance des trimestres passés, la prévision du Gouvernement est plausible, en dépit du contrecoup mécanique au 4e trimestre de l’effet des JOP (- 0,2 %) et de la dégradation des enquêtes de conjoncture en octobre.
12. Si le climat des affaires publié par l’INSEE s’est de nouveau légèrement amélioré dans le secteur des services, il a nettement reculé dans l’industrie manufacturière. Le solde d’opinion sur l’évolution de la production passée s’est notamment fortement replié, à un niveau très en deçà de sa moyenne de longue période, tout comme celui sur les perspectives personnelles de production. Le climat des affaires global connaît un léger recul et s’éloigne ainsi encore un peu de son niveau de long terme.
13. Les PMI préliminaires d’octobre signalent également une détérioration du climat conjoncturel. L’indice PMI composite a baissé à 47,3 en octobre (après 48,6 en septembre), son niveau le plus faible depuis neuf mois. L’indice s’est contracté dans les services, à 48,3 en octobre (après 49,6 en septembre), et s’est stabilisé à un bas niveau dans l’industrie manufacturière, à 44,5 en octobre (après 44,6 en septembre).

Graphique 2. – Climat des affaires
Vous pouvez consulter l’image dans le fac-similé du JO
nº 0264 du 07/11/2024, texte nº 86

Source : INSEE.

 

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14. Le Gouvernement prévoit une hausse de l’indice des prix à la consommation de 2,1 % en moyenne annuelle en 2024.
15. Le Haut Conseil a jugé cette prévision d’inflation vraisemblable dans son avis relatif au PLF pour 2025, en soulignant toutefois que celle d’inflation sous-jacente (1,9 %) était encore un peu élevée. Depuis, les résultats définitifs de septembre ont confirmé une nette modération de l’inflation sous-jacente en glissement annuel en septembre (à 1,4 % sur un an, après 1,7 % sur un an en août) et une baisse assez forte sur le mois (- 0,4 %).

Graphique 3. – Inflation totale et sous-jacente

Vous pouvez consulter l’intégralité du texte avec ses images à partir de l’extrait du Journal officiel électronique authentifié accessible en bas de page

Source : INSEE.

 

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16. Les résultats provisoires de l’indice des prix à la consommation d’octobre, publiés par l’INSEE après la saisine du Haut Conseil, montrent une quasi-stabilisation de l’inflation sur un an, à + 1,2 % (après + 1,1% en septembre).
17. La prévision du Gouvernement est réaliste, quoiqu’un peu élevée au vu de l’acquis d’inflation totale en octobre pour 2024 (+ 2,0 %) et d’un niveau des prix du pétrole plus bas fin octobre que dans la prévision du Gouvernement.

Tableau 2. – Prévisions d’inflation pour 2024 en moyenne annuelle en %

 

Date de publication 2024
Gouvernement 25 octobre 2,1
OFCE 16 octobre 2,0
INSEE 10 octobre 2,0
Consensus Forecasts 07 octobre 2,2
Rexecode 07 octobre 2,0
Banque de France (estimation tirée de la prévision d’IPCH) 17 septembre 2,2

 

Sources : projet de loi de finances de fin de gestion pour 2024, prévisions des organismes et instituts de conjoncture.

 

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18. Le Gouvernement maintient sa prévision d’une progression de la masse salariale des branches marchandes non agricoles de 2,9 % en 2024. Dans son avis relatif aux projets de lois de finances et de financement de la sécurité sociale pour l’année 2025, le Haut Conseil a estimé cette prévision plausible. Les informations parues depuis, et notamment les données d’août 2024 sur la masse salariale du secteur privé publiées par l’URSSAF dans son baromètre économique du mois d’octobre 2024, confortent cette appréciation.
19. Le Haut Conseil considère que la prévision de croissance du Gouvernement pour 2024 (+ 1,1 %) reste réaliste. Les comptes nationaux trimestriels publiés par l’INSEE après la saisine du Haut Conseil, qui conduisent à un acquis de croissance de 1,1 % à l’issue du troisième trimestre 2024, confortent ce diagnostic.
20. La prévision d’inflation (+ 2,1 %) est elle aussi réaliste, quoiqu’un peu élevée au vu des résultats provisoires de l’indice des prix à la consommation d’octobre publiés par l’INSEE eux aussi après la saisine du Haut Conseil et d’un niveau des prix du pétrole plus bas fin octobre que dans la prévision du Gouvernement.
21. La croissance prévue de la masse salariale marchande non agricole (+ 2,9 %) est cohérente avec les dernières informations disponibles, notamment en provenance de l’URSSAF.

2. Les prévisions de recettes, de dépenses et de solde publics
1. Le scénario du Gouvernement

22. Selon la saisine du Gouvernement, « Le solde public pour 2024 reste prévu à – 6,1 % du PIB, comme dans le PLF 2025 ainsi que dans le Plan budgétaire et structurel de moyen terme (PSMT).
23. De même, la prévision de solde structurel 2024 demeure inchangée par rapport au PLF 2025 et au PSMT 2025-2029, soit un niveau de – 5,7% du PIB potentiel. »
24. « Par rapport au PLF 2025, les prélèvements obligatoires augmentent légèrement du fait de l’intégration de la prime de partage de la valeur dans le calcul des allégements généraux. Parallèlement, la prise en compte des remontées comptables les plus récentes conduit à des mouvements de faible ampleur sur les prévisions de recettes qui se compensent globalement.
25. Le schéma de fin de gestion s’agissant des dépenses de l’Etat s’établit 6 Md€ en deçà du niveau prévu en loi de finances initiale (LFI) pour 2024 ; il induit une légère amélioration en comptabilité nationale sur le solde de l’ensemble des administrations publiques. Concernant les administrations de sécurité sociale, la prévision d’exécution des dépenses sous ONDAM pour 2024 est inchangée par rapport au Projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS). Enfin, les dernières remontées comptables dans le secteur local ne remettent pas en cause la prévision 2024 sous-jacente au PLF 2025 pour les dépenses de ce secteur. »

