🟧 Avis n° HCFP-2023-8 du 22 septembre 2023 relatif aux projets de lois de finances et de financement de la sécurité sociale pour l’année 2024

Références

NOR : HCFX2325648V
Source : JORF n°0225 du 28 septembre 2023, texte n° 120

Article

 

Synthèse
Le Haut Conseil considère que le scénario macroéconomique du Gouvernement pour 2023 est plausible. Grâce à une croissance plus dynamique qu’attendu au 2e trimestre, la prévision du Gouvernement (+ 1,0 % en moyenne annuelle), inchangée, n’est désormais plus au-dessus de la fourchette des estimations disponibles. La prévision d’inflation, quoiqu’encore un peu faible, et celle de masse salariale sont elles aussi plausibles.
La prévision de déficit public pour 2023 (4,9 points de PIB) est vraisemblable au vu notamment des informations disponibles sur les sept premiers mois de l’année, même si le rendement de certains impôts et le montant de certaines dépenses, notamment l’investissement des collectivités territoriales, restent incertains.
Pour 2024, le Haut Conseil estime que la prévision de croissance (+ 1,4 %), supérieure à celles du consensus des économistes (+ 0,8 %) et des organismes qu’il a auditionnés, est élevée. Pour la totalité des postes de demande (consommation, investissement, exportations), le Gouvernement est plus optimiste que ces organismes. La prévision de croissance suppose notamment que le durcissement des conditions de crédit a déjà produit l’essentiel de ses effets, en particulier sur l’investissement des ménages. Le Haut Conseil note les incertitudes importantes qui entourent l’analyse de la situation économique, du fait en particulier des difficultés actuelles à comprendre de nombreux comportements (taux d’épargne élevé des ménages, faiblesse de la productivité par exemple).
La prévision d’inflation pour 2024 (+ 2,6 %) est plausible. Elle est toutefois affectée d’un risque de dépassement lié notamment à l’évolution récente du prix du pétrole. Celle de masse salariale des branches marchandes non agricoles (+ 3,9 % hors prime de partage de la valeur) est elle aussi plausible, le caractère optimiste de la prévision d’emploi étant compensé par une hypothèse de ralentissement du salaire par tête qui paraît trop marqué.
La prévision de déficit public pour 2024 (4,4 points de PIB) conjugue principalement des hypothèses favorables et paraît optimiste. La prévision de prélèvements obligatoires est en effet tirée vers le haut par la prévision de croissance élevée de l’activité et, au-delà, par des hypothèses favorables sur le rendement de certains impôts (croissance de la TVA supérieure à celle de sa base taxable, arrêt de la baisse des droits de mutation à titre onéreux). De plus, les dépenses risquent de s’avérer plus élevées que prévu, notamment s’agissant du coût des dispositifs énergétiques et des dépenses de santé (Ondam).
Alors que le scénario du Gouvernement est marqué par une sortie des crises sanitaire et énergétique, le Haut Conseil note que, en dépit de l’extinction des mesures de soutien, les dépenses continueront à progresser sensiblement en 2024, davantage que recommandé par l’Union européenne (hausse nominale des dépenses primaires nettes de 2,6 % contre un plafond recommandé à 2,3 %) et ce alors même que la Commission européenne a annoncé la fin de la clause dérogatoire générale du Pacte de stabilité à compter de 2024. Dans un contexte où la progression importante de la charge d’intérêts contribue à accroître les dépenses, le PLF contient peu de mesures d’économies structurelles malgré le premier millésime des revues de dépenses organisé en 2023 et prévoit une quasi-stabilité du taux de prélèvements obligatoires.
En conséquence, le Gouvernement prévoit que le ratio de dette publique, après avoir baissé en 2023 grâce à une croissance inhabituellement forte du PIB en valeur, ne se réduirait pas en 2024. La stabilisation attendue en 2024 du ratio de dette est fragile, puisqu’elle s’appuie sur des prévisions optimistes de croissance et de dépenses. Ainsi la France, qui a vu sa position d’endettement relatif au sein de la zone euro se dégrader au cours des dernières années, conserverait en 2024 un niveau d’endettement élevé.
La soutenabilité à moyen terme des finances publiques continue donc à appeler la plus grande vigilance. Le Haut Conseil rappelle que le retour à des niveaux de dette permettant à la France de disposer de marges de manœuvre suffisantes est nécessaire pour être en mesure de faire face à l’avenir à des chocs macroéconomiques ou financiers et aux besoins d’investissement public élevés que nécessite en particulier la transition écologique.

 

Observations liminaires
1. Sur le périmètre du présent avis

1. En application du IV de l’article 61 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances modifiée, le Haut Conseil des finances publiques rend un avis sur :

– les prévisions macroéconomiques sur lesquelles reposent les projets de loi de finances (PLF) et de financement de la sécurité sociale (PLFSS) ;
– la cohérence de l’article liminaire des PLF et PLFSS, au regard des orientations pluriannuelles de solde structurel et de dépenses des administrations publiques définies dans la loi de programmation des finances publiques ;
– le réalisme des prévisions de recettes et de dépenses des PLF et PLFSS.

2. Sur les informations transmises

2. Le Haut Conseil des finances publiques a été saisi par le Gouvernement, le 15 septembre 2023, des prévisions macroéconomiques et de l’article liminaire du PLF et du PLFSS pour 2024. Cette saisine a été accompagnée par des réponses aux questionnaires adressés par le Haut Conseil aux administrations compétentes.

3. Sur la méthode utilisée

3. Afin d’apprécier le réalisme des prévisions macroéconomiques associées aux PLF et PLFSS pour 2024, le Haut Conseil a examiné les hypothèses retenues ainsi que les enchaînements économiques attendus. Il s’est fondé sur les dernières statistiques disponibles et sur les informations qui lui ont été communiquées par les administrations compétentes, concernant notamment les mesures de politique économique décidées par le Gouvernement.
4. Le Haut Conseil s’est également appuyé sur les dernières prévisions produites par un ensemble d’organismes comprenant des institutions nationales et internationales, dont la Banque centrale européenne (BCE), la Banque de France, la Commission européenne, le Fonds monétaire international (FMI), l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) et des instituts de conjoncture tels que l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) et Rexecode.
5. Le Haut Conseil a auditionné les représentants de la direction générale du Trésor, de la direction du budget et de la direction de la sécurité sociale. Il a également entendu des représentants de l’INSEE, de la Banque de France, de l’OFCE et de Rexecode.

6. Après une présentation de l’environnement économique international (I), le Haut Conseil formule son appréciation sur les prévisions macroéconomiques associées aux PLF et PLFSS pour 2024 (II), puis sur la cohérence de l’article liminaire des PLF et PLFSS, au regard des orientations pluriannuelles de solde structurel et de dépenses des administrations publiques définies dans la loi de programmation des finances publiques et le réalisme des prévisions de recettes et de dépenses des PLF et PLFSS (III).

I. – L’environnement économique international

7. La croissance de l’économie mondiale, après avoir faibli en 2023, ne devrait pas rebondir en 2024, pénalisée par une inflation certes en baisse mais toujours élevée et des politiques monétaires restrictives au sein des pays développés.
8. Aux Etats-Unis, en dépit du relèvement des taux des Fed Funds par la Réserve Fédérale au rythme le plus rapide observé depuis 40 ans pour les porter à 5,375 %, la croissance a bien résisté au premier semestre 2023. Plus de 3 millions d’emplois ont été créés au cours des 12 derniers mois et le taux de chômage se maintient à un niveau historiquement bas (3,8 % de la population active en août). La hausse de l’emploi et le repli de l’inflation ont soutenu la croissance du revenu réel des ménages et donc leur consommation, tirée en outre par une forte baisse du taux d’épargne. L’ampleur du soutien budgétaire en faveur des infrastructures et de la réindustrialisation (Inflation Reduction Act et Chips Act de l’administration Biden) a également stimulé l’investissement. La dégradation en cours de la situation financière des ménages, qui ont déjà largement puisé dans l’épargne accumulée pendant la crise sanitaire pour nourrir leur consommation, ainsi que le resserrement monétaire et ses effets sur l’octroi de crédits, devraient cependant peser sur la croissance de l’économie américaine en 2024. Le Consensus Forecasts publié en septembre la prévoit à 0,8 %.
9. Le rebond de la croissance chinoise qui a suivi la levée des restrictions liées à la lutte contre l’épidémie de Covid-19 s’est révélé de courte durée. Les inquiétudes sur l’évolution du secteur immobilier et la situation de l’emploi pèsent sur la consommation des ménages et l’investissement des entreprises, les agents privilégiant l’augmentation de leur taux d’épargne et le désendettement. L’exacerbation des tensions géopolitiques s’est traduite par une chute des investissements étrangers et un affaiblissement des exportations. L’évolution récente des prix à la consommation (+ 0,1 % sur un an en août, après – 0,3 % en juillet) et le surendettement de certains acteurs majeurs de l’immobilier ainsi que des collectivités locales devraient continuer de peser sur l’économie chinoise dans les trimestres à venir, d’autant que les autorités chinoises semblent peu enclines à stimuler la croissance. Ainsi, la Chine ne devrait pas être le moteur de l’économie mondiale en 2024.
10. Parallèlement, les économies de la zone euro traversent une phase de ralentissement. Les indicateurs publiés durant l’été (voir notamment les indicateurs de confiance sur le graphique 1) signalent que l’activité pourrait se contracter dans plusieurs pays européens. La hausse des taux de la BCE de 450 points de base depuis juillet 2022, qui porte désormais le taux de dépôt à 4 %, affecte progressivement les économies : le taux des crédits distribués par le secteur financier a augmenté significativement et la demande de crédits a chuté, en lien avec une diminution des investissements et une dégradation du marché immobilier.

