đŸŸ„ [PMA Post Mortem] Le Conseil d’Etat rejette les recours d’une veuve contre le refus de poursuivre le parcours de PMA engagĂ©e avec son conjoint aujourd’hui dĂ©cĂ©dĂ©.

Références

DĂ©cision : Conseil d’Etat statuant au contentieux
Nature : DĂ©cision
Date : 28 novembre 2024
Numéro : 497323, 498345
RequĂ©rants : Mme A…
Source : Conseil d’Etat, sect., 28 novembre 2024, n°497323, 498345

(…)

Considérant ce qui suit :

1. Les pourvois de Mme A… contre les ordonnances du 3 octobre 2024 du juge
des référés du tribunal administratif de Montreuil et du 16 août 2024 du juge des référés du
tribunal administratif de Caen visés ci-dessus présentent à juger des questions semblables. Il y a
lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.

Sur le cadre juridique applicable :

2. D’une part, aux termes de l’article L. 2141-2 du code de la santĂ© publique :
« L’assistance mĂ©dicale Ă  la procrĂ©ation est destinĂ©e Ă  rĂ©pondre Ă  un projet parental. Tout
couple formĂ© d’un homme et d’une femme ou de deux femmes ou toute femme non mariĂ©e ont
accĂšs Ă  l’assistance mĂ©dicale Ă  la procrĂ©ation (
). / Cet accĂšs ne peut faire l’objet d’aucune
diffĂ©rence de traitement, notamment au regard du statut matrimonial ou de l’orientation sexuelle
des demandeurs. / Les deux membres du couple ou la femme non mariée doivent consentir
prĂ©alablement Ă  l’insĂ©mination artificielle ou au transfert des embryons. / Lorsqu’il s’agit d’un
couple, font obstacle Ă  l’insĂ©mination ou au transfert des embryons : 1° Le dĂ©cĂšs d’un des
membres du couple ; / 2° L’introduction d’une demande en divorce ; / 3° L’introduction d’une
demande en sĂ©paration de corps ; / 4° La signature d’une convention de divorce ou de
sĂ©paration de corps par consentement mutuel selon les modalitĂ©s prĂ©vues Ă  l’article 229-1 du
code civil ; / 5° La cessation de la communauté de vie ; / 6° La révocation par écrit du
consentement prĂ©vu au troisiĂšme alinĂ©a du prĂ©sent article par l’un ou l’autre des membres du
couple auprĂšs du mĂ©decin chargĂ© de mettre en Ɠuvre l’assistance mĂ©dicale Ă  la procrĂ©ation.
(
) ». L’article L. 2141-3 de ce code dispose que : « Un embryon ne peut ĂȘtre conçu in vitro que
dans le cadre et selon les objectifs d’une assistance mĂ©dicale Ă  la procrĂ©ation dĂ©finie Ă  l’article
L. 2141-1. / Compte tenu de l’état des techniques mĂ©dicales, les membres du couple ou la femme
non mariĂ©e peuvent consentir par Ă©crit Ă  ce que soit tentĂ©e la fĂ©condation d’un nombre
d’ovocytes pouvant rendre nĂ©cessaire la conservation d’embryons, dans l’intention de rĂ©aliser
ultérieurement leur projet parental. Dans ce cas, ce nombre est limité à ce qui est strictement
nĂ©cessaire Ă  la rĂ©ussite de l’assistance mĂ©dicale Ă  la procrĂ©ation compte tenu du procĂ©dĂ© mis en
Ɠuvre. (
) » L’article L. 2141-4 du mĂȘme code prĂ©voit que : « I.- Les deux membres du couple
ou la femme non mariée dont des embryons sont conservés sont consultés chaque année sur le
point de savoir s’ils maintiennent leur projet parental. S’ils confirment par Ă©crit le maintien de
leur projet parental, la conservation de leurs embryons est poursuivie. / II. – S’ils n’ont plus de projet parental, les deux membres du couple ou la femme non mariĂ©e consentent par Ă©crit : / 1°
A ce que leurs embryons soient accueillis par un autre couple ou une autre femme (
) ; / 2° A ce
que leurs embryons fassent l’objet d’une recherche (
) ou (
) Ă  ce que les cellules dĂ©rivĂ©es Ă 
partir de ces embryons entrent dans une préparation de thérapie cellulaire ou un médicament de
thĂ©rapie innovante Ă  des fins exclusivement thĂ©rapeutiques ; / 3° A ce qu’il soit mis fin Ă  la
conservation de leurs embryons. (
). / III. – A l’occasion de la consultation annuelle mentionnĂ©e
au I, les deux membres du couple prĂ©cisent si, en cas de dĂ©cĂšs de l’un d’eux, ils consentent Ă 
l’une des possibilitĂ©s du devenir des embryons conservĂ©s prĂ©vues aux 1° ou 2° du II. / En cas de
dĂ©cĂšs de l’un des membres du couple, le membre survivant est consultĂ©, le cas Ă©chĂ©ant, sur le
point de savoir s’il maintient son consentement aux possibilitĂ©s prĂ©vues aux mĂȘmes 1° ou 2°,
aprĂšs l’expiration d’un dĂ©lai d’un an Ă  compter du dĂ©cĂšs, sauf initiative anticipĂ©e de sa part. Si
le membre survivant révoque son consentement, il est mis fin à la conservation des embryons.
(
) / VII. – En cas de dĂ©cĂšs des deux membres du couple, de l’un de ses membres ou de la femme
non mariĂ©e en l’absence des consentements prĂ©vus aux 1° et 2° du II du prĂ©sent article, il est mis
fin à la conservation de leurs embryons. »