2. Appréciation du Haut Conseil

26. Le Haut Conseil s’est attaché à apprécier le réalisme des prévisions de recettes, de dépenses et de solde publics sur la base des informations dont il dispose.

a) Les recettes

27. En 2024, les prélèvements obligatoires augmenteraient, selon le Gouvernement, de 2,6 % pour atteindre 1 250,7 Md€. Leur croissance spontanée s’élèverait à 2,3 %, un rythme sensiblement inférieur à la croissance du PIB en valeur (+ 3,5 %) pour la deuxième année consécutive.
28. Le montant des prélèvements obligatoires a été très légèrement révisé à la hausse dans le PLFG, à hauteur de 0,6 Md€, par rapport à celui affiché dans le PLF pour 2025. Cet écart traduit principalement l’intégration des versements de prime de partage de la valeur (PPV) dans l’assiette des allègements généraux de cotisations sociales. Selon le Gouvernement, cette mesure n’a en effet été intégrée au PLFSS pour 2025 qu’après le bouclage des prévisions du PLF pour 2025 et donc après la saisine du Haut Conseil sur le PLF.
29. Le Gouvernement a aussi légèrement revu sa prévision de droits de mutation à titre gratuit (DMTG) à hauteur de + 0,2 Md€, la portant à 19,9 Md€. Cette prévision paraît prudente compte tenu des remontées comptables jusqu’au mois de septembre, qui laissent attendre des recettes supérieures de l’ordre de 1 Md€ à ce montant.
30. A l’inverse, la prévision de prélèvements sociaux sur le capital a été revue à la baisse de – 0,1 Md€ du fait de la hausse des dépenses de R&D qui en sont en partie exonérées.
31. Les autres prévisions de prélèvements obligatoires sont inchangées par rapport au PLF pour 2025.
32. Comme le Haut Conseil le soulignait dans son avis sur le PLF pour 2025, la prévision d’une baisse de 12,6 % des droits de mutation à titre onéreux (DMTO) en 2024 semble encore un peu optimiste même si un redémarrage des ventes de logements anciens semble se dessiner après le point bas atteint au premier semestre. Les remontées comptables jusqu’à fin septembre marquent en effet une baisse de 17,4 % par rapport à la même période de 2023.
33. Les recettes d’impôt sur le revenu (IR) seraient en baisse pour la deuxième année de suite en 2024, à hauteur de – 0,6 %, une prévision inchangée par rapport à celle du PLF pour 2025 et que le Haut Conseil a jugée plausible. La baisse attendue est notamment due à une prévision de solde d’IR au titre des revenus 2023 assez faible.
34. La prévision de croissance spontanée des recettes de TVA pour 2024 (+ 0,9 %) est la même que dans le PLF pour 2025. Cette prévision est cohérente avec les remontées comptables des neuf premiers mois de l’année 2024.
35. Le Gouvernement n’a pas modifié sa prévision de recettes d’impôt sur les sociétés. Comme tous les ans, les aléas portant sur celle-ci sont importants, du fait du rendement, par nature incertain, du « cinquième acompte » versé en décembre.
36. Le Haut Conseil estime que la prévision de prélèvements obligatoires, cohérente avec les remontées comptables à fin septembre pour 2024, est globalement plausible. Une incertitude forte pèse, comme tous les ans, sur le rendement du « cinquième acompte » de l’impôt sur les sociétés.

b) Les dépenses

37. La prévision de dépenses publiques est légèrement révisée en baisse, de 0,3 Md€, par rapport à celle du PLF pour 2025 et l’évolution des dépenses publiques hors crédits d’impôts (CI) en 2024 reste de + 4,2 % en valeur et + 2,1 % en volume, déflatées par l’IPC hors tabac. La dépense publique s’élèverait ainsi à 56,8 points de PIB en 2024, en hausse de 0,4 point par rapport à 2023 après trois exercices de baisse au sortir de la crise sanitaire.

Graphique 4. – Dépenses publiques rapportées au PIB
Vous pouvez consulter l’image dans le fac-similé du JO
nº 0264 du 07/11/2024, texte nº 86

Sources : INSEE, prévision du Gouvernement.

 

