đŸŸ„ [ProcĂ©dure civile] La cour d’appel doit vĂ©rifier s’il existe un lien de dĂ©pendance entre deux chefs de jugement avant de constater l’absence d’effet dĂ©volutif pour l’un d’eux

Références

Publication : PUBLIÉ AU BULLETIN
Identifiant : ECLI:FR:CCASS:2022:C200588

DĂ©cision : Cassation partielle
ArrĂȘt : ArrĂȘt n° 588 FS-B
Mot clé : appel civil
Texte appliqué : Article 562, alinéa 1er du code de procédure civile, article 16, alinéa 3, du code de procédure civile.
Source : Cour de cassation, deuxiÚme chambre civile, 9 juin 2022, n° 20-16.239

Faits et procédure

1. Selon l’arrĂȘt attaquĂ© (Besançon, 10 mars 2020), mandatĂ© par le syndicat des copropriĂ©taires du [Adresse 7] pour effectuer certains travaux, M. [Z], gĂ©rant de la Sarl TP Est, a Ă©tĂ© blessĂ© Ă  la suite d’une chute survenue depuis une nacelle, prise en location auprĂšs de la sociĂ©tĂ© Most Location devenue MBBC, qui s’est dĂ©sĂ©quilibrĂ©e au moment de son intervention sur le parking d’un membre de la copropriĂ©tĂ© du [Adresse 7].

2. M. [Z] a assignĂ© devant un tribunal de grande instance les deux syndicats des copropriĂ©taires et la sociĂ©tĂ© Allianz, assureur du syndicat de la copropriĂ©tĂ© du [Adresse 7], aux fins de les condamner, sur le fondement de leur responsabilitĂ© civile, Ă  rĂ©parer les prĂ©judices subis. La sociĂ©tĂ© Axa IARD, assureur du second syndicat des copropriĂ©taires, est intervenue volontairement Ă  l’instance.

3. Par jugement du 16 juillet 2019, le tribunal a notamment dit que la demande de M. [Z] est recevable et fondĂ©e, mais sur les articles 1 et suivants de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985, mis hors de cause les sociĂ©tĂ©s d’assurance, Axa France IARD et Allianz, fixĂ© l’assiette des prĂ©judices, dĂ©boutĂ© les parties de leurs demandes plus amples ou contraires et ordonnĂ© la rĂ©ouverture des dĂ©bats en invitant M. [Z] Ă  justifier de tous Ă©lĂ©ments sur l’indemnisation Ă©ventuellement perçue par l’assureur de la nacelle ou des actions entreprises Ă  son encontre.

4. Par déclaration du 28 août 2019, M. [Z] a formé un appel puis, par acte du 22 octobre 2019, a assigné en intervention forcée la société Kiloutou, venant aux droits de la société MBBC, et son assureur, la société Axa France IARD.

Moyens

(…)
6. M. [Z] fait grief Ă  l’arrĂȘt de le dire irrecevable en ses demandes tendant Ă  remettre en cause le rĂ©gime juridique applicable au litige et les modalitĂ©s de fixation de ses prĂ©judices patrimoniaux et extra-patrimoniaux et, en consĂ©quence, de confirmer le jugement rendu le 16 juillet 2019 par le tribunal de grande instance de Besançon, en ce qu’il a mis hors de cause la sociĂ©tĂ© Axa France IARD, en sa qualitĂ© d’assureur de responsabilitĂ© civile immeuble et propriĂ©taire d’immeuble du syndicat des copropriĂ©taires de l’immeuble du [Adresse 7] et mis hors de cause la sociĂ©tĂ© Allianz en sa qualitĂ© d’assureur de responsabilitĂ© civile immeuble et propriĂ©taire d’immeuble du syndicat des copropriĂ©taires de l’immeuble du [Adresse 7], alors « que l’appel dĂ©fĂšre Ă  la cour la connaissance des chefs de jugement qu’il critique expressĂ©ment et de ceux qui en dĂ©pendent ; qu’en l’espĂšce, l’acte d’appel limitĂ© de M. [Z] a critiquĂ© le dispositif du jugement rendu le 16 juillet 2019 par le tribunal de grande instance de Besançon en ce qu’il a mis hors de cause les sociĂ©tĂ©s Axa France et Allianz en leurs qualitĂ©s respectives d’assureurs des syndicats de copropriĂ©taires des [Adresse 7] ; que cette critique, comme l’a soutenu M. [Z], impliquait nĂ©cessairement celle du chef de dispositif du jugement qui a dit sa demande recevable exclusivement sur le fondement des dispositions de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 ; qu’en effet, la mise hors de cause des assureurs n’a rĂ©sultĂ© que du choix de ce fondement, la garantie qu’ils apportaient aux syndicats ayant pour objet de couvrir, non des sinistres rĂ©sultant d’un accident de la circulation, mais des accidents rĂ©sultant de la « responsabilitĂ© civile immeuble et propriĂ©taires d’immeuble » ; qu’en jugeant dĂšs lors que la demande de M. [Z] tendant Ă  remettre en cause le rĂ©gime juridique applicable au litige Ă©tait irrecevable, au seul motif que le chef du dispositif du jugement ayant retenu l’application de la loi du 5 juillet 1985 n’Ă©tait pas visĂ© par son acte d’appel, sans rechercher, comme elle y Ă©tait invitĂ©e, et comme la loi le lui imposait, s’il n’existait pas un lien de « dĂ©pendance » nĂ©cessaire entre le chef du jugement portant sur la mise hors de cause des assureurs, dont il Ă©tait fait appel, et le chef du jugement ayant dĂ©cidĂ© que l’indemnisation de M. [Z] reposait sur la seule loi susvisĂ©e, la cour a privĂ© sa dĂ©cision de base lĂ©gale au regard de l’article 562 alinĂ©a 1 du code de procĂ©dure civile. »

RĂ©ponse de la Cour de cassation

Vu l’article 562, alinĂ©a 1er du code de procĂ©dure civile :

7. Selon ce texte, l’appel ne dĂ©fĂšre Ă  la cour d’appel que la connaissance des chefs de jugement qu’il critique expressĂ©ment et de ceux qui en dĂ©pendent, lesquels s’entendent de tous ceux qui sont la consĂ©quence des chefs de jugement expressĂ©ment critiquĂ©s.

