🟧 Décision ARCOM n°2024-1012 du 13 novembre 2024 portant sanction à l’encontre de la Société d’exploitation d’un service d’information (SESI)

Références

NOR : RCAC2430765S
Source : JORF n°0270 du 15 novembre 2024, texte n° 63

En-tête

L’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique,
Vu la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 modifiée relative à la liberté de communication, notamment ses articles 1er, 3-1, 28, 42-1, 42-2 et 42-7 ;
Vu le décret n° 2013-1196 du 19 décembre 2013 modifié relatif à la procédure de sanction mise en œuvre par l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique en application de l’article 42-7 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication ;
Vu la décision n° 2005-473 du 19 juillet 2005 modifiée et prorogée autorisant la Société d’exploitation d’un service d’information (SESI) à utiliser une ressource radioélectrique pour l’exploitation d’un service de télévision à caractère national diffusé en clair par voie hertzienne terrestre en mode numérique initialement dénommé « i Télé » puis, à compter de la décision n° 2016-680 du 27 juillet 2016, « CNews », et la décision n° 2019-582 du 11 décembre 2019 portant reconduction de l’autorisation du 19 juillet 2005 ;
Vu la convention conclue entre le Conseil supérieur de l’audiovisuel et la Société d’exploitation d’un service d’information (SESI), le 27 novembre 2019, concernant le service de télévision CNews, notamment ses articles 2-2-1, 2-3-7, 4-2-2 et 4-2-4 ;
Vu la décision n° 2022-288 du 10 mai 2022 mettant en demeure la Société d’exploitation d’un service d’information (SESI) ;
Vu la décision n° 2022-289 du 10 mai 2022 mettant en demeure la Société d’exploitation d’un service d’information (SESI) ;
Vu la décision n° 2024-43 du 17 janvier 2024 portant sanction pécuniaire à l’encontre de la Société d’exploitation d’un service d’information (SESI) ;
Vu la délibération n° 2018-11 du 18 avril 2018 du Conseil supérieur de l’audiovisuel relative à l’honnêteté et à l’indépendance de l’information et des programmes qui y concourent, notamment son article 1er ;
Vu les éléments de visionnage de l’émission « En quête d’esprit » diffusée sur le service « CNews » le 25 février 2024 et le compte-rendu y afférent, dont le collège a pris connaissance ;
Vu le courrier du 12 avril 2024 du rapporteur mentionné à l’article 42-7 de la loi du 30 septembre 1986 notifiant à la Société d’exploitation d’un service d’information (SESI) la décision d’engager à son encontre une procédure de sanction et l’invitant à présenter ses observations dans le délai d’un mois ;
Vu le courriel du 25 avril 2024 par lequel la Société d’exploitation d’un service d’information (SESI) a sollicité la communication des pièces du dossier, lesquelles lui ont été adressées par le directeur général de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique par courrier le 26 avril 2024 ;
Vu les observations de la Société d’exploitation d’un service d’information (SESI) communiquées par courriel du 22 mai 2024 ;
Vu le courriel du 25 juillet 2024, par lequel, à la suite de la demande du rapporteur indépendant, la société (SESI) a produit les résultats de l’enquête interne réalisée après la diffusion de l’émission litigieuse ;
Vu le rapport établi par le rapporteur et communiqué à la Société d’exploitation d’un service d’information (SESI), son conseil, ainsi qu’au président de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique par courriers du 9 août 2024 ;
Vu la décision du 4 septembre 2024 par laquelle l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique a décidé de ne pas faire usage de la faculté qu’elle tient du 6° de l’article 42-7 de la loi du 30 septembre 1986 ;
Vu le courriel du 29 octobre 2024 par lequel la Société d’exploitation d’un service d’information (SESI), par l’intermédiaire de son conseil, a décliné la possibilité de rendre publique l’audition du 6 novembre 2024 devant l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique, en réponse au courrier de cette dernière en date du 8 octobre 2024 ;
Vu les autres pièces du dossier ;

Considérants

Considérant ce qui suit :

Sur le cadre juridique :