3. D’autre part, l’article L. 2141-9 du code de la santĂ© publique prĂ©voit que :
« Seuls les embryons conçus dans le respect des principes fondamentaux énoncés aux articles 16
Ă  16-8 du code civil et des dispositions du prĂ©sent titre peuvent entrer sur le territoire oĂč
s’applique le prĂ©sent code ou en sortir. Ces dĂ©placements d’embryons sont exclusivement
destinés à permettre la poursuite du projet parental du couple ou de la femme non mariée
concernĂ©s. Ils sont soumis Ă  l’autorisation prĂ©alable de l’Agence de la biomĂ©decine. »

4. Si, avant l’entrĂ©e en vigueur de la loi du 2 aoĂ»t 2021 relative Ă  la bioĂ©thique,
l’assistance mĂ©dicale Ă  la procrĂ©ation avait pour objet de remĂ©dier Ă  l’infertilitĂ© d’un couple ou
d’éviter la transmission Ă  l’enfant ou Ă  un membre du couple d’une maladie d’une particuliĂšre
gravitĂ©, il rĂ©sulte des dispositions prĂ©citĂ©es issues de cette loi qu’elle est dĂ©sormais destinĂ©e Ă 
rĂ©pondre Ă  un projet parental et que, lorsque ce projet parental est celui d’un couple, les deux
membres du couple doivent consentir prĂ©alablement Ă  l’insĂ©mination artificielle ou au transfert
des embryons. Il en rĂ©sulte Ă©galement qu’en cas de dĂ©cĂšs d’un membre du couple, le projet
parental disparaĂźt et il ne peut ĂȘtre procĂ©dĂ© Ă  l’insĂ©mination artificielle ou au transfert des
embryons conçus in vitro dans le cadre et selon les objectifs d’une assistance mĂ©dicale Ă  la
procrĂ©ation destinĂ©e Ă  rĂ©pondre Ă  ce projet parental. La sortie du territoire d’un embryon Ă©tant
exclusivement destinée à permettre la poursuite du projet parental du couple ou de la femme non
mariĂ©e concernĂ©s, elle ne peut lĂ©galement ĂȘtre autorisĂ©e par l’Agence de la biomĂ©decine en cas
de dĂ©cĂšs d’un des membres du couple lorsque le projet parental est celui d’un couple.