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38. Les dépenses de l’Etat évolueraient de + 0,3 % en valeur et de – 1,8 % en volume par rapport à 2023, en baisse de 0,1 point de pourcentage par rapport aux prévisions du PLF pour 2025. L’évolution principale par rapport au PLF pour 2025 est la révision à la baisse de 2,0 Md€ des dépenses budgétaires de l’Etat, révision qui n’affecte les dépenses publiques en comptabilité nationale qu’à hauteur de – 0,1 Md€, la différence provenant de transferts entre administrations publiques et d’autres dépenses budgétaires de l’Etat sans impact sur le total des dépenses des administrations publiques.
39. Les dépenses budgétaires de l’Etat atteindraient 486 Md€ et seraient ainsi 6 Md€ en deçà des prévisions de la LFI 2024 (492 Md€), reflet de divers mouvements intervenus en gestion et traduits dans le PLFG : le report de près de 19 Md€ de crédits de paiement de 2023 sur 2024 ; l’annulation de 10 Md€ par décret d’annulation en date du 21 février 2024 ; un accroissement de la mise en réserve pour la porter à 16 Md€ au total au mois de juillet.
40. Les dépenses de sécurité sociale évolueraient de + 5,2 % en valeur et de + 3,2 % en volume par rapport à 2023, évolutions inchangées par rapport aux prévisions du PLF pour 2025. L’ONDAM atteindrait 256,1 Md€ en 2024, en hausse de 3,3 % par rapport à 2023 (247,8 Md€) contre + 2,9 % prévu en LFSS pour 2024 (254,9 Md€). Ce dépassement de 1,2 Md€ s’explique par des mouvements contraires : d’une part, une révision à la hausse des dépenses résiduelles liées à la crise sanitaire pour 0,3 Md€ et des dépenses de soins de ville pour 1,1 Md€ et d’autre part, une révision à la baisse de 0,2 Md€ liées à des mesures nouvelles et des économies.
41. Les dépenses des administrations publiques locales évolueraient de + 6,7 % en valeur, du fait d’une croissance élevée (+ 4,6 %) de leurs dépenses de fonctionnement et plus encore de leurs dépenses d’investissement (+ 13,2 %). En volume, les dépenses croîtraient de + 4,8 %, un rythme plus de deux fois supérieur à celui de 2023. Cette prévision est plausible, mais des écarts significatifs, à la hausse comme à la baisse, peuvent encore être constatés sur les dernières remontées comptables de l’année.
42. Le Haut Conseil estime que la prévision de dépenses publiques pour 2024, inchangée par rapport à celle présentée dans le PLF pour 2025, est plausible. Des aléas, à la hausse comme à la baisse, subsistent toutefois, notamment sur les dépenses des administrations publiques locales. Cette prévision reflète le dynamisme soutenu des dépenses des administrations sociales et plus encore des administrations locales, expliquant la révision à la hausse d’une ampleur significative par rapport aux LFI et LFSS pour 2024.

c) Le solde public

43. Selon le Gouvernement, le solde public s’établirait à – 6,1 points de PIB en 2024, soit une détérioration de 0,6 point de PIB par rapport à 2023 (- 5,5 points de PIB).
44. Cette estimation est quasi identique à celle du PLF pour 2025 (1). Le Haut Conseil estime qu’elle reste cohérente avec les informations comptables et budgétaires disponibles à fin octobre ainsi qu’avec le scénario macroéconomique.
45. Il doit être de nouveau souligné que cette prévision est dégradée de 1,7 point par rapport à celle du PLF pour 2024, qui prévoyait un déficit public de 4,4 points de PIB en 2024, et de 1,0 point par rapport à celle du programme de stabilité d’avril 2024, qui prévoyait un déficit public de 5,1 points de PIB. Cet écart résulte à la fois d’un surcroît de déficit enregistré en 2023 par rapport à la prévision associée au PLF 2024 (+ 0,6 point, dont + 0,1 au titre de la révision due au changement de base des comptes nationaux de l’INSEE) et d’un dérapage supplémentaire en 2024 (+ 1,1 point).
46. L’analyse précise et exhaustive de cette dégradation par rapport à la prévision du PLF pour 2024 reste à mener à bien (l’encadré ci-dessous présente quelques éléments synthétiques). Elle est principalement imputable à des moins-values de prélèvements obligatoires, mais résulte aussi d’un écart majeur entre le caractère volontariste des hypothèses de dépenses des collectivités locales et la réalité d’une dynamique très soutenue. Malgré la correction très partielle de cette dégradation apportée pour l’Etat par le décret d’annulation de crédits de février 2024 et par le projet de loi de fin de gestion, l’absence de mesures d’économies structurelles en LFI 2023 et 2024 puis, au cours de ce dernier exercice, l’absence de mise en œuvre des mesures additionnelles inscrites dans le Programme de stabilité se traduisent par deux années consécutives de forte dégradation du déficit public.

 

Eléments d’analyse sur la révision de la prévision de solde public

pour 2024 entre le PLF pour 2024 et le PLFG 2024

Entre le projet de loi de finances pour 2024 présenté en septembre 2023 et le projet de loi de finances de fin de gestion pour l’année 2024, le solde public s’est dégradé de 1,7 point de PIB, passant de – 4,4 points à – 6,1 points. Cette dégradation de 50 Md€ est liée principalement à une révision à la baisse des prélèvements obligatoires.
Côté recettes, les prévisions de prélèvements obligatoires (PO) ont été révisées à plusieurs reprises à la baisse. Ceux-ci sont désormais attendus à 1 250,7 Md€ en 2024 contre 1 292,2 Md€ dans le PLF pour 2024 soit un écart de 41,5 Md€.
Le montant des mesures nouvelles a pourtant été révisé en hausse de 6,1 Md€, notamment du fait du relèvement de la taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité (TICFE) à compter du 1er février, décidé par arrêté le 25 janvier 2024 et qui n’avait pas été intégré dans la prévision du PLF 2024. L’écart à législation constante entre le PLF 2024 et le PLFG 2024 atteint ainsi 47,6 Md€.
Près de la moitié de cet écart (22,6 Md€) provient d’un point de départ bien plus dégradé du fait des résultats de l’exercice 2023 (prévus à 1 241,1 Md€ jusqu’à l’automne, les prélèvements obligatoires ont finalement atteint 1 218,5 Md€ en 2023). Cet écart peut être expliqué à hauteur de 2,0 Md€ par l’impact du changement de base de comptabilité nationale affectant notamment la TVA (pour 0,5 Md€) et les cotisations sociales (pour 2 Md€) (2.) Les 20,6 Md€ restants résultent d’écarts entre les prévisions et les recettes en fin d’année 2023, portant principalement sur les cotisations sociales (- 4,9 Md€), l’impôt sur les sociétés (- 4,5 Md€), la TVA (- 3,2 Md€) et l’impôt sur le revenu (- 2,1 Md€). La faiblesse de la croissance de la masse salariale en fin d’année 2023, dont le Haut Conseil avait souligné en octobre 2023 dans son avis relatif au PLFG 2023 qu’elle constituait un risque, explique en partie les écarts constatés sur les cotisations sociales et l’impôt sur le revenu.
Md € Total