Graphique 1. – Enquêtes de la Commission européenne adressées aux entreprises en zone euro (indicateurs de sentiment économique)
Vous pouvez consulter l’image dans le fac-similé du

JOnº 0225 du 28/09/2023, texte nº 120

Source : Commission européenne.
A noter : les indicateurs de confiance publiés par la Commission européenne ont été centrés-réduits (moyenne et écart-type calculés sur la période 1995-2019).

 

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11. En Allemagne, en particulier, les perspectives se sont nettement assombries pour les prochains mois et les différents instituts de conjoncture prévoient une contraction du PIB sur l’ensemble de l’année 2023 (1). L’industrie allemande est affectée par le ralentissement de certains de ses grands marchés à l’exportation et les secteurs fortement utilisateurs d’énergie (la chimie notamment) souffrent d’une perte de compétitivité. Le retour de la croissance interviendrait en 2024 mais elle resterait à un niveau faible compris entre 1 % et 1,3 %. L’activité en Allemagne serait tirée par un rebond de la consommation, grâce à la conjonction de la forte hausse des salaires et du recul de l’inflation qui redonnerait du pouvoir d’achat aux ménages.
12. Au total, la croissance mondiale, après s’être tassée en 2023, resterait globalement inchangée en 2024 (cf. tableau 1).

Tableau 1. – Prévisions de croissance annuelle en volume du PIB mondial (en %)

 

Date de publication 2022 2023 2024
DG Trésor 12 septembre 3,5 3,0 3,0
OCDE 19 septembre 3,3 3,0 2,7
Consensus Forecasts 11 septembre 2,9 2,4 2,1
FMI 25 juillet 3,5 3,0 3,0
Banque mondiale 6 juin 3,1 2,1 2,4

 

Sources : scénario international de la DG Trésor de septembre 2023, perspectives économiques de l’OCDE de septembre 2023, Consensus Forecasts de septembre 2023, perspectives économiques du FMI de juillet 2023, perspectives économiques de la Banque mondiale de juin 2023 (2).

 

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13. Les perspectives de croissance de l’économie mondiale restent soumises à de nombreuses incertitudes. Les tensions géopolitiques et en particulier la poursuite du conflit en Ukraine sont susceptibles de rendre les prix des matières premières plus volatils, comme l’illustre la hausse récente des prix du pétrole, passés de 80 $ à la fin juillet à 90 $ à la mi-septembre suite à la décision de l’OPEP+ de restreindre son offre de pétrole (voir graphique 2). Par ailleurs, la vitesse et l’ampleur du repli de l’inflation, qui conditionnent la trajectoire à venir des taux d’intérêt des banques centrales, demeurent incertaines ; il en est de même des effets de la hausse des taux déjà effectuée sur la croissance et l’inflation. Enfin, les risques sanitaires, s’ils ont nettement reflué, n’ont pas totalement disparu.

Graphique 2. – Prix du pétrole (baril de Brent)
Vous pouvez consulter l’image dans le fac-similé du

JOnº 0225 du 28/09/2023, texte nº 120

Source : INSEE.

 

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II. – Observations sur les prévisions macroéconomiques pour 2023 et 2024
1. Le scénario du Gouvernement

14. Selon la saisine du Gouvernement, « En moyenne annuelle, l’activité [en 2023] progresserait de + 1,0 %, inchangée par rapport au PSTAB. […] En 2024, l’activité accélèrerait à + 1,4 % avec, dans la continuité du deuxième semestre 2023, des dynamiques contrastées selon les postes de la demande. Le principal soutien à l’activité serait l’accélération progressive de la consommation des ménages en parallèle de la normalisation de l’inflation. Les exportations seraient également bien orientées, profitant d’un rebond de la demande mondiale et d’une poursuite du rattrapage partiel des pertes de performances : la contribution du commerce extérieur serait ainsi légèrement positive, les importations étant elles aussi dynamiques du fait du rebond de la consommation. En revanche, l’investissement pâtirait de la hausse des taux d’intérêts réels et ralentirait (+ 0,3 % après + 1,6 %). »
15. « L’inflation (au sens de l’IPC) ralentirait légèrement en 2023, à + 4,9 % en moyenne annuelle (après + 5,2 % en 2022). Sa composition évoluerait toutefois sensiblement par rapport à 2022. […] L’inflation diminuerait sensiblement en 2024, à + 2,6 %. La normalisation de l’inflation reposerait largement sur le ralentissement des prix alimentaires et manufacturés. […] La contribution énergétique resterait limitée. Les services deviendraient ainsi les principaux contributeurs à l’inflation, en particulier ceux réagissant le plus aux dynamiques salariales (hôtellerie-restauration, services aux ménages, etc.). »
16. « La masse salariale privée des branches marchandes non-agricoles (BMNA) progresserait de + 6,5 % [en 2023], portée principalement par le dynamisme des salaires. L’emploi salarié marchand non-agricole bénéficierait en moyenne annuelle des créations d’emploi dynamiques tout au long de 2022, tout en restant peu dynamique sur l’année 2023 (pour une progression de + 1,3 % en moyenne annuelle). […] La masse salariale ralentirait en 2024 (+ 3,6 %) en lien avec le ralentissement des salaires lié au repli de l’inflation et un emploi peu allant en moyenne annuelle, les réformes pour soutenir l’emploi (poursuite du déploiement de l’apprentissage, premiers effets de la réforme de la contracyclicité de l’assurance chômage et de la réforme des retraites notamment) ne commençant à produire des effets qu’en fin d’année. L’emploi salarié marchand non-agricole augmenterait ainsi de + 0,5 % en moyenne annuelle. Le salaire moyen par tête (SMPT) nominal ralentirait sensiblement à + 3,1 % dans le sillage de l’inflation (avec des effets mécaniques importants sur le SMIC), pénalisé par une productivité nettement moins dynamique que les salaires réels en cumulé depuis 2019. »

2. Appréciation du Haut Conseil

17. Le Haut Conseil examine successivement les hypothèses de croissance de l’activité, d’inflation, d’emploi et de masse salariale du secteur privé.

a) La croissance de l’activité

18. Le Gouvernement prévoit une croissance du PIB de 1,0 % en moyenne annuelle en 2023, inchangée depuis le programme de stabilité, et de 1,4 % en 2024, révisée en baisse de 0,2 point par rapport au programme de stabilité.
19. L’activité économique au deuxième trimestre, en hausse de 0,5 % en rythme trimestriel, a été plus soutenue qu’anticipé, portant l’acquis de croissance à 0,8 % à la fin du premier semestre. L’économie française semble être cependant entrée dans une phase de ralentissement. L’environnement international se dégrade, notamment chez nos partenaires européens, le resserrement de la politique monétaire commençant à se faire sentir au-delà du secteur immobilier d’ores et déjà fortement affecté. Les informations conjoncturelles disponibles sur le troisième trimestre (enquêtes INSEE et PMI) montrent un fléchissement des anticipations des chefs d’entreprise et une confiance des ménages qui peine à se redresser. La prévision du Gouvernement d’une croissance de 1 % en 2023, comparable à celle de la Commission européenne, reste cependant plausible car une croissance trimestrielle légèrement positive sur les deux derniers trimestres est suffisante pour l’atteindre.

Graphique 3. – Indicateur du climat des affaires en France
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JOnº 0225 du 28/09/2023, texte nº 120

Source : INSEE.