Sur l’ordonnance du 3 octobre 2024 du juge des rĂ©fĂ©rĂ©s du tribunal administratif de Montreuil :

5. Il ressort des piÚces du dossier soumis au juge des référés du tribunal
administratif de Montreuil qu’à la suite du dĂ©cĂšs de son Ă©poux, le 10 dĂ©cembre 2023, Mme A…,
qui avait dĂ©butĂ© en 2022 avec celui-ci un parcours d’assistance mĂ©dicale Ă  la procrĂ©ation au
centre hospitalier universitaire de Caen, a demandĂ© l’autorisation de faire sortir du territoire les
embryons du couple conservĂ©s par ce centre vers l’Espagne aux fins de poursuite de leur projet
parental. Par une dĂ©cision du 29 juillet 2024, l’Agence de la biomĂ©decine a rejetĂ© cette demande.
Saisi par Mme A… sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, le
juge des référés du tribunal administratif de Montreuil a, par une ordonnance du 3 octobre 2024
prise sur le fondement de l’article L. 522-3 du code de justice administrative, rejetĂ© sa demande tendant Ă  ce qu’il soit enjoint Ă  l’Agence de la biomĂ©decine d’autoriser la sortie du territoire des
embryons du couple vers l’Espagne. Mme A… se pourvoit en cassation contre cette ordonnance.

En ce qui concerne l’office du juge des rĂ©fĂ©rĂ©s :

6. Aux termes du premier alinĂ©a de l’article L. 521-2 du code de justice
administrative : « Saisi d’une demande en ce sens justifiĂ©e par l’urgence, le juge des rĂ©fĂ©rĂ©s peut
ordonner toutes mesures nĂ©cessaires Ă  la sauvegarde d’une libertĂ© fondamentale Ă  laquelle une
personne morale de droit public ou un organisme de droit privĂ© chargĂ© de la gestion d’un
service public aurait portĂ©, dans l’exercice d’un de ses pouvoirs, une atteinte grave et
manifestement illĂ©gale. (
) »

7. Eu égard à son office, qui consiste à assurer la sauvegarde des libertés
fondamentales, il appartient au juge des rĂ©fĂ©rĂ©s, saisi sur le fondement de l’article L. 521-2 du
code de justice administrative, de prendre, en cas d’urgence, toutes les mesures qui sont de
nature Ă  remĂ©dier aux effets rĂ©sultant d’une atteinte grave et manifestement illĂ©gale portĂ©e, par
une autorité administrative, à une liberté fondamentale, y compris lorsque cette atteinte résulte de
l’application de dispositions lĂ©gislatives qui sont manifestement incompatibles avec les
engagements europĂ©ens ou internationaux de la France, ou dont la mise en Ɠuvre entraĂźnerait des
conséquences manifestement contraires aux exigences nées de ces engagements.

En ce qui concerne la compatibilitĂ© des articles L. 2141-2 et L. 2141-9 du code de la santĂ© publique avec la convention europĂ©enne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertĂ©s fondamentales :

8. D’une part, si l’interdiction, pour la femme d’un couple dont le conjoint est
décédé, de poursuivre, par insémination artificielle par les gamÚtes du conjoint ou par transfert
des embryons du couple, le projet parental du couple que l’assistance mĂ©dicale Ă  la procrĂ©ation
Ă©tait destinĂ©e Ă  mettre en Ɠuvre, constitue une ingĂ©rence dans l’exercice du droit au respect de la
vie privĂ©e de la femme se trouvant dans une telle situation, protĂ©gĂ© par l’article 8 de la
convention europĂ©enne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertĂ©s fondamentales, cette
interdiction relĂšve de la marge d’apprĂ©ciation, telle que rappelĂ©e par la Cour europĂ©enne des
droits de l’homme, notamment par l’arrĂȘt qu’elle a rendu le 14 septembre 2023 dans l’affaire
Barret et Caballero c. France, visé ci-dessus, dont chaque Etat dispose, dans sa juridiction, pour
l’application de la convention europĂ©enne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertĂ©s
fondamentales.