prélèvements

obligatoires

TVA Impôts

sur les sociétés

(IS)

Impôts

sur le revenu

(IR)

DMTO Cotisations

sociales

PLF pour 2024 2023 (prév) (a) 1 241,1 208,7 61,3 90,7 18,0 412,2
2024 (prév) (b) 1 292,2 218,9 72,2 94,1 18,0 428,3
PLFG 2024 2023 (exéc) (c) 1 218,5 205,0 56,8 88,6 16,9 405,3
2024 (prév) (d) 1 250,7 207,6 57,7 88,1 14,8 422,0
2024, écart prév

PLF pour 2024 VS PLFG 2024

(d-b) – 41,5 – 11,3 – 14,5 – 6,0 – 3,2 – 6,3
2023, écart prév

PLF 2024

vs exécution

(c-a) – 22,6 – 3,7 – 4,5 – 2,1 – 1,1 – 6,9
Changement

de base

sur 2023

– 2,0 – 0,5 – 2,0
Effet erreur

prévision 2023

– 20,6 – 3,2 – 4,5 – 2,1 – 1,1 – 4,9
Effet 2024 ((d-b)-(c-a)) – 18,9 – 7,6 – 10,0 – 3,9 – 2,1 0,6
Delta Mesures nouvelles

en 2024

6,1 0,4 – 0,1 – 0,1 0,0 0,5
Effet

spontané

2024

– 25,0 – 8,0 – 9,9 – 3,8 – 2,1 0,1
Sources : PLF-PLFSS pour 2024, PLFG 2024, calculs HCFP.
La moins-value supplémentaire imputable aux évolutions spontanées sur l’année 2024 atteint 25 Md€.
La croissance spontanée des recettes de TVA a ainsi été révisée à la baisse de 8,0 Md€ entre le PLF pour 2024 et le PLFG 2024. Ceci s’explique en partie par la révision de la croissance prévue du PIB (passée de + 1,4 % en PLF 2024 à + 1,1 % en PLFG 2024) mais aussi par une inflation et une composition de la croissance moins favorables aux recettes de TVA : contrairement aux prévisions initiales du Gouvernement, la croissance est principalement portée par le commerce extérieur et la consommation publique plutôt que par la consommation des ménages. De plus, le Gouvernement prévoit en PLFG 2024 une croissance de la TVA inférieure à la prévision de croissance de sa base taxable, à l’inverse de ce qu’il prévoyait en PLF 2024. Le Haut Conseil avait jugé cette hypothèse optimiste dans son avis relatif au PLF 2024.
L’évolution spontanée des recettes de DMTO a aussi été révisée en baisse de 2,1 Md€. Le Haut Conseil avait relevé dans son avis relatif au PLF 2024 le caractère optimiste de la prévision du Gouvernement compte tenu de la tendance à l’œuvre de baisse des prix et des volumes de transactions immobilières.
Concernant l’impôt sur le revenu, l’effet spontané des révisions pour 2024 est estimé à – 3,8 Md€ entre le PLF pour 2024 et le PLFG. Malgré des recettes de prélèvement forfaitaire obligatoire/prélèvement forfaitaire unique (PFO/PFU) dynamiques, la croissance de la masse salariale a été révisée en baisse en 2024, tandis que le solde d’IR perçu en 2024 sur les revenus 2023 s’annonce plus bas que prévu.
C’est pour l’impôt sur les sociétés, le prélèvement le plus difficile à prévoir, que les révisions ont été les plus importantes, à hauteur de près de – 10 Md€. Le bénéfice taxable 2023 s’est révélé nettement plus bas que prévu, réduisant le solde perçu en 2024 et les estimations de croissance du bénéfice taxable 2024 ont également été revues à la baisse, pesant ainsi sur la prévision de cinquième acompte.
Concernant les cotisations sociales en revanche, l’écart d’évolution spontanée pour 2024 est quasi nul.
Côté dépenses, la prévision est revue en hausse d’environ 15 Md€ (hors impact du changement de base de l’INSEE) (3).
Sur le champ de l’Etat, les dépenses en comptabilité nationale sont quasiment stables par rapport au PLF 2024, du fait de variations de sens contraires : d’une part des mouvements de gestion ayant réduit les dépenses au cours de l’année, d’autre part une hausse des charges de service public de l’énergie en raison de prix d’électricité plus faibles que prévus en PLF.
Sur le champ des collectivités territoriales, les dépenses sont revues à la hausse de 13,4 Md€ dont 8,0 Md€ de dépenses de fonctionnement et 5,4 Md€ de dépenses d’investissement.
Sur le champ des administrations de sécurité sociale, les dépenses sont revues à la hausse de 3,5 Md€ dont 2,3 Md€ de hausse des dépenses de l’Unédic et 1,2 Md€ dû au dépassement de l’ONDAM.
Enfin, la charge de la dette de l’ensemble des administrations publiques est revue à la baisse, améliorant le solde public de 3,3 Md€, notamment en raison d’une inflation plus faible que prévue qui réduit la charge de la dette indexée.