 

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20. Le Gouvernement anticipe une amélioration de la croissance en 2024, à 1,4 % en moyenne annuelle. Cette prévision s’accompagne d’un rééquilibrage des composantes de la demande en faveur de la consommation (+ 1,8 %), soutenue par la hausse du pouvoir d’achat (+ 1,3 %), supérieure à celle retenue par les autres prévisionnistes auditionnés par le Haut Conseil (3), et par une légère baisse du taux d’épargne (- 0,4 point, à 18,2 %), en revanche moins forte que celle des autres instituts (4). L’investissement, notamment des entreprises est prévu en progression, modérée, en dépit du durcissement de la politique monétaire de la BCE. Le Gouvernement prévoit une contribution du commerce extérieur légèrement positive, portée notamment par un rebond de la demande mondiale adressée à la France (+ 3,0 % après – 0,5 % en 2023).
21. La prévision du Gouvernement pour 2024 est supérieure à l’ensemble des prévisions disponibles. Elle est légèrement supérieure à celle de l’OCDE (+ 1,2 %), de la Commission européenne (+ 1,2 %) et du FMI (+ 1,3 %). Elle l’est nettement à celle du consensus des économistes (Consensus Forecasts) du mois de septembre (0,8 %, leurs prévisions s’étageant entre 0,3 % à 1,3 %) et des institutions consultées par le Haut Conseil (Banque de France, Rexecode, OFCE) qui prévoient une croissance de l’économie française comprise entre 0,4 % et 0,9 %.

Tableau 2. – Prévisions de croissance du PIB de la France en 2023 et en 2024

 

Date de publication 2023 2024
Gouvernement 15 septembre 1,0 1,4
OCDE 19 septembre 1,0 1,2
Banque de France 18 septembre 0,9 0,9
OFCE 15 septembre 0,9 0,8
Rexecode 13 septembre 0,9 0,4
Consensus Forecasts 11 septembre 0,8 0,8
Commission européenne 11 septembre 1,0 1,2
Insee 7 septembre 0,9
FMI 25 juillet 0,8 1,3

 

Source : projet de loi de finances pour 2024, prévisions des organismes et instituts de conjoncture.

 

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22. La comparaison, dans le détail, des scénarios proposés par les instituts auditionnés par le Haut Conseil montre que, quelle que soit la composante du PIB, la prévision de croissance du Gouvernement se situe dans la fourchette haute des prévisions. C’est notamment le cas pour la consommation des ménages, la consommation des administrations publiques et l’investissement total. Au total, la contribution de la demande intérieure hors stocks, attendue à 1,4 point en 2024 par le Gouvernement, est très supérieure à celle inscrite par les autres instituts auditionnés.
23. Certaines hypothèses du Gouvernement apparaissent de fait fragiles. La prévision du Gouvernement suppose ainsi que le durcissement des conditions du crédit, en lien avec le resserrement progressif de la politique monétaire opéré depuis un peu plus d’un an par la BCE, aura un impact limité sur l’investissement des entreprises en 2024 et entraînera un recul beaucoup plus faible de l’investissement des ménages en 2024 qu’en 2023, contrairement aux prévisions des instituts auditionnés par le Haut Conseil.
24. La prévision de croissance du Gouvernement pour 2023 est plausible. Grâce à une croissance plus dynamique qu’attendu au 2e trimestre, elle est désormais proche des autres prévisions disponibles.
25. Pour 2024, le Haut Conseil estime que la prévision de croissance (+ 1,4 %), supérieure à celles du consensus des économistes (+ 0,8 %) et des organismes qu’il a auditionnés, est élevée. Pour la totalité des postes de demande (consommation, investissement, exportations), le Gouvernement est plus optimiste que ces organismes. La prévision de croissance suppose notamment que le durcissement des conditions de crédit a déjà produit l’essentiel de ses effets, en particulier sur l’investissement des ménages. Le Haut Conseil note les incertitudes importantes qui entourent l’analyse de la situation économique, du fait en particulier des difficultés actuelles à comprendre de nombreux comportements (taux d’épargne élevé des ménages, faiblesse de la productivité par exemple).

b) La hausse des prix à la consommation

26. Le Gouvernement prévoit, comme dans le programme de stabilité, une augmentation de l’indice des prix à la consommation (IPC) de 4,9 % en moyenne annuelle en 2023. Cette prévision inchangée résulte d’une révision à la hausse de la progression prévue des prix des services (+ 0,5 point, à 3,1 %) et à la baisse de celle des prix de l’énergie (- 3 points, à 5,1 %). L’inflation sous-jacente serait ainsi un peu plus forte qu’anticipé en avril (à 5,1 % en moyenne annuelle).
27. L’inflexion de l’inflation sous-jacente, observée en avril, a été un peu plus tardive que celle de l’inflation totale, dont le glissement annuel a atteint un pic dès février (cf. graphique 4). Son acquis à fin août s’élève à 5,1 % pour 2023.

Graphique 4. – Inflation totale et sous-jacente
Vous pouvez consulter l’image dans le fac-similé du

JOnº 0225 du 28/09/2023, texte nº 120

Source : INSEE.

 

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28. La prévision d’inflation sous-jacente du Gouvernement pour 2023 suppose ainsi une quasi-stabilisation de l’indice sous-jacent au cours des quatre derniers mois de l’année, qui n’est pas incompatible avec son évolution récente (+ 0,1 % sur les trois derniers mois). Celle d’inflation totale est proche des autres prévisions disponibles (cf. tableau 3). Elle est donc jugée plausible par le Haut Conseil, même si elle risque d’être légèrement dépassée du fait notamment du rebond récent des prix du pétrole.
29. Pour 2024, sous une hypothèse d’un prix du pétrole à 86,1 dollars (78,7 euros) le baril de Brent, l’inflation totale est prévue à 2,6 % en moyenne annuelle. L’inflation sous-jacente reculerait à 2,4 %, contre une prévision à 2,7 % dans le programme de stabilité. Le repli de la hausse des prix alimentaires et manufacturés se poursuivrait, la transmission du reflux passé des coûts de production aux prix à la consommation restant incomplète à ce stade. Les prix des services progresseraient de 3,1 % sur un an (+ 0,2 point par rapport au programme de stabilité), un rythme proche de celui observé depuis février et bien plus élevé que celui constaté avant la crise sanitaire (+ 1,8 % en moyenne de 1995 à 2019), du fait de hausses de salaires plus dynamiques.
30. La prévision d’inflation du Gouvernement pour 2024 se situe dans la fourchette des prévisions disponibles (cf. tableau 3), dont l’amplitude témoigne d’un degré élevé d’incertitude portant notamment sur la dynamique des prix énergétiques et alimentaires, l’ampleur et la vitesse de l’effet des négociations entre producteurs et distributeurs sur ces derniers restant en particulier très incertaines.

Tableau 3. – Prévisions d’inflation (IPC) en moyenne annuelle en %

 

Date de publication 2023 2024
Gouvernement 15 septembre 4,9 2,6
Banque de France (estimation tirée de la prévision d’IPCH) 18 septembre 4,9 2,4
OFCE 15 septembre 5,2 3,6
Rexecode 13 septembre 5,1 3,0
Consensus Forecasts 11 septembre 5,0 2,7
Insee 7 septembre 5,0

 

Sources : projet de loi de finances pour 2024, prévisions des organismes et instituts de conjoncture.

 

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31. Dans ce contexte, les prévisions d’inflation en 2023 et en 2024 sont plausibles, même si elles sont affectées d’un risque de dépassement lié notamment à l’évolution récente du prix du pétrole.

c) L’emploi et la masse salariale du secteur privé

32. Le Gouvernement prévoit une croissance de la masse salariale du secteur marchand de 6,5 % en 2023, en hausse de 0,4 point par rapport au programme de stabilité. Cette révision est essentiellement imputable à la révision à la hausse de l’emploi salarié dans les branches marchandes (+ 0,4 point).
33. Pour 2024, le Gouvernement relève également sa prévision de masse salariale à + 3,6 %, soit + 0,2 point par rapport au programme de stabilité, du fait d’une révision à la hausse du salaire moyen par tête (+ 0,3 point) qui fait plus que compenser un abaissement des hypothèses sur la dynamique de l’emploi (- 0,2 point).

Tableau 4. – Masse salariale du secteur marchand non agricole (évolutions en %)

 

2023 2024
Effectifs salariés marchands 1,3 0,5
Salaire moyen par tête 5,3 3,1
Salaire moyen par tête hors prime de partage de la valeur 5,1 3,4
Masse salariale 6,5 3,6
Masse salariale hors prime de partage de la valeur 6,3 3,9

 

Source : projet de loi de finances pour 2024.

