🟦 Décret du 9 mars 2022 portant dissolution d’une association

Références

NOR : INTD2207915D
ELI : https://www.legifrance.gouv.fr/eli/decret/2022/3/9/INTD2207915D/jo/texte
Source : JORF n°0058 du 10 mars 2022, texte n° 9

En-tête

Le Président de la République,
Sur le rapport du Premier ministre et du ministre de l’intérieur,
Vu la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, notamment ses articles 10 et 11 ;
Vu le code des relations entre le public et l’administration, notamment ses articles L. 121-1 et L. 121-2 ;
Vu le code de la sécurité intérieure, notamment les 6° et 7° de l’article L. 212-1 et l’article L. 212-1-1 ;
Vu les statuts de l’association « Comité Action Palestine » (CAP) déclarée le 23 juillet 2004 à la préfecture de la Gironde ;
Vu le courrier du 25 février 2022, notifié par voie administrative le 25 février 2022, par lequel A, président de l’association « Comité Action Palestine » (CAP) a été, d’une part, informé de l’intention du Gouvernement de procéder à la dissolution de cette association et, d’autre part, invité à présenter ses observations dans un délai de dix jours à compter de cette notification ;
Vu le courrier en date du 7 mars 2022 par lequel l’association « Comité Action Palestine » a fait valoir ses observations écrites par l’intermédiaire de ses conseils, Maître B et C ;

Considérants

Considérant qu’aux termes de l’article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure : « Sont dissous, par décret en conseil des ministres, toutes les associations ou groupements de fait : […] 6° Ou qui, soit provoquent ou contribuent par leurs agissements à la discrimination, à la haine ou à la violence envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine, de leur sexe, de leur orientation sexuelle, de leur identité de genre ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une prétendue race ou une religion déterminée, soit propagent des idées ou théories tendant à justifier ou encourager cette discrimination, cette haine ou cette violence ; 7° Ou qui se livrent, sur le territoire français ou à partir de ce territoire, à des agissements en vue de provoquer des actes de terrorisme en France ou à l’étranger » ; qu’en application de l’article L. 212-1-1 du même code, « Pour l’application de l’article L. 212-1, sont imputables à une association ou à un groupement de fait les agissements mentionnés au même article L. 212-1 commis par un ou plusieurs de leurs membres agissant en cette qualité ou directement liés aux activités de l’association ou du groupement, dès lors que leurs dirigeants, bien qu’informés de ces agissements, se sont abstenus de prendre les mesures nécessaires pour les faire cesser, compte tenu des moyens dont ils disposaient » ;

Considérant que l’association Comité Action Palestine, est une association déclarée le 23 juillet 2004 à la préfecture de la Gironde avec pour président A, qui a notamment pour objet « d’apporter un soutien au peuple palestinien pour la réalisation de ses droits nationaux » et qui diffuse depuis sa fondation en 2004 des tracts sur la voie publique et en ligne appelant à soutenir la « résistance » du peuple palestinien, à boycotter Israël et à combattre l’« impérialisme sioniste », en Israël comme ailleurs dans le monde ;

Considérant que, s’il est loisible à toute personne de discuter ou de contester la politique d’implantation territoriale de l’Etat d’Israël, cette contestation ne saurait excéder les limites de la liberté d’expression ; qu’ainsi, sous couvert de cette contestation, le Comité Action Palestine, incite à la haine, à la discrimination et à la violence envers des personnes en raison de leur origine juive, cautionne les agissements d’organisations reconnues comme terroristes et incite au terrorisme en laissant entendre que la création d’un Etat palestinien libre et indépendant ne pourra être atteint qu’au prix du démantèlement de l’Etat d’Israël, au terme d’une guerre de libération nationale menée par les organisations armées palestiniennes ; qu’elle relaie les communiqués d’organisations terroristes, notamment le Hamas, le Mouvement du Jihad islamique en Palestine et la branche armée du Hezbollah, organisations reconnues comme terroristes par l’Union européenne, assimilant les terroristes détenus par Israël à des martyrs et légitimant leur action ;

