🟥 Suspension de contrat pour refus de vaccination : la Cour de cassation tranche en faveur de l’employeur

La Cour de cassation a confirmé la suspension du contrat de travail d’une salariée d’une résidence pour personnes âgées en raison de son refus de se conformer à l’obligation vaccinale contre la Covid-19. Cette affaire illustre la conciliation des libertés individuelles avec les impératifs de santé publique.


Rappel du contexte légal

La loi n°2021-1040 du 5 août 2021 impose la vaccination contre la Covid-19 aux professionnels travaillant dans certains établissements sociaux et médico-sociaux, sauf contre-indication médicale reconnue. L’article 14 de cette loi prévoit :

  • Une obligation pour l’employeur d’informer les salariés des conséquences d’un refus de vaccination.
  • La possibilité pour le salarié d’utiliser des congés ou des repos conventionnels.
  • À défaut de régularisation, la suspension du contrat de travail, entraînant une interruption de la rémunération sans assimilation de cette période à du temps de travail effectif.

Cependant, le salarié conserve certaines garanties, comme la protection sociale complémentaire souscrite.


Les faits de l’affaire

Une salariée employée dans une résidence pour personnes âgées a refusé de se faire vacciner. Conformément à la législation, son contrat de travail a été suspendu et son salaire interrompu. Contestant ces mesures, elle a porté l’affaire devant les juridictions, arguant que ses droits fondamentaux avaient été violés.

Arguments de la salariée rejetés par la Cour de cassation

La salariée a soulevé plusieurs griefs, notamment :

  1. Atteinte à la liberté d’opinion
    Elle invoquait une violation de l’article 10§1 de la Convention européenne des droits de l’homme (ConvEDH), affirmant que son refus reposait sur des convictions critiques à l’égard de la vaccination.
    Réponse de la Cour : La vaccination repose sur des données médicales et scientifiques, et l’opinion personnelle de la salariée ne constitue pas une conviction suffisamment forte au sens de l’article 9 ConvEDH.
  2. Atteinte à la vie privée
    Elle avançait que la suspension de son contrat portait atteinte à sa vie privée et familiale (art. 8§1 ConvEDH).
    Réponse de la Cour : L’ingérence est proportionnée et justifiée par l’objectif de santé publique et de protection des personnes vulnérables.
  3. Atteinte à la dignité et à la santé
    Elle soutenait que l’obligation vaccinale était attentatoire à sa dignité et à son droit à la santé.
    Réponse de la Cour : La vaccination visait à garantir la sécurité sanitaire, un objectif légitime et nécessaire pour permettre l’exécution de son travail.
  4. Discrimination
    Elle dénonçait une discrimination liée à une différence de traitement injustifiée entre les salariés vaccinés et non vaccinés.
    Réponse de la Cour : La loi s’applique à tous les salariés du secteur concerné sans distinction, ce qui garantit égalité et efficacité dans la lutte contre la propagation du virus.
  5. Atteinte au respect des biens
    Elle estimait que la suspension du salaire violait son droit au respect des biens (art. 1 du Protocole n°1 ConvEDH).
    Réponse de la Cour : La rémunération est conditionnée à l’exécution du travail. En l’absence d’activité, son interruption est conforme à la législation.

Décision finale : rejet du pourvoi

La Cour de cassation a confirmé les décisions des juridictions inférieures. La suspension du contrat et l’interruption du salaire ne constituaient pas une violation manifeste des droits fondamentaux, mais un équilibre proportionné entre les intérêts de santé publique et les libertés individuelles.

Elle s’appuie notamment sur un arrêt de la CourEDH (Vavricka et autres c. République tchèque, 8 avril 2021), qui valide le principe d’une vaccination obligatoire en cas de besoin de santé publique et juge que des avis critiques ne suffisent pas à invoquer les garanties de l’article 9 ConvEDH.

Source : Cass., ch. soc., 20 novembre 2024, n°23-17.886