 

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34. S’agissant du salaire moyen par tête, la prévision du Gouvernement apparaît plausible pour 2023 mais un peu basse pour 2024, nettement inférieure à celle des instituts auditionnés par le Haut Conseil. Elle semble ainsi sous-estimer les effets retardés de l’inflation sur les salaires.
35. La prévision du Gouvernement s’appuie notamment sur l’hypothèse d’importants versements de la prime de partage de la valeur (PPV) au 2e semestre 2023, qui contribueraient à hauteur de 0,2 point à la dynamique du salaire moyen en 2023 et limiteraient ainsi à + 5,1 % la progression du salaire moyen soumis à cotisations sociales et impôt sur le revenu en 2023. Pour 2024, le Gouvernement anticipe un repli des versements de la prime, qui pèserait sur la dynamique du salaire moyen (- 0,3 point). En conséquence, le salaire moyen par tête hors PPV augmenterait plus rapidement (+ 3,4 %) en 2024.
36. Les créations d’emplois salariés dans les branches marchandes non agricoles en 2023 ont été revues à la hausse par rapport au programme de stabilité pour atteindre + 1,3 % en moyenne annuelle, signe de gains de productivité une nouvelle fois plus faibles que prévu. Ce scénario traduit toutefois une légère reprise des gains de productivité au deuxième semestre 2023. En 2024, le Gouvernement fait l’hypothèse d’un retour à des gains de productivité élevés (+ 1,2 % en moyenne annuelle). Ainsi, en dépit d’une progression de la valeur ajoutée marchande de 1,6 %, l’emploi salarié marchand ne progresserait que de 0,5 % en moyenne annuelle en 2024.
37. La croissance de l’emploi pour 2024 semble toutefois encore un peu haute. En effet, le caractère optimiste de la prévision de croissance affecte dans le même sens la prévision d’emploi. Même en supposant des gains de productivité deux fois plus faibles – une hypothèse plus réaliste au regard de la tendance atone de productivité enregistrée depuis trois ans, un phénomène par ailleurs quasi général en zone euro (cf. encadré) -, une croissance proche de celle du consensus (+ 0,8 % en 2024) impliquerait un emploi encore moins dynamique. Ainsi, la prévision de masse salariale du Gouvernement pourrait être atteinte, mais avec une croissance du salaire moyen plus haute et de l’emploi plus faible.

Vous pouvez consulter l’intégralité du texte avec ses images à partir de l’extrait du Journal officiel électronique authentifié accessible en bas de page

38. La prévision de masse salariale et d’emploi pour 2023 est plausible. La prévision de masse salariale pour 2024 est elle aussi plausible, le caractère optimiste de la prévision d’emploi étant compensé par une hypothèse de ralentissement du salaire par tête qui paraît trop marqué.

III. – Observations sur la cohérence de l’article liminaire des PLF et PLFSS, au regard des orientations pluriannuelles de solde structurel et de dépenses des administrations publiques définies dans la LPFP, et le réalisme des prévisions de recettes et de dépenses des PLF et PLFSS

39. Après avoir présenté le scénario du Gouvernement (1), le Haut Conseil apprécie le réalisme des prévisions des recettes et des dépenses (2) puis la cohérence de l’article liminaire du projet de loi de finances avec les orientations pluriannuelles de solde structurel (6) et de dépenses des administrations publiques définies dans la loi de programmation des finances publiques (3) et enfin examine les évolutions attendues de la dette publique (4).

1. Le scénario du Gouvernement

40. Selon la saisine du Gouvernement, « En 2023, le déficit public prévu s’établit à 4,9 % du PIB, contre 5,0 % prévu dans la loi de finances initiale (LFI) pour 2023, après 4,8 % en 2022. […] En 2024, le solde public s’améliorerait par rapport à 2023 et atteindrait – 4,4 % du PIB, comme inscrit dans le Programme de stabilité 2023-2027. »
41. « Retraçant ces évolutions, après s’être établi à 45,6 % du PIB en 2022, le taux de prélèvements obligatoires corrigé des effets du bouclier tarifaire s’établirait à 44,4 % en 2024, stable par rapport à 2023.
42. Après 57,7 % en 2022, le ratio de dépense publique (hors crédits d’impôts) reculerait à 55,9 % du PIB en 2023 puis à 55,3 % en 2024. »
43. « La croissance potentielle serait de 1,35 % en 2023 comme en 2024. L’écart de production estimé tient compte des effets de l’enchaînement de la crise Covid et des conséquences de l’invasion russe en Ukraine. »
44. « Avec une croissance établie à 1,4 %, le solde conjoncturel serait quasi stable. L’amélioration du solde prévu s’explique donc par un redressement du solde structurel de 0,5 point de PIB en 2024, du fait principalement de la sortie progressive des mesures temporaires relatives à la hausse des prix de l’énergie, de relance, et de soutien. Cet effet serait partiellement compensé notamment par la hausse de la charge d’intérêt de la dette, matérialisant les effets de la hausse des taux. »

2. Appréciation du réalisme des recettes et des dépenses

45. Le Haut Conseil s’est attaché à apprécier le réalisme des prévisions de recettes et de dépenses sur la base des informations dont il dispose.

a) Les recettes

46. En 2023, les prélèvements obligatoires augmenteraient, selon le Gouvernement, de 3,7 % pour atteindre 1 241,1 Md€. Cette prévision du PLF pour 2023 est légèrement révisée à la baisse par rapport au programme de stabilité (- 6,1 Md€) sous l’effet notamment de certaines rentrées fiscales moins élevées qu’anticipé en avril et de mesures nouvelles dont l’impact budgétaire, prévu légèrement favorable en avril (+ 0,3 Md€), est devenu nettement négatif (- 4,0 Md€), notamment en raison de gains de charges de service public de l’énergie (enregistrés en recettes) et de recettes de la contribution sur les rentes infra-marginales des producteurs d’électricité moins élevés que prévu (7).
47. L’évolution des recettes de prélèvements obligatoires en 2023 refléterait une croissance spontanée (+ 4,0 %) sensiblement inférieure à celle du PIB en valeur (+ 6,8 %), se traduisant par une élasticité des recettes nettement inférieure à l’unité (0,6), après deux années d’élasticité particulièrement élevée.
48. L’analyse des principaux impôts ne fait pas ressortir de biais important pour 2023.
49. La prévision de croissance spontanée des recettes de TVA pour 2023 est abaissée par rapport au programme de stabilité (+ 4,1 % contre + 5,8 %), soit une progression nettement en deçà de celle des emplois taxables (+ 5,8 %), étayée par les remontées comptables sur les sept premiers mois de l’année, l’écart pouvant être lié à des besoins de trésorerie accrus des entreprises dans un contexte de taux d’intérêt en hausse.
50. La prévision de croissance des recettes d’impôt sur le revenu en 2023 (+ 1,9 %) marque un net ralentissement par rapport à 2022 (+ 13,1 %), dû à la fois à celui des revenus d’activité en 2023 soumis au prélèvement à la source, à des mesures de baisse de l’impôt d’un montant plus élevé qu’en 2022 et à l’impact sur le solde au titre de 2022 d’une revalorisation du barème sur l’inflation allant au-delà de la croissance des revenus moyens d’activité. Le ralentissement pourrait toutefois se révéler un peu moins marqué que prévu par le Gouvernement, du fait notamment du dynamisme des prélèvements à la source sur les revenus mobiliers.
51. Le recul anticipé pour 2023 des droits de mutation à titre onéreux (DMTO), dans un contexte de recul des prix et surtout des volumes de transactions, a été nettement creusé par rapport au programme de stabilité (- 16,0 % contre – 6,0 %), mais pourrait être encore plus fort au vu des remontées comptables sur les sept premiers mois de l’année et de la dégradation en cours du marché immobilier.
52. En revanche, la croissance spontanée des droits de mutations à titre gratuit (+ 6,6 %) apparaît en deçà de ce qui ressort des données sur le premier semestre et semble à ce titre un peu faible.
53. En 2024, la prévision de prélèvements obligatoires (à 1 292,2 Md€, soit + 4,1 % par rapport à 2023) est très proche de celle du PIB en valeur (+ 4,0 %). Les mesures nouvelles viendraient amputer les recettes de prélèvements obligatoires à hauteur de 1,5 Md€.
54. Cette prévision paraît haute du fait notamment d’une hypothèse de croissance de l’activité optimiste. Ce biais affecte plus particulièrement les prélèvements obligatoires dont les assiettes sont les plus corrélées au PIB, en particulier la TVA ainsi que l’impôt sur les sociétés via le versement du 5e acompte et la TICPE.
55. La dynamique de la TVA (+ 4,8 %) paraît en outre un peu élevée en regard de la croissance des emplois taxables anticipée par le Gouvernement (+ 3,8 %). Elle repose sur une hypothèse optimiste de correction partielle de l’écart de sens inverse apparu en 2023. L’élasticité inférieure à 1 de la TVA à sa base taxable en 2023, intervenant après plusieurs années d’élasticité au contraire supérieure à 1, ne justifie en effet pas nécessairement un rattrapage en 2024.
56. De surcroît, la stabilité des recettes prévues de DMTO paraît optimiste compte tenu de la tendance actuelle de baisse des prix et des volumes de transactions immobilières.
57. La prévision de prélèvements sociaux sur les revenus d’activité et de remplacement et celle de l’impôt sur le revenu apparaissent cohérentes avec la prévision de la progression de la masse salariale retenue par le Gouvernement pour 2024, jugée plausible par le Haut Conseil (cf. supra). La prévision de cotisations sociales apparaît toutefois un peu élevée, car quasi identique à celle de la masse salariale alors que la revalorisation du SMIC devrait être encore importante en 2024 et pousser de ce fait les allègements de cotisations à la hausse.
58. Pour 2023, le Haut Conseil estime que les prévisions de prélèvements obligatoires sont plausibles. Pour 2024, les recettes semblent un peu surestimées. Elles sont tirées vers le haut par la prévision de croissance élevée de l’activité et, au-delà, par des hypothèses favorables sur le rendement de certains impôts (croissance de la TVA supérieure à celle de sa base taxable, arrêt de la baisse des droits de mutation à titre onéreux).