Considérant en premier lieu que le Comité Action Palestine, par ses publications toujours en ligne, encourage et cultive un sentiment de haine à l’égard d’Israël, des Israéliens et des sionistes, et formule des appels à la violence, certains allant même jusqu’à prôner la destruction de l’Etat d’Israël ; qu’ainsi, le 13 mai 2014, à l’occasion de la « commémoration de la Nakba », qui symbolise l’exil forcé des Palestiniens lors de la proclamation de l’Etat d’Israël en 1948, l’association a publié, sur son site Internet, un article virulent contre le sionisme et Israël, à la connotation complotiste, estimant que « le sionisme n’a jamais eu d’autres buts que le nettoyage ethnique », présentant Israël comme « l’instrument du mouvement sioniste mondial » et « la base géographique de l’impérialisme, stratégiquement placé au cœur du monde arabe et musulman » ; que le Comité Action Palestine, insistant sur « l’illégitimité d’Israël », affirme que « les jours de l’entité sioniste sont comptés » ; que par ces mots, il encourage ouvertement à la haine et à la violence contre Israël ; que, de même, le 17 mai 2020, toujours à l’occasion de la « commémoration de la Nakba », l’association a de nouveau dénoncé sur son site Internet l’illégitimité d’Israël, Etat fondé sur « la judaïsation de la Palestine, l’épuration ethnique et le vol de la terre », estimant que les Palestiniens devaient se battre « jusqu’au bout pour libérer la terre arabe de Palestine et retourner chez eux, dans leurs maisons que les colons israéliens ont volées en 1948 » ; que cette association a salué la détermination des Palestiniens à « vouloir faire revivre la justice sur cette terre. Une terre sans sionistes de la mer au Jourdain » ; que, là encore, cet article constitue un appel à la haine et à la violence contre l’Etat d’Israël et ses ressortissants ; qu’enfin, le 14 mai 2021, l’association a relayé, sur sa page Facebook, un article intitulé « Cette terre, Yacov, est la terre de nos pères », paru la veille sur le site du Centre d’information sur la résistance en Palestine (CIREPAL) encourageant et appelant à la destruction de l’Etat d’Israël qui s’y trouve qualifié d’« Etat juif nazi », de « petit Etat qui ressemble à un abcès » et d’« excroissance maligne qu’il faut arracher du monde », pratiquant l’« apartheid », aimant « tuer les enfants » et cautionnant les violences de « colons enragés », atteints par un « mal sioniste vorace et malade » ;

Considérant en deuxième lieu que l’antisionisme radical du Comité Action Palestine s’accompagne d’une hostilité marquée aux Israéliens, qualifiés de « colons juifs de la Palestine » et désignés comme cibles légitimes pour les organisations armées palestiniennes ; qu’en outre, le 29 septembre 2016, l’association a publié sur son site Internet un article à la gloire de la « Résistance populaire palestinienne », qualifiant « l’intifada des couteaux » de « manifestation du génie populaire » ; qu’elle affirme son refus de qualifier les « colons » de « populations civiles », au motif que « en réalité, il n’existe pas de population juive civile mais des colons juifs et en tant que tels ils sont au fondement du système colonial qui oppresse chaque jour les Palestiniens » ; que ce raisonnement revient à cautionner les violences contre les ressortissants israéliens et ce, dès lors qu’ils se trouvent sur le territoire de la Palestine mandataire ; que le 13 mai 2021, le Comité Action Palestine a publié, sur sa page Facebook, un article à charge contre « les faux amis du peuple palestinien » qualifiant ainsi des militants pro-palestiniens refusant d’admettre « la responsabilité de la société coloniale israélienne toute entière » dans les souffrances du peuple palestinien et/ou s’inquiétant de « la disparition probable de l’entité sioniste » ; que cet article témoigne de l’antisionisme du CAP, mais également de son hostilité envers les Israéliens, considérés comme collectivement responsables de l’attitude de leur gouvernement à l’égard des Palestiniens ; que, ce faisant, le CAP justifie et légitime le recours à l’action armée pour défendre ce qu’il présente comme les intérêts des Palestiniens ;