1. En premier lieu, en vertu de l’article 42-1 de la loi du 30 septembre 1986 susvisée : « Si la personne faisant l’objet de la mise en demeure ne se conforme pas à celle-ci, l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique peut prononcer à son encontre, compte tenu de la gravité du manquement, et à la condition que celui-ci repose sur des faits distincts ou couvre une période distincte de ceux ayant déjà fait l’objet d’une mise en demeure, une des sanctions suivantes : […] 3° Une sanction pécuniaire assortie éventuellement d’une suspension de l’édition ou de la distribution du ou des services ou d’une partie du programme […] ». L’article 42-2 de cette même loi dispose que : « Le montant de la sanction pécuniaire doit être fonction de la gravité des manquements commis et en relation avec les avantages tirés du manquement, sans pouvoir excéder 3 % du chiffre d’affaires hors taxes, réalisé au cours du dernier exercice clos calculé sur une période de douze mois. Ce maximum est porté à 5 % en cas de nouvelle violation de la même obligation. ». Par ailleurs, aux termes de l’article 4-2-2 de la convention susvisée conclue entre le Conseil supérieur de l’audiovisuel et la Société d’exploitation d’un service d’information (SESI), le 27 novembre 2019 : « Si l’éditeur ne se conforme pas à une mise en demeure, [l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique] peut, dans les conditions prévues à l’article 42-1 de la loi du 30 septembre 1986 modifiée, prononcer contre l’éditeur une des sanctions suivantes : / 1° une sanction pécuniaire dans les conditions prévues à l’article 42-2 de la loi du 30 septembre 1986 modifiée […] ». L’article 4-2-4 de la même convention prévoit que : « Les pénalités contractuelles mentionnées aux articles 4-2-2 et 4-2-3 sont prononcées par [l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique] dans le respect des garanties fixées par les articles 42 et suivants de la loi du 30 septembre 1986 modifiée. ».

2. En deuxième lieu, aux termes du troisième alinéa de l’article 3-1 de la loi du 30 septembre 1986 susvisée, « l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique garantit l’honnêteté, l’indépendance et le pluralisme de l’information et des programmes qui y concourent, sous réserve de l’article 1er de [cette] loi » affirmant le principe de la liberté de la communication au public par voie électronique. Sur ce fondement, l’article 1er de la délibération du 18 avril 2018 susvisée dispose que l’éditeur « doit assurer l’honnêteté de l’information et des programmes qui y concourent. / […] / Il fait preuve de rigueur dans la présentation et le traitement de l’information. […] ». Par ailleurs, l’article 2-3-7 de la convention susvisée stipule que « l’exigence d’honnêteté s’applique à l’ensemble des programmes. L’éditeur respecte la délibération du Conseil supérieur de l’audiovisuel relative à l’honnêteté et à l’indépendance de l’information et des programmes qui y concourent ».

3. En troisième lieu, l’article 2-2-1 de la convention du 27 novembre 2019 susvisée stipule que : « L’éditeur est responsable du contenu des émissions qu’il diffuse. Il conserve en toutes circonstances la maîtrise de son antenne. ».

4. En quatrième lieu, par une décision du 10 mai 2022, la Société d’exploitation d’un service d’information (SESI) a été mise en demeure de respecter, à l’avenir, concernant le service CNews, d’une part, les dispositions précitées de l’article 1er de la délibération du 18 avril 2018 relatives à l’obligation d’honnêteté et de rigueur de l’information, ainsi que celles relatives à l’obligation de présentation honnête des questions prêtant à controverse, en particulier en assurant l’expression des différents points de vue, auxquelles renvoient les stipulations précitées de l’article 2-3-7 de la convention du 27 novembre 2019, et d’autre part, les stipulations précitées de l’article 2-2-1 de cette même convention relatives à l’obligation de maîtrise de l’antenne. Par ailleurs, par une seconde décision du 10 mai 2022, la Société d’exploitation d’un service d’information (SESI) a été mise en demeure de respecter, à l’avenir, concernant le service CNews, d’une part, les dispositions précitées de l’article 1er de la délibération du 18 avril 2018 relatives à l’obligation d’honnêteté et de rigueur de l’information, auxquelles renvoient les stipulations précitées de l’article 2-3-7 de la convention du 27 novembre 2019, et d’autre part, les stipulations précitées de l’article 2-2-1 de cette même convention relatives à l’obligation de maîtrise de l’antenne.

5. En dernier lieu, par une décision du 17 janvier 2024, la Société d’exploitation d’un service d’information (SESI) a été sanctionnée à raison de manquements aux dispositions précitées de l’article 1er de la délibération du 18 avril 2018 relatives à l’obligation d’honnêteté et de rigueur de l’information ainsi que celles relatives à l’obligation de présentation honnête des questions prêtant à controverse, auxquelles renvoient les stipulations précitées de l’article 2-3-7 de la convention du 27 novembre 2019.
Sur l’émission « En quête d’esprit » diffusée le 25 février 2024 :

6. Il ressort du compte rendu de visionnage de l’émission « En quête d’esprit » diffusée le 25 février 2024 qu’une séquence a été consacrée aux conséquences psychologiques de l’avortement. Durant cette séquence, le présentateur de l’émission a indiqué que l’interruption volontaire de grossesse (IVG) constituait « la première cause de mortalité dans le monde. Selon l’Institut Worldometer, 73 millions en 2022, soit 52 % des décès. » tandis qu’une infographie présentait l’avortement comme la première cause de « la mortalité dans le monde » avant le cancer et le tabac.

