đŸŸ„ [Extrait] Affaire Benalla : Pas de nullitĂ© concernant les Ă©lĂ©ments de preuves remis Ă  des enquĂȘteurs par un journal (MĂ©diapart) dans le respect du secret des sources

Faits :

Le 1er mai 2018, les rĂ©seaux sociaux ont diffusĂ© une vidĂ©o filmĂ©e lors d’un rassemblement, montrant un homme recevant des coups de la part d’un autre, porteur d’un casque siglĂ© CRS, dont le journal Le Monde indiquait, le 18 juillet 2018, qu’il s’agissait de M. A… X…, adjoint au chef de cabinet du prĂ©sident de la RĂ©publique.

Le 22 juillet 2018, une information a Ă©tĂ© ouverte et M. X…, mis en examen des chefs susvisĂ©s, a Ă©tĂ© placĂ© sous contrĂŽle judiciaire avec, notamment, l’interdiction d’entrer en relation avec les quatre autres mis en examen, parmi lesquels M. Y…, gendarme rĂ©serviste au sein de la garde rĂ©publicaine, Ă©galement prĂ©sent lors des faits sans y avoir Ă©tĂ© autorisĂ©.

Le 31 janvier 2019, le site MĂ©diapart a publiĂ© un article rĂ©vĂ©lant l’existence d’une rencontre entre MM. X… et Y… en violation des obligations de leur contrĂŽle judiciaire, auquel Ă©taient joints des extraits sonores de conversations entre les deux mis en examen. InterrogĂ©s, les journalistes de MĂ©diapart ont acceptĂ© de remettre aux enquĂȘteurs les originaux des fichiers audios Ă  l’origine de cet article, lesquels ont fait l’objet d’une transcription, mais ont invoquĂ© le droit Ă  la protection de leurs sources s’agissant des conditions dans lesquelles ils Ă©taient entrĂ©s en possession desdits enregistrements.

Les 12 fĂ©vrier et 14 mars 2019, le service central de la police technique et scientifique, saisi notamment aux fins d’authentification des enregistrements et reconnaissance des voix, a dĂ©posĂ© un rapport concluant que les enregistrements litigieux ont Ă©tĂ© Ă©ditĂ©s par un logiciel en libre accĂšs sur internet, mais n’apportant aucun Ă©lĂ©ment sur l’origine des enregistrements litigieux.

Le 9 aoĂ»t 2019, M. X… a saisi la chambre de l’instruction d’une requĂȘte en nullitĂ© visant, notamment, le procĂšs-verbal de versement de ces enregistrements Ă  la procĂ©dure.

Raisonnement de la cour d’appel :

Pour Ă©carter le moyen de nullitĂ©, l’arrĂȘt attaquĂ© Ă©nonce que les impĂ©ratifs de loyautĂ© et de lĂ©galitĂ© de la preuve ne s’appliquent pas aux journalistes, qui sont des personnes privĂ©es, tiers au procĂšs, et que l’impossibilitĂ© de connaĂźtre l’origine des enregistrements sonores met en cause, non pas la rĂ©gularitĂ© de la procĂ©dure, mais le contrĂŽle de la valeur probante de ceux-ci.

Solution de la Cour de cassation :

Si la circonstance que les enregistrements litigieux ont Ă©tĂ© remis aux enquĂȘteurs par des journalistes ne saurait en elle-mĂȘme conduire Ă  exclure que l’autoritĂ© publique, sur qui seule pĂšse une obligation de lĂ©galitĂ© et de loyautĂ© dans le recueil des preuves, ait concouru Ă  la rĂ©alisation de ces enregistrements, l’arrĂȘt n’encourt pas pour autant la censure.

En effet, d’une part, il rĂ©sulte des piĂšces de la procĂ©dure que des investigations, dont il n’est pas soutenu qu’elles seraient incomplĂštes, ont Ă©tĂ© conduites pour dĂ©terminer l’origine de ces enregistrements.

D’autre part, le versement au dossier d’élĂ©ments de preuve ne saurait ĂȘtre dĂ©clarĂ© irrĂ©gulier au seul motif que les conditions de leur recueil sont restĂ©es incertaines.

DĂšs lors, le moyen doit ĂȘtre Ă©cartĂ©.

Par ailleurs l’arrĂȘt est rĂ©gulier en la forme.


Cass. crim., 1er décembre 2020, n°20-82.078