b) Les dépenses

59. En 2023, les dépenses publiques hors crédits d’impôts augmenteraient de 3,4 % en valeur pour s’élever à 55,9 points de PIB (contre 57,7 points en 2022). En volume, corrigé par l’indice des prix à la consommation hors tabac (IPCHT), elles reflueraient de 1,3 % (8). Ce repli résulte de la quasi-extinction des dépenses liées à la crise sanitaire et de la baisse du coût des mesures liées à l’inflation et des dépenses de relance. Ainsi, une fois ces dépenses exclues, les dépenses publiques augmenteraient de 5,4 % en valeur et de 0,5 % en volume.
60. Les dépenses publiques en 2023 seraient plus faibles qu’annoncé dans le programme de stabilité en avril 2023 : le coût des mesures liées à l’énergie est fortement revu à la baisse (9), ainsi que les crédits de ministères, ce qui fait plus que compenser la révision à la hausse de 3 Md€ de l’Ondam. Cette dernière provient de différentes mesures prises en cours d’année (hausse du point d’indice, revalorisations catégorielles à l’hôpital) et d’une dynamique spontanée plus forte que prévu des soins de ville.
61. Les dépenses des collectivités locales progresseraient de 5,8 %, un chiffre cohérent avec les remontées comptables disponibles à fin août 2023 mais plus élevé que prévu précédemment : les collectivités locales ont été affectées par la hausse des coûts de l’énergie et par la hausse de 3,5 % du point d’indice mi-2022, qui joue donc en année pleine en 2023, ainsi que par la revalorisation intervenue au 1er juillet 2023, tandis que leur investissement est plus dynamique qu’usuellement au même point du cycle électoral communal.
62. La prévision actualisée de dépenses publiques pour 2023 est plausible.

 

Encadré : l’impact sur les finances publiques des mesures de soutien face à la crise énergétique
Deux dispositifs liés à l’évolution des prix de l’électricité auront un impact potentiellement significatif sur les finances publiques en 2024 : le blocage tarifaire pour l’électricité et les charges de service public de l’énergie (CSPE).
Le blocage tarifaire pour l’électricité, comme le bouclier tarifaire pour le gaz, est une mesure de soutien aux consommateurs, limitant leur facture énergétique, adoptée en réaction à la crise énergétique à partir de l’hiver 2021/2022. L’Etat a pris en charge pour les clients concernés par ces mesures la différence de prix entre les tarifs réglementés qui auraient prévalu en l’absence de mesure (tarif dit « hors gel ») et les tarifs dits « gelés », i.e. payés par les consommateurs. Ces dispositifs présentent un coût important pour les finances publiques, à hauteur de 18,2 Md€ en 2023 selon le PLF 2024, montant essentiellement imputable au blocage des tarifs de l’électricité. Ce coût est par ailleurs difficile à évaluer ex ante du fait de la volatilité des prix de marché. Ainsi, il a été révisé à la baisse de moitié entre le PLFRSS présenté en janvier 2023 et le PLF.
Le blocage tarifaire pour l’électricité est prolongé jusque début 2025. Le tarif réglementé de vente de l’électricité (TRVE) hors gel dépend des prix de marché via deux composantes : l’approvisionnement sur le marché, lissé sur un ou deux ans d’une part, et au cours des deux derniers mois de l’année d’autre part. Ainsi, le TRVE hors gel fixé en février 2024 dépendra, s’agissant de ses deux composantes volatiles, des prix de marché des derniers mois de 2023. L’incertitude reste marquée s’agissant du coût du dispositif en 2024. Il dépendra à la fois du TRVE hors gel et du niveau retenu par le Gouvernement pour le TRVE « gelé ». Le coût de la mesure s’élèverait à environ 3 Md€ en 2024 si le prix pour une livraison en 2024 (produit base) diminuait d’ici la fin de l’année pour rapport au niveau d’août. Dans ce scénario, le coût de la mesure se concentrerait sur le seul mois de janvier 2024 puisque le tarif « hors gel » rejoindrait dès février le tarif « gelé ». A l’inverse, si un nouveau choc survenait sur ce marché (prix à 360 €/MWh en fin d’année 2023), le coût de la mesure atteindrait environ 13,5 Md€. L’estimation du coût de la mesure par le Gouvernement à 2,8 Md€ se situe ainsi dans le bas de la fourchette d’estimation. Le coût du bouclier électricité prévu par le Gouvernement semble de ce fait un peu bas.
Parallèlement, les CSPE sont les charges supportées par l’Etat dans le cadre des dispositifs de soutien aux énergies renouvelables (EnR). Ces dispositifs visent à garantir la rentabilité de la production d’EnR, soit directement par des tarifs d’achat fixés à l’avance, soit indirectement en compensant aux producteurs la différence entre le prix de marché moyen et un tarif de référence. Les CSPE sont donc un dispositif préexistant à la crise énergétique récente mais dont le coût pour les finances publiques est fortement affecté par cette dernière. Les prix de marché sont devenus en 2022 et début 2023 nettement supérieurs aux tarifs garantis et ont donc entraîné des économies importantes par rapport au coût normal du dispositif, les mécanismes de soutien étant symétriques dans l’ensemble. Comme pour les boucliers, l’impact des CSPE sur les finances publiques a connu de fortes révisions. Évalué à hauteur de 23,8 Md€ dans le PLFRSS, le gain de CSPE en 2023 a été revu à la baisse dans le PLF pour 2024 à 8,6 Md€ compte tenu du repli des prix de marché par rapport au pic enregistré à l’été 2022. L’essentiel du gain de CSPE en 2023 est déjà déterminé par les prix passés : l’impact final sur les finances publiques devrait s’établir à un niveau proche de cette dernière évaluation.
L’incertitude apparaît en revanche marquée pour 2024. Dans le PLF pour 2024, le Gouvernement évalue les gains de CSPE à 6,7 Md€ en 2024, une prévision qui apparaît cohérente avec les prix à terme observés en août 2023 (autour de 160 €/MWh pour une livraison en 2024). Deux scénarios polaires d’évolution des prix fin 2023 (à 60 €/MWh ou à 360 €/MWh) conduiraient à une fourchette comprise entre un coût nul et un gain de 20 Md€.
Selon le PLF pour 2024, les finances publiques enregistreraient un gain net des deux mesures à hauteur de 3,9 Md€ en 2024 (après un coût de 7,3 Md€ en 2023) mais, compte tenu de l’évaluation un peu basse du coût du bouclier électricité, la prévision du Gouvernement apparaît un peu optimiste. Par ailleurs, selon l’évolution des prix de marché, l’impact sur les finances publiques pourrait aller d’un gain net de 6,5 Md€ à un coût net de 3 Md€.
Il existe toutefois d’autres mesures liées à la crise énergétique affectant négativement les finances publiques, comme la baisse de la taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité (TICFE), conduisant à un coût net toujours positif de l’ensemble des mesures de soutien selon le PLF.

 

63. En 2024, les dépenses augmenteraient (3,0 % en valeur, mais 0,5 % en volume). La progression serait encore plus sensible (4,8 % en valeur et 2,2 % en volume) une fois neutralisées les mesures exceptionnelles de soutien.

Graphique 5. – Evolution de la dépense publique en 2024
Vous pouvez consulter l’image dans le fac-similé du

JOnº 0225 du 28/09/2023, texte nº 120

Source : projet de loi de finances pour 2024.

