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Références
Publication : PUBLIĂ AU BULLETIN
Identifiant : ECLI:FR:CCASS:2022:C300733
DĂ©cision : Cassation partielle
ArrĂȘt : ArrĂȘt n° 733 FS-B
Mot clé : Construction immobiliÚre
Texte appliquĂ© : Article 1116 du code civil, dans sa rĂ©daction antĂ©rieure Ă celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 fĂ©vrier 2016, article L. 110-4 du code de commerce, dans sa rĂ©daction antĂ©rieure Ă celle issue de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008.
Source : Cour de cassation, troisiÚme chambre civile, 26 octobre 2022, n° 21-19.898
Faits et procédure
1. Selon l’arrĂȘt attaquĂ© (Agen, 26 mai 2021), par l’intermĂ©diaire de la sociĂ©tĂ© IFB France (le mandataire), M. [G] (l’acquĂ©reur) a acquis de la sociĂ©tĂ© Prestigium, aux droits de laquelle vient la sociĂ©tĂ© Edelis (le vendeur), par acte authentique de vente en l’Ă©tat futur d’achĂšvement du 13 octobre 2005, un appartement dans une rĂ©sidence Ă titre d’investissement immobilier locatif bĂ©nĂ©ficiant d’une dĂ©fiscalisation.
2. Il a financĂ© son acquisition Ă l’aide d’un prĂȘt immobilier souscrit auprĂšs de la sociĂ©tĂ© BNP Paribas Personal Finance (la sociĂ©tĂ© BNP Paribas) et assurĂ© auprĂšs de la sociĂ©tĂ© Axa France vie.
3. Il a donné le bien à bail commercial à la société Goelia gestion pour une durée de neuf ans à compter de la livraison intervenue le 23 juin 2006, moyennant un loyer annuel de 3 416 euros.
4. Le 16 octobre 2014, l’exploitant a notifiĂ© Ă l’acquĂ©reur son intention de rĂ©silier le bail aux conditions initiales en raison de la baisse de rentabilitĂ© de l’appartement.
5. Un nouveau bail a été conclu le 11 septembre 2015 pour un loyer fixé à 1 800 euros.
6. En mai et juillet 2016, l’acquĂ©reur, se plaignant d’une baisse de rentabilitĂ© et d’une surĂ©valuation de la valeur de son bien, a assignĂ© le vendeur, le mandataire et les sociĂ©tĂ©s BNP Paribas et Axa France vie en nullitĂ© pour dol de la vente et du prĂȘt, subsidiairement en indemnisation des prĂ©judices rĂ©sultant du manquement du vendeur et de son mandataire Ă leur devoir de conseil.
Moyens
7. L’acquĂ©reur fait grief Ă l’arrĂȘt de rejeter sa demande en nullitĂ© du contrat fondĂ©e sur le dol, alors « que la nullitĂ© de la convention est encourue lorsque les manoeuvres pratiquĂ©es volontairement par une des parties sont telles qu’il est Ă©vident que, sans elles, l’autre partie n’aurait pas contractĂ© ; que, pour Ă©carter le dol, l’arrĂȘt attaquĂ© s’est bornĂ© Ă retenir que l’opĂ©ration avait accru l’actif du patrimoine de l’acquĂ©reur, qui s’Ă©tait enrichi de la propriĂ©tĂ© de l’appartement et du montant des loyers, et que le passif de son patrimoine avait Ă©galement Ă©tĂ© diminuĂ© du fait des avantages fiscaux dont il avait bĂ©nĂ©ficiĂ©, de sorte que, Ă dĂ©faut de produire les justificatifs permettant de dĂ©terminer le montant effectif de ces avantages, il ne dĂ©montrait pas le dol allĂ©guĂ© ; qu’en statuant ainsi, sans rechercher, ainsi qu’elle y Ă©tait invitĂ©e, si le vendeur avait commis des manoeuvres dolosives en surĂ©valuant le prix d’achat du bien et des loyers par la conclusion d’un fonds de concours avec l’exploitant, en induisant en erreur l’acquĂ©reur sur la