 

47. Selon l’estimation du Gouvernement, la part structurelle du déficit public de 2024 serait de 5,7 points de PIB. La part conjoncturelle du déficit, appelée à disparaître avec le retour à une conjoncture normale, ne serait que de 0,4 point.

Tableau 3. – Décomposition du solde public présenté par le Gouvernement

 

En points de PIB PLFG pour 2024 (oct. 2024) LPFP (décembre 2023)
2023 2024 2023 2024
Solde public (1) – 5,5 – 6,1 – 4,9 – 4,4
Composante conjoncturelle (2) – 0,3 – 0,4 – 0,7 – 0,6
Mesures ponctuelles et temporaires (3) – 0,1 – 0,1 – 0,1 – 0,1
Solde structurel (1-2-3) – 5,1 – 5,7 – 4,1 – 3,7

 

Note : les chiffres étant arrondis au dixième, il peut en résulter de légers écarts dans le résultat des opérations.
Source : projet de loi de finances de fin de gestion pour 2024, loi de programmation de décembre 2023.

 

Article

 

48. Le Haut Conseil note qu’en 2024, le déficit public excèdera nettement le seuil de 3 points de PIB prévu par le Pacte de stabilité et de croissance en vigueur dans le cadre de gouvernance économique réformée de l’Union européenne (4) et qu’il continue à se dégrader pour la deuxième année consécutive, alors que la France est entrée en procédure pour déficit excessif en raison du non-respect des règles relatives au déficit pour l’année 2023 (5), après désactivation de la clause dérogatoire générale du Pacte de stabilité.
49. Le Haut Conseil estime que la prévision du Gouvernement d’un solde public pour 2024 de – 178,2 Md€, soit – 6,1 points de PIB comme en PLF 2025, reste plausible.
50. Cela correspond à une dégradation, d’une ampleur exceptionnelle hors période de crise, de 1,7 point de PIB (50 Md€) par rapport à la prévision de déficit public de 4,4 points de PIB (128,3 Md€) inscrite en PLF 2024 et jugée alors optimiste par le Haut Conseil.
51. Côté recettes, les prélèvements obligatoires sont désormais attendus à 1 250,7 Md€ en 2024 contre 1 292,2 Md€ dans le PLF, soit un écart de 41,5 Md€. Environ la moitié de cet écart (22,6 Md€) provient d’un point de départ bien plus dégradé que prévu au titre de 2023. La moins-value supplémentaire imputable aux évolutions sur l’année 2024 atteint 18,9 Md€.
52. Côté dépenses, la prévision est revue en hausse dans ce PLFG d’environ 15 Md€ (hors impact du changement de base de l’INSEE). Si l’Etat et les autres organismes d’administration centrale devraient voir leurs dépenses rester légèrement en deçà de la prévision du PLF, celles des administrations de sécurité sociale et plus encore des administrations locales seraient supérieures aux prévisions de l’automne 2023.
53. Le dérapage majeur des finances publiques en 2023 et 2024 montre la nécessité, pour présenter une trajectoire de finances publiques fiable, de retenir dans les textes financiers des hypothèses prudentes, notamment en matière de prévision des recettes ou de modération des dépenses des collectivités locales, lorsqu’il n’y a pas de dispositifs robustes prévus à cet effet.
54. L’estimation par le Gouvernement du solde structurel est elle aussi inchangée par rapport au PLF pour 2025, à – 5,7 points de PIB. L’écart entre cette prévision et l’objectif fixé en loi de programmation des finances publiques (LPFP) atteint ainsi 2 points de PIB. Il est largement supérieur à 0,5 point, ce qui laisse présager qu’il sera important au sens de la loi organique lors de l’examen par le Haut Conseil du projet de loi relatif aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’année 2024.

Graphique 5. – Solde public rapporté au PIB
Vous pouvez consulter l’image dans le fac-similé du JO
nº 0264 du 07/11/2024, texte nº 86

Sources : INSEE, prévision du Gouvernement.

 

Article

 

d) La dette publique

55. D’après les prévisions du Gouvernement, le ratio de la dette publique au PIB recommencerait à croître en 2024, à un niveau de 112,8 points de PIB, soit une hausse de 2,9 points par rapport au ratio de 109,9 points de PIB de 2023. Cette hausse effacerait ainsi plus de la moitié de la diminution de 5 points enregistrée entre 2020 et 2023, permise d’abord par le fort rebond de l’activité suite à la crise sanitaire de 2020, puis par une inflation élevée : en moyenne sur les trois années 2021 à 2023, la croissance du PIB en volume atteint 3,5 % et celle des prix du PIB 3,2 %.
56. En 2024, ces facteurs joueraient moins favorablement sur le ratio de dette, avec une croissance du PIB en volume de 1,1 % et une hausse des prix du PIB de 2,3 %, auxquels s’ajoute l’effet défavorable du creusement de 0,6 point de PIB du déficit par rapport à 2023. Ainsi, le déficit public serait supérieur de 2,4 points de PIB au niveau du déficit stabilisant la dette, estimé à 3,7 points de PIB en 2024.
57. Cette prévision s’écarte nettement de celle du PLF pour 2024 : celle-ci prévoyait une stabilité du ratio d’endettement par rapport à 2023, prévision que le Haut Conseil avait qualifiée de fragile dans son avis sur le PLF 2024, car reposant sur des prévisions optimistes de croissance de l’activité et de dépenses publiques (6). Le ratio d’endettement est aussi supérieur au niveau prévisionnel du Programme de stabilité pour 2024 (112,3 points de PIB) et à celui de la loi de programmation des finances publiques 2023-2027 (109,7 points de PIB).