 

Article

 

64. Ainsi, malgré l’extinction des mesures de soutien, les dépenses continueront à progresser sensiblement en 2024, davantage que recommandé par l’Union européenne. Dans la recommandation-pays adressée à la France dans le cadre du « semestre européen » en juin dernier, le Conseil de l’Union européenne demandait en effet à la France de plafonner à 2,3 % l’augmentation nominale des dépenses primaires nettes financées au niveau national en 2024 alors que le Gouvernement prévoit sur ce même périmètre une augmentation de 2,6 %.
65. Les dépenses de l’Etat telles que comprises dans le « périmètre des dépenses de l’Etat » (PDE) (10) seraient en légère baisse (491 Md€ après 496 Md€ en 2023). La très forte réduction du coût des mesures de soutien face à la hausse des prix de l’énergie serait presque compensée par les hausses des dépenses dues à la mise en œuvre de la politique du Gouvernement telles que : les politiques en faveur de la transition écologique (+ 7,0 Md€ en 2024) ; les conséquences des mesures d’attractivité de l’éducation nationale (+ 3,1 Md€) ; ou encore, les effets attendus des hausses de crédits des ministères entrant dans le champ d’une loi de programmation sectorielle (défense, justice, recherche, intérieur).
66. En comptabilité nationale, les dépenses de l’Etat seraient globalement en hausse, portées par la nette augmentation de la charge d’intérêts de sa dette (+ 0,3 point de PIB en comptabilité nationale entre 2023 et 2024, soit une hausse de près de 10 Md€) sous l’effet de la hausse des taux d’intérêt.
67. Le Gouvernement prévoit une hausse des dépenses des administrations publiques locales de 0,9 % en volume et 3,4 % en valeur. Celle-ci serait portée par des dépenses de fonctionnement toujours en progression, sous l’effet d’une hausse des rémunérations découlant des revalorisations salariales (hausse du point d’indice au 1er juillet 2023 jouant sur l’évolution en 2024, mesures catégorielles et indiciaires prenant effet au 1er janvier 2024) et par une progression encore forte de l’investissement des collectivités locales.
68. La hausse de l’ensemble de la dépense publique est aussi soutenue par le dynamisme des dépenses des administrations de sécurité sociale, sur lesquelles l’inflation joue avec un léger retard en raison des mécanismes d’indexation selon l’inflation passée : les pensions de base seraient revalorisées de 5,2 % au 1er janvier 2024 et les prestations familiales de 4,6 % au 1er avril 2024. Les pensions complémentaires pourraient également être significativement revalorisées au 1er novembre 2023 dans le cadre de négociations entre les partenaires sociaux. Cette revalorisation jouerait donc surtout sur les dépenses 2024. A ces différentes revalorisations s’ajoute l’effet de la réforme des retraites, qui, en 2024 comme en 2023, coûterait plus qu’elle ne rapporte (coût de 2,2 Md€ pour des économies de 2,0 Md€) essentiellement sous l’effet de la revalorisation des petites pensions.
69. Cette prévision de hausse des dépenses publiques est sujette à plusieurs facteurs possibles de dépassement. Premièrement, le coût du bouclier tarifaire sur le prix de l’électricité, maintenu en 2024, est fortement dépendant des prix à venir sur les marchés de gros (cf. encadré) et la prévision du coût de la mesure d’après le PLF 2024 paraît basse au vu des prix observés au cours des derniers mois. Deuxièmement, le Gouvernement prévoit un net ralentissement de l’Ondam (+ 3,2 % après + 4,8 %), supposant un infléchissement de la tendance spontanée des soins de ville, qui semble optimiste, et un volant d’économies de 3,5 Md€. Un tel montant d’économies a déjà été atteint par le passé, mais paraît plus difficile à réaliser dans un contexte de tensions, notamment dans le secteur hospitalier et sur l’offre de médicaments.
70. En 2024, les dépenses publiques risquent de s’avérer plus élevées que prévu, notamment s’agissant du coût des dispositifs énergétiques et des dépenses de santé (Ondam).

b) Le solde public

71. Le scénario du Gouvernement prévoit un solde public effectif de – 4,9 points de PIB en 2023, sans amélioration par rapport à 2022 et de – 4,4 points de PIB en 2024. La prévision de solde pour 2023 n’appelle pas de remarque. Celle pour 2024 pourrait être un peu surestimée, notamment du fait des recettes attendues, qui pourraient être moins élevées si la croissance économique était moins forte que prévu par le Gouvernement, et de certaines dépenses apparaissant sous-estimées (notamment les dépenses de santé et le coût des mesures énergétiques).
72. Par ailleurs, le Haut Conseil note que, pour ces deux années, le solde public demeure sensiblement supérieur à la limite de 3 points de PIB prévue par les règles du Pacte de stabilité.
73. La Commission européenne a annoncé que la clause dérogatoire générale du Pacte de stabilité, activée en 2020 et ayant conduit à une suspension de facto des règles applicables, serait désactivée à la fin de l’année 2023. Elle a indiqué qu’elle ouvrirait des procédures pour déficit excessif dès le printemps 2024 sur la base des résultats de 2023.

Tableau 5. – Décomposition du solde public présenté par le Gouvernement

 

En points de PIB PLF pour 2024 (sept. 2023)
2022 2023 2024
Solde public – 4,8 – 4,9 – 4,4
Composante conjoncturelle – 0,5 – 0,7 – 0,6
Mesures ponctuelles et temporaires 0 0 0
Solde structurel – 4,2 – 4,1 – 3,7

 

Source : projet de loi de finances pour 2024.

 

Article

 

74. Le solde structurel s’établirait à – 4,1 points de PIB en 2023 et s’améliorerait en 2024 pour atteindre – 3,7 points de PIB. Le déficit structurel demeurerait toutefois très élevé, et éloigné de l’objectif de moyen terme de solde structurel que s’est fixé à la France de – 0,4 point de PIB. Toutefois, le Gouvernement indique que l’ajustement structurel primaire serait en cohérence avec les recommandations européennes pour 2024.
75. L’amélioration du solde structurel demeure inférieure aux exigences du volet préventif du Pacte de stabilité et de croissance, l’ajustement structurel devant être en principe supérieur à 0,5 point de PIB pour les pays dont la dette est supérieure à 60 % de PIB.
76. Au demeurant, l’amélioration du déficit nominal et structurel de 0,5 point de PIB en 2024 peut s’expliquer par la très forte diminution des mesures de soutien aux ménages et aux entreprises face à la hausse des prix (en particulier grâce à la sortie progressive des boucliers), celle-ci contribuant à améliorer le solde de près de 0,7 point de PIB, tandis que la hausse de la charge d’intérêts conduit à le dégrader de 0,3 point de PIB.
77. La prévision de déficit public pour 2024 (4,4 points de PIB) conjugue principalement des hypothèses favorables et paraît optimiste. La prévision de prélèvements obligatoires est en effet tirée vers le haut par la prévision de croissance élevée de l’activité et, au-delà, par des hypothèses favorables sur le rendement de certains impôts (croissance de la TVA supérieure à celle de sa base taxable, arrêt de la baisse des droits de mutation à titre onéreux). De plus, les dépenses risquent de s’avérer plus élevées que prévu, notamment s’agissant du coût des dispositifs énergétiques et des dépenses de santé (Ondam).
78. Alors que le scénario du Gouvernement est marqué par une sortie des crises sanitaire et énergétique, le Haut Conseil note que, en dépit de l’extinction des mesures de soutien, les dépenses continueront à progresser sensiblement en 2024, davantage que recommandé par l’Union européenne (hausse nominale des dépenses primaires nettes de 2,6 % contre un plafond recommandé de 2,3 %) et ce alors même que la Commission européenne a annoncé la fin de la clause dérogatoire générale du Pacte de stabilité à compter de 2024. En particulier, dans un contexte où la progression importante de la charge d’intérêts contribue à accroître les dépenses, le PLF contient peu de mesures d’économies structurelles malgré le premier millésime des revues de dépenses organisé en 2023 et prévoit une quasi-stabilité du taux de prélèvements obligatoires.

3. Appréciation de la cohérence avec les orientations pluriannuelles de solde structurel et de dépenses des administrations publiques

79. Aux termes de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 modifiée relative aux lois de finances, le Haut Conseil doit se prononcer sur la cohérence de la trajectoire de solde structurel et de dépense retenue dans le PLF pour 2024 avec celle de la loi de programmation en vigueur ce qu’il ne peut pas faire en l’absence d’une loi de programmation adoptée couvrant l’année 2024.
80. Le Gouvernement a parallèlement indiqué au HCFP son intention d’amender le PLPFP en discussion au Parlement déposé en septembre 2022 et saisi ce dernier des nouvelles prévisions associées (cf. avis n° HCFP-2023-7 relatif à la révision du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027). Les amendements envisagés par le Gouvernement conduisent à modifier le PLPFP de manière à ce qu’il soit cohérent avec l’article liminaire du PLF et du PLFSS pour 2024 notamment s’agissant des orientations pluriannuelles de solde structurel et de dépenses des administrations publiques.