8. Pour dire irrecevable M. [Z] en ses demandes tendant Ă  remettre en cause le rĂ©gime juridique applicable au litige, l’arrĂȘt constate qu’il a expressĂ©ment limitĂ© son appel Ă  la mise hors de cause des sociĂ©tĂ©s Allianz et Axa France IARD en qualitĂ© d’assureurs des syndicats des copropriĂ©taires.

9. L’arrĂȘt relĂšve que M. [Z] invoque Ă  son bĂ©nĂ©fice l’alinĂ©a 1er de l’article 562 et prĂ©tend qu’en critiquant la seule mise hors de cause des assureurs, il a nĂ©cessairement critiquĂ© l’application de la loi du 5 juillet 1985.

10. Il retient que cet argument est inopĂ©rant puisque l’appelant s’est abstenu de critiquer la disposition du jugement dĂ©fĂ©rĂ© disant que la demande de M. [Z] est recevable et fondĂ©e mais sur les articles 1 et suivant de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985.

11. En se dĂ©terminant ainsi, sans rechercher s’il existait un lien de dĂ©pendance entre les chefs de jugement portant sur la mise hors de cause des assureurs et le chef de jugement ayant tranchĂ© le rĂ©gime de responsabilitĂ© applicable, la cour d’appel qui, au surplus, ne pourrait que constater l’absence d’effet dĂ©volutif sur ce point, n’a pas donnĂ© de base lĂ©gale Ă  sa dĂ©cision.
(…)

Dispositif 

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il dit M. [Z] irrecevable en ses demandes tendant Ă  remettre en cause le rĂ©gime juridique applicable au litige et les modalitĂ©s de fixation de ses prĂ©judices patrimoniaux et extra-patrimoniaux, en ce qu’il confirme le jugement ayant mis hors de cause les sociĂ©tĂ©s Axa France IARD et Allianz en leurs qualitĂ©s d’assureurs des syndicats de copropriĂ©taires du [Adresse 7], et en ce qu’il dĂ©boute M. [Z] de ses demandes formĂ©es Ă  l’encontre de la sociĂ©tĂ© Kiloutou et de la sociĂ©tĂ© Axa France IARD, intervenante forcĂ©e, prise « en sa qualitĂ© prĂ©sumĂ©e » d’assureur de la sociĂ©tĂ© Kiloutou, l’arrĂȘt rendu le 10 mars 2020, entre les parties, par la cour d’appel de Besançon, ainsi que les chefs de dispositif relatifs aux dĂ©pens et Ă  l’article 700 du code de procĂ©dure civile ;

DIT n’y avoir lieu de mettre hors de cause la sociĂ©tĂ© Axa France IARD, en qualitĂ© d’assureur du syndicat de copropriĂ©tĂ© du [Adresse 7], la sociĂ©tĂ© Allianz, en qualitĂ© d’assureur du syndicat de copropriĂ©tĂ© de l’immeuble [Adresse 7], et le syndicat des copropriĂ©taires de l’immeuble [Adresse 7] ;

Remet, sur ces points, l’affaire et les parties dans l’Ă©tat oĂč elles se trouvaient avant cet arrĂȘt et les renvoie devant la cour d’appel de Lyon ;

Condamne le syndicat des copropriĂ©taires de l’immeuble [Adresse 7], le syndicat des copropriĂ©taires de l’immeuble [Adresse 7], la sociĂ©tĂ© Allianz, l’union de recouvrement des cotisations de sĂ©curitĂ© sociale et d’allocations familiales (URSSAF) de Franche-ComtĂ© anciennement dĂ©nommĂ©e RSI de Franche-ComtĂ©, la sociĂ©tĂ© Axa France IARD prise en qualitĂ© d’assureur du syndicat de copropriĂ©tĂ© de l’immeuble [Adresse 7], la sociĂ©tĂ© Axa France IARD prise en qualitĂ© d’assureur de la sociĂ©tĂ© Kiloutou et la sociĂ©tĂ© Kiloutou aux dĂ©pens ;

En application de l’article 700 du code de procĂ©dure civile, rejette les demandes de la sociĂ©tĂ© Axa France IARD, prise en qualitĂ© d’assureur du syndicat de copropriĂ©tĂ© de l’immeuble [Adresse 7], de la sociĂ©tĂ© Allianz et du syndicat des copropriĂ©taires de l’immeuble [Adresse 7], de la sociĂ©tĂ© Kiloutou et de la sociĂ©tĂ© Axa France IARD, prise en qualitĂ© d’assureur de la sociĂ©tĂ© Kiloutou, et les condamne Ă  payer Ă  M. [Z] la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur gĂ©nĂ©ral prĂšs la Cour de cassation, le prĂ©sent arrĂȘt sera transmis pour ĂȘtre transcrit en marge ou Ă  la suite de l’arrĂȘt partiellement cassĂ© ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxiÚme chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf juin deux mille vingt-deux.