Considérant en quatrième lieu que, afin d’attiser les divisions au sein de la communauté nationale, le CAP présente le sionisme comme une force à la fois invisible et toute-puissante, contrôlant le gouvernement, les médias ainsi que la classe politique, avec pour effet de cultiver un sentiment d’islamophobie et anti-palestinien en France ; que sont ainsi ciblées des personnalités médiatiques (acteurs, journalistes…) de confession juive, participant à ce complot ;

Considérant en cinquième lieu que le Comité Action Palestine s’en prend ouvertement aux représentants du culte musulman qui ne partagent pas sa vision radicale de la résolution du conflit israélo-palestinien ou qui défendent une approche républicaine de la pratique religieuse ; qu’ainsi, A a publié un dossier de trois pages, intitulé « E, l’imam de la République ou la théologie de la soumission » ; que le 15 mai 2018, le CAP a publié sur son site Internet une charge virulente contre E, qualifié de « ventriloque du pouvoir » pour avoir déclaré, en 2014, au sujet du conflit israélo-palestinien, que « rien ne doit justifier les appels directs ou indirects à la haine et à l’importation de ce conflit sur le territoire » ; que A a également déploré la conception libérale de l’islam de E, « inféodée » à la loi républicaine ;

Considérant en sixième lieu que certains des membres actifs du Comité Action Palestine ont été impliqués dans des actes à caractère antisémite ; qu’en effet, le 31 décembre 2013, F a porté plainte pour des faits d’injure non publique en raison de l’origine, de l’ethnie, de la nation, de la race ou de la religion, survenus entre février et novembre 2013 devant la synagogue de Bordeaux, plusieurs individus, toujours militants actifs du groupement, ayant effectué une « quenelle » devant l’édifice religieux, avant de diffuser la photographie de leur geste sur les réseaux sociaux sans que les responsables du CAP n’aient condamné les agissements, ni n’en aient tiré les conséquences ;

Considérant en septième lieu que l’antisionisme radical du Comité Action Palestine le conduit à témoigner, par ses différentes publications toujours présentes en ligne, de son soutien à des organisations reconnues comme terroristes et ainsi à légitimer leurs actes par la diffusion de communiqués et de tracts ouvertement favorables aux organisations terroristes anti-israéliennes ou à leurs membres, le partage d’articles de presse ou de tribunes favorables à ces mêmes organisations, dus à des auteurs sans lien avec l’association et la diffusion des publications officielles de ces organisations ; qu’à titre d’exemple, le 14 février 2012, l’association a publié sur son site Internet un communiqué exigeant la libération de G, ancien chef de la branche française de la Fraction armée révolutionnaire libanaise, à l’origine de l’assassinat de plusieurs responsables israéliens et américains, au motif que le maintien en détention de ce « prisonnier politique » témoignerait « de la nature de l’Etat français : un Etat colonial et raciste » ; que ces appels à la libération ont été réitérés notamment en 2013 et 2014 ; qu’en outre, le 7 décembre 2017, l’association a relayé, sur son site Internet, le communiqué du Mouvement du Jihad islamique en Palestine en réponse à la reconnaissance par les Etats-Unis de Jérusalem comme capitale d’Israël ; que ce communiqué appelle les organisations palestiniennes à renouer avec la résistance armée contre « l’occupation sioniste » ; que d’une manière générale, l’association fait la promotion du Mouvement du Jihad islamique en Palestine qui, depuis sa fondation à la fin des années 1970, prône ouvertement la destruction d’Israël et compte, parmi ses référents religieux et intellectuels, l’ayatollah H et le Frère musulman égyptien I, réputés pour leurs idées antisémites ; qu’en outre, l’association affiche sa proximité avec le Hamas, dont la charte, publiée en 1988, prône l’anéantissement de l’Etat d’Israël au profit de l’instauration d’un Etat islamique sur le territoire de la Palestine mandataire ; qu’elle se fait également le relais de publications du Hezbollah dont le secrétaire général, J, a déclaré à la chaîne de télévision libanaise Al Manar que les Juifs sont « les créatures les plus lâches et les plus avares » et, plus récemment, en 2020, que « les Juifs ont inventé la légende de la Shoah » ; qu’enfin, le 11 septembre 2021, l’association a rendu hommage, sur sa page Facebook, à K, ancien chef des Brigades des martyrs d’Al-Aqsa, lequel a reconnu avoir orchestré l’attentat dit « de Beit She’an » du 28 novembre 2002, au cours duquel les membres du Hamas ont ouvert le feu sur un bureau de vote à l’occasion de la primaire du Likoud, tuant six civils et en blessant 34 autres ; qu’enfin, le 23 février 2021, l’association a publié sur son site Internet un communiqué rendant hommage à L, qualifié d’« infatigable et courageux combattant de la révolution palestinienne » et de « militant antisioniste engagé pour la justice », lequel a supervisé, pour le compte de l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP), la logistique de la prise d’otages dite « de l’OPEP » à Vienne en 1975 puis, a dirigé en juillet 1980, un commando de militants pro-iraniens ayant pour objectif d’assassiner Chapour BAKHTIAR, ancien Premier ministre du Shah exilé en France ;