Graphique 6. – Ratio de la dette publique au PIB en zone euro
Vous pouvez consulter l’image dans le fac-similé du JO
nº 0264 du 07/11/2024, texte nº 86

Source : PLFG et PSMT des pays de la zone euro pour 2024, Eurostat.

 

Article

 

58. La France resterait donc le troisième pays le plus endetté de la zone euro, derrière la Grèce et l’Italie. Toutefois, l’Italie anticipe une relative stagnation de son ratio de dette au PIB pour l’année 2024, à 134,6 points de PIB contre 134,8 en 2023, et la Grèce une diminution à hauteur de 9 points de PIB (de 160,9 points de PIB en 2023 à 151,9 en 2024), à l’inverse de la France dont l’endettement prévu croît en 2024.
59. La dégradation de la position relative de la France au sein de la zone euro, et la progression du ratio d’endettement en 2024 de + 2,9 points de PIB, appellent des efforts immédiats et soutenus dans la durée, en cohérence avec nos engagements européens.

3. La cohérence avec la trajectoire pluriannuelle de solde structurel

60. Au titre de l’article 61-V de la loi organique, le Haut Conseil doit se prononcer sur « la cohérence du projet de loi (de finances de fin de gestion), notamment de son article liminaire, au regard des orientations pluriannuelles de solde structurel définies dans la loi de programmation des finances publiques » en vigueur, qui est celle du 18 décembre 2023 pour les années 2023 à 2027.
61. Selon la même loi organique, un écart de solde structurel est considéré comme important au regard des orientations pluriannuelles de solde structurel définies par la loi de programmation des finances publiques lorsqu’il représente au moins 0,5 % du PIB sur une année donnée ou au moins 0,25 % du PIB par an en moyenne sur deux années consécutives.
62. Compte tenu du passage en base 2020 des comptes nationaux postérieurement à l’adoption de la LPFP, il n’est pas possible de mesurer l’écart de production dans le cadre potentiel de la LPFP. Les révisions qui résultent de ce changement de base, notamment sur le champ des opérations prises en compte dans le PIB, impliquent en effet que le PIB observé et le PIB potentiel de la LPFP sont exprimés dans des cadres comptables légèrement différents, ce qui ne permet pas de calculer de manière cohérente avec la LPFP l’écart de production et donc le partage entre le solde conjoncturel et le solde structurel.
63. En conséquence, le Gouvernement a choisi de présenter dans le projet de loi de finances de fin de gestion pour 2024 une évaluation du solde structurel dans un cadre potentiel réestimé en base 2020 des comptes nationaux, qui diffère ainsi de celui retenu par la LPFP. Les soldes structurels de ces deux textes sont donc appréciés dans deux cadres potentiels différents.
64. Sur la base des données de PIB potentiel du PLFG pour 2024, le solde structurel s’élèverait à – 5,7 points de PIB potentiel en 2024, et l’écart de solde structurel par rapport à la loi de programmation s’élèverait à – 2,0 points de PIB potentiel. Le passage en base 2020 des comptes nationaux après la promulgation de la LPFP ne saurait expliquer qu’environ un quart de ces écarts (7). L’écart entre cette prévision et l’objectif fixé en loi de programmation des finances publiques est donc en tout état de cause largement supérieur à 0,5 point de PIB, ce qui laisse présager qu’il sera important au sens de la loi organique lors de l’examen par le Haut Conseil du projet de loi relatif aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’année 2024.

Graphique 7. – Ecart de solde structurel entre le PLFG pour 2024 et la LPFP
Vous pouvez consulter l’image dans le fac-similé du JO
nº 0264 du 07/11/2024, texte nº 86

Note : la ligne rouge horizontale désigne le seuil d’un écart important au sens de la loi organique.
Source : projet de loi de finances de fin de gestion pour 2024, loi de programmation de décembre 2023.

 

Article

 

65. Le Haut Conseil relève que le solde structurel en 2024 demeure très éloigné de l’objectif de moyen terme de solde structurel (- 0,4 point de PIB potentiel) fixé dans la loi de programmation des finances publiques 2023-2027.
66. Il souligne par ailleurs que la trajectoire du plan budgétaire et structurel à moyen terme (PSMT) constitue désormais une référence plus pertinente pour apprécier la cohérence pluriannuelle des finances publiques, même si le HCFP avait regretté, dans son avis relatif au PSMT publié le 9 octobre 2024 que les informations transmises dans ce cadre aient été insuffisantes pour lui permettre d’en apprécier le réalisme.
67. L’estimation par le Gouvernement du solde structurel est inchangée par rapport au PLF pour 2025, à – 5,7 points de PIB. L’écart entre cette prévision et l’objectif fixé en loi de programmation des finances (LPFP) atteint ainsi 2 points de PIB. Il est largement supérieur à 0,5 point de PIB, ce qui laisse présager qu’il sera important au sens de la loi organique lors de l’examen par le Haut Conseil du projet de loi relatif aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’année 2024.

Le présent avis sera publié au Journal officiel de la République française et joint au projet de loi de finances de fin de gestion pour 2024 lors de son dépôt à l’Assemblée nationale.