En ce qui concerne l’obligation d’honnêteté et de rigueur dans la présentation et le traitement de l’information :

7. Il ressort du compte rendu de visionnage de cette émission que le présentateur, s’appuyant sur une infographie diffusée à l’antenne, a présenté l’avortement comme une cause de mortalité.

8. Une partie de la séquence en cause assimile l’avortement à une cause de mortalité et, par voie de conséquence, l’embryon ou le fœtus qui n’a pu naître vivant en raison d’un avortement à une personne décédée alors même qu’en droit, ils ne sont pas considérés comme des personnes. L’avortement ne saurait donc être présenté comme une cause de mortalité. De surcroît, le présentateur et l’infographie appuient explicitement leurs propos sur le site « Worldometer » alors même que cette source se borne à indiquer que selon l’Organisation mondiale de la santé 73 millions d’avortements sont provoqués dans le monde tous les ans, cette dernière indiquant sur son site internet que l’avortement est une « intervention sanitaire courante » et que « l’avortement non sécurisé constitue l’une des principales causes – mais évitables – de décès maternels et de morbidité ». Par ailleurs, il ressort du visionnage que le présentateur a qualifié l’avortement de « première cause de mortalité dans le monde », se contentant de commenter l’infographie diffusée sans la critiquer. Cette affirmation, dont l’inexactitude manifeste n’est pas contestée par l’éditeur, n’a fait l’objet d’aucune contradiction de la part des autres personnes présentes en plateau. Dès lors, cette situation caractérise un manquement de l’éditeur aux stipulations précitées de l’article 2-3-7 de sa convention et aux dispositions précitées de l’article 1er de la délibération du 18 avril 2018, auxquelles il renvoie, selon lesquelles l’éditeur est tenu de faire preuve d’honnêteté et de rigueur dans la présentation et le traitement de l’information. Les allégations de l’éditeur selon lesquelles une erreur a conduit à la diffusion de la mauvaise version de la séquence sont sans incidence sur la caractérisation du manquement.
En ce qui concerne l’obligation de maîtrise de l’antenne :

9. Il ressort enfin du compte rendu de visionnage de cette émission qu’aucune personne présente en plateau n’a contredit les propos présentant l’avortement comme la première cause de mortalité dans le monde. Dès lors, la diffusion de cette séquence caractérise un manquement aux stipulations de l’article 2-2-1 de la convention du 27 novembre 2019 précitée.
Sur la sanction prononcée :

10. Au regard des manquements constitutifs d’une méconnaissance, d’une part, aux dispositions précitées de l’article 1er de la délibération du

18 avril 2018 relatives aux obligations d’honnêteté et de rigueur dans la présentation et le traitement de l’information auxquelles renvoient les stipulations précitées de l’article 2-3-7 de la convention du 27 novembre 2019 et, d’autre part, aux stipulations précitées de l’article 2-2-1 de cette même convention, il y a lieu de prononcer une sanction de 100 000 euros, à l’encontre de la Société d’exploitation d’un service d’information (SESI).

11. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de procéder également à la publication de la présente décision au Journal officiel de la République française ainsi que sur le site internet de l’Autorité.

Après en avoir délibéré,
Décide :

Article 1

Une sanction pécuniaire d’un montant de 100 000 euros est prononcée à l’encontre de la Société d’exploitation d’un service d’information (SESI). Cette somme sera affectée au Centre national du cinéma et de l’image animée en application de l’article L. 116-5 du code du cinéma et de l’image animée.

Article 2

La présente décision sera notifiée à la Société d’exploitation d’un service d’information (SESI) et publiée au Journal officiel de la République française ainsi que sur le site internet de l’Autorité.
Délibéré le 13 novembre 2024 par M. Roch-Olivier Maistre, président, M. Benoît Loutrel, Mme Juliette Théry, Mme Anne Grand d’Esnon, M. Denis Rapone, Mme Laurence Pécaut-Rivolier, Mme Bénédicte Lesage et M. Antoine Boilley, membres.

Date et signature(s)

Fait à Paris, le 13 novembre 2024.

Pour l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique :
Le président,
R.-O. Maistre