4. La dette publique

81. Selon les prévisions du Gouvernement, le ratio de dette publique diminuerait de deux points en 2023, à 109,7 points de PIB, puis serait stable en 2024. En 2023, le ratio bénéficie en effet d’une progression importante du PIB en valeur (+ 6,8 %), du fait à la fois de la forte inflation et de la fin du rebond de l’activité post Covid. Cette forte croissance allège le ratio de dette héritée du passé. Le solde public est ainsi supérieur de deux points au solde permettant de stabiliser la dette. En 2024, le ratio de dette ne baisserait plus. En effet, le ratio de dette bénéficierait toujours d’une forte croissance du PIB en valeur, mais celle-ci serait moindre qu’en 2023 (+ 4,0 %), si bien que le solde public, bien qu’en amélioration, se situerait au niveau stabilisant la dette.

Tableau 6. – Dette et solde publics

 

En points de PIB 2022 2023 2024
Solde public – 4,8 – 4,9 – 4,4
Dette publique 111,8 109,7 109,7

 

Source : projet de loi de finances pour 2024.

 

Article

 

82. Le Gouvernement prévoit que le ratio de dette publique, après avoir baissé en 2023 grâce à une croissance inhabituellement forte du PIB en valeur, ne se réduirait pas en 2024. La stabilisation attendue en 2024 du ratio de dette est fragile, puisqu’elle s’appuie sur des prévisions optimistes de croissance et de dépenses. Ainsi la France, qui a vu sa position d’endettement relatif au sein de la zone euro se dégrader au cours des dernières années, conserverait donc en 2024 un niveau d’endettement élevé.
83. La soutenabilité à moyen terme des finances publiques continue donc à appeler la plus grande vigilance. Le Haut Conseil rappelle que le retour à des niveaux de dette permettant à la France de disposer de marges de manœuvre suffisantes est nécessaire pour être en mesure de faire face à l’avenir à des chocs macroéconomiques ou financiers et aux besoins d’investissement public élevés que nécessite en particulier la transition écologique.

Le présent avis sera publié au Journal officiel de la République française et joint au projet de loi de finances pour 2024 et au projet de loi de financement de la sécurité sociale lors de son dépôt à l’Assemblée nationale.

 

Annexe

Article

 

ANNEXES
ANNEXE 1
SCÉNARIO MACROÉCONOMIQUE ASSOCIÉ AU PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2024

Vous pouvez consulter l’intégralité du texte avec ses images à partir de l’extrait du Journal officiel électronique authentifié accessible en bas de page

Annexe

Article

 

ANNEXE 2
ARTICLE LIMINAIRE DU PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2024

Texte de l’article :
Les prévisions de solde structurel et de solde effectif de l’ensemble des administrations publiques, les prévisions de solde par sous-secteur, la prévision, déclinée par sous-secteur d’administration publique, de l’objectif d’évolution en volume et la prévision en milliards d’euros courants des dépenses d’administrations publiques, les prévisions de prélèvements obligatoires, de dépenses et d’endettement de l’ensemble des administrations pour l’année 2024, les prévisions pour 2024 de ces mêmes agrégats de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027, ainsi que les données d’exécution pour l’année 2022 et les prévisions d’exécution pour l’année 2023 de ces mêmes agrégats, s’établissent comme suit :

 

En % du PIB sauf mention contraire 2022 2023 2024 2024
Loi de finances initiale pour 2024 PLPFP

2023-2027

Ensemble des administrations publiques
Solde structurel (1) – 4,2 – 4,1 – 3,7 – 3,7
Solde conjoncturel (2) – 0,5 – 0,7 – 0,6 – 0,7
Solde des mesures ponctuelles et temporaires (3) – 0,1 – 0,1 – 0,1 – 0,1
Solde effectif (1+2+3) – 4,8 – 4,9 – 4,4 – 4,5
Dette au sens de Maastricht 111,8 109,7 109,7 111,3
Taux de prélèvements obligatoires (y.c UE nets des CI) (4) 45,4 44,0 44,1 44,2
Dépense publique (hors CI) 57,7 55,9 55,3 55,6
Dépense publique (hors CI, en Md€) 1523 1575 1622 1600
Évolution de la dépense publique hors CI en volume (%) (1) – 1,1 – 1,3 0,5 – 0,6
Principales dépenses d’investissement (en Md€) (2) 25 30 28
Administrations publiques centrales
Solde – 5,2 – 5,4 – 4,7 – 5,2
Dépense publique (hors CI, en Md€) 625 631 639 637
Évolution de la dépense publique en volume (%) (3) – 0,1 – 3,6 – 1,4 – 2,5
Administrations publiques locales
Solde 0,0 – 0,3 – 0,3 – 0,1
Dépense publique (hors CI, en Md€) 295 312 322 314
Évolution de la dépense publique hors CI en volume (%) (3) 0,1 1,0 0,9 0,1
Administrations de sécurité sociales
Solde 0,4 0,7 0,6 0,8
Dépense publique (hors CI, en Md€) 704 730 761 747
Évolution de la dépense publique hors CI en volume (%) (3) – 2,4 – 0,5 1,7 0,5

 

(1) A champ constant.
(2) Au sens du projet de loi de programmation des finances publiques pour 2023-2027.
(3) A champ constant, hors transferts entre administrations publiques.
(4) Corrigé des effets du bouclier tarifaire, le taux de prélèvements obligatoires s’établirait à 45,6 % du PIB en 2022, puis 44,4 % du PIB en 2023 et 2024.

 

Article

 

Exposé des motifs de l’article :
Cet article présente, conformément à l’article 1H de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances, la prévision de solde structurel et de solde effectif de l’ensemble des administrations publiques pour 2024. Il rappelle également la prévision, déclinée par sous-secteur d’administration publique, de l’objectif d’évolution en volume et de la prévision en milliards d’euros courants des dépenses des administrations publiques et celle de prélèvements obligatoires, de dépenses et d’endettement de l’ensemble des administrations publiques. Enfin, il présente l’état des prévisions portant sur les principales dépenses des administrations publiques considérées comme des dépenses d’investissement au sens du dernier alinéa de l’article 1er A et du 2° de l’article 1er E de la LOLF. Ces dernières sont définies dans le rapport annexé au projet de loi de programmation des finances publiques.
La prévision de solde public s’établit à – 4,9 % du PIB pour 2023, puis – 4,4 % du PIB, comme inscrit dans le Programme de stabilité.
La quasi-stabilité du solde public entre 2023 (- 4,9 % du PIB) et 2022 (- 4,8 % du PIB) résulte du léger creusement du solde conjoncturel (- 0,2 pt), en raison d’une croissance de l’activité prévue à + 1,0 %, en deçà de la croissance potentielle de 1,35 %, ainsi que du léger redressement du solde structurel (+ 0,1 pt), qui s’explique par des mouvements se compensant globalement, notamment :

– dans le sens d’une amélioration du solde public : (i) la quasi-disparition des dépenses d’urgence et de soutien, encore élevées en 2022, et la baisse des dépenses de relance, qui ont désormais dépassé leur pic, (ii) un coût de l’ensemble des mesures adoptées face à la hausse des prix de l’énergie et à l’inflation, net des moindres charges de services publics de l’énergie, encore très élevé en 2023, mais moindre qu’en 2022, (iii) une charge de la dette publique en recul en 2023, l’effet de la hausse des taux mettant plusieurs années à se matérialiser pleinement dans la charge d’intérêt, (iv) des dépenses de fonctionnement des collectivités locales contenues (hausse prévue en ligne avec l’inflation) ;
– dans le sens d’un creusement du déficit : (i) les mesures fiscales du gouvernement visant à soutenir le pouvoir d’achat, la compétitivité et l’emploi, en particulier l’achèvement de la suppression de la taxe d’habitation sur les résidences principales et la poursuite de la réduction de la CVAE et (ii) le contrecoup de l’évolution très dynamique des recettes en 2022. En particulier, les recettes d’impôt sur les sociétés hors CICE ont connu un niveau exceptionnel en 2022 en raison de l’effet double (acomptes et solde) de la forte croissance du bénéfice fiscal 2021, puis se replieraient ensuite nettement en 2023.