9. En Ă©dictant cette interdiction, qui au demeurant est constante depuis
l’ouverture de l’accĂšs Ă  l’assistance mĂ©dicale Ă  la procrĂ©ation par la loi du 29 juillet 1994 relative
au don et Ă  l’utilisation des Ă©lĂ©ments et produits du corps humain, Ă  l’assistance mĂ©dicale Ă  la
procrĂ©ation et au diagnostic prĂ©natal, le lĂ©gislateur a entendu tenir compte de ce qu’au regard de
l’objet, rappelĂ© au point 4, dĂ©sormais confĂ©rĂ© Ă  l’assistance mĂ©dicale Ă  la procrĂ©ation, la situation
d’une femme, membre d’un couple ayant conçu en commun un projet parental, dont la poursuite
est subordonnée au maintien de ce projet, du consentement des deux membres du couple et de
leurs liens de couple, interrompu par le dĂ©cĂšs du conjoint, destinĂ© Ă  devenir parent de l’enfant,
est diffĂ©rente de celle d’une femme non mariĂ©e qui a conçu seule, dĂšs l’origine, un projet
parental à l’issue duquel l’enfant n’aura qu’une filiation maternelle. Cette situation soulùve des
questions et appelle des choix qui lui sont propres, s’agissant en particulier du maintien du projet parental, de la condition de consentement et de l’établissement de la filiation Ă  l’égard du
membre du couple dĂ©cĂ©dĂ©. Eu Ă©gard Ă  l’objet qu’il a entendu attribuer Ă  l’assistance mĂ©dicale Ă 
la procrĂ©ation, Ă  la lĂ©gitimitĂ© des buts poursuivis et aux diffĂ©rents intĂ©rĂȘts en prĂ©sence, entre
lesquels il a mĂ©nagĂ© un juste Ă©quilibre, sans porter une atteinte disproportionnĂ©e Ă  l’exercice du
droit au respect de la vie privée de la femme dont le conjoint est décédé, le législateur ne peut
ĂȘtre regardĂ©, en confirmant par les dispositions de l’article L. 2141-2 du code de la santĂ©
publique, lesquelles sont expresses et prĂ©cises et ont Ă©tĂ© adoptĂ©es Ă  l’issue de dĂ©bats
parlementaires approfondis et au vu de nombreuses consultations, comme ayant adopté une
lĂ©gislation incohĂ©rente et, ce faisant, excĂ©dĂ© la marge d’apprĂ©ciation dont il disposait, alors
mĂȘme que, dans le mĂȘme temps, il ouvrait l’accĂšs Ă  l’assistance mĂ©dicale Ă  la procrĂ©ation Ă  toute
femme non mariĂ©e. Les dispositions de l’article L. 2141-2 du code de la santĂ© publique ne sont
ainsi, par elles-mĂȘmes, pas incompatibles avec les stipulations de l’article 8 de la convention
europĂ©enne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertĂ©s fondamentales.

10. D’autre part, les dispositions de l’article L. 2141-9 du code de la santĂ©
publique, qui interdisent la sortie du territoire d’embryons conservĂ©s en France s’ils sont destinĂ©s
Ă  ĂȘtre utilisĂ©s, Ă  l’étranger, Ă  des fins qui sont prohibĂ©es sur le territoire national, visent Ă  faire
obstacle Ă  tout contournement des dispositions de l’article L. 2141-2 du mĂȘme code. Elles ne
mĂ©connaissent pas davantage, par elles-mĂȘmes, les stipulations de l’article 8 de la convention
europĂ©enne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertĂ©s fondamentales. 

11. Par suite, Mme A… n’est pas fondĂ©e Ă  soutenir que le juge des rĂ©fĂ©rĂ©s du
tribunal administratif aurait, eu Ă©gard Ă  son office, commis une erreur de droit en jugeant que les
dispositions de l’article L. 2141-2 du code de la santĂ© publique, dans sa rĂ©daction issue de la loi
du 2 aoĂ»t 2021, se situaient dans la marge d’apprĂ©ciation dont chaque Etat dispose pour
l’application de la convention europĂ©enne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertĂ©s
fondamentales et que le refus d’autoriser la sortie du territoire des embryons vers l’Espagne à la
suite du dĂ©cĂšs du conjoint, rĂ©sultant des dispositions de l’article L. 2141-9 du mĂȘme code, sur le
champ d’application duquel il ne s’est pas mĂ©pris, ne portait pas par lui-mĂȘme une atteinte
disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale, garanti par les stipulations de
l’article 8 de cette convention.