rentabilitĂ© du bien, auquel il avait fait croire que la valeur de celui-ci allait augmenter pendant toute la durĂ©e de l’opĂ©ration pour atteindre un prix Ă la revente trĂšs favorable, en dissimulant la cession Ă l’exploitant des locaux destinĂ©s Ă l’accueil et Ă la rĂ©ception, rĂ©duisant par la mĂȘme le potention locatif et vĂ©nal du lot acquis, et en occultant les risques rĂ©els de l’opĂ©ration en l’absence d’une analyse pertinente des prix du marchĂ© par un organisme indĂ©pendant, la cour d’appel a privĂ© sa dĂ©cision de toute base lĂ©gale au regard de l’article 1116 du code civil dans sa rĂ©daction antĂ©rieure Ă l’ordonnance n° 2016-56 du 29 janvier 2016. »
RĂ©ponse de la Cour de cassation
Vu l’article 1116 du code civil, dans sa rĂ©daction antĂ©rieure Ă celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 fĂ©vrier 2016 :
8. Selon ce texte, le dol est une cause de nullitĂ© de la convention lorsque les manoeuvres pratiquĂ©es par l’une des parties sont telles qu’il est Ă©vident que, sans ces manoeuvres, l’autre partie n’aurait pas contractĂ© ; il ne se prĂ©sume pas et doit ĂȘtre prouvĂ©.
9. Pour rejeter la demande, l’arrĂȘt retient que l’opĂ©ration a accru l’actif du patrimoine de l’acquĂ©reur, qui s’est enrichi de la propriĂ©tĂ© de l’appartement et du montant des loyers perçus durant neuf annĂ©es et que le passif a Ă©tĂ© diminuĂ©, puisque le dispositif lui ouvrait droit Ă la rĂ©cupĂ©ration de la taxe sur la valeur ajoutĂ©e sur le prix de vente, de sorte que l’acquĂ©reur, qui ne produit aucun justificatif permettant de dĂ©terminer le montant effectif des avantages fiscaux dont il a bĂ©nĂ©ficiĂ©, ne dĂ©montre pas le dol allĂ©guĂ©.
10. En se dĂ©terminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui Ă©tait demandĂ©, si, lors de la conclusion du contrat, l’acquĂ©reur n’avait pas Ă©tĂ© induit en erreur sur la rentabilitĂ© et la valeur du bien par des manoeuvres dolosives consistant en la conclusion d’un fonds de concours avec l’exploitant et la cession Ă celui-ci des locaux destinĂ©s Ă l’accueil et Ă la rĂ©ception de la rĂ©sidence, dissimulĂ©s Ă l’acquĂ©reur, ainsi qu’en l’absence d’analyse des prix du marchĂ© par un organisme indĂ©pendant, la cour d’appel n’a pas donnĂ© de base lĂ©gale Ă sa dĂ©cision.
(…)
DispositifÂ
PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu’il rejette l’exception d’irrecevabilitĂ© de l’assignation pour dĂ©faut de publicitĂ© fonciĂšre, l’arrĂȘt rendu le 26 mai 2021, entre les parties, par la cour d’appel d’Agen ;
Remet, sauf sur ce point, l’affaire et les parties dans l’Ă©tat oĂč elles se trouvaient avant cet arrĂȘt et les renvoie devant la cour d’appel de Bordeaux ;
Dit n’y avoir lieu de mettre hors de cause les sociĂ©tĂ©s BNP Paribas Personal Finance et Axa France vie ;
Condamne les sociétés Edelis et IFB France aux dépens ;
En application de l’article 700 du code de procĂ©dure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur gĂ©nĂ©ral prĂšs la Cour de cassation, le prĂ©sent arrĂȘt sera transmis pour ĂȘtre transcrit en marge ou Ă la suite de l’arrĂȘt partiellement cassĂ© ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisiÚme chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six octobre deux mille vingt-deux.