Considérant enfin que le soutien du Comité Action Palestine à diverses organisations terroristes va de pair avec une légitimation des méthodes terroristes, dès lors que leurs auteurs se réclament de l’intérêt du peuple palestinien ou visent les intérêts d’Israël ; que dans sa charte, l’association s’engage à apporter un « soutien inconditionnel à la résistance du peuple palestinien », estimant que « seul le peuple palestinien est à même de définir ou d’inventer les formes de lutte les plus appropriées pour réaliser son droit à l’autodétermination et à l’indépendance nationale », y compris par l’emploi des actions terroristes par les groupes armés se réclamant de la cause palestinienne ; que de fait, le Comité Action Palestine fait l’apologie de groupes terroristes et cautionne ouvertement des actions terroristes dirigées contre des civils ; qu’ainsi, le 29 septembre 2016, l’association a publié sur son site Internet un article à la gloire de la « Résistance populaire palestinienne » qualifiant « l’intifada des couteaux » de « manifestation du génie populaire » en permettant de s’attaquer directement à « la population coloniale et non pas seulement au pouvoir et à son armée » ; qu’enfin, le 2 décembre 2021, elle a publié sur son site Internet un article incitant à acheter son « Calendrier Palestine Libre 2022 » appelé « L’art de la Résistance » légitimant la lutte armée des Palestiniens ;

Considérant que l’ensemble des actes et prises de position dont certaines, bien qu’anciennes figurent toujours en ligne et sont toujours consultables, émanent des dirigeants du Comité Action Palestine ou de leurs principaux membres actifs et n’ont jamais fait l’objet d’une quelconque modération ou condamnation, de sorte que le Comité Action Palestine doit être regardé comme assumant clairement sa volonté de diffuser son idéologie violente et son discours haineux ; que par suite, ces agissements entrent dans le champ de l’article L. 212-1-1 du code de la sécurité intérieure précité ;

Considérant qu’au regard de l’ensemble des éléments qui précèdent, il y a lieu de prononcer la dissolution de l’association CAP sur les fondements des 6° et 7° de l’article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure ;
Le conseil des ministres entendu,
Décrète :

Article 1

L’association « Comité Action Palestine » est dissoute.

Article 2

Le Premier ministre et le ministre de l’intérieur sont responsables, chacun en ce qui le concerne, de l’application du présent décret, qui sera publié au Journal officiel de la République française.

Date et signature(s)

Fait le 9 mars 2022.

Emmanuel Macron
Par le Président de la République :

Le Premier ministre,
Jean Castex

Le ministre de l’intérieur,
Gérald Darmanin