12. Le moyen tirĂ© de ce que ces mĂȘmes articles instaureraient une diffĂ©rence de
traitement discriminatoire entre les femmes non mariées et les veuves incompatible avec les
articles 8 et 14 de la mĂȘme convention ne peut dĂšs lors et en tout Ă©tat de cause qu’ĂȘtre Ă©galement
écarté.

En ce qui concerne l’atteinte portĂ©e en l’espĂšce au droit de Mme A… au respect
de sa vie privĂ©e et familiale protĂ©gĂ© par les stipulations de l’article 8 de la convention
europĂ©enne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertĂ©s fondamentales :

13. La compatibilité de la loi avec les stipulations de la convention européenne
de sauvegarde des droits de l’homme et des libertĂ©s fondamentales ne fait pas obstacle Ă  ce que,
dans certaines circonstances particuliĂšres, l’application de dispositions lĂ©gislatives puisse
constituer une ingérence disproportionnée dans les droits garantis par cette convention. Il
appartient par consĂ©quent au juge d’apprĂ©cier concrĂštement si, au regard des finalitĂ©s des
dispositions lĂ©gislatives en cause, l’atteinte aux droits et libertĂ©s protĂ©gĂ©s par la convention qui
rĂ©sulte de la mise en Ɠuvre de dispositions, par elles-mĂȘmes compatibles avec celle-ci, n’est pas
excessive.

14. En l’espĂšce, le juge des rĂ©fĂ©rĂ©s du tribunal administratif a relevĂ© qu’il
n’était pas contestĂ© que la demande de sortie du territoire des embryons du couple vers l’Espagne
n’était fondĂ©e que sur la possibilitĂ© lĂ©gale d’y poursuivre post-mortem le projet parental du
couple, la requĂ©rante, de nationalitĂ© française, n’entretenant aucun lien avec ce pays et ne faisant
Ă©tat d’aucune circonstance particuliĂšre Ă  cet Ă©gard. Il a pu, sans dĂ©naturation, en dĂ©duire que la
demande de l’intĂ©ressĂ©e ne pouvait qu’ĂȘtre regardĂ©e comme tendant Ă  faire obstacle Ă 
l’application des dispositions de la loi française.

15. Par suite, Mme A… n’est pas fondĂ©e Ă  soutenir qu’il aurait, eu Ă©gard Ă  son
office, commis une erreur de droit et dénaturé les piÚces du dossier qui lui était soumis en
jugeant que le refus d’autoriser la sortie du territoire des embryons du couple vers l’Espagne, à
la suite du dĂ©cĂšs de son conjoint, ne revĂȘtait pas, en l’espĂšce, le caractĂšre d’une atteinte
disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale, garanti par les stipulations de
l’article 8 de la convention europĂ©enne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertĂ©s
fondamentales.

16. Il rĂ©sulte de tout ce qui prĂ©cĂšde que Mme A… n’est pas fondĂ©e Ă  demander
l’annulation de l’ordonnance du 3 octobre 2024 du juge des rĂ©fĂ©rĂ©s du tribunal administratif de
Montreuil.

Sur l’ordonnance du 16 aoĂ»t 2024 du juge des rĂ©fĂ©rĂ©s du tribunal administratif de Caen :

17. Aux termes du premier alinĂ©a de l’article L. 521-1 du code de justice
administrative : « Quand une dĂ©cision administrative, mĂȘme de rejet, fait l’objet d’une requĂȘte
en annulation ou en rĂ©formation, le juge des rĂ©fĂ©rĂ©s, saisi d’une demande en ce sens, peut
ordonner la suspension de l’exĂ©cution de cette dĂ©cision, ou de certains de ses effets, lorsque
l’urgence le justifie et qu’il est fait Ă©tat d’un moyen propre Ă  crĂ©er, en l’état de l’instruction, un
doute sérieux quant à la légalité de la décision. »

18. Il ressort des piÚces du dossier soumis au juge des référés du tribunal
administratif de Caen qu’à la suite du dĂ©cĂšs de son Ă©poux, Mme A… a demandĂ© au centre
hospitalier universitaire de Caen que ce parcours soit poursuivi et que les embryons du couple
conservés lui soient transférés. Par une décision du 10 juin 2024, le centre hospitalier
universitaire a rejetĂ© cette demande. Saisi par Mme A… sur le fondement de l’article L. 521-1 du
code de justice administrative, le juge des référés du tribunal administratif de Caen a, par une
ordonnance du 16 aoĂ»t 2024, rejetĂ© sa demande tendant Ă  la suspension de l’exĂ©cution de cette
dĂ©cision et Ă  ce qu’il soit enjoint au centre hospitalier universitaire de rĂ©examiner sa demande.
Mme A… se pourvoit en cassation contre cette ordonnance.