 

Annexe

Article

 

ANNEXES
ANNEXE 1
PROJET D’ARTICLE LIMINAIRE DU PROJET DE LOI DE FINANCES DE FIN DE GESTION POUR L’ANNÉE 2024

Texte de l’article :
Cet article présente, conformément à l’article 1H de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances, la prévision de solde structurel et de solde effectif de l’ensemble des administrations publiques pour 2024.
Il rappelle également la prévision, déclinée par sous-secteur d’administration publique, de l’objectif d’évolution en volume et de la prévision en milliards d’euros courants des dépenses des administrations publiques et celle de prélèvements obligatoires, de dépenses et d’endettement de l’ensemble des administrations publiques. Enfin, il présente l’état des prévisions portant sur les principales dépenses des administrations publiques considérées comme des dépenses d’investissement au sens du dernier alinéa de l’article 1er A et du 2° de l’article 1er E de la LOLF. Ces dernières sont définies dans le rapport annexé au projet de loi de programmation des finances publiques.

 

En % du PIB sauf mention contraire 2023 2024 2024
Loi de finances de fin de gestion pour 2024 LPFP
2023-2027 (*)
Ensemble des administrations publiques
Solde structurel (1) – 5,1 – 5,7 – 3,7
Solde conjoncturel (2) – 0,3 – 0,4 – 0,6
Solde des mesures ponctuelles et temporaires (3) – 0,1 – 0,1 – 0,1
Solde effectif (1+2+3) – 5,5 – 6,1 – 4,4
Dette au sens de Maastricht 109,9 112,8 109,7
Taux de prélèvements obligatoires (y.c UE nets des CI) 43,2 42,8 44,1
Dépense publique (hors CI) 56,4 56,8 55,3
Dépense publique (hors CI, en Md€) 1591 1657 1622
Evolution de la dépense publique hors CI en volume (%) (1) – 1,0 2,1 0,5
Principales dépenses d’investissement (en Md€) (2) 25 30 30
Administrations publiques centrales
Solde – 5,5 – 5,4 – 4,7
Dépense publique (hors CI, en Md€) 646 654 639
Evolution de la dépense publique en volume (%) (3) – 3,9 – 0,7 – 1,4
Administrations publiques locales
Solde – 0,4 – 0,7 – 0,3
Dépense publique (hors CI, en Md€) 316 336 322
Evolution de la dépense publique hors CI en volume (%) (3) 2,4 4,8 0,9
Administrations de sécurité sociales
Solde 0,4 0,0 0,6
Dépense publique (hors CI, en Md€) 738 776 761
Evolution de la dépense publique hors CI en volume (%) (3) – 0,1 3,2 1,7

 

Les chiffres en comptabilité nationale relatifs au projet de loi de fin de gestion pour 2024 se réfèrent, pour 2023, au compte publié par l’INSEE en comptabilité nationale en base 2020, et pour 2024, aux prévisions du Gouvernement dans la même base. Les prévisions relatives à la loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 en comptabilité nationale, antérieures au changement de base des comptes nationaux français, étaient relatives à la base antérieure des comptes nationaux, la base 2014.
(*) Loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027.
(1) A champ constant.
(2) Au sens du projet de loi de programmation des finances publiques pour 2023-2027.
(3) A champ constant, hors transferts entre administrations publiques.

 

Article

 

Exposé des motifs de l’article :
La prévision de solde public pour 2024 sous-jacente au projet de loi de finances de fin de gestion pour l’année 2024 (PLFG) tient compte des dernières informations en recettes et en dépense depuis le dépôt du projet de loi de finances pour 2025 (PLF 2025). Les hypothèses macroéconomiques sont inchangées par rapport au PLF 2024 : une croissance de l’activité de + 1,1 % en volume reste anticipée pour 2024.
Le solde public pour 2024 reste prévu à – 6,1 % du PIB, comme dans le PLF 2025 ainsi que dans le Plan budgétaire et structurel de moyen terme (PSMT).
De même, la prévision de solde structurel 2024 demeure inchangée par rapport au PLF 2025 et au PSMT 2025-2029, soit un niveau de – 5,7 % du PIB potentiel.
Par rapport au PLF 2025, les prélèvements obligatoires augmentent légèrement du fait de l’intégration de la prime de partage de la valeur dans le calcul des allégements généraux. Parallèlement, la prise en compte des remontées comptables les plus récentes conduit à des mouvements de faible ampleur sur les prévisions de recettes qui se compensent globalement.
Le schéma de fin de gestion conduit à une exécution des dépenses de l’Etat inférieure de 6 Md€ au niveau prévu dans le budget initial pour 2024 et améliore légèrement en comptabilité nationale le solde de l’ensemble des administrations publiques.
Concernant les administrations de sécurité sociale, la prévision d’exécution des dépenses sous ONDAM pour 2024 est inchangée par rapport au Projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS).
Enfin, les dernières remontées comptables dans le secteur local ne remettent pas en cause la prévision 2024 sous-jacente au PLF 2025 pour les dépenses de ce secteur.

Annexe

Article

 

ANNEXE 2
LES MODALITÉS D’ESTIMATION DU SOLDE STRUCTUREL DES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES

Le calcul du solde structurel
Pour apprécier la trajectoire des finances publiques, il est usuel de considérer le solde structurel, qui correspond au solde public corrigé des effets directs du cycle économique ainsi que des évènements exceptionnels. Le solde public est ainsi séparé en deux composantes :

– une composante conjoncturelle qui représente l’impact du cycle économique sur les dépenses et les recettes de l’ensemble des administrations publiques ;
– une composante structurelle correspondant à ce que serait le solde public si l’économie se situait à son niveau potentiel.

