🟧 Avis « L’effectivité des droits fondamentaux en prison : du constat aux remèdes pour réduire la surpopulation carcérale et le recours à l’enfermement »

Au sommaire :

Références

NOR : CDHX2210070V
Source : JORF n°0079 du 3 avril 2022, texte n° 73

Article

Assemblée plénière du 24 mars 2022
(Adoption à l’unanimité moins deux abstentions)

Résumé

Deux ans après l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme J.M.B. c/France, point d’orgue de nombreuses condamnations de la France en raison de ses conditions indignes de détention, la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) regrette l’absence d’une véritable amélioration dans le respect de la dignité humaine des personnes détenues. Dans son avis, la CNCDH formule 20 recommandations à l’attention des pouvoirs publics afin, d’une part, de renforcer le respect des droits fondamentaux des personnes détenues et, d’autre part, de repenser les politiques pénale et pénitentiaire de l’entrée en détention à la sortie.

Introduction

Les multiples violations par la France de ses obligations internationales

1. Près de vingt ans se sont écoulés depuis les premières publications par la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) de deux rapports sur les droits de l’homme en prison faisant, déjà, état d’atteintes aux droits fondamentaux des personnes détenues (1). En 2008, sur saisine du Gouvernement, la CNCDH a également émis des observations sur le projet de loi pénitentiaire (2). En 2017, elle s’est plus spécifiquement saisie de la question pénitentiaire dans les outre-mer (3) puis, en 2018, de celle de la privation de liberté des mineurs (4).

2. La France est liée par de nombreux textes internationaux protégeant les personnes détenues parmi lesquels la Convention des Nations unies contre la torture de 1984 ou encore la Convention européenne des droits de l’homme (ci-après la « Convention européenne »). Le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture engage les Etats membres à prévenir tout acte de torture et traitements cruels, inhumains ou dégradants au sein des lieux de privation de liberté, en autorisant les visites du sous-comité des Nations unies en charge de cette prévention et en mettant en place un mécanisme national de prévention de la torture (5). En amont de sa ratification par la France, la CNCDH avait rappelé les garanties que devait posséder un tel mécanisme national afin que ses actions soient pleinement effectives (6). En 2007, le contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) est créé et investi de ce mandat (7). En parallèle, la France est dotée depuis 2011 d’une autre autorité administrative indépendante inscrite dans la Constitution, le Défenseur des droits, dont les délégués tiennent des permanences dans l’ensemble des établissements pénitentiaires, en métropole comme dans les outre-mer, et traitent les réclamations des personnes détenues dans ses champs de compétence (atteinte aux droits des usagers des services publics, discrimination, droits des enfants, déontologie de la sécurité et lanceurs d’alerte). Depuis le 20 mars 2020, a en outre été créé un numéro dédié au Défenseur des droits pour permettre aux détenus de comprendre et d’accéder à leurs droits y compris dans le contexte des restrictions liées à la crise sanitaire. Ce dispositif a été pérennisé. Pour autant, malgré ces mécanismes de contrôle tant nationaux qu’internationaux, de nombreuses atteintes aux droits fondamentaux perdurent dans les lieux de détention.

3. Dans l’arrêt J.M.B contre France du 30 janvier 2020, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a condamné la France pour les traitements inhumains ou dégradants subis par les requérants en raison de leurs conditions de détention au sein de trois centres pénitentiaires ultramarins et de trois maisons d’arrêt métropolitaines (8), ainsi que pour l’ineffectivité du recours interne permettant de contester ces conditions (9). L’un des trente-deux requérants en faisait état ainsi : « Je viens vous tenir un détail de notre vie carcérale, avec tout ce que cela comporte de frustrant et d’humiliant. (…) Les cellules pour deux abritent quatre personnes. De ce fait, ceux qui dorment à terre cohabitent avec des cafards, des souris, des scolopendres, avec les risques de piqûres mortelles que cela peut entraîner. Les douches sont dans un état lamentable. […] Les rendez-vous chez le médecin sont donnés après trois semaines d’attente, voire des mois. C’est bien le surpeuplement de cette prison qui engendre des problèmes de violence et de rackets. La promenade et les activités sportives ne respectent aucune régularité de durée et de fréquence. Ceux qui sont enfermés 23 heures sur 24 souffrent énormément de la forte chaleur (32 degrés) car non seulement il y a un manque de ventilateurs, mais il y a des coupures de courant. Il faut aussi parler de nombreux rats morts qui tardent à être enlevés et qui dégagent des odeurs insupportables jour et nuit, pendant plusieurs semaines. (…) Tout cela fait que la prison de Ducos est vécue pour la plupart comme un véritable enfer » (10).

4. Dans cet arrêt, qui s’inscrit dans la lignée de plusieurs condamnations antérieures de la France (11), la CEDH constate en outre que « les taux d’occupation des prisons concernées révèlent l’existence d’un problème structurel » et demande à la France « l’adoption de mesures générales […] afin de garantir aux détenus des conditions de détention conformes à l’article 3 de la Convention (12) ». A ce titre, la Cour demande « la résorption définitive de la surpopulation carcérale », ainsi qu’au visa de l’article 13 la mise en place d’« un recours préventif permettant aux détenus, de manière effective, en combinaison avec le recours indemnitaire […], de redresser la situation dont ils sont victimes ». Ces recommandations rejoignent celles d’autres instruments internationaux de protection des droits de l’homme constatant les manquements de la France à ses obligations tant européennes (13) qu’internationales (14). Au plan national, les mêmes constats ont été maintes fois dressés dans des rapports émanant de parlementaires (15) et d’autorités administratives indépendantes (16). L’inertie à résoudre ces manquements questionne la volonté politique des pouvoirs publics français.

5. Les 14 et 16 septembre 2021, le comité des ministres du Conseil de l’Europe, chargé du suivi de l’exécution de l’arrêt J.M.B. contre France, a exprimé sa « préoccupation face aux derniers chiffres [relatifs à la population carcérale] qui attestent de son augmentation, à nouveau, rapide et importante » (17). Il a dès lors réitéré les demandes formulées par la CEDH, estimées non satisfaites, et invité la France à « adopter rapidement […] une stratégie cohérente à long terme pour réduire le taux d’occupation des prisons » et à « privilégier et renforcer les moyens nécessaires au développement des mesures non privatives de liberté (…) tout en envisageant rapidement de nouvelles mesures législatives qui réguleraient, de manière plus contraignante, la population carcérale » (18).

6. Concernant la nouvelle voie de recours adoptée en 2021, les délégués des ministres ont noté « la réactivité de la Cour de cassation et du Conseil constitutionnel » (19) qui a conduit le législateur français à permettre aux personnes détenues de contester devant le juge judiciaire leurs conditions indignes de détention (20). Ils ont toutefois invité les autorités à se prononcer sur les préoccupations émises sur le sujet. Les modalités de recours actuelles ne présentent en effet pas, comme l’a également relevé la CNCDH (21), les garanties suffisantes pour une exécution effective de l’arrêt.

Une cause majeure de ces violations : la surpopulation carcérale

7. La surpopulation carcérale est un mal chronique des prisons françaises. Il s’inscrit dans un contexte de plusieurs décennies de politiques pénales de plus en plus sécuritaires. Ces dernières se traduisent par une pénalisation d’un nombre toujours plus important de comportements, avec la multiplication de nouveaux délits punissables d’une peine privative de liberté et des circonstances aggravantes (22), et par le développement des procédures de jugement rapide fortement pourvoyeuses d’incarcération (23). Une répression accrue qui se traduit notamment par la forte augmentation du nombre de peines d’emprisonnement, l’augmentation du recours à la détention provisoire, la multiplication des peines dites courtes, l’allongement de la durée des peines, et la faible mise en place des alternatives à l’incarcération (24).

8. Pourtant, au début de la crise sanitaire liée à la pandémie de Covid-19, le ralentissement de l’activité judiciaire et la libération anticipée de personnes détenues (25) ont conduit à réduire le taux d’occupation moyen des prisons de 115,7 % au 1er janvier 2020 (26) à 96,9 % au 1er septembre 2020. Cette baisse a cependant été de courte durée car suivie d’une nouvelle augmentation de la population carcérale : au 1er février 2022, 69 964 personnes étaient détenues en France alors que la capacité opérationnelle était de 60 701 places, soit une densité carcérale moyenne de 115,3 % (27). La surpopulation se concentre dans les maisons d’arrêt et les quartiers maison d’arrêt au sein des centres pénitentiaires, dans lesquels le taux d’occupation moyen était, à la même date, de 143,2 % (28). En conséquence, 1 691 personnes détenues étaient contraintes de dormir sur un matelas au sol (29).

9. La CNCDH précise que les taux d’occupation (30) officiellement publiés par la direction de l’administration pénitentiaire (DAP) « occultent systématiquement un élément essentiel : les taux spécifiques aux quartiers hommes » (31). Les statistiques communiquées prennent en effet en compte d’autres quartiers moins ou non surpeuplés, comme les quartiers de femmes, de mineurs et, parfois, ceux de semi-liberté. Le calcul des taux d’occupation dans les quartiers hommes réalisé par l’Observatoire international des prisons (OIP) souligne une situation plus alarmante encore, portant de cinq (32) à dix le nombre de quartiers ayant une densité carcérale supérieure à 200 % au 1er janvier 2022 (33). A titre d’exemple, selon l’OIP, le taux réel d’occupation du quartier des hommes de Tarbes était de 217 % et celui de Perpignan dépassait 250 % (34) alors que les taux publiés par la DAP étaient respectivement de 185 % et 201 % (35).

10. La CNCDH dénonce également le fait que la surpopulation nuit gravement aux conditions de travail des personnels pénitentiaires, et plus généralement de toutes les personnes intervenant en prison.

Les particularités du profil sociologique des personnes détenues

11. La population carcérale est composée très majoritairement d’hommes, les femmes ne représentant que 3,5 % (36). Principalement âgées de 30 à 39 ans (37), nombreuses sont les personnes détenues en situation de précarité au moment de leur incarcération. 15 % des répondants à l’enquête récemment menée par le Secours catholique et Emmaüs France déclarent être dépourvus de ressources financières à leur entrée en détention (38). Nettement moins diplômées que l’ensemble de la population nationale (39), ces personnes déclarent, dans une forte proportion, avoir disposé d’un hébergement précaire, voire avoir été sans domicile, lors de leur incarcération (40).

12. Alors que les personnes en situation de pauvreté sont déjà surreprésentées en prison, la détention engendre une paupérisation multidimensionnelle (41) qui amplifie leur vulnérabilité (42). Les données récoltées font aussi apparaître qu’une majorité des répondants à l’enquête sont célibataires, divorcés ou séparés. Par ailleurs, 40 % d’entre eux ne reçoivent aucune visite au cours de leur incarcération, une situation d’isolement social mettant en exergue le caractère désocialisant de la prison (43).

13. A ces constats vient s’ajouter la surincarcération des personnes de nationalité étrangère, soit 24,5 % des personnes incarcérées au 1er janvier 2021, un taux qui s’élève à 32,3 % dans les maisons d’arrêt (44) alors qu’elles ne représentent que 7 % de la population française. Ce phénomène trouve une explication dans le fait que ces personnes sont essentiellement issues des classes sociales les plus pauvres (45), mais également, et surtout, qu’elles subissent un traitement pénal différencié voire discriminatoire. Ainsi, à infraction égale, elles sont davantage jugées en comparution immédiate, placées en détention provisoire puis condamnées à une peine d’emprisonnement (46) ferme. En outre, la CNCDH s’inquiète de la pénalisation croissante des modalités de mise en œuvre des mesures d’éloignement, sur le fondement de l’article L. 824-9 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Ce texte autorise le placement en détention des personnes qui se seraient soustraites à l’exécution d’une mesure d’éloignement, le plus souvent après un séjour en centre de rétention administratif (CRA) (47). En conséquence, leur parcours de privation de liberté est fait d’allers-retours entre le CRA et la maison d’arrêt (48). ll convient par ailleurs de préciser que les personnes non francophones sont confrontées à des difficultés accrues en détention dès lors que « la barrière de la langue représente un obstacle majeur à la compréhension du fonctionnement interne à la prison et à l’effectivité de leurs droits » (49).

14. La CNCDH souhaite également souligner le nombre alarmant de personnes détenues présentant des troubles psychiatriques ou souffrant d’addictions. Un rapport de 2018 de la commission des lois de l’Assemblée nationale relève que huit hommes sur dix et sept femmes sur dix en détention présentent au moins un trouble psychiatrique (50). La CNCDH note en outre que, parmi les personnes incarcérées depuis moins de six mois, 38 % souffrent d’une addiction aux stupéfiants et 30 % à l’alcool (51). Or, alors que les personnes souffrant d’addiction ont besoin de soins et d’être accompagnées, l’enfermement renforce les problématiques des personnes vulnérables et ne favorise pas un accompagnement global. La CNCDH rappelle qu’en tant que dispositif répressif l’enfermement carcéral ne saurait se substituer à la prise en charge en institution hospitalière pour répondre aux problèmes psychiatriques ou d’addictions.