19. Il résulte de ce qui a été dit aux points 8 et 9 de la présente décision que
Mme A… n’est en tout Ă©tat de cause pas fondĂ©e Ă  soutenir que le juge des rĂ©fĂ©rĂ©s du tribunal
administratif aurait commis une erreur de droit en jugeant que les dispositions de l’article
L. 2141-2 du code de la santé publique, dans sa rédaction issue de la loi du 2 août 2021, qui ne
sont pas, par elles-mĂȘmes, incompatibles avec les articles 8 et 14 de la convention europĂ©enne de
sauvegarde des droits de l’homme et des libertĂ©s fondamentales, se situaient dans la marge
d’apprĂ©ciation dont chaque Etat dispose pour l’application de cette convention.

20. Il n’a, en tout Ă©tat de cause, pas non plus commis d’erreur de droit ni
dĂ©naturĂ© les faits de l’espĂšce en jugeant que n’était pas davantage propre Ă  crĂ©er un doute sĂ©rieux
quant Ă  la lĂ©galitĂ© du refus opposĂ© Ă  l’intĂ©ressĂ©e, au motif du dĂ©cĂšs de son conjoint, de
poursuivre le parcours d’assistance mĂ©dicale Ă  la procrĂ©ation du couple qui avait Ă©tĂ© engagĂ© et de
lui transférer les embryons du couple conservés, le moyen tiré de ce que, eu égard aux
témoignages selon lesquels son conjoint aurait exprimé le souhait que ce parcours se poursuive
aprĂšs son dĂ©cĂšs, ce refus porterait en l’espĂšce une atteinte disproportionnĂ©e au droit au respect de
sa vie privĂ©e et familiale, garanti par les mĂȘme stipulations.

21. Il rĂ©sulte de tout ce qui prĂ©cĂšde que, sans qu’il y ait lieu en l’espĂšce de faire
droit aux conclusions de la requĂ©rante tendant Ă  ce que soit adressĂ©e une demande d’avis
consultatif Ă  la Cour europĂ©enne des droits de l’homme sur le fondement du protocole n° 16 Ă  la
convention europĂ©enne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertĂ©s fondamentales,
Mme A… n’est pas fondĂ©e Ă  demander l’annulation de l’ordonnance du 16 aoĂ»t 2024 du tribunal
administratif de Caen.

Sur les frais des instances :

22. Les dispositions de l’article L. 761-1 font obstacle à ce qu’il soit fait droit
aux conclusions prĂ©sentĂ©es par Mme A… Ă  l’encontre de l’Etat et du centre hospitalier
universitaire de Caen, qui ne sont pas en l’espùce les parties perdantes. Il n’y a pas lieu, dans les
circonstances de l’espĂšce, de mettre Ă  la charge de Mme A… les sommes que demandent
l’Agence de la biomĂ©decine au bĂ©nĂ©fice de l’Etat et le centre hospitalier universitaire de Caen au
titre des mĂȘmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : Les pourvois de Mme A… sont rejetĂ©s.

Article 2 : Les conclusions de l’Agence de la biomĂ©decine et du centre hospitalier universitaire
de Caen prĂ©sentĂ©es au titre de l’article L. 761 1 du code de justice administrative sont rejetĂ©es.

Article 3 : La prĂ©sente dĂ©cision sera notifiĂ©e Ă  Mme B… A…, Ă  l’Agence de la biomĂ©decine et au
centre hospitalier universitaire de Caen.

Copie en sera adressĂ©e Ă  la ministre de la santĂ© et de l’accĂšs aux soins.