En 2024, le solde public s’améliorerait par rapport à 2023 et atteindrait – 4,4 % du PIB, comme inscrit dans le Programme de stabilité 2023-2027. Avec une croissance établie à 1,4 %, le solde conjoncturel serait quasi stable. L’amélioration du solde prévu s’explique donc par un redressement du solde structurel de 0,5 point de PIB en 2024, du fait principalement de la sortie progressive des mesures temporaires relatives à la hausse des prix de l’énergie, de relance, et de soutien. Cet effet serait partiellement compensé notamment par la hausse de la charge d’intérêt de la dette, matérialisant les effets de la hausse des taux.
Retraçant ces évolutions, après s’être établi à 45,6 % du PIB en 2022, le taux de prélèvements obligatoires corrigé des effets du bouclier tarifaire s’établirait à 44,4 % en 2024, stable par rapport à 2023. Après 57,7 % en 2022, le ratio de dépense publique (hors crédits d’impôts) reculerait à 55,9 % du PIB en 2023 puis à 55,3 % en 2024.
Le scénario potentiel retenu dans ce projet de loi de finances est cohérent avec celui qui sera retenu dans le projet de loi de programmation des finances publiques une fois amendé ; la croissance potentielle serait de 1,35 % en 2023 comme en 2024. L’écart de production estimé tient compte des effets de l’enchaînement de la crise covid et des conséquences de l’invasion russe en Ukraine.
Les incertitudes autour de ces prévisions restent importantes. Les finances publiques sont sensibles aux aléas sur les évolutions macroéconomiques et en particulier aux variations des prix de l’énergie, qui jouent fortement sur le coût des mesures mises en place pour protéger les Français, en premier lieu desquelles les boucliers tarifaires sur l’énergie.

 

Pour mémoire : en Md€ Exécution 2022 Prévision d’exécution 2023 Prévision 2024
Solde effectif – 126,8 – 138,8 – 128,3
PIB nominal 2639,1 2818,1 2930,8

 

Annexe

Article

 

ANNEXE 3
ARTICLE LIMINAIRE DU PROJET DE LOI DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR 2024

Texte de l’article :
Les prévisions de dépenses, recettes et solde des administrations de sécurité sociale pour les années 2023 et 2024 s’établissent comme suit, au sens de la comptabilité nationale :

 

(En points de produit intérieur brut) 2023 2024
Recettes 26,6 26,6
Dépenses 25,9 26,0
Solde 0,7 0,6

 

Exposé des motifs :
Cet article présente, conformément à l’article 1 de la loi organique n° 2022-354 du 14 mars 2022 relative aux lois de financement de la sécurité sociale, l’état des prévisions de dépenses, de recettes et de solde des administrations de sécurité sociale (ASSO) pour l’exercice en cours et pour l’année à venir.
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 prévoit sur le champ des ASSO un solde excédentaire en 2023 et en 2024, de respectivement + 0,7 % et + 0,6 % du PIB.

Annexe

Article

 

ANNEXE 4
LA CLAUSE DÉROGATOIRE DU PACTE DE STABILITÉ ET DE CROISSANCE

En mars 2020, l’épidémie de Covid-19 a conduit à l’entrée en vigueur de la « clause dérogatoire générale » du Pacte de stabilité et de croissance, à l’initiative de la Commission européenne.
Introduite en 2011 dans le cadre de la réforme du Pacte de stabilité et de croissance, la clause dérogatoire générale peut être activée dans le cas « d’une circonstance inhabituelle indépendante de la volonté de l’Etat membre concerné ayant des effets sensibles sur la situation financière des administrations publiques ou en période de grave récession économique affectant la zone euro ou l’ensemble de l’Union » (11). Dans le cas du volet préventif du Pacte de stabilité et de croissance, les Etats sont « autorisés, à s’écarter temporairement de la trajectoire d’ajustement en vue de la réalisation de l’objectif budgétaire à moyen terme […] à condition de ne pas mettre en péril la viabilité budgétaire à moyen terme (12) ». Par ailleurs, dans le cadre du volet correctif du Pacte (13), la clause permet au Conseil de l’Union européenne de recommander une trajectoire révisée à un Etat membre.
Ainsi, depuis 2020, la Commission a continué d’examiner la situation budgétaire des Etats membres au regard des critères de déficit et de dette dans le cadre des procédures de surveillance du Pacte de stabilité et de croissance. Elle a notamment adopté en mai 2022 un rapport concernant 18 Etats membres, dont la France, au titre de l’article 126(3) du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, mais n’a pas, pour autant, ouvert de procédure pour déficit excessif.
Alors que la Commission anticipait encore en mars 2022 que la clause dérogatoire générale pourrait être désactivée en 2023, elle a finalement décidé sa prolongation pour une année supplémentaire dans sa communication du 23 mai 2022 dans le cadre du semestre européen. La Commission soulignait que le contexte de guerre en Europe, l’augmentation des prix de l’énergie et les perturbations persistantes des chaînes d’approvisionnement n’avaient pas permis un retour à la normale de l’économie européenne, la situation économique restant marquée par une incertitude élevée, des risques baissiers importants, et par la nécessité pour les Etats membres d’adopter, si besoin, des mesures budgétaires pour répondre aux conséquences économiques de la guerre en Ukraine.
La Commission a annoncé que la clause serait désactivée à la fin de l’année 2023.

(11) Article 5 du règlement n° 1466/97 du Conseil du 7 juillet 1997.
(12) Article 6 du règlement n° 1466/97 du Conseil du 7 juillet 1997.
(13) Article 3 et 5 du règlement (CE) n° 1467/97 du 7 juillet 1997.

Date et signature(s)

Fait à Paris, le 22 septembre 2023.

Pour le Haut Conseil des finances publiques :
Le premier président de la Cour des comptes, président du Haut Conseil des finances publiques,
P. Moscovici


(1) Le jeudi 7 septembre, l’institut économique de Munich Ifo a annoncé anticiper une contraction de l’activité de 0,4 % pour 2023. Le mercredi 6 septembre, l’Institut d’économie internationale de Kiel a pronostiqué une baisse de 0,5 % et celui d’Essen de 0,6 %. La Commission prévoit un recul de 0,4 %.
(2) A noter : la méthodologie et le périmètre de calcul du PIB mondial diffèrent selon les organisations internationales. Les prévisions ne doivent pas être comparées entre elles, mais évaluées en tendance.
(3) Rexecode prévoit un repli du revenu disponible brut (RDB) réel de 0,1 %, contre une hausse attendue de 0,3 % par l’OFCE et de 0,9 % par la Banque de France.
(4) Le taux d’épargne baisserait de 0,5 point pour Rexecode (de 18,4 points de RDB en 2023 à 17,9 points en 2024), de 0,8 point pour la Banque de France (de 18,2 à 17,4) et d’un point pour l’OFCE (de 18,6 à 17,6).
(5) La productivité a toutefois rebondi de + 0,6 % en France au cours du dernier trimestre, mais il est encore trop tôt pour déterminer s’il s’agit de l’amorce d’un retour durable à la tendance de productivité d’avant-crise ou d’un phénomène temporaire lié en particulier au mécanisme du cycle de productivité (l’emploi ayant commencé à s’ajuster à la faiblesse passée de l’activité au moment où la croissance surprenait à la hausse).
(6) Le solde structurel est défini comme le solde public corrigé des effets directs du cycle économique ainsi que des évènements exceptionnels.
(7) Les CSPE, qui soutenaient les énergies renouvelables en garantissant des tarifs supérieurs aux prix de marché, constituaient jusqu’en 2021 une dépense en comptabilité nationale. La hausse des prix de l’énergie conduit à des reversements à l’Etat au titre de 2022 et 2023 qui sont comptabilisés en prélèvements obligatoires. La contribution sur les rentes infra-marginales impose les producteurs d’électricité sur leurs revenus résultant de prix de marché supérieurs au seuil de rentabilité des modes de production les plus coûteux.
(8) Elles se replieraient davantage (- 2,2 %) en les déflatant par le déflateur du PIB, indice de prix plus pertinent pour l’analyse des finances publiques. A partir de 2024, les deux déflateurs sont proches, si bien que le texte de l’avis ne donne que les chiffres déflatés par les prix à la consommation hors tabac.
(9) Révision à la baisse de 4,6 Md€ sur le bouclier électricité, 2 Md€ sur le guichet d’aide au paiement des factures d’électricité et 1,0 Md€ sur l’amortisseur électricité.
(10) Cet agrégat regroupe la très grande majorité des dépenses de l’Etat et les taxes affectées plafonnées à des tiers autres que les collectivités locales et la sécurité sociale. La charge de la dette et la contribution au CAS pensions en sont toutefois exclues.