L’identification des composantes conjoncturelle et structurelle du déficit public repose fondamentalement sur l’estimation du PIB potentiel. Ce dernier représente le niveau de production que l’économie peut soutenir durablement sans faire apparaître de tension sur les facteurs de production capital et travail.
La méthodologie employée pour le calcul du solde structurel a été simplifiée dans le projet de loi de programmation des finances publiques (PLPFP) pour les années 2023 à 2027. Elle est désormais proche de celle retenue par la Commission européenne.
La composante conjoncturelle résulte dorénavant du produit entre l’écart de production et une semi-élasticité apparente à l’écart de production fixée à une valeur moyenne pour toute la période couverte par la loi de programmation (8). La valeur retenue de 2023 à 2027 est de 0,57 et repose sur :

– les élasticités estimées par l’OCDE. Concrètement, les parts conjoncturelles des recettes et des dépenses publiques sont évaluées de la manière suivante :
– du côté des recettes, seuls les prélèvements obligatoires sont supposés cycliques ;
– du côté des dépenses, seules les dépenses d’indemnisation du chômage sont considérées dépendre de la conjoncture (9) ;
– le poids moyen des impôts dans les recettes totales sur 2008-2017, celui des dépenses de chômage dans la dépense totale, et ceux des recettes totales et de la dépense totale dans le PIB sur la même période.

On calcule ainsi la composante conjoncturelle du déficit. Cette composante est déduite du solde effectif pour obtenir une estimation du solde structurel.
Une ultime correction est opérée sur le solde structurel afin d’exclure certains événements ou mesures qui, du fait de leur caractère exceptionnel, n’ont pas d’impact pérenne sur le solde public. A l’origine, cet ajustement a été introduit afin de neutraliser l’effet de la vente des licences UMTS à la fin des années 1990 et les diverses soultes perçues par l’Etat (IEG, La Poste, France Télécom) qui ont contribué à augmenter les recettes de manière exceptionnelle. Il n’existe toutefois pas de définition précise des mesures exceptionnelles et leur identification relève en partie de l’interprétation. Tout en soulignant que le caractère ponctuel et temporaire des mesures doit être apprécié au cas par cas, le Gouvernement propose un ensemble de critères permettant de mieux appréhender la notion dans une annexe à la loi de programmation.
La composition de l’ajustement structurel
La variation du solde structurel d’une année sur l’autre est appelée « ajustement structurel ».
Pour analyser l’orientation de la politique budgétaire, l’ajustement structurel peut se décomposer de la manière suivante :

– l’effort structurel, qui mesure la part de l’ajustement structurel imputable à des facteurs « discrétionnaires », c’est-à-dire maîtrisables par les décideurs publics :
– l’effort en dépense, qui compare le taux de croissance de la dépense publique en volume (déflatée avec le prix de PIB) à la croissance potentielle de l’économie. Il contribue à un ajustement structurel positif dès lors que les dépenses augmentent moins vite que le PIB potentiel ;
– le quantum de mesures nouvelles en prélèvements obligatoires ;
– la part « non discrétionnaire » de l’ajustement structurel, qui tient compte de l’évolution des recettes hors prélèvements obligatoires.

(8) La méthode retenue pour la loi de programmation 2018-2022 nécessitait, chaque année, un nouveau calcul de la semi élasticité apparente du solde conjoncturel à l’écart de production.
(9) S’agissant des autres dépenses, soit elles sont de nature discrétionnaire, soit aucun lien avec la conjoncture ne peut être mis en évidence de façon claire et fiable.

Date et signature(s)

Fait à Paris, le 31 octobre 2024.

Pour le Haut Conseil des finances publiques :
Le premier président de la Cour des comptes, président du Haut Conseil des finances publiques,
P. Moscovici


(1) Rapportée au PIB et présentée avec un chiffre après la virgule, comme dans l’article liminaire du projet de PLFG ; exprimée en Md€, la prévision du Gouvernement marque toutefois une amélioration, légère et non significative au regard de l’incertitude qui subsiste encore à ce stade de l’année sur le chiffre final, de 1,1 Md€, soit 0,04 point de PIB, par rapport à celle du PLF pour 2025,
(2) Du fait de la sortie du régime additionnel de la fonction publique du champ des administrations publiques.
(3) La révision de dépenses publiques pour 2024 entre les PLF et PLFSS 2024 et le PLFG 2024 atteint 35,3 Md€ mais résulte à hauteur d’environ 20 Md€ du changement de base opéré par l’INSEE, avec principalement l’intégration des dépenses de SNCF réseau, auparavant pris en compte dans les comptes publics à hauteur de son seul déficit.
(4) Règlement (UE) 2024/1263 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2024 relatif à la coordination efficace des politiques économiques et à la surveillance budgétaire multilatérale et abrogeant le règlement (CE) n° 1466/97 du Conseil.
(5) Décision 2024/0169 du Conseil sur l’existence d’un déficit excessif en France.
(6) Avis n° HCFP-2023-8 relatif aux projets de lois de finances et de financement de la sécurité sociale pour l’année 2024.
(7) En 2023, ceux-ci peuvent être estimés à environ un demi-point de PIB : le changement de base a rehaussé, selon l’INSEE, le déficit public d’un peu plus de 0,1 point de PIB ; il a aussi conduit le Gouvernement a réviser à la hausse l’écart de production et donc à la baisse, de 0,4 point de PIB, la part conjoncturelle du déficit.