15. Dans cet avis, la CNCDH entend souligner que les conditions actuelles de détention ne sont pas conformes aux engagements internationaux de la France et ne permettent pas le respect des droits fondamentaux des personnes détenues. Forte des études menées sur la question, de 19 auditions et de la visite du quartier maison d’arrêt des hommes du centre pénitentiaire de Fresnes (52), la CNCDH formule 20 recommandations autour des deux axes suivants : la nécessaire amélioration des droits fondamentaux des personnes détenues (1) et l’urgence de repenser les politiques pénale et pénitentiaire (2).

16. Avertissement : cet avis ne prétend aucunement à l’exhaustivité ni en termes de situations d’indignité ou de violations des droits fondamentaux observées, ni en termes de types d’établissements pénitentiaires concernés, ni enfin en termes de dispositifs législatifs (droit pénal ou droit procédural) en question. Cet avis s’intéresse surtout à dresser un constat actualisé, dans le sillage des conclusions précédentes de nombreux rapports émanant d’autorités nationales et/ou internationales, et à proposer des solutions accessibles et pérennes qu’il incombera au législateur de traduire en loi.

1. La nécessaire amélioration des droits fondamentaux des personnes détenues

« Ce qui a une dignité est supérieur à tout prix, et par suite n’admet pas d’équivalent. » (Emmanuel Kant) (53)

17. Notion générale du droit international, la dignité a été mobilisée pour faire évoluer les droits en prison. « Inhérente à tous les membres de la famille humaine » dans la Déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH), elle a également été développée dans la jurisprudence de la CEDH pour déterminer l’existence de traitements inhumains ou dégradants (54). Elle est également un principe à valeur constitutionnelle depuis 1994 (55).

18. La CNCDH constate que, de manière générale, la prison est régie par une inversion de la hiérarchie des normes juridiques : les textes et notes internes à l’administration pénitentiaire y occupent une place prépondérante alors que la Convention européenne des droits de l’homme et la Constitution française semblent, au contraire, reléguées au second plan.

19. Pour la CNCDH, ce constat s’applique au respect de la dignité, droit indérogeable (1.1), comme à celui d’autres droits fondamentaux des personnes détenues (1.2).

1.1. Le respect d’un droit indérogeable : la dignité des personnes détenues et la lutte contre les traitements inhumains ou dégradants

20. L’article 3 de la Convention européenne prohibe les peines ou traitements inhumains ou dégradants. De même, l’article 22 de la loi du 24 novembre 2009 dite « loi pénitentiaire » prévoit qu’eu égard à la vulnérabilité des personnes détenues et à leur situation d’entière dépendance vis-à-vis de l’administration, il appartient à celle-ci, et notamment aux directeurs des établissements pénitentiaires, de prendre des mesures propres à protéger leur : droit à l’intégrité physique et psychique (1.1.1), et à leur assurer des conditions de détention décentes (1.1.3), qui passe au premier chef par le droit à l’encellulement individuel (1.1.2).

1.1.1. Le droit au respect de l’intégrité physique et psychique

21. L’enfermement est, en soi, générateur de violences. physiques ou morales, elles constituent une atteinte à l’intégrité et à la dignité. La CNCDH rappelle, à ce titre, que l’administration pénitentiaire est titulaire (56) d’une obligation tant négative – ne pas porter atteinte à la sécurité des personnes placées sous son autorité – que positive – mobiliser tous les moyens possibles afin de les protéger contre tout risque d’atteintes. Sur les violences entre personnes détenues, le CGLPL a rappelé dans son rapport que la promiscuité subie, la disposition de l’équipement sanitaire – ne permettant pas d’intimité – et la surpopulation carcérale, aggravent les violences (57).

22. De multiples facteurs contribuent par ailleurs à l’aggravation de ce climat de violence : une dégradation des conditions de détention marquées par l’inflation carcérale, des impératifs de sécurité qui priment trop souvent sur le respect des droits, une gestion de la détention fondée sur des règles vécues comme incohérentes et arbitraires, des tensions qui dégénèrent faute de procédures de désescalade et une population pénale de plus en plus fragile. A cela s’ajoutent des problèmes de recrutement et de formation des personnels pénitentiaires et plus généralement des personnes intervenant en détention.

23. La CNCDH alerte sur le fait que ces violences peuvent être perpétrées entre personnes détenues (58) ou concerner des membres du personnel pénitentiaire, en tant qu’auteur ou victime. A ce propos, la Commission européenne rappelle que « les victimes de crimes commis en détention constituent un groupe de victimes en situation de vulnérabilité particulière » (59). En conséquence, pèse sur l’Etat une série d’obligations, au premier rang desquelles l’ouverture et la conduite d’une enquête officielle, effective et approfondie lorsqu’un individu affirme avoir subi des traitements indignes de la part de personnes dépositaires de l’autorité publique. En particulier, la charge de la preuve doit être renversée quand les allégations de violence émanent de personnes détenues à l’encontre de membres du personnel pénitentiaire, compte tenu de leur entière dépendance vis-à-vis de l’administration pénitentiaire.

24. De plus, les personnels travaillant au sein d’établissements dans lesquels l’effectif n’est pas adapté au taux d’occupation ont davantage recours « aux moyens de sécurité passive généralisés et systématiques (fouilles, menottes et entraves, tenues pare-coups, surveillance par vidéo dans les prisons, […]) » (60). A cet égard, la CNCDH s’interroge également sur l’atteinte à l’intimité que constitue le placement sous vidéosurveillance continue de certaines personnes détenues (accusées, prévenues et condamnées). Le CGLPL relève aussi des « usages illégitimes ou disproportionnés de la force et des moyens de contrainte », alors même que la force ne doit être utilisée qu’en cas de légitime défense, de tentative d’évasion, de résistance par la force ou par l’inertie physique à un ordre fondé sur la loi ou le règlement (61).

Recommandation n° 1 : Pour mettre fin aux atteintes à l’intégrité physique ou psychique des personnes détenues, la CNCDH recommande :

– l’adoption de mesures structurelles afin de prévenir les violences commises en détention, et de garantir la protection des victimes et leur accès à la justice ;
– la cessation des usages illégitimes ou disproportionnés de la force.

1.1.2. Le respect du droit à l’encellulement individuel

25. Consacré depuis 1875 (62) et repris dans la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009, le principe prévalant en France en matière d’incarcération est celui de l’encellulement individuel, que les personnes détenues soient prévenues, accusées ou condamnées (63). Il ne peut être dérogé à ce principe que dans trois cas : si la personne détenue demande à ne pas être seule en cellule ; si sa personnalité justifie, dans son intérêt, qu’elle ne soit pas laissée seule ; si elle a été autorisée à travailler ou suivre une formation professionnelle ou scolaire et que les nécessités d’organisation l’imposent (article 716 CPP). Etant précisé qu’en cas d’occupation collective de cellules, celles-ci doivent être adaptées afin de respecter la « dignité » et la « sécurité » (64). La CNCDH déplore que le droit à l’encellulement individuel ne soit toujours pas respecté, son application étant sans cesse reportée par de multiples moratoires, dont le dernier arrivera à échéance le 31 décembre 2022 (65).

26. Au nom du pragmatisme et de choix politiques et budgétaires, ce droit est même régulièrement remis en cause, comme cela a récemment encore été le cas dans le rapport de la Commission d’enquête parlementaire visant à identifier les dysfonctionnements et manquements de la politique pénitentiaire française (66). Pourtant, lors de son audition, Monsieur Jean-René Lecerf, ancien sénateur, avait rappelé à cette Commission que les débats parlementaires relatifs à la loi pénitentiaire de 2009 avaient conclu que « la dignité exigeait le maintien de ce principe ». Pour la CNCDH, le principe de l’encellulement individuel doit absolument être conservé et gouverner les politiques pénale et pénitentiaire française.

Recommandation n° 2 : La CNCDH recommande de rendre effectif, de manière urgente, le droit à l’encellulement individuel.

1.1.3. Le droit à des conditions matérielles de détention dignes

27. La CNCDH souligne l’importance de mettre fin immédiatement aux conditions matérielles de détention indignes, en particulier la vétusté et l’insalubrité des établissements pénitentiaires dénoncées dans l’arrêt J.M.B. contre France. Outre la promiscuité et la multiplication de matelas posés à même le sol, les trente-deux requérants dénonçaient la présence de puces, punaises de lit, cafards et rats (67), le manque d’intimité lié aux sanitaires séparés du reste de la pièce « par un seul battant, situé à mi-hauteur », des espaces de douches dégradés par la présence de moisissures et l’absence d’aération, la cohabitation contrainte de détenus non-fumeurs et fumeurs, le manque de lumière dans les cellules, l’insuffisance des produits d’entretien fournis, les difficultés récurrentes pour avoir du chauffage, des ventilateurs et de l’eau chaude, ou encore les cours de promenade trop exiguës et dépourvues de bancs et d’abris, tous éléments générateurs de tensions et de violences. Cette énumération non exhaustive de conditions déplorables d’hygiène et d’insalubrité, documentées et portées à la connaissance de l’Etat depuis longtemps, conduit au constat de conditions matérielles d’incarcération attentatoires à la dignité humaine et constitutives d’une faute de nature à engager la responsabilité de l’Etat (68). La CNCDH rappelle l’impérieuse nécessité de trouver de manière urgente des solutions pérennes pour y mettre fin, qui ne peuvent passer par la construction, de plus extrêmement coûteuse, de nouvelles prisons. Une réorientation du budget alloué à l’augmentation du nombre de places de prison vers la réhabilitation et l’entretien du parc immobilier existant est indispensable pour garantir un fonctionnement efficace de la Justice et le respect des droits fondamentaux (69).

Recommandation n° 3 : Pour améliorer les conditions matérielles de détention, la CNCDH recommande la réhabilitation en urgence des établissements vétustes et l’augmentation conséquente du budget alloué à l’entretien du parc immobilier existant.

1.2. Le respect des autres droits fondamentaux des personnes détenues

28. La CNCDH insiste sur la nécessaire application du droit commun dans les établissements pénitentiaires, à l’aune des Règles européennes énoncées par le Conseil de l’Europe (70). Ces règles prévoient d’une part, que les personnes privées de liberté « conservent tous leurs droits qui ne leur ont pas été retirés selon la loi par la décision les condamnant à une peine d’emprisonnement ou les plaçant en détention provisoire » (71) ; d’autre part, que « les restrictions imposées (…) doivent être réduites au strict nécessaire et doivent être proportionnelles aux objectifs légitimes pour lesquelles elles ont été imposées » (72); enfin, que « la vie en prison est alignée aussi étroitement que possible sur les aspects positifs de la vie à l’extérieur de la prison » (73). Cet ensemble de prescriptions s’accompagne de précisions utiles dans le document annexé (74). Le commentaire de la Règle 2 souligne ainsi que « la perte du droit à la liberté que subissent les détenus ne doit pas être comprise comme impliquant automatiquement le retrait de leurs droits politiques, civils, sociaux, économiques et culturels » ; que les restrictions aux droits des personnes détenues résultants de la privation de liberté « doivent être aussi peu nombreuses que possible » ; que « toute restriction supplémentaire doit être prévue par la loi et être introduite uniquement si elle est essentielle au maintien de l’ordre, de la sûreté et de la sécurité dans les prisons ».

29. La surpopulation carcérale aggrave les conditions de vie en détention, affecte toutes les étapes du parcours pénal et accroît les atteintes aux droits fondamentaux des personnes détenues. La CNCDH rappelle que la prison est un service public, dont les personnes détenues sont les usagers, titulaires de droits (75), notamment le droit à la santé (1.2.1), l’accès aux droits et à la justice (1.2.2), le droit à la vie privée et familiale (1.2.3) et le droit à la réinsertion (1.2.4). La CNCDH regrette que le nombre d’agents pénitentiaires et autres intervenants en détention soit fixé au regard du nombre théorique – et non réel – de personnes détenues. Cette gestion des ressources humaines, détachée de la réalité du terrain, fait obstacle à leur prise en charge individualisée.

Recommandation n° 4 : La CNCDH recommande de fixer un effectif d’agents pénitentiaires et d’intervenants extérieurs en adéquation avec le nombre réel, et non théorique, de personnes détenues.

1.2.1. Le droit à la santé

« Entendez cet autre qui a fini par percer lui-même l’abcès dentaire dont il souffrait depuis des jours. Impossible de voir un dentiste. Trop longue liste d’attente, trop peu de véhicules d’extraction médicale. (…) [La surpopulation] empêche aussi d’accéder à des soins normaux ; tout est insuffisant, rien ne va. Ni les effectifs de soignants débordés, ni les salles d’attente et d’examen, ni même les voitures des extractions médicales. Kinés, dentistes, ophtalmos, chirurgiens… Que de rendez-vous ratés ou impossibles ! Que de graves pertes de chance ! » (76).

30. En premier lieu, chaque détenu doit bénéficier d’un accès en temps utile à des soins de santé somatique et/ou psychologique, de qualité, afin d’être soigné d’une manière équivalente à la population « du dehors ». La loi de 1994 (77) a confié la gestion des soins en prison – jusqu’alors compétence de l’administration pénitentiaire – au ministère de la santé, ce qui permet aux personnes détenues d’être considérées, dans les soins qu’ils reçoivent, avant tout comme des patients. Selon les Règles dites Nelson Mandela, « L’Etat a la responsabilité d’assurer des soins de santé aux détenus, ceux-ci devant recevoir des soins de même qualité que ceux disponibles dans la société et avoir accès aux services nécessaires sans frais et sans discrimination fondée sur leur statut juridique » (78). Pour les mettre en œuvre, « Chaque prison doit disposer d’un service médical chargé d’évaluer, de promouvoir, de protéger et d’améliorer la santé physique et mentale des détenus » (79) afin de garantir « l’accès rapide aux soins médicaux en cas d’urgence » (80). Mais, en pratique, les difficultés relatives à l’accès aux soins révèlent un non-respect de ces règles.

31. La CNCDH alerte en particulier les pouvoirs publics sur les délais d’attente excessivement longs pour accéder à des consultations médicales, si tant est que les intéressés parviennent à obtenir une consultation, en raison notamment du sous-dimensionnement du personnel médical. Quant au secret médical, et plus largement la préservation de la confidentialité, ils ne doivent pas s’effacer devant les difficultés que posent la promiscuité inhérente à la prison et ses impératifs de sécurité. Il convient enfin de rappeler que le principe du consentement aux soins, selon lequel aucun d’eux ne doit être imposé, est applicable en détention comme à l’extérieur.

32. La CNCDH observe que, si l’accès aux soins doit nécessairement être amélioré, l’établissement pénitentiaire ne doit en aucun cas se substituer à un établissement de santé dès lors qu’il n’a pas pour objet d’accueillir des individus souffrant de graves pathologies. En ce sens, les articles 147-1 et 720-1-1 du code de procédure pénale permettent la suspension de la peine d’emprisonnement et/ou la remise en liberté (81) lorsque l’état de santé physique ou mentale est incompatible avec le maintien en détention ou si la personne est atteinte d’une pathologie engageant son pronostic vital. Ces dispositifs ne sont en réalité que trop rarement mobilisés, en particulier pour les personnes condamnées à de longues peines, « faute notamment d’un repérage pertinent des personnes susceptibles d’en bénéficier (expertises insuffisantes, personnel mal formé) et de l’absence de structure d’accueil » (82). A l’inverse, pour des personnes détenues en longues peines pour lesquelles la prison s’avère être depuis des années le seul domicile, il paraît pertinent de leur permettre de décéder en détention si elles le souhaitent (83).

33. La CNCDH déplore que de nombreuses personnes détenues soient en état de souffrance psychologique, comme le montre le nombre alarmant de suicides en prison. (84) La CNCDH alerte les pouvoirs publics sur la nécessité de déployer des efforts pour la prévention (85) et le traitement de la souffrance psychologique au-delà de la seule prévention matérielle du passage à l’acte suicidaire, laquelle se traduit actuellement par le recours à des cellules spécialement aménagées et munies de vidéo surveillance continue (86). La prise en charge préventive devrait avoir lieu tant lors de l’arrivée en détention que lors du retour en cellule, notamment après condamnation, afin de mieux prendre en compte le « choc carcéral » (87). Il est par ailleurs fondamental que des professionnels de santé puissent recevoir promptement les personnes détenues en souffrance psychologique (88), et les accompagner avec humanité. De même, après un passage à l’acte, il est essentiel de proposer un soutien psychologique aux autres personnes détenues ainsi qu’au personnel pénitentiaire qui en ressentiraient le besoin (89). Aussi nécessaire que soit l’amélioration de la prise en charge psychique des personnes détenues, elle ne doit pas occulter le fait que nombre de ces dernières n’ont tout simplement pas leur place en prison.

34. Enfin, la CNCDH s’inquiète de l’absence de données épidémiologiques en détention. Sur le risque de transmission de maladies telles que le VIH et l’hépatite C, un rapport de la Cour des comptes de 2019 constate que « les systèmes d’information tant hospitaliers que pénitentiaires ne décrivent que très mal, voire pas du tout, l’état de santé des personnes incarcérées » et que « la population carcérale est dans un angle mort statistique et épidémiologique » (90). Il est en outre essentiel d’accroître les efforts déjà réalisés pour lutter contre les épidémies de VIH, d’hépatite et de tuberculose qui sévissent encore en détention, dans des proportions très nettement supérieures à la population en liberté, notamment au sein des établissements ultramarins (91). La CNCDH regrette à ce titre que les politiques pénitentiaires s’appliquent au détriment des politiques de santé. Il existe en effet, aujourd’hui encore, une forte réticence à mettre en œuvre des politiques de réduction des risques en prison, par exemple concernant l’échange de seringues. Alors qu’une loi de 2016 a mis en place une politique de réduction des risques (RdR) (92), aucun décret ne permet son application en prison malgré des pratiques d’injection avérées. Pourtant, les Etats ayant mis en place une politique de réduction des risques constatent son succès (93).

Recommandation n° 5 : Afin de garantir le droit à la santé des personnes détenues, la CNCDH recommande :

– d’adapter une offre de soins tant somatiques que psychologiques, rapide et effective, dans le respect du secret médical et de la confidentialité, en augmentant les effectifs de personnel médical ;
– d’assurer l’accompagnement des personnes détenues et la prévention des risques de suicide, en développant les suivis psychologiques et psychiatriques ;
– de former et sensibiliser l’ensemble des acteurs intervenant en milieu carcéral aux spécificités et besoins de santé des différents publics ;
– de rendre effective la mise en œuvre de la suspension de peine et/ou remise en liberté en cas d’état de santé incompatible avec la détention ;
– d’adopter un décret permettant la mise en place d’une politique de réduction des risques en détention ;
– de permettre aux personnes en fin de vie qui le souhaitent de mourir en prison.

1.2.2. L’accès aux droits et à la justice

35. La CNCDH rappelle que l’accès aux droits vise la faculté pour une personne d’être informée de l’ensemble de ses droits ainsi que des modalités de leur exercice. Force est de constater que l’enfermement complique cet accès, et ce alors qu’il devrait au contraire être facilité pour les personnes détenues, très majoritairement en grande vulnérabilité sociale. La CNCDH entend alerter les pouvoirs publics sur les multiples obstacles entravant l’effectivité de ces droits et notamment les droits de la défense et le droit à un recours effectif, garantis respectivement par les articles 6 et 13 de la Convention européenne.

1.2.2.1. Les droits de la défense

36. L’accès à un avocat au cours de la détention s’avère, en pratique, souvent difficile. Il n’existe pas de permanence des avocats en détention et cette absence n’est pas compensée par les points d’accès au droit (PAD) au sein desquels il est interdit d’aborder les questions pénitentiaires, et qui, de plus, ne sont pas présents dans tous les établissements.

37. La CNCDH souhaite également rappeler que l’effectivité des droits de la défense impose de garantir le principe du contradictoire devant les commissions de l’application des peines (CAP), dont les décisions peuvent avoir des conséquences considérables sur l’exécution de la peine. La personne condamnée doit ainsi avoir le droit d’accéder à son dossier, de formuler des observations écrites, d’être entendue par la commission et d’être assistée de son avocat.

38. Dans le même sens, la CNCDH relève que les décisions prises en commission de discipline emportent des conséquences importantes non seulement sur le quotidien des personnes détenues mais aussi sur l’exécution de leur peine. Plus largement, ces commissions internes à la prison ne présentent pas les garanties exigées en matière de procès équitable. En particulier, l’administration pénitentiaire y est juge et partie : elle est l’autorité qui poursuit, constate et juge l’infraction, l’autorité hiérarchique des victimes dans les cas de faute commise à l’égard de ses agents et finalement, l’autorité en charge de l’exécution de la sanction. La présence d’assesseurs issus de la société civile n’est pas une garantie suffisante contre les risques de partialité dès lors que leur voix n’a qu’une valeur consultative et que la décision revient finalement au chef d’établissement (94).

39. Le droit pénitentiaire étant une matière technique rarement enseignée lors du cursus universitaire ou au sein des différentes écoles d’avocats, une formation adéquate de ces derniers représenterait par ailleurs une des clés pour une assistance efficace en prison. En ce sens, la publication d’un code pénitentiaire apparaîtrait comme un net progrès (95).

40. La CNCDH déplore également les difficultés d’accès des avocats à leurs clients détenus (96). Ainsi, selon les établissements, l’accès au dossier pénitentiaire de son client par l’avocat nécessite des démarches procédurales plus ou moins complexes et disparates. De même, des disparités sont rapportées dans l’application de certaines règles : par exemple, la communication des fiches pénales du client à son avocat peut être soumise à des exigences variables (accord préalable ou non de la personne détenue, présence sur place de l’avocat, etc.). Le cumul de ces difficultés constitue assurément une entrave à l’accès aux droits et à la justice.

41. La CNCDH s’inquiète enfin des difficultés d’accès à l’aide juridictionnelle pour les personnes détenues. En effet, les bureaux d’aide juridictionnelle (BAJ) exigent qu’elles répondent aux conditions ordinaires d’octroi de l’aide juridictionnelle et soumettent leur demande aux mêmes modalités qu’à l’extérieur. Il leur est par exemple demandé de fournir des documents tels que leur avis d’imposition ou encore leur fiche de salaire, des démarches souvent compliquées si ce n’est impossibles pour les personnes détenues, voire inutiles. L’exigence de la fiche de salaire apparaît ainsi injustifiée dès lors que la rémunération perçue en travaillant en prison ne dépasse jamais le seuil d’octroi de l’aide juridictionnelle totale. Il est donc essentiel d’adapter à la détention les modalités de la demande d’aide juridictionnelle.

Recommandation n° 6 : La CNCDH recommande de garantir les droits de la défense des personnes détenues :

– en instaurant des permanences d’avocats au sein des établissements pénitentiaires ;
– en instaurant pleinement le principe du contradictoire devant les commissions de l’application des peines ;
– en réformant le fonctionnement des commissions de discipline pour le rendre plus équitable ;
– en uniformisant et simplifiant les règles relatives aux communications entre l’administration pénitentiaire et l’avocat ;
– en adaptant à la détention les modalités d’accès à l’aide juridictionnelle des personnes détenues.

1.2.2.2. Le droit au recours

42. La CNCDH réaffirme que la procédure créée par la loi du 8 avril 2021 tendant à garantir le droit au respect de la dignité en détention ne garantit pas à la personne détenue un droit au recours effectif contre des conditions de détention indignes, en raison de sa complexité procédurale et de ses limites (97).

43. Alors que ce recours, prévu par l’article 803-8 du code de procédure pénale, exige une célérité de la procédure, le délai obligatoire de 13 à 37 jours entre le dépôt de la requête du prévenu et la décision du juge fait obstacle à une intervention en urgence. Ce recours semble donc difficile -voire impossible- à exercer pour des personnes condamnées à de très courtes peines. Il l’est également, par son formalisme, pour des personnes étrangères ou analphabètes. De plus, l’administration pénitentiaire est seule compétente pour apprécier les moyens à mettre en œuvre pour faire cesser une détention indigne, le juge n’ayant pas le pouvoir de lui enjoindre les mesures à adopter, et l’intéressé n’ayant pas la faculté de les contester.

44. En outre, le transfèrement de la personne détenue condamnée (98) est présenté comme une option susceptible de pallier les conditions indignes de détention. Or, d’une part, il emporte le risque d’un nouveau « choc carcéral » qui se traduit à la fois par une rupture dans le parcours carcéral (par exemple, une perte de travail) et un éloignement avec les proches. A ce titre, si le transfèrement de la personne condamnée ne doit pas porter « eu égard au lieu de résidence de sa famille, une atteinte excessive au droit au respect de sa vie privée et familiale », la CNCDH s’interroge sur le degré d’éloignement qui serait constitutif d’une atteinte « excessive », et recommande par ailleurs que cette règle soit étendue aux personnes prévenues, pour lesquelles l’éloignement ne saurait être jugé moins problématique. D’autre part, la CNCDH déplore que le juge ne dispose pas d’un pouvoir de contrôle a posteriori sur le bien-fondé de la décision de transfèrement, sur les conditions de détention de la cellule de destination et sur celles de la cellule de provenance, dans laquelle rien n’interdit à ce jour qu’une nouvelle personne soit placée.

Recommandation n° 7 : La CNCDH recommande de réformer le recours prévu à l’article 803-8 du code de procédure pénale permettant aux personnes détenues de contester leurs conditions de détention afin de le rendre effectif.

1.2.3. Le droit à la vie privée et familiale

45. Si la vie privée et familiale des personnes incarcérées, garantie par l’article 8 de la Convention européenne, souffre de limitations inhérentes à la privation de liberté, son respect est essentiel à la conservation des liens des personnes détenues avec leurs proches.

46. Il appartient aux autorités de placer un individu dans l’établissement pénitentiaire le plus proche du lieu du domicile de sa famille (99), dans le respect des exigences sécuritaires prises en compte lors de la désignation de l’établissement pénitentiaire. Cette exigence est d’autant plus difficile à mettre en œuvre pour les femmes détenues, notamment en raison du faible nombre d’établissements pénitentiaires qui leur sont réservés. L’éloignement entraîne, d’une part, une baisse de la régularité des visites et, d’autre part, des coûts de déplacement pour les proches, rendant difficile voire impossible, pour les plus démunis, le maintien des liens. La CNCDH recommande en ce sens de prendre en charge les frais de déplacement des proches les plus précaires en cas d’incarcération loin de leur foyer, comme c’est notamment le cas au Royaume-Uni (100).

47. Parce que les conditions matérielles dans lesquelles se déroulent les visites influent sur la qualité des relations, il est également nécessaire de garantir l’intimité et la confidentialité des rencontres au sein des parloirs, ainsi que la salubrité de ces derniers. Les parloirs collectifs « consistant en une grande pièce dans laquelle s’entassent les détenus et leurs familles, sans la moindre confidentialité, et où la surveillance s’exerce sous le nez des visiteurs » (101) sont encore trop fréquents.

48. De plus, lorsque les visites conjugales sont autorisées, notamment au sein des unités de vie familiale (UVF) ou, a minima, des « salons familiaux », ce droit « doit être exercé sans discrimination » et garanti par un « accès juste et égal dans des conditions de sûreté et de dignité » aux locaux mis à disposition par les services pénitentiaires (102). La CNCDH recommande de généraliser les UVF à tous les établissements pénitentiaires.

49. La CNCDH rappelle également que les permissions de sortir sont essentielles en ce qu’elles contribuent au maintien des liens tant avec la famille qu’avec la société « du dehors », et doivent dès lors être favorisées.

50. Outre les visites, la communication avec les proches, actuellement autorisée par téléphone et correspondance postale, doit être élargie à la correspondance électronique. Le coût des communications téléphoniques, aujourd’hui prohibitif, doit par ailleurs être drastiquement réduit, en particulier pour les personnes disposant de faibles ressources (103), largement majoritaires. La CNCDH salue, à ce propos, l’initiative du ministère de la justice d’accorder un crédit téléphonique de 40 euros à toute personne détenue pendant la crise sanitaire, et jusqu’à 80 euros pour les plus démunis, initiative qu’elle recommande de prolonger. Elle recommande, en outre, d’accorder une attention particulière aux personnes détenues en situation de vulnérabilité, notamment celles souffrant d’un handicap, les mineurs, et celles – notamment étrangères – dont l’éloignement géographique avec les proches est particulièrement important (104).

Recommandation n° 8 : La CNCDH recommande de garantir l’effectivité du droit au respect de la vie privée et familiale des personnes détenues :

– en généralisant les unités de vie familiale (UVF) et en augmentant leur nombre au sein des établissements pénitentiaires, en application de l’article 36 de la loi pénitentiaire de 2009 ;
– en améliorant les conditions matérielles d’accueil au parloir, pour les rendre dignes et préserver l’intimité et la confidentialité des échanges entre la personne détenue et ses proches ;
– en diminuant drastiquement le coût des appels téléphoniques et en garantissant une dotation minimale afin de lutter contre l’isolement.

1.2.4. Le droit à la réinsertion

« Le sens donné à la peine détermine le regard du citoyen sur la prison, le regard du détenu sur son temps de détention, le regard du personnel pénitentiaire sur les missions qui lui incombent. » (105)

51. Le temps de la détention doit aussi préparer à l’insertion ou la réinsertion (106) dans la société, comme le prévoit la loi pénitentiaire de 2009 en son article 2 (107). La CNCDH rappelle que le respect de tous les droits fondamentaux des personnes détenues évoqués précédemment contribue directement au droit à la réinsertion.

52. A ce titre, la personne détenue a l’obligation d’exercer au moins l’une des activités qui lui est proposée, « dès lors qu’elle a pour finalité la réinsertion de l’intéressé et est adaptée à son âge, à ses capacités, à son handicap et à sa personnalité » (108). Conçu largement, cet objectif de réinsertion peut se réaliser par l’enseignement et l’apprentissage, la poursuite, la reprise ou le démarrage d’études de niveau secondaire ou supérieur, la pratique de la lecture (109) (110) et de l’écriture, l’accès à la culture et tout ce qui concourt à la restauration de l’altérité. Les programmes, activités et ateliers, portés par des intervenants extérieurs, maintiennent les liens avec le « dehors » et redonnent confiance aux personnes détenues en éveillant ou réveillant leurs aptitudes. Par ailleurs, pour certaines personnes vulnérables à des actions d’endoctrinement, qu’elles en aient été l’objet avant leur incarcération ou qu’elles les subissent de la part d’autres personnes détenues à l’intérieur de la prison, la participation à des programmes éducatifs appropriés peut contribuer à les prémunir contre des préjugés ou des haines auxquels ils peuvent être sujets. Toutefois, la CNCDH relève que la faiblesse de l’offre d’activités socio-éducatives et de travail peine à satisfaire ces exigences légales, que les conditions d’existence en prison, notamment la surpopulation, nuisent à leur satisfaction et que les moyens humains et financiers des services pénitentiaires d’insertion et de probation sont très insuffisants.

53. La CNCDH souhaite donc alerter les pouvoirs publics sur la nécessité de développer les activités physiques et récréatives des personnes détenues, afin que la privation de liberté s’aligne « aussi étroitement que possible sur les aspects positifs de la vie à l’extérieur de la prison » (111). Le temps de la détention ne peut garantir la réinsertion que dans la mesure où il est un temps utile pour la personne détenue (112) : « L’ennui et l’inactivité peuvent également augmenter les tensions au sein de la prison et conduire les détenu·e·s à provoquer des troubles. » (113)

54. Enfin, un accès encadré à internet permettrait de favoriser, non seulement le maintien de la vie privée et familiale, mais aussi l’accès à l’information (114), à la culture et aux démarches administratives dématérialisées. Il permettrait plus généralement d’inclure les personnes détenues dans une société connectée.

Recommandation n° 9 : Afin de garantir le droit à la réinsertion des personnes détenues, la CNCDH recommande :

– d’élaborer un parcours individualisé de détention en concertation avec la personne détenue, les SPIP et les intervenants extérieurs, dès son entrée en détention ;
– de développer significativement l’offre d’activités physiques, récréatives, culturelles et éducatives des personnes détenues ;
– de permettre un accès encadré à internet, qui permettrait plus généralement le maintien de liens avec la société « du dehors ».

55. S’agissant en particulier du travail, l’article 717-3 du code de procédure pénale prévoit que « toutes dispositions so[ie]nt prises pour assurer une activité professionnelle, une formation professionnelle ou générale, aux personnes incarcérées qui en font la demande ». La CNCDH constate que l’offre de travail est cependant toujours très insuffisante, menant à un faible taux de personnes détenues travaillant, de 28 % en 2020 (115). En outre, la CNCDH déplore que le travail en prison soit davantage utilisé comme un outil de gestion de la détention que comme un instrument de réinsertion.

56. Outre le nécessaire développement quantitatif de l’offre de travail, la CNCDH souligne qu’une attention particulière doit être portée à la qualité de l’offre de travail pour permettre aux travailleurs détenus de développer un vrai projet de sortie : une manière de donner un sens à la peine. « Disposer d’un emploi stable est reconnu comme l’un des facteurs les plus importants pour prévenir la récidive, en cela que le fait de travailler peut augmenter le sentiment d’estime de soi des détenu·e·s et les aider à subvenir à leurs besoins et à ceux de leurs proches après leur libération » (116).

57. De plus, la CNCDH constate que les conditions d’exercice des emplois proposés, dérogatoires au droit commun du travail, ne répondent pas à l’effectivité des droits fondamentaux. La CNCDH relève que perdure la rémunération illégale à la pièce (117) et que le seuil minimum de rémunération (SMR), dérisoire, s’échelonne de 20 à 45 % du SMIC, soit entre 1,67 € et 3,35 € de l’heure. D’autres pays permettent une rémunération décente, comme l’Italie où les personnes détenues employées par l’administration pénitentiaire ne peuvent recevoir une rémunération inférieure aux deux tiers de celle versée pour la même tâche à l’extérieur (118). La nécessité d’une rémunération décente dans les prisons françaises a été affirmée en 2014 par la cour d’appel de Paris (119). Toutefois, si celle-ci a prononcé des indemnités compensatoires au profit d’un travailleur détenu, elle n’a pas pour autant précisé le montant d’une rémunération considérée comme décente.

58. La CNCDH regrette que la loi du 22 décembre 2021, qui instaure le contrat d’emploi pénitentiaire (120) conclu entre le détenu et le représentant du donneur d’ordre, n’aborde pas la question de la rémunération. Enfin, si la Commission prend acte de l’ouverture des droits sociaux des salariés aux travailleurs détenus (121), elle reste vigilante dans l’attente des futures ordonnances, et regrette que certains droits sociaux, comme l’indemnisation en cas de maladie non professionnelle, demeurent exclus sans que cela puisse s’expliquer par les contraintes liées à la détention.

Recommandation n° 10 : Afin de garantir le droit à la réinsertion, la CNCDH recommande :

– de rapprocher le droit du travail en détention du droit commun, notamment en fixant un seuil précis de rémunération minimale non dérisoire et en proscrivant de manière effective la rémunération à la pièce ;
– d’augmenter la quantité des offres d’emploi et de développer les emplois qualifiants.

2. Repenser les politiques pénale et pénitentiaire : de l’entrée en détention à la sortie

59. Comme constaté précédemment, la surpopulation carcérale constitue un problème structurel des prisons françaises. Le Comité pour la prévention de la torture (CPT) du Conseil de l’Europe constate que, depuis 1991, « malgré l’augmentation constante de la capacité pénitentiaire et l’adoption de nombreuses mesures et législations », « la population carcérale n’a cessé de croître à un rythme toujours plus soutenu ». Il invite ainsi le gouvernement à « tirer les leçons de l’inefficacité des mesures prises depuis trente ans » (122), à adopter une stratégie globale destinée à réduire la population carcérale et à prendre des mesures urgentes pour respecter les droits et libertés fondamentaux des personnes incarcérées.

Recommandation n° 11 : La CNCDH recommande que les politiques pénale et pénitentiaire fassent l’objet d’une réflexion globale conduisant à l’adoption d’un plan national d’action dont la mise en œuvre pourrait être soumise au contrôle indépendant du CGLPL, en concertation avec les organisations compétentes de la société civile.

60. Partant du constat d’une surpopulation carcérale endémique qu’aucun gouvernement n’a su endiguer depuis des dizaines d’années, la CNCDH estime qu’il convient de changer de paradigme pour résoudre le problème (2.1). En ce sens, il est indispensable, d’une part, de limiter les entrées en prison (2.2) et, d’autre part, de favoriser les sorties (2.3). La CNCDH rappelle que dans tous les cas où l’emprisonnement de la personne condamnée est inévitable, il importe de concevoir son parcours carcéral autour d’un projet de sortie.

2.1. Changer de paradigme pour lutter contre la surpopulation carcérale

61. Depuis plus de trente ans, la France a tenté de traiter le problème du surencombrement des prisons sous le seul prisme de l’insuffisance du parc carcéral, en se focalisant sur la construction de nouvelles places de prison. La CNCDH dénonce l’inefficacité de cette politique sur le taux d’occupation. En effet, depuis trente ans, le nombre de places de prison et le nombre de prisonniers évoluent parallèlement : + 24 160 places nettes, + 24 572 personnes détenues. Comme le relève la criminologue belge Sonja Snacken, ancienne présidente du conseil de coopération pénologique du Conseil de l’Europe à l’origine des Règles pénitentiaires européennes, « on ne traite alors que les conséquences de la surpopulation, et non pas les mécanismes ou les facteurs qui en sont à l’origine ». (123)

62. A cette fin, outre l’instauration d’un moratoire sur cette politique de construction, la CNCDH recommande la mise en œuvre d’une politique de déflation carcérale, via des mécanismes à effet immédiat, comme les mesures de libération anticipée mobilisées pendant la pandémie de Covid-19 en 2020 (124) ou d’amnistie, ainsi que des mesures à plus long terme. Les politiques mises en œuvre dans d’autres pays européens témoignent que la déflation carcérale est possible. La France est à contre-courant de la tendance européenne : alors que le nombre moyen de personnes détenues pour 100 000 habitants dans les pays du Conseil de l’Europe a baissé de plus de 16 points entre 2010 et 2020 (125), la France passait d’un taux d’incarcération de 103,5 détenus en 2010 à 105,3 en 2020 (126).

63. Il est également nécessaire de penser la peine privative de liberté sur un nouveau modèle aux conséquences désocialisantes moindres, et donc in fine meilleur pour la société toute entière. La CNCDH note l’existence de deux prisons ouvertes dans le parc pénitentiaire français (127), qui promeuvent l’autonomie, la formation et le travail, et connaissent un taux quasi nul de suicide et un taux de récidive inférieur à la moyenne (128).

Recommandation n° 12 : La CNCDH recommande le recours à des mesures immédiates de libération pour réduire la pression carcérale.
Recommandation n° 13 : La CNCDH recommande :

– à titre principal, de mettre dès à présent un terme à la construction de nouvelles places de prisons, et de réallouer les budgets dédiés à l’extension du parc carcéral à l’amélioration des conditions de détention, la prise en charge et l’accompagnement des personnes détenues ainsi que le renforcement du milieu ouvert ;
– à titre subsidiaire, de favoriser des établissements de petite taille au cœur de la cité privilégiant des dispositifs de semi-liberté, selon des modèles plus ouverts sur l’extérieur.

2.2. Limiter les entrées en prison

64. Afin de réduire la surpopulation carcérale, il convient de penser un droit pénal dans lequel le recours à l’enfermement serait, de façon générale, extrêmement limité. En ce sens, la Cour européenne affirme que les Etats doivent « réduire le nombre de personnes incarcérées, notamment en appliquant davantage des mesures punitives non privatives de liberté et en réduisant au minimum le recours à la détention provisoire » (129).

65. Il convient donc de limiter le recours à la détention provisoire (130) ainsi que sa durée, qui contribuent fortement au surpeuplement des maisons d’arrêt. Au 1er février 2022, 19 333 personnes étaient détenues dans l’attente de leur jugement, représentant près de 28 % de la population incarcérée (131). La détention provisoire ne devrait pourtant être prononcée – ou prolongée – que « s’il est démontré au regard des éléments précis et circonstanciés résultant de la procédure qu’elle constitue l’unique moyen de parvenir à l’un ou plusieurs des objectifs » énumérés par l’article 144 du code de procédure pénale (132), et si les obligations du contrôle judiciaire ou de l’assignation à résidence sous placement électronique se révèlent « insuffisantes », au regard des mêmes éléments (article 137 du même code), précis et circonstanciés résultant de la procédure. C’est pourquoi, à l’instar de la jurisprudence constante de la Cour de cassation (133), la CNCDH rappelle le caractère subsidiaire de la détention provisoire, et réaffirme que la liberté est la règle et l’enfermement l’exception, et ce sans discrimination, quelles que soient les caractéristiques socio-démographiques des personnes concernées.

Recommandation n° 14 : La CNCDH recommande que le placement en détention provisoire ou la prolongation de la mesure n’intervienne qu’en dernier recours, dans le respect des articles 137 et 144 du code de procédure pénale.

66. L’emprisonnement ferme en matière correctionnelle ne peut être prononcé « qu’en dernier recours », conformément à l’article 132-19, alinéa 2 du code pénal. La Commission rappelle que, si l’enfermement peut être une nécessité pour mettre à l’écart certaines personnes, il s’avère le plus souvent contre-productif en termes de réinsertion et de prévention de la récidive. Dès lors, pour que les droits fondamentaux soient pleinement respectés au sein du système pénal, il convient de développer les alternatives à la détention et de crédibiliser leur efficacité tant auprès des citoyens que des professionnels de la justice. Par ailleurs, même si le coût global des différents types de peines est encore mal documenté, tout laisse à penser que ces alternatives sont moins onéreuses que l’emprisonnement. Pour autant, cette politique pénale implique une augmentation du budget des services pénitentiaires d’insertion et de probation mais aussi des associations accompagnant des personnes condamnées en milieu ouvert dans l’exécution de leur peine.

Recommandation n° 15 : A l’instar du Conseil économique, social et environnemental (CESE), la CNCDH recommande que soit confiée à la Cour des comptes la mission d’évaluer précisément le coût de l’incarcération et des alternatives à la détention (134).

67. Une justice de qualité nécessite en outre une meilleure connaissance par les magistrats de la réalité carcérale. En ce sens, l’article 10 de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 (135) impose à certains magistrats de visiter une fois par an tous les établissements pénitentiaires situés dans leur ressort territorial de compétence. Or, cette obligation n’est que peu appliquée par les magistrats. La CNCDH, consciente du manque criant de moyens tant humains que matériels affectant le service public de la justice, rappelle que l’augmentation de ces derniers conditionne l’application effective de l’article précité.

Recommandation n° 16 : La CNCDH recommande l’application effective de l’article 10 de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 et, à cette fin, l’augmentation du nombre de magistrats.

2.2.1. La mise en œuvre du principe de l’emprisonnement comme peine de dernier recours

68. D’abord, la CNCDH ne peut que regretter la difficile mise en œuvre de l’article 132-19, alinéa 2 qui prévoit que la peine d’emprisonnement ferme « ne peut être prononcée qu’en dernier recours ». Il est capital que cette peine cesse, dans les faits, d’être la peine de référence.
69. Ensuite, alors que l’emprisonnement n’a pas de sens pour la répression de certains types d’infraction, la CNCDH déplore qu’il soit prévu pour la plupart des délits. En effet, rares sont ceux non punissables d’emprisonnement, (tels que la conduite sans assurance (136) et l’outrage à personne chargée d’une mission de service public (137). Elargir cette catégorie de délits contribuerait à réduire le nombre de personnes incarcérées. La CNCDH estime plus particulièrement que certains délits routiers menant fréquemment au prononcé d’une peine d’emprisonnement ferme ne devraient plus être sanctionnés par une peine d’emprisonnement (138). Dans le même objectif, la CNCDH recommande également aux pouvoirs publics d’engager une réflexion sur la politique de lutte contre les stupéfiants (139). Plus généralement, la Commission attire leur attention sur la tendance à multiplier les comportements pénalement sanctionnés, y compris par une privation de liberté (140).

Recommandation n° 17 : La CNCDH recommande :

– la mise en œuvre effective par les magistrats de l’article 132-19 alinéa 2 du code pénal prévoyant l’emprisonnement ferme comme une peine de « dernier recours » ;
– la réduction du nombre de délits punissables d’une peine d’emprisonnement.

2.2.2. Favoriser les peines alternatives à l’emprisonnement et les aménagements de peine ab initio

70. La limitation des entrées en détention passe aussi par le recours aux alternatives à l’emprisonnement telles que la détention à domicile sous surveillance électronique (141), le travail d’intérêt général (142) ou encore la sanction-réparation (143). A ce sujet, la CNCDH se félicite que la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 prohibe le prononcé d’« une peine d’emprisonnement ferme d’une durée inférieure ou égale à un mois » (144). Néanmoins, le recours à ces peines alternatives ne doit pas conduire, comme c’est le cas aujourd’hui, à une augmentation du nombre de personnes placées sous main de justice. C’est pourquoi la CNCDH recommande que ces peines non privatives de liberté ne soient véritablement prononcées qu’en lieu et place des peines carcérales et, dans ce cadre, encourage leur développement.

71. Le même constat s’applique également aux aménagements de peine, qu’ils soient prononcés ab initio (avant incarcération) – ce qui est encore accentué par la loi de 2019 précitée – ou en cours d’exécution de la peine (145). Cependant, malgré les diverses réformes législatives encourageant à y recourir, le nombre de personnes détenues n’a cessé d’augmenter.

72. La loi précitée du 23 mars 2019 pose le principe de l’obligation d’un aménagement de peine sauf « impossibilité résultant de la personnalité ou de la situation du condamné », pour les peines d’emprisonnement ferme (146) supérieures à un mois et inférieures ou égales à six mois. Pour les peines supérieures à six mois et inférieures ou égales à un an (147), l’aménagement est à privilégier, à condition cependant que « la personnalité et la situation du condamné le permettent, et sauf impossibilité matérielle » (148). Si la CNCDH salue le renforcement du recours aux aménagements de peine ab initio (149), elle regrette à nouveau que la peine d’emprisonnement reste la peine de référence. En pratique, le magistrat est d’abord invité à prononcer une peine d’emprisonnement ferme puis, selon sa durée, à envisager un aménagement. En outre, les exceptions à ces aménagements prévus par le texte peuvent être interprétées si largement que la dérogation est susceptible de l’emporter sur le principe. En ce sens, la CNCDH déplore que malgré l’entrée en vigueur de ladite loi le 24 mars 2020, l’augmentation du nombre de personnes condamnées à des courtes peines et incarcérées : en 2021, 26 % des personnes détenues étaient condamnées à une peine inférieure ou égale à 6 mois (150). La CNCDH ne peut enfin que déplorer l’interdiction par la même loi d’un aménagement ab initio pour les peines d’emprisonnement supérieures à un an et inférieures ou égales à deux ans.

73. Parmi les trois aménagements de peine prévus par le nouvel article 132-25 du code pénal, la mesure la plus prononcée est la détention à domicile sous surveillance électronique (qui concerne 13 540 personnes au 1er février 2022), un nombre en augmentation par rapport à décembre 2020, très loin devant la semi-liberté (qui concerne 1 653 personnes) et le placement extérieur (974 personnes) (151). Si le placement extérieur et, dans une moindre mesure, la semi-liberté sont moins prononcés, c’est notamment en raison du manque de moyens consacrés à leur promotion et à leur développement. Le recours à la surveillance électronique est quant à lui favorisé en raison de son moindre coût dès lors que l’accent est clairement mis sur la surveillance au détriment de l’accompagnement.

74. De plus, la détention à domicile sous surveillance électronique nécessite des garanties qui se résument souvent à l’existence d’un contrat de travail ou a minima d’un projet professionnel concret ou encore d’un domicile stable. Les conditions d’octroi de ces aménagements de peine s’avèrent donc discriminantes : seules y sont éligibles les personnes disposant des codes sociaux indispensables à l’insertion professionnelle, tandis que les plus précaires nécessitant un accompagnement renforcé, se voient majoritairement incarcérées (152).

75. Dans la mesure où il permet la mise à disposition d’un logement et un encadrement pluridisciplinaire (institutionnel, associatif, médical), le placement extérieur doit être favorisé. Il est particulièrement adapté à certains profils considérés particulièrement fragiles ou précaires, telles les personnes nécessitant un suivi psychologique ou un suivi en addictologie, ou encore les personnes dépourvues de domicile fixe.

76. La CNCDH estime que les mesures de semi-liberté sont également à favoriser. Il convient donc d’augmenter le nombre de places en veillant à une répartition territoriale équitable. Il importe de plus que ces établissements à taille humaine soient situés en centre-ville ou à tout le moins dans des lieux facilement accessibles en transport en commun, afin de favoriser la préparation à la sortie et le maintien des liens familiaux et sociaux.

Recommandation n° 18 : La CNCDH recommande :

– la révision des articles pertinents du code pénal et du code de procédure pénale afin de permettre au tribunal correctionnel d’aménager les peines d’emprisonnement ferme supérieures à un an et égales ou inférieures à deux ans ;
– l’augmentation des crédits alloués au placement extérieur et la revalorisation du coût à la journée de cette mesure.

2.3. Favoriser les sorties

77. La CNCDH estime qu’à l’évidence, un autre levier consiste à favoriser les sorties par la réduction de la durée des peines prononcées et le recours aux aménagements de fin de peine. En 2020, seul un quart des condamnés détenus a effectué une peine cumulée (153) inférieure ou égale à 1 an, alors que la part des longues peines reste toujours importante : près de 30 % des condamnés détenus ont été incarcérés pendant plus de 5 ans (154). Enfin, la Commission estime indispensable de créer un mécanisme de régulation carcérale, permettant de prévenir la surpopulation et donc de réduire les atteintes aux droits fondamentaux des personnes détenues.

2.3.1. Renforcer l’accompagnement en fin de peine

78. La CNCDH salue la réforme de l’article 720 du code de procédure pénale par la loi du 22 décembre 2021, qui prévoit que la libération sous contrainte s’applique de plein droit : « Lorsqu’il reste au condamné exécutant une ou plusieurs peines privatives de liberté d’une durée totale inférieure ou égale à deux ans un reliquat de peine à exécuter qui est inférieur ou égal à trois mois ». Elle regrette néanmoins que l’absence d’hébergement soit un critère d’exclusion de cette disposition, alors que les personnes concernées ont au contraire un besoin décuplé d’accompagnement en raison de leur particulière précarité.

79. S’agissant des réductions de peines, les articles 721 et suivants du code de procédure pénale (155) prévoient jusqu’au 31 décembre 2022 l’attribution à tous les condamnés d’un crédit de réduction de peine, avec la possibilité pour le JAP de le retirer notamment « en cas de mauvaise conduite du condamné en détention » (156). La loi du 22 décembre 2021 supprime ce système de crédit en réécrivant totalement l’article 721 (157). Le JAP pourra accorder des réductions de peine à la double condition de preuves suffisantes de bonne conduite du condamné et d’efforts sérieux de réinsertion. La CNCDH partage les craintes exprimées que cette réforme ne conduise à augmenter la durée de l’incarcération, venant ainsi contredire l’objectif de lutte contre la surpopulation carcérale (158). Elle craint en outre qu’elle entraîne une surcharge des CAP, encore accentuée au sein des établissements surpeuplés, et des traitements différenciés (159).

80. Quant aux aménagements de fin de peine, ils occupent une place capitale dans l’élaboration d’un projet de sortie, lequel doit s’inscrire au cœur du parcours de détention dès l’arrivée en prison, notamment pour les personnes effectuant de courtes peines. La CNCDH déplore que la mise en œuvre de ce projet dépende trop souvent de la disponibilité de conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation (CPIP) – en nombre insuffisant – et de celle de l’avocat du condamné, dès lors que ces deux professionnels constituent les seuls liens entre lui et le JAP. De ce fait, la CNCDH recommande l’augmentation des moyens humains alloués aux SPIP de façon à s’assurer que le nombre de CPIP soit proportionné au nombre de personnes condamnées dont ils ont la charge.

Recommandation n° 19 : La CNCDH recommande :

– que l’absence d’hébergement ne constitue plus un critère d’exclusion pour bénéficier du mécanisme de libération sous contrainte prévu par l’article 710 du code de procédure pénale ; à titre subsidiaire, qu’une obligation de recherche d’hébergement soit mise à la charge de l’administration pénitentiaire ;
– le rétablissement des articles 721 et suivants du code de procédure pénale dans leur version antérieure à la loi du 22 décembre 2021 en vue de rétablir le crédit de réduction de peine ;
– l’inscription dans la loi d’un projet de sortie au sein du parcours du détenu et ce, dès l’entrée en détention ;
– l’augmentation du nombre de conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation et des moyens alloués aux services dans lesquels ils exercent.

2.3.2. Mettre en place des mécanismes de régulation carcérale

81. Afin d’endiguer la surpopulation carcérale et au vu du constat réitéré de l’échec des différentes politiques pour y parvenir, la CNCDH, à l’instar du CGLPL, estime nécessaire de mettre en œuvre un mécanisme de régulation carcérale ayant pour objet d’éviter que tout établissement dépasse un taux d’occupation de 100 %. Ce mécanisme devrait être inscrit dans la loi afin de s’imposer aux magistrats et à l’administration pénitentiaire.

Recommandation n° 20 : La CNCDH recommande l’inscription dans la loi d’un mécanisme de régulation carcérale qui interdise à tout établissement pénitentiaire, et tout quartier le composant, de dépasser un taux d’occupation de 100 %.

82. En définitive, la résorption de la surpopulation carcérale est urgente et requiert une véritable révolution des politiques pénales. Si elle est une condition nécessaire pour assurer le respect des droits fondamentaux des personnes détenues, elle ne constitue pas pour autant une condition suffisante pour faire évoluer la vie pénitentiaire en France. Face à un recours beaucoup trop fréquent à l’enfermement carcéral, la CNCDH estime que seule une réforme profonde des politiques pénale et pénitentiaire permettra de résoudre les difficultés endémiques pour lesquelles la France est régulièrement pointée du doigt par la communauté internationale. Cela permettra enfin de mieux penser l’institution justice, en amont des infractions pour les prévenir, et en aval pour favoriser la réinsertion et éviter les récidives. A l’instar des pays comparables à la France qui ont véritablement mis en œuvre des politiques de déflation carcérale, il apparaît primordial de développer toutes les alternatives à la détention, en veillant cependant à ce que le remède en faveur d’une utilisation raisonnée et parcimonieuse de l’enfermement carcéral ne conduise pas à l’augmentation du nombre de personnes sous main de justice. C’est-à-dire ne conduise pas à l’extension inquiétante du filet pénal, une préoccupation légitime dans une société démocratique. En ce sens, pour sortir de l’inertie dans laquelle la situation des prisons françaises est plongée depuis tant d’années, la CNCDH recommande que la France, reconnue mauvaise élève en Europe, s’inspire des expériences vertueuses qui ont fait leur preuve dans des pays voisins tels que l’Allemagne, les Pays-Bas, la Suisse, la Belgique ou l’Italie. Enfin, devant la complexité avérée d’enjeux qui dépassent la prison, la CNCDH estime que tous les acteurs en présence, magistrats, avocats, personnel pénitentiaire, intervenants en détention, associations, CGLPL, Défenseur des droits, syndicats, personnes détenues et leurs proches, doivent être associés – et non pas simplement consultés – à l’élaboration d’un projet pénal et pénitentiaire respectueux des droits fondamentaux.

SYNTHÈSE DES RECOMMANDATIONS.

Recommandation n° 1 : Pour mettre fin aux atteintes à l’intégrité physique ou psychique des personnes détenues, la CNCDH recommande :

– l’adoption de mesures structurelles afin de prévenir les violences commises en détention, et de garantir la protection des victimes et leur accès à la justice ;
– la cessation des usages illégitimes ou disproportionnés de la force.

Recommandation n° 2 : La CNCDH recommande de rendre effectif, de manière urgente, le droit à l’encellulement individuel.
Recommandation n° 3 : Pour améliorer les conditions matérielles de détention, la CNCDH recommande la réhabilitation en urgence des établissements vétustes et l’augmentation conséquente du budget alloué à l’entretien du parc immobilier existant.
Recommandation n° 4 : La CNCDH recommande de fixer un effectif d’agents pénitentiaires et d’intervenants extérieurs en adéquation avec le nombre réel, et non théorique, de personnes détenues.
Recommandation n° 5 : Afin de garantir le droit à la santé des personnes détenues, la CNCDH recommande :

– d’adapter une offre de soins tant somatiques que psychologiques, rapide et effective, dans le respect du secret médical et de la confidentialité, en augmentant les effectifs de personnel médical ;
– d’assurer l’accompagnement des personnes détenues et la prévention des risques de suicide, en développant les suivis psychologiques et psychiatriques ;
– de former et sensibiliser l’ensemble des acteurs intervenant en milieu carcéral aux spécificités et besoins de santé des différents publics ;
– de rendre effective la mise en œuvre de la suspension de peine et/ou remise en liberté en cas d’état de santé incompatible avec la détention ;
– d’adopter un décret permettant la mise en place d’une politique de réduction des risques en détention ;
– de permettre aux personnes en fin de vie qui le souhaitent de mourir en prison.

Recommandation n° 6 : La CNCDH recommande de garantir les droits de la défense des personnes détenues :

– en instaurant des permanences d’avocats au sein des établissements pénitentiaires ;
– en instaurant pleinement le principe du contradictoire devant les commissions de l’application des peines ;
– en réformant le fonctionnement des commissions de discipline pour le rendre plus équitable ;
– en uniformisant et simplifiant les règles relatives aux communications entre l’administration pénitentiaire et l’avocat ;
– en adaptant à la détention les modalités d’accès à l’aide juridictionnelle des personnes détenues.

Recommandation n° 7 : La CNCDH recommande de réformer le recours prévu à l’article 803-8 du code de procédure pénale permettant aux personnes détenues de contester leurs conditions de détention afin de le rendre effectif.
Recommandation n° 8 : La CNCDH recommande de garantir l’effectivité du droit au respect de la vie privée et familiale des personnes détenues :

– en généralisant les unités de vie familiale (UVF) et en augmentant leur nombre au sein des établissements pénitentiaires, en application de l’article 36 de la loi pénitentiaire de 2009 ;
– en améliorant les conditions matérielles d’accueil au parloir, pour les rendre dignes et préserver l’intimité et la confidentialité des échanges entre la personne détenue et ses proches ;
– en diminuant drastiquement le coût des appels téléphoniques et en garantissant une dotation minimale afin de lutter contre l’isolement.

Recommandation n° 9 : Afin de garantir le droit à la réinsertion des personnes détenues, la CNCDH recommande :

– d’élaborer un parcours individualisé de détention en concertation avec la personne détenue, les SPIP et les intervenants extérieurs, dès son entrée en détention ;
– de développer significativement l’offre d’activités physiques, récréatives, culturelles et éducatives des personnes détenues ;
– de permettre un accès encadré à internet, qui permettrait plus généralement le maintien de liens avec la société « du dehors ».

Recommandation n° 10 : Afin de garantir le droit à la réinsertion, la CNCDH recommande :

– de rapprocher le droit du travail en détention du droit commun, notamment en fixant un seuil précis de rémunération minimale non-dérisoire et en proscrivant de manière effective la rémunération à la pièce ;
– d’augmenter la quantité des offres d’emploi et de développer les emplois qualifiants.

Recommandation n° 11 : La CNCDH recommande que les politiques pénale et pénitentiaire fassent l’objet d’une réflexion globale conduisant à l’adoption d’un plan national d’action dont la mise en œuvre pourrait être soumise au contrôle indépendant du CGLPL, en concertation avec les organisations compétentes de la société civile.
Recommandation n° 12 : La CNCDH recommande le recours à des mesures immédiates de libération pour réduire la pression carcérale.
Recommandation n° 13 : La CNCDH recommande :

– à titre principal, de mettre dès à présent un terme à la construction de nouvelles places de prison, et de réallouer les budgets dédiés à l’extension du parc carcéral à l’amélioration des conditions de détention, la prise en charge et l’accompagnement des personnes détenues ainsi que le renforcement du milieu ouvert ;
– à titre subsidiaire, de favoriser des établissements de petite taille au cœur de la cité privilégiant des dispositifs de semi-liberté, selon des modèles plus ouverts sur l’extérieur.

Recommandation n° 14 : La CNCDH recommande que le placement en détention provisoire ou la prolongation de la mesure n’intervienne qu’en dernier recours dans le respect des articles 137 et 144 du code de procédure pénale.
Recommandation n° 15 : A l’instar du Conseil économique, social et environnemental (CESE), la CNCDH recommande que soit confiée à la Cour des comptes la mission d’évaluer précisément le coût de l’incarcération et des alternatives à la détention.
Recommandation n° 16 : La CNCDH recommande l’application effective de l’article 10 de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 et, à cette fin, l’augmentation du nombre de magistrats.
Recommandation n° 17 : La CNCDH recommande :

– la mise en œuvre effective par les magistrats de l’article 132-19 alinéa 2 du code pénal prévoyant l’emprisonnement ferme comme une peine de « dernier recours » ;
– la réduction du nombre de délits punissables d’une peine d’emprisonnement.

Recommandation n° 18 : La CNCDH recommande :

– la révision des articles pertinents du code pénal et du code de procédure pénale afin de permettre au tribunal correctionnel d‘aménager les peines d’emprisonnement ferme supérieures à un an et égales ou inférieures à deux ans ;
– l’augmentation des crédits alloués au placement extérieur et la revalorisation du coût à la journée de cette mesure.

Recommandation n° 19 : La CNCDH recommande :

– que l’absence d’hébergement ne constitue plus un critère d’exclusion pour bénéficier du mécanisme de libération sous contrainte prévu par l’article 710 du code de procédure pénale ; à titre subsidiaire, qu’une obligation de recherche d’hébergement soit mise à la charge de l’administration pénitentiaire ;
– le rétablissement des articles 721 et suivants du code de procédure pénale dans leur version antérieure à la loi du 22 décembre 2021 en vue de rétablir le crédit de réduction de peine ;
– l’inscription dans la loi d’un projet de sortie au sein du parcours du détenu et ce, dès l’entrée en détention ;
– l’augmentation du nombre de conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation et des moyens alloués aux services dans lesquels ils exercent.

Recommandation n° 20 : La CNCDH recommande l’inscription dans la loi d’un mécanisme de régulation carcérale qui interdise à tout établissement pénitentiaire, et tout quartier le composant, de dépasser un taux d’occupation de 100 %.

Note de bas de page

(1) CNCDH, Rapports sur les droits de l’homme en prison, septembre et décembre 2004.
(2) CNCDH, Avis sur le projet de loi pénitentiaire, adopté le 6 novembre 2008.
(3) CNCDH, Avis sur la question pénitentiaire dans les Outre-Mer, adopté le 18 mai 2017, JORF n° 138 du 14 juin 2017, texte n° 77.
(4) CNCDH, Avis sur la privation de liberté des mineurs, adopté le 27 mars 2018, JORF n° 77 du 1er avril 2018, texte n° 48.
(5) Nations unies, Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, signé par la France le 26 septembre 2005 et ratifié le 11 novembre 2008.
(6) CNCDH, Avis sur la mise en place d’un mécanisme national de prévention de la torture, 14 juin 2007.
(7) Loi n° 2007-1545 du 30 octobre 2007.
(8) Selon les articles 714 et 717 du code pénal, sont incarcérés au sein des maisons d’arrêt « les personnes mise en examen, prévenus et accusés soumis à la détention provisoire » et ; à titre exceptionnel, peuvent y être maintenus « les condamnés à l’emprisonnement d’une durée inférieure ou égale à deux ans » ou encore « les condamnés auxquels il reste à subir une peine d’une durée inférieure à un ans ». Il existe 81 maisons d’arrêt en France.
(9) CEDH, J.M.B. et autres c. France, 30 janvier 2020, Req. n° 9671/15 et 31 autres.
(10) CEDH, J.M.B. et autres c. France, 30 janvier 2020, Req. n° 9671/15 et 31 autres, §16.
(11) Voir notamment CEDH, Canali c. France, 25 avril 2013, Req. n° 40119/09 ; CEDH, Yengo c. France, 21 mai 2015, Req. n° 50494/12.
(12) L’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme interdit la torture : « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ».
(13) Voir notamment Conseil de l’Europe, Comité de prévention de la torture, Rapport de visite au Gouvernement de la République française relatif à la visite effectuée en France par le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT)., para. 41 : « Depuis 1991, le CPT constate que les établissements pénitentiaires sont surpeuplés et chacun de ses rapports relatifs aux prisons recommande que des mesures soient prises pour remédier à la situation ».
(14) Nations unies, Comité contre la torture, Observations finales concernant le septième rapport périodique de la France, CAT/C/FRA/CO/7, 10 juin 2016, paras. 22, 24 et 26 ; Nations unies, Observations finales concernant le cinquième rapport périodique de la France, CCPR/C/FRA/CO/5, 17 août 2015, para. 17.
(15) Voir notamment Assemblée nationale, Commission d’enquête sur la situation dans les prisons françaises, rapport, 28 juin 2000 ; Sénat, Commission d’enquête sur les conditions de détention dans les établissements pénitentiaires en France, rapport, 29 juin 2000.
(16) Voir notamment Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL), les droits fondamentaux à l’épreuve de la surpopulation carcérale, Dalloz, 7 février 2018 ; Défenseur des droits, Avis 21-13 relatif à l’identification des dysfonctionnements et manquements de la politique pénitentiaire, 30 septembre 2021.
(17) Conseil de l’Europe, Comité des ministres, 1411e réunion, H46-12 J.M.B. et autres c. France (Requête n° 9671/15), 14-16 septembre 2021, accessible en ligne sur : https://search.coe.int/cm/Pages/result_details.aspx?ObjectID=0900001680a3c059.
(18) Ibid.
(19) Cour de cassation, chambre criminelle, 8 juillet 2020, 20-81.739, publié au bulletin ; Conseil Constitutionnel, Décision n° 2020-858/859 QPC, 2 octobre 2020.
(20) Loi n° 2021-403 du 8 avril 2021 tendant à garantir le droit au respect de la dignité en détention créant l’article 803-8 du code de procédure pénale, et modalités d’application précisées par le décret n° 2021-1194 du 15 septembre 2021
(21) CNCDH, Déclaration relative à la proposition de loi tendant à garantir le droit au respect de la dignité en détention, adoptée le 25 mars 2021, JORF n° 81 du 4 avril 2021, texte n° 52.
(22) FASSIN, Didier, Punir – Une passion contemporaine Suivi de Le moment punitif à l’épreuve de la pandémie, coll. « points-essais », Paris, Ed. Seuil, 2020.
(23) VIENNOT, Camille, « Célérité et justice pénale : L’exemple de la comparution immédiate », Archives de politique criminelle, 2007/1 (n° 29), p. 117-143. DOI : 10.3917/apc.029.0117, disponible sur : https://www.cairn.info/revue-archives-de-politique-criminelle-2007-1-page-117.htm.
(24) Ces alternatives sont entendues au sens large incluant les alternatives à l’emprisonnement et les aménagements d’une peine d’emprisonnement ferme.
(25) Ordonnance n° 2020-303 du 25 mars 2020 portant adaptation de règles de procédure pénale sur le fondement de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19, JORF n°74 du 26 mars 2020.
(26) Ministère de la justice, statistiques de la population détenue et écrouée, janvier 2020, tableau 6.
(27) Ministère de la justice, statistiques de la population détenue et écrouée, février 2022, tableau 6.
(28) Ministère de la justice, statistiques de la population détenue et écrouée, février 2022, tableau 11.
(29) Ministère de la justice, statistiques de la population détenue et écrouée, février 2022.
(30) Le calcul résultant du nombre de personnes détenues dans chaque établissement pénitentiaire relativement au nombre de places disponibles.
(31) Observatoire international des prisons (OIP), « Les vrais chiffres de la surpopulation en maison d’arrêt », 14 février 2022.
(32) Ministère de la justice, statistiques de la population détenue et écrouée, janvier 2022.
(33) OIP, art. cit.
(34) Ibid.
(35) Ministère de la justice, statistiques de la population détenue et écrouée, janvier 2022.
(36) Ministère de la justice, statistiques de la population détenue et écrouée, janvier 2022, tableau 30.
(37) 30 % au 1er janvier 2020, ministère de la justice, statistiques des personnes placées sous main de justice, 1980 – 2020.
(38) Rapport « Au dernier barreau de l’échelle sociale : la prison », Secours catholique et Emmaüs France, octobre 2021, p. 21.
(39) Rapport de la commission d’enquête visant à identifier les dysfonctionnements et manquements de la politique pénitentiaire française, n° 4906, enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 12 janvier 2022, p. 95 : En 2019-2020, lors de leur entrée en détention, 65,9 % des personnes détenues avaient un niveau scolaire 1 et 2 (sans diplôme, DILF-DELF, CFG, titre professionnel).
(40) 8 % de la population d’enquête se trouvaient sans hébergement, 4 % logeaient dans un foyer et 27 % des individus étaient hébergés chez des proches, selon le Rapport « Au dernier barreau de l’échelle sociale : la prison », Secours catholique et Emmaüs France, octobre 2021, p. 29.
(41) Pauvreté économique, mais également sociale, relationnelle, intellectuelle et culturelle.
(42) 45 % des répondants estiment être en situation de pauvreté avant leur incarcération contre 70 % au cours de leur détention, selon le Rapport « Au dernier barreau de l’échelle sociale : la prison », Secours catholique et Emmaüs France, octobre 2021, p. 76 ; 9 % des répondants à l’enquête déclarent se sentir bien entourés, selon le Rapport « Au dernier barreau de l’échelle sociale : la prison », Secours catholique et Emmaüs France, octobre 2021, p. 71.
(43) 45 % ont déclaré être célibataires, 13 % divorcés et 7 % séparés, selon le rapport « Au dernier barreau de l’échelle sociale : la prison », Secours catholique et Emmaüs France, octobre 2021, p. 27.
(44) Ministère de la justice, statistiques trimestrielles des personnes écrouées en France pour l’année 2021.
(45) GAUTRON, Virginie ; RETIÈRE, Jean-Noël, « La décision judiciaire : jugements pénaux ou jugements sociaux ? », Mouvements, vol. 88, n° 4, 2016, pp. 11-18.
(46) GAUTRON, Virginie ; RETIÈRE, Jean-Noël, « La justice pénale est-elle discriminatoire ? Une étude empirique des pratiques décisionnelles dans cinq tribunaux correctionnels », colloque « Discriminations : état de la recherche », Alliance de recherche sur les discriminations (ARDIS), décembre 2013.
(47) Eff, Carine. « dans le labyrinthe des centres de rétention », Vacarme, vol. 37, n°. 4, 2006, pp. 56-62.
(48) La Cimade, De Charybde en Scylla : les allers-retours entre CRA et prison en 2019, données chiffrées et observations, bulletin spécial, numéro 14, disponible sur : https://www.lacimade.org/wp-content/uploads/2015/04/analyse-prison-r%C3%A9tention_2020.pdf.
(49) Rapport « Au dernier barreau de l’échelle sociale : la prison », Secours catholique et Emmaüs France, octobre 2021, p. 63.
(50) Assemblée nationale, Rapport n° 808 du groupe de travail sur la détention, 2018.
(51) Observatoire international des prisons (OIP), « On incarcère les plus précaires », 9 novembre 2017.
(52) A cette occasion, une délégation de la CNCDH s’est entretenu avec Monsieur Stéphane SCOTTO, directeur interrégional des services pénitentiaires de Paris.
(53) KANT, Emmanuel, Fondement de la métaphysique des mœurs, LGF, Collection les classiques de la philosophie, 1785.
(54) CEDH, C.R. c. Royaume-Uni et S.W. c. Royaume-Uni, deux arrêts du 22 novembre 1995, ; voir encore CEDH, Pretty c. Royaume-Uni, 29 avril 2002 ; CEDH, Christine Goodwin c. Royaume- Uni, 11 juillet 2002.
(55) Conseil Constitutionnel, Décision n° 94-343/344 DC du 27 juillet 1994.
(56) Convention européenne des droits de l’homme, article 3.
(57) CGLPL, Rapport Les violences interpersonnelles dans les lieux de privation de liberté, Dalloz, 2020, p. 7.
(58) La CNCDH s’inquiète qu’un détenu particulièrement signalé ait pu connaître un sort aussi tragique qu’Yvan Colonna le 3 mars 2022 à la maison centrale d’Arles.
(59) Voir notamment Commission européenne, Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions. Stratégie de l’UE relative au droit des victime (2020-2025), Com (2020)258 final, 24 juin 2020.
(60) CGLPL, Rapport Les violences interpersonnelles dans les lieux de privation de liberté, Dalloz, 2020, p. 44.
(61) CGLPL, Rapport Les violences interpersonnelles dans les lieux de privation de liberté, Dalloz, 2020, p. 45.
(62) Loi sur le régime des prisons départementales, dite première loi Bérenger, 5 juin 1875, JORF du 28 février 1875.
(63) Articles 716 et 717-2 du code de procédure pénale.
(64) Article 716 du code de procédure pénale.
(65) Article 90 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice portant modification de l’article 100 de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire.
(66) Rapport de la commission d’enquête visant à identifier les dysfonctionnements et manquements de la politique pénitentiaire française, n° 4906, enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 12 janvier 2022.
(67) CEDH, J.M.B. et autres c. France, 30 janvier 2020, Req. n° 9671/15 et 31 autres, para. 106 : « La présence des rats et des punaises est connue des autorités. Pourtant, elle n’a pas été traitée par des mesures proportionnées au problème : les protocoles de désinfection et de dératisation mis en place sont ponctuels, partiels et inefficaces. »
(68) CEDH, J.M.B. et autres c. France, 30 janvier 2020, Req. n° 9671/15 et 31 autres.
(69) Voir infra 2.1.
(70) Conseil de l’Europe, Recommandation Rec(2006)2-rev du Comité des ministres aux Etats membres sur les règles pénitentiaires européennes, adoptée 11 janvier 2006 et révisée et modifiée le 1er juillet 2020.
(71) Conseil de l’Europe, Règles pénitentiaires européennes, 11 janvier 2006, règle n° 2.
(72) Conseil de l’Europe, Règles pénitentiaires européennes, 11 janvier 2006, règle n° 3.
(73) Conseil de l’Europe, Règles pénitentiaires européennes, 11 janvier 2006, règle n° 5.
(74) Conseil de l’Europe, Commentaire de la Recommandation Rec(2006)2 du Comité des ministres aux Etats membres sur les règles pénitentiaires européennes, 11 janvier 2006.
(75) V. Commission présidée par Bruno Cotte, Rapport à Madame la garde des sceaux, ministre de la justice, Pour une refonte du droit des peines, décembre 2015.
(76) Le Monde, Tribune de Dominique Simonnot, Accessible en ligne sur : https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/02/07/dominique-simonnot-parlementaires-magistrats-vous-qui-en-avez-le-droit-allez-visiter-nos-prisons_6112594_3232.html.
(77) Loi n° 94-43 du 18 janvier 1994 relative à la santé publique et à la protection sociale.
(78) Organisation des Nations unies (ONU), Ensemble de règles minima des Nations unies pour le traitement des détenus dites Règles Nelson Mandela, règle 24.
(79) Organisation des Nations unies (ONU), Ensemble de règles minima des Nations unies pour le traitement des détenus dites Règles Nelson Mandela, règle 25.
(80) Organisation des Nations unies (ONU), Ensemble de règles minima des Nations unies pour le traitement des détenus dites Règles Nelson Mandela, règle 27.
(81) La remise en liberté d’une personne placée en détention provisoire peut être assortie d’un placement sous contrôle judiciaire ou d’une assignation à résidence avec surveillance électronique, aux termes de l’article 147-1 du code de procédure pénale.
(82) CGLPL, Avis relatif à la prise en charge des personnes détenues atteintes de troubles mentaux, publié au Journal officiel le 22 novembre 2019.
(83) CNCDH, Avis « Mieux accompagner la fin de la vie à la lumière des enseignements de la crise sanitaire », publié le 17 février 2022, JORF n° 55 du 6 mars 2022, texte n° 84.
(84) En prison, on compte en moyenne un décès tous les deux ou trois jours, la plupart du temps par suicide. En 2020, 119 personnes incarcérées sont décédées par suicide. Les personnes détenues se suicident six fois plus qu’en population générale, à caractéristiques démographiques égales (âge, sexe). Observatoire International des Prisons (OIP), Décrypter, Décès en détention et suicides, disponible sur : https://oip.org/decrypter/thematiques/deces-en-detention-et-suicides/.
(85) CGLPL, Avis relatif à la prise en charge des personnes détenues atteintes de troubles mentaux, publié au Journal officiel le 22 novembre 2019 : « des pathologies lourdes aggravées par l’enfermement et l’isolement, un risque de suicide accru et des conditions de détention qui perturbent l’accès aux soins, nuisent à leur efficacité et, finalement, privent la sanction pénale de son sens ».
(86) V. arrêté du 23 décembre 2014 autorisant le contrôle vidéo d’une « cellule de protection d’urgence » pour les détenus suicidaires.
(87) DELARUE Jean-Marie, Continuité et discontinuité de la condition pénitentiaire in Revue du MAUSS, 2012/2, n° 40, pp. 73-102 : « le “choc carcéral”, c’est-à-dire l’effet que produit sur la conscience le brutal décalage entre l’existence du dehors et celle du dedans : la coupure d’avec les siens, la réduction de l’espace, la perte de l’intimité, la dépossession des biens, la confrontation avec un univers matériel contraint et souvent sordide, les ordres, le bruit, la solitude, la violence… ».
(88) Organisation des Nations unies (ONU), Ensemble de règles minima des Nations unies pour le traitement des détenus (Règles Nelson Mandela), règle n° 30.
(89) Direction de l’administration pénitentiaire, Memento « Que faire après un suicide ? », 3 juillet 2017.
(90) Cour des comptes, La prévention et la prise en charge du VIH, Communication à la Commission des affaires sociales du Sénat, juin 2019, p. 26.
(91) En raison de l’insalubrité et de la précarité des conditions de détentions, les prisons françaises font face à une importante circulation des épidémies de VIH, d’hépatites et de tuberculose, avec un taux de prévalence 6 à 7 fois supérieur à la population générale, et des situations très critiques dans certaines prisons comme en Guyane. Enquête Prévacar (DGS/INVS 2010) « Offre de soins en milieu carcéral en France : infection par le VIH et les hépatites. » ; Etude InVS-ANRS Coquelicot, 2004 « Estimation de la séroprévalence du VIH et du VHC et profils des usagers de drogues en France, étude InVS-ANRS Coquelicot, 2004 ».
(92) Loi de santé sur la réduction des risques liée à l’usage de drogue, 26 janvier 2016, article 41.
(93) Voir notamment Michel Laurent, Morel Alain, « 16. Réduction des risques en prison », dans : Alain Morel éd., L’aide-mémoire de la réduction des risques en addictologie. En 22 notions. Paris, Dunod, « Aide-Mémoire », 2012, p. 244-258. DOI : 10.3917/dunod.morel.2012.01.0244. URL : https://www.cairn.info/—page-244.htm.
(94) Code de procédure pénale, R57-7-7.
(95) Commission présidée par Bruno Cotte, Rapport à Madame la garde des sceaux, ministre de la justice, Pour une refonte du droit des peines, décembre 2015.
(96) A la lumière de ses auditions, la CNCDH déplore que certaines avocates se soient vu interdire l’accès aux parloirs au seul motif que leurs sous-vêtements déclenchaient le portique métallique.
(97) CNCDH, Déclaration relative à la proposition de loi tendant à garantir le droit au respect de la dignité en détention, adoptée le 25 mars 2021, JORF n° 81 du 4 avril 2021, texte n° 52.
(98) Les articles 144, dernier alinéa et 803-8, II, 2° du code de procédure pénale prévoient la libération immédiate de la personne en détention provisoire, le cas échéant sous contrôle judiciaire ou surveillance électronique.
(99) Conseil de l’Europe, Règles pénitentiaires européennes, 11 janvier 2006, règle n° 17-1.
(100) Observatoire international des prisons (OIP), « Au Royaume-Uni, des aides pour financer les visites », 2 octobre 2015.
(101) CGLPL, Rapport d’activité 2018.
(102) Organisation des Nations unies (ONU), Ensemble de règles minima des Nations unies pour le traitement des détenus (Règles Nelson Mandela), règle 58.2.
(103) Rapport Emmaüs, Reco. 16.
(104) Notamment les ressortissants étrangers ou encore certaines catégories de la population pénitentiaire particulièrement signalées, la plupart du temps liées à une infraction terroriste (par exemple corses et basques).
(105) CABANEL, Guy-Pierre, « Entre exclusion et réinsertion », Revue Projet, vol. 269, n°. 1, 2002, pp. 45-53.
(106) S’agissant du traitement spécifique des personnes détenues radicalisées pour islamisme, voir l’avis de la CNCDH sur la prévention de la radicalisation, adopté le 18 mai 2017.
(107) Article 2 de la Loi pénitentiaire n° 2009-1436 du 24 novembre 2009.
(108) Article 27 de la Loi pénitentiaire n° 2009-1436 du 24 novembre 2009.
(109) Association Lire pour en sortir, La réinsertion par la lecture, Rapport annuel 2020 ; Association Adde Ici et là intervenant à Fresnes.
(110) Au moins 12 % des détenus ne savent pas bien lire le français, ministère de la justice – Cahiers d’études pénitentiaires et criminologiques n° 50 – 2015-2020 : analyse statistique de l’évolution de la population carcérale.
(111) Conseil de l’Europe, Règles pénitentiaires européennes, 11 janvier 2006, règle n° 5.
(112) Dans cet objectif, il existe au sein de certains établissements depuis 2015, un « module Respect » (emprunté au modèle espagnol « Respeto »), dans lequel des détenus volontaires et sélectionnés, bénéficient d’une plus grande liberté et de nombreux avantages, notamment matériels, par rapport à la détention « classique ». Ce « donnant-donnant » est contractualisé avec la direction de l’établissement pénitentiaire, en échange du respect scrupuleux des règles de vie en détention. Sur les avantages et inconvénients de ce module, voir l’avis du CGLPL relatif aux modules de respect dans les établissements pénitentiaires, publié au JO le 14 mars 2018.
(113) Association pour la prévention de la torture, focus détention, vie en prison, travail. accessible en ligne sur : https://www.apt.ch/fr/resources/detention-focus-database/life-prison-regime-and-activities/travail.
(114) CGLPL, Recommandations minimales pour le respect de la dignité et des droits fondamentaux des personnes privées de liberté, publiées au JO le 4 juin 2020.
(115) Observatoire international des prisons (OIP), « Le travail en prison, en France, en 2020 », février 2020.
(116) Association pour la prévention de la torture, focus détention, vie en prison, travail. accessible en ligne sur : https://www.apt.ch/fr/resources/detention-focus-database/life-prison-regime-and-activities/travail.
(117) Article 717-3 du code de procédure pénale : « La rémunération du travail des personnes détenues ne peut être inférieure à un taux horaire fixé par décret et indexé sur le salaire minimum de croissance défini à l’article L. 3231-2 du code du travail. Ce taux peut varier en fonction du régime sous lequel les personnes détenues sont employées. »
(118) Les documents de travail du Sénat, « Le travail des détenus », Division des Etudes de législation comparée, 17 mai 2002.
(119) Cour d’appel de Paris, Arrêt n° 13/02897, 20 mars 2014.
(120) Loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire, article 20.
(121) Par exemple, de bénéficier à l’issue de leur détention de droits à l’assurance chômage au titre du travail effectué en détention ou encore à l’ouverture d’un droit au versement d’indemnités journalières pendant la détention au titre du régime d’indemnisation des accidents du travail et des maladies professionnelles.
(122) Conseil de l’Europe, Comité de prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT), Rapport au gouvernement de la République française relatif à la visite effectuée en France du 4 au 19 décembre 2019, paragraphe 43, disponible sur : https://rm.coe.int/1680a2f0a0.
(123) Observatoire international des prisons (OIP), Sous-thématique Surpopulation Carcérale, accessible en ligne au lien suivant :https://oip.org/decrypter/thematiques/surpopulation-carcerale/.
(124) Ordonnance n° 2020-303 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles de procédure pénale sur le fondement de la loi n° 2020.290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19.
(125) Conseil de l’Europe, Rapport « Statistiques pénales annuelles du Conseil de l’Europe » (SPACE), 8 avril 2021.
(126) Conseil de l’Europe, Rapport « Statistiques pénales annuelles du Conseil de l’Europe » (SPACE), 8 avril 2021. Ces dix dernières années, les taux d’incarcération de l’Espagne, du Royaume-Uni ou de l’Italie, proches ou plus élevés que celui de la France, ont diminué (de 88 détenus pour 100 000 habitants à 76 en Allemagne et de 116 à 101 en Italie) tandis que la France passait d’un taux de 103,5 détenus pour 100 000 habitants en 2010 à 105,3 en 2020. La France fait partie avec la Turquie des cinq pays parmi les quarante-sept du Conseil de l’Europe à afficher la densité carcérale la plus élevée (au-delà de 115 % des capacités).
(127) Centre de détention de Mauzac et centre de détention de Casabianda.
(128) JEANPIERRE Virginie, Prisons ouvertes : de Casabianda au paradigme de demain, Dalloz, AJ Pénal 2021, pp. 576-579.
(129) CEDH, 22 octobre 2009, Norbert Sikorski c. Pologne.
(130) L’article 143-1 du code de procédure pénale prévoit son recours en matière correctionnelle pour les délits punissables d’une durée supérieure ou égale à trois ans d’emprisonnement.
(131) Ministère de la justice / SG / SEM / SDSE / Fichier statistique Genesis ; statistiques trimestrielles de milieu fermé au 31 décembre 2021 ; champ : métropole et Drom ; Tableau n° 1.
(132) Par exemple, la conservation de preuves ou indices matériels nécessaires à la manifestation de la vérité ou encore mettre fin à l’infraction ou prévenir son renouvellement.
(133) Cass. crim., 18 août 2010, Bull. crim.2010 n° 124 ; Cass. crim., 13 octobre 2010, Bull. crim. 2010 n° 161.
(134) CESE, Avis sur la réinsertion des personnes détenues : l’affaire de tous et toutes, préconisation n° 3, adopté lors de l’Assemblée plénière du 26 novembre 2019.
(135) Modifié par Ordonnance n° 2019-964 du 18 septembre 2019.
(136) Article L. 324-2 du code de la route.
(137) Article 433-5 du code pénal.
(138) Articles L.224-17 I, L.224-16 I et L.221-2 I du code de la route.
(139) CNCDH, Avis sur les usages de drogues et les droits de l’Homme, adopté le 8 novembre 2016, JORF n° 55 du 5 mars 2017, texte n° 31.
(140) Par exemple, le harcèlement scolaire réprimé par l’article 222-33-2-2 du code pénal.
(141) Article 131-4-1 du code pénal.
(142) Article 131-8 du code pénal.
(143) Article 131-8-1 du code pénal.
(144) Article 132-19 alinéa 1 du code pénal.
(145) Voir infra 2.3.1.
(146) Ou partiellement assorties d’un sursis et lorsque la partie ferme de la peine est inférieure ou égale à six mois (article 132-25 alinéa 1 du code de procédure pénale).
(147) Ou partiellement assorties d’un sursis et lorsque la partie ferme de la peine est inférieure ou égale à un an (article 132-25 alinéa 2 du code de procédure pénale).
(148) Article 132-19 alinéas 2 et 3 du code pénal ; Voir Cour de cassation Chambre criminelle 11 mai 2021, n° 2085.576 publié au bulletin.
(149) Sauf prononcé d’un mandat de dépôt à effet différé (art. 464-2, I, 2° du code de procédure pénale).
(150) Annexe au projet de loi de finances pour 2022, Budget général du ministère de la Justice, Projet annuel de performances du programme 107 « Administration pénitentiaire ».
(151) L’ensemble des données citées dans ce paragraphe est issu des statistiques de l’administration pénitentiaire en date du 1er décembre 2021.
(152) Rapport « Au dernier barreau de l’échelle sociale : la prison », Secours catholique et Emmaüs France, octobre 2021.
(153) La peine cumulée correspond au cumul des peines fermes prononcées à l’égard d’un seul condamné détenu, selon le choix de l’étude menée par le ministère de la justice, cahiers d’études pénitentiaires et criminologiques n° 50, 2015-2020 : analyse statistique de l’évolution de la population carcérale, p. 12.
(154) Ministère de la justice, cahiers d’études pénitentiaires et criminologiques n° 50, 2015-2020 : analyse statistique de l’évolution de la population carcérale, p. 12.
(155) Article 720 du code de procédure pénale, paragraphe I, modifié par la loi du 22 décembre 2021 : « La situation de toute personne condamnée exécutant une ou plusieurs peines privatives de liberté d’une durée totale inférieure ou égale à cinq ans est obligatoirement examinée par le juge de l’application des peines afin que soit prononcée une libération sous contrainte lorsque la durée de la peine accomplie est au moins égale au double de la durée de la peine restant à subir. »
(156) Ce régime continuera néanmoins à s’appliquer aux personnes placées sous écrou avant cette date.
(157) Loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire.
(158) AJ Pénal Loi confiance, le volet « exécution des peines » – Benjamin Monnery – Jean-Claude Bouvier – AJ pénal 2022. 70.
(159) AJ Pénal Loi confiance, le volet « exécution des peines » – Benjamin Monnery – Jean-Claude Bouvier – AJ